TJ STRASBOURG (cont. com.), 27 juin 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24158
TJ STRASBOURG (cont. com.), 27 juin 2025 : RG n° 20/00440
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l’occurrence, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE soutient la nullité du contrat de location en se fondant sur les dispositions du Code de la consommation, notamment en raison de l’absence de délivrance d’informations précontractuelles et de l’absence de fourniture d’un bordereau de rétractation.
Toutefois, la défenderesse ne fournit au tribunal aucune information quant au nombre de personnes qu’elle emploie. Dans un courrier électronique du 9 octobre 2018 versé aux débats, il est fait mention d’une « chasse », même sur les petites sommes d’argent, afin de « payer [le] personnel à la fin du mois ». Il s’en déduit que la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE dispose effectivement de salariés, mais il ne peut en aucun cas être déterminé, eu égard à l’absence de pièces produites sur ce point, si leur nombre est inférieur ou égal à cinq, comme exigé par le texte. Cette condition sera donc considérée comme n’étant pas remplie, ne rendant pas nécessaire l’examen des autres conditions du fait de leur caractère cumulatif. »
2/ « L’article 1186 alinéa 2 du Code civil prévoit que, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution d’un contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. Il est constant que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l’exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l’un d’eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
En l’espèce, en l’absence de résiliation du contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance conclu avec la société FAIRCOM, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ne peut pas se prévaloir de la disparition d’un contrat interdépendant avec le contrat de location litigieux, sans que la question de l’interdépendance ou non des contrats doive être traitée. Dès lors, il n’y a pas lieu de constater la caducité du contrat de location n°83-35798. En l’absence de caducité, la défenderesse sera déboutée de sa demande reconventionnelle de restitution des loyers. »
3/ « Mais pour s’opposer au paiement des sommes sollicitées par la demanderesse, elle invoque l’article 1171 du Code civil considérant que l’article 11 des conditions générales du contrat de location prévoyant les conséquences financières de la résiliation anticipée crée un déséquilibre significatif. Selon cette stipulation contractuelle, le locataire reste tenu de payer au bailleur les loyers échus, les intérêts de retard de paiement et les loyers à échoir jusqu’au terme initialement prévu pour la période contractuelle en cours majorés de 10% à titre de sanction.
Cependant, cette clause tendant à contraindre le locataire à respecter le contrat et à indemniser le bailleur du préjudice qu’il subit par suite de la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers et constituant la contrepartie du financement du matériel fourni, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Cette stipulation trouve donc à s’appliquer en l’espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
CONTENTIEUX COMMERCIAL
JUGEMENT DU 27 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 20/00440 - N° Portalis DB2E-W-B7E-JXPU.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats qui ont délibéré : - Delphine MARDON, Vice-Présidente, Président, - Dohan TOLUM, Juge consulaire, Assesseur, - Stéphane WERNERT, Juge consulaire, Assesseur.
Greffier lors de l’audience : Inès WILLER
DÉBATS : À l'audience publique du 21 mars 2025 à l’issue de laquelle le Président a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 30 mai 2025, prorogé à la date du 27 juin 2025 ;
JUGEMENT : - déposé au greffe le 27 juin 2025, - contradictoire et en premier ressort, - signé par Delphine MARDON, Vice-Présidente, et par Isabelle JAECK, Greffier lors de la mise à disposition ;
DEMANDERESSE :
SAS GRENKE LOCATION
prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Zahra AGBO-KHAFFANE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
DÉFENDERESSE :
SAS THÉÂTRE DE LA GAÏTÉ MONTPARNASSE
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 2], [Localité 5], représentée par Maître Valérie BACH de la SELARL WELSCH-KESSLER & ASSOCIES, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
* Exposé des faits et de la procédure :
Le 26 janvier 2018, la société GRENKE LOCATION et la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ont conclu un contrat de location longue durée n°83-35798 portant sur du matériel téléphonique, soit un PABX et sept postes numériques ALCATEL 8039. Le contrat prévu pour une durée de 63 mois fixait le loyer trimestriel à 690 euros HT.
La société FAIRCOM, fournisseur, a procédé à la livraison du matériel le 22 janvier 2018.
La société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE a également souscrit un service de téléphonie fixe et maintenance auprès de la société FAIRCOM suivant bon de commande du 10 janvier 2018. Elle expose la survenance de nombreux manquements commis par cette dernière dans la mise à disposition des abonnements téléphoniques et la maintenance de ce service, à la suite desquels elle a résilié ce contrat en octobre 2018.
À compter du mois de janvier 2019, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE n’a plus honoré le paiement des loyers. La société GRENKE LOCATION l’a alors mise en demeure de régler les loyers échus impayés par courrier du 14 mars 2019. En l’absence de régularisation, la bailleresse a résilié le contrat par courrier recommandé du 16 avril 2019, la mettant en demeure de payer les arriérés et de restituer le matériel loué.
Le 12 juillet 2019, la locataire a restitué le matériel objet du contrat de location et a procédé à un règlement à hauteur de 2 350,28 euros.
En l’absence de règlements complémentaires, par acte délivré par huissier de justice remis à étude à la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE le 11 février 2020, la SAS GRENKE LOCATION a saisi la chambre du contentieux commercial du Tribunal judiciaire de STRASBOURG d’une action en paiement de loyers échus et indemnité de résiliation.
L’ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état le 03 décembre 2024.
L’affaire a été fixée pour plaidoirie à l’audience collégiale du 21 mars 2025, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 30 mai 2025, prorogée au 27 juin 2025, date du présent jugement.
* Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions récapitulatives n°4 du 6 août 2024 notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le même jour, et au visa des articles 1709 et 1728-2° du Code civil et de l’article 514 du Code de procédure civile, la SAS GRENKE LOCATION demande au tribunal de :
- déclarer la demande de la société GRENKE LOCATION recevable et bien fondée ;
- débouter la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE à lui payer la somme en principal de 11.930,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 11.908 euros à compter du 16.04.2019, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
À titre subsidiaire, en cas de nullité ou de caducité du contrat de location,
- condamner la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE à lui payer la somme de 15.210 euros TTC correspondant au prix du matériel, et la somme de 1.815 euros, correspondant au bénéfice escompté au titre du contrat de location, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;
- condamner la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE à lui payer une indemnité de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus ;
- condamner la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE aux entiers frais et dépens de la procédure ;
- déclarer et à tout le moins rappeler que le jugement à intervenir exécutoire par provision sans caution, au besoin moyennant caution.
Rappelant son rôle purement financier, la société GRENKE LOCATION considère qu’elle a rempli ses obligations contractuelles à l’égard de la défenderesse justifiant ses demandes en paiement. Elle conclut à l’absence de réduction de la clause pénale, écartant l’argument lié à la restitution du matériel par la défenderesse.
En réponse aux arguments de la défenderesse, elle soutient que les dispositions du Code de la consommation invoquées pour obtenir la nullité du contrat de location ne sont pas applicables à la cause. Rappelant les conditions d’application, elle souligne que ce contrat n’a pas été conclu hors établissement en la présence simultanée des parties, que la défenderesse ne rapporte pas la preuve de son nombre de salariés au jour de la souscription du contrat et que ce contrat entre dans le champ d’activité principale de la défenderesse en ce qu’il est indispensable à l’exercice de son activité commerciale.
La demanderesse argue que la locataire ne pouvait pas ignorer la conclusion du contrat de location puisqu’elle lui a adressé un échéancier des loyers dus et des factures dès le 31 janvier 2018 et que la locataire a signé la confirmation de livraison mentionnant la dénomination sociale de GRENKE LOCATION et reprenant le montant des loyers, la durée du contrat et le matériel loué.
Concernant les prélèvements effectués sur le compte de la société LOVESTE, elle conteste avoir commis une erreur ou avoir eu un comportement frauduleux, et au contraire l’impute au gérant de la locataire qui a transmis le mauvais IBAN et n’a pas fait suite à son envoi d’un nouveau mandat SEPA vierge.
Relativement à la demande de caducité du contrat de location, elle fait valoir qu’il n’existe aucune interdépendance entre le contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance que la défenderesse a conclu avec la société FAIRCOM et le contrat de location. En effet, rappelant le processus contractuel, elle indique qu’elle n’avait pas connaissance de ce contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance et dès lors de l’opération d’ensemble, au moment de donner son consentement. À ce titre, elle relève que la case à côté de laquelle est indiqué « le locataire informe GRENKE LOCATION de la conclusion d’un contrat de maintenant/entretien avec le fournisseur pour le matériel/logiciel loué » n’a pas été cochée.
Elle retient que les manquements de la société FAIRCOM allégués par la défenderesse et liés à la résiliation du contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance ne lui sont pas opposables, tout en précisant ne pas se prononcer sur le fond de ces manquements. Elle ajoute que la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE avait la possibilité de faire assurer la prestation de service par une autre société et ainsi de continuer à utiliser le matériel loué, exposant que c’est précisément ce qu’elle a fait.
Elle soutient que l’absence à la cause du fournisseur interdit à la juridiction de prononcer la caducité du contrat de location, invoquant la jurisprudence et l’article 14 du Code de procédure civile.
Elle conteste l’existence d’un contrat de mandat la liant au fournisseur.
Enfin, elle affirme que le contrat de location ne comporte aucune clause instituant un déséquilibre significatif des droits et obligations entre les parties. Elle relève d’ailleurs que l’article 11 relatif à l’indemnité de résiliation et pour lequel la défenderesse invoque le déséquilibre porte sur l’adéquation du prix à la prestation et est donc exclu du champ d’application de l’article 1171 alinéa 2 du Code civil.
À titre subsidiaire, en cas de nullité ou de caducité du contrat de location, la société GRENKE LOCATION sollicite la condamnation de la défenderesse sur le fondement de la responsabilité délictuelle en ce qu’elle a commis une faute en signant la confirmation de livraison assurant de la réception d’un matériel conforme aux stipulations contractuelles et en parfait état de fonctionnement et en alléguant ensuite le contraire en justice.
Elle évalue son préjudice au prix décaissé pour l’achat du matériel et à sa perte de chance de réaliser une marge.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 19 novembre 2024, la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE demande au tribunal de :
Vu le contrat de location financière en date du 26 janvier 2018 souscrit par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE auprès de la société GRENKE LOCATION,
Vu les dispositions de l’article L. 221-3 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l’article L. 221-1 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l’article L. 221-5 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l’article L. 221-7 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l’article L. 221-8 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l’article L. 221-9 du Code de la consommation,
- prononcer la nullité du contrat en date du 26 janvier 2018 souscrit entre la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE et GRENKE LOCATION, faute de respect par cette dernière de l’ensemble des informations précontractuelles lui incombant au titre des contrats souscrits hors établissement, et faute de fourniture d’un bon de rétractation, en violation des dispositions applicables du Code de la consommation ;
- condamner la société GRENKE LOCATION à lui restituer la somme de 8 974,28 euros TTC, correspondant aux termes locatifs courant de janvier 2018 à juillet 2019, versés par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ;
Vu le contrat en date du 10 janvier 2018 souscrit par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE avec la société FAIRCOM portant sur un abonnement d’un service de téléphonie,
Vu le bon de commande en date du 10 janvier 2018 portant sur la commande de matériels et de maintenance souscrit par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE auprès de la société FAIRCOM,
Vu les manquements commis par la société FAIRCOM,
Vu l’email de la société FAIRCOM en date du 9 octobre 2018 actant de la résiliation des conventions souscrites entre la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE et la société FAIRCOM,
Vu l’interdépendance des conventions souscrites entre les parties,
Vu les dispositions de l’article 1186 du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 1171 du Code civil,
Vu le déséquilibre significatif,
- dire et juger interdépendants la convention souscrite par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE avec la société FAIRCOM et le contrat de location souscrit par la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE avec la société GRENKE LOCATION ;
- dire et juger nulle et de nul effet toute clause du contrat de location souscrit avec la société GRENKE LOCATION, ayant pour objet de déroger à l’interdépendance des contrats, ou faisant peser sur la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE un déséquilibre significatif.
- dire et juger que la société FAIRCOM a acquiescé à la résiliation fautive de la convention de prestations de services d’abonnement de téléphonie fixe à effet d’octobre 2018 ;
- dire et juger qu’en conséquence de la résiliation fautive du contrat souscrit avec la société FAIRCOM, le contrat souscrit avec la société GRENKE LOCATION est frappé de caducité à compter d’octobre 2018 ;
- débouter en conséquence la société GRENKE LOCATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme irrecevables et mal fondées, et notamment toute demande relative au règlement d’une indemnité de résiliation, ou de termes locatifs postérieurs à la caducité du contrat prononcée au détriment de la société GRENKE LOCATION ;
- condamner la société GRENKE LOCATION à restituer à la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE la somme de 460 euros HT, soit 552 euros TTC pour les mois de novembre et décembre 2018, outre la somme de 2 350,28 euros versée au titre de l’année 2019 ;
- débouter la société GRENKE LOCATION de ses demandes indemnitaires qui seront considérées comme une clause pénale manifestement excessive, ensuite du déséquilibre significatif imposé à la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ;
- condamner la société GRENKE LOCATION à régler à la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE la somme de 5,000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- dire n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir, dans l’hypothèse selon laquelle la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE serait condamnée à régler des sommes au profit de la société GRENKE LOCATION ;
- condamner la société GRENKE LOCATION aux entiers dépens de l’instance.
La société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE fait valoir que la société GRENKE LOCATION est tenue d’une obligation d’information préalable à la conclusion du contrat de location qu’elle n’a pas exécutée puisque ce contrat a été négocié par le fournisseur. Elle sollicite alors la nullité du contrat de location en raison du non-respect par la bailleresse des dispositions du Code de la consommation relatives à l’information préalable devant être fournie, et à l’exercice du droit de rétractation. Elle souligne que le contrat n’était pas accompagné d’un bon de rétractation.
Elle se réfère à des décisions de cours d’appel qui ont constaté la nullité de l’ensemble des conventions souscrites, au visa de l’article L. 121-18-2 ancien du Code de la consommation imposant l’insertion d’un bon de rétractation pour tout contrat souscrit à distance.
À titre subsidiaire, invoquant l’article 1186 du Code civil et la jurisprudence y relative, la défenderesse soutient l’interdépendance des contrats qu’elle a conclus avec les sociétés GRENKE LOCATION et FAIRCOM dans le cadre d’une seule et même opération économique relative à la mise en place d’un système de téléphonie et rappelle que ni les clauses prétendant à une indépendance de chacun des contrats souscrits ni celles aménageant la résiliation ne trouvent à s’appliquer. Elle dénie à la demanderesse la possibilité d’invoquer son ignorance de l’existence du contrat de maintenance pour écarter l’interdépendance des contrats.
Elle se prévaut alors de la résiliation du contrat de maintenance souscrit auprès du fournisseur et donc de la caducité du contrat de location en découlant à compter d’octobre 2018. Elle précise que la résiliation a fait suite aux manquements contractuels de la société FAIRCOM et que cette dernière a accepté le principe de la résiliation dans un courrier qu’elle produit.
En outre, elle avance que la société GRENKE LOCATION ne peut pas arguer du maintien du contrat de location postérieurement à la résiliation du contrat de maintenance et donc d’une résiliation de ce contrat survenue suite à l’envoi de sa mise en demeure. Elle souligne que, dans ce cas, le bailleur est mal fondé à solliciter la condamnation du locataire à verser l’indemnité contractuelle de résiliation.
Elle s’oppose aux affirmations de la bailleresse selon lesquelles d’une part le prestataire de services pouvait être modifié, et d’autre part la résiliation aux torts de la société FAIRCOM n’est pas établie.
Enfin, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE invoque l’article 1171 du Code civil relatif au déséquilibre significatif en considérant qu’il s’applique aux contrats commerciaux lorsqu’ils ne relèvent pas de l’article L. 442-6 du Code de commerce et que l’article 11 du contrat de location est contraire à cette disposition.
Relativement à la demande subsidiaire de la société GRENKE LOCATION tendant à engager sa responsabilité extracontractuelle en cas de nullité ou de caducité du contrat de location, la défenderesse soutient qu’elle n’a pas commis de faute en signant la confirmation de livraison puisqu’à cette date le matériel ne présentait pas de dysfonctionnements ni causait de préjudice à la demanderesse. Elle ajoute que seul le fournisseur est le responsable de la caducité de l’ensemble contractuel et doit répondre de ses fautes à l’égard de la demanderesse.
[*]
À titre reconventionnel, elle sollicite la restitution des loyers réglés entre les mois de novembre 2018 et juillet 2019.
En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur l’applicabilité du Code de la consommation au contrat de location :
Aux termes de l’article L. 221-3 du Code de la consommation, les dispositions du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En l’occurrence, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE soutient la nullité du contrat de location en se fondant sur les dispositions du Code de la consommation, notamment en raison de l’absence de délivrance d’informations précontractuelles et de l’absence de fourniture d’un bordereau de rétractation.
Toutefois, la défenderesse ne fournit au tribunal aucune information quant au nombre de personnes qu’elle emploie. Dans un courrier électronique du 9 octobre 2018 versé aux débats, il est fait mention d’une « chasse », même sur les petites sommes d’argent, afin de « payer [le] personnel à la fin du mois ». Il s’en déduit que la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE dispose effectivement de salariés, mais il ne peut en aucun cas être déterminé, eu égard à l’absence de pièces produites sur ce point, si leur nombre est inférieur ou égal à cinq, comme exigé par le texte. Cette condition sera donc considérée comme n’étant pas remplie, ne rendant pas nécessaire l’examen des autres conditions du fait de leur caractère cumulatif.
Par conséquent, le contrat de location conclu entre les sociétés THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE et GRENKE LOCATION n’est pas soumis au Code de la consommation et la demande de nullité sera donc rejetée, ainsi que la demande de restitution des loyers en découlant.
* Sur la résiliation du contrat de maintenance :
Aux termes de l’article 1224 du Code civil, la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Concernant la résiliation unilatérale, l’article 1226 du même code précise que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
En l’espèce, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE soutient que le contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance conclu avec la société FAIRCOM est résolu. Elle avance, en s’appuyant sur un courrier électronique du fournisseur reçu le 09 octobre 2018, que la résiliation fautive a été admise par ce dernier.
Ce courriel doit être mis en lien avec le courrier électronique de la défenderesse datant du même jour dont il constitue la réponse.
En effet, dans son message envoyé à la société FAIRCOM le 9 octobre 2018, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE écrit avoir « besoin d’une preuve de votre part que si nous quittons FAIRCOM, vous n’allez pas nous facturer quelque chose derrière. ». Selon la pièce n°10 produite en défense qui ne restitue pas l’intégralité du message, cette phrase est l’unique mention de la fin de la relation contractuelle entre les deux sociétés, au titre de laquelle le tribunal ne peut que constater qu’est seulement énoncé un souhait conditionné de résoudre le contrat de la part de la défenderesse.
Dans sa réponse, parvenue à peine 3 heures après, le fournisseur confirme que « si vous souhaitez quitter FAIRCOM pour les contrats opérateurs / abonnements téléphoniques, nous ne vous demanderons aucun frais de résiliation anticipée à une condition, que votre entreprise s’engage à ne plus réclamer quoique ce soit auprès de FAIRCOM à l’avenir en ce qui concerne des abonnements, factures ou lignes téléphoniques… ». Surtout, il termine son message en écrivant « Je vous demande donc de bien vouloir me faire parvenir la confirmation de votre souhait de nous quitter par email afin de retourner chez ORANGE, et ce, en précisant que FAIRCOM ne recevra plus aucune réclamation de votre part. Je vous confirmerai par la suite, avec le plus grand plaisir, mon accord afin de nous quitter (FAIRCOM) sans aucun frais ». Il en ressort que si la résiliation a effectivement été évoquée entre les parties et soumise à une condition, pour qu’elle puisse être actée, il était encore attendu de la part de la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE l’expression d’une volonté claire par laquelle elle sollicitait la résiliation et acceptait par la même occasion de ne plus formuler de réclamation à l’encontre du fournisseur.
Ainsi, contrairement à ce qu’avance la défenderesse, en l’état et avec ces seuls éléments, il ne peut pas être constaté que le fournisseur a accepté la résiliation du contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance, peu important les différents manquements contractuels qui lui sont reprochés.
* Sur la caducité du contrat de location :
L’article 1186 alinéa 2 du Code civil prévoit que, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution d’un contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
Il est constant que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l’exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l’un d’eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
En l’espèce, en l’absence de résiliation du contrat d’abonnement téléphonique et de maintenance conclu avec la société FAIRCOM, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ne peut pas se prévaloir de la disparition d’un contrat interdépendant avec le contrat de location litigieux, sans que la question de l’interdépendance ou non des contrats doive être traitée.
Dès lors, il n’y a pas lieu de constater la caducité du contrat de location n°83-35798. En l’absence de caducité, la défenderesse sera déboutée de sa demande reconventionnelle de restitution des loyers.
* Sur la demande en paiement :
Selon les articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes de l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de l’obligation.
En l’espèce, alors que la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE était tenue, en vertu du contrat de location, de payer les loyers à échéance trimestrielle, elle a manqué à cette obligation à compter du mois de janvier 2019. À la suite de quoi, la bailleresse lui a adressé une mise en demeure, par courrier recommandé du 14 mars 2019, qui est demeurée infructueuse.
Il résulte de ces éléments que la locataire étant défaillante dans le paiement des loyers, la société GRENKE LOCATION a résilié le contrat conformément à l’article 10 de ses conditions générales, par courrier recommandé du 16 avril 2019.
Soutenant la nullité et la caducité du contrat de location, précédemment écartées, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de s’être acquittée des sommes dues au titre de ce contrat, malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées.
Mais pour s’opposer au paiement des sommes sollicitées par la demanderesse, elle invoque l’article 1171 du Code civil considérant que l’article 11 des conditions générales du contrat de location prévoyant les conséquences financières de la résiliation anticipée crée un déséquilibre significatif.
Selon cette stipulation contractuelle, le locataire reste tenu de payer au bailleur les loyers échus, les intérêts de retard de paiement et les loyers à échoir jusqu’au terme initialement prévu pour la période contractuelle en cours majorés de 10% à titre de sanction.
Cependant, cette clause tendant à contraindre le locataire à respecter le contrat et à indemniser le bailleur du préjudice qu’il subit par suite de la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers et constituant la contrepartie du financement du matériel fourni, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Cette stipulation trouve donc à s’appliquer en l’espèce.
En conséquence, au regard du contrat de location et notamment de ses articles 10 et 11, la société GRENKE LOCATION est bien fondée à solliciter les sommes de :
- 1.656 euros au titre des impayés de loyers échus,
- 16,04 euros au titre des intérêts sur ces impayés au taux conventionnel de 5,86% dus au 16 avril 2019,
- 11.040 euros correspondant au total des loyers hors taxes à échoir jusqu’au terme initialement prévu du contrat,
- 40 euros au titre des frais de recouvrement.
Comme admis par la demanderesse, la somme de 2.350,28 euros doit être retranchée en ce qu’elle a été réglée par la locataire postérieurement à la résiliation.
De ce fait, la société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE sera condamnée à payer à la demanderesse la somme globale de 10 401,76 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2019.
En application de l’article 1343-2 du Code civil, il convient de dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts au taux légal, à la condition qu’il s’agisse d’intérêts dus pour une année entière.
En revanche, il y a lieu de considérer que la majoration de 10% de l’indemnité de résiliation en ce qu’elle va au-delà de la rentabilité espérée de l’opération financière, est manifestement excessive et doit être écartée.
Et en l’absence de justificatif concernant l’assurance mise en compte, il n’y a pas lieu de condamner la défenderesse à ce titre.
En conséquence de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner la demande subsidiaire de la société GRENKE LOCATION.
* Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :
Il est fait droit pour l’essentiel à la demande de la société GRENKE LOCATION et la défenderesse sera condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
La partie défenderesse étant condamnée aux dépens, il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais engagés par elle à l’occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.
La société THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE sera donc condamnée à lui régler la somme de 2,000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’article 514 du Code de procédure civile prévoit que l’exécution provisoire des décisions de première instance est de droit, sauf disposition légale contraire. Toutefois, le juge peut écarter l’exécution provisoire s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
En l’espèce, la défenderesse fait valoir qu’elle subit depuis le début de l’année 2020 les conséquences économiques liées à la crise sanitaire du COVID-19, faisant plutôt écho à une demande de délais de paiement. Quoiqu’il en soit, elle ne fournit aucune information chiffrée sur sa situation financière récente, notamment des documents comptables pour les années 2023 et 2024, l’ordonnance de clôture étant intervenue le 3 décembre 2024.
Et le tribunal n’identifie aucun élément lié à la nature du contentieux en cause permettant de justifier la mise à l’écart de l’exécution provisoire.
Par conséquent, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du jugement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE de sa demande de nullité du contrat de location fondée sur les dispositions du Code de la consommation ;
DÉBOUTE la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE de sa demande de restitution des loyers fondée sur la caducité du contrat de location ;
CONDAMNE la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE à payer à la SAS GRENKE LOCATION au titre du contrat de location n°83-35798, la somme de 10 401,76 euros (dix mille quatre cent un euros et soixante-seize centimes) majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2019 ;
DIT que les intérêts échus dus pour une année complète seront capitalisés ;
CONDAMNE la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE aux dépens ;
CONDAMNE la SAS THÉÂTRE DE LA GAÎTÉ MONTPARNASSE à payer à la SAS GRENKE LOCATION une somme de 2,000 euros (deux milles euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE le surplus des demandes ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement.
Le Greffier, Le Président,
Isabelle JAECK Delphine MARDON