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TJ RENNES (1re ch. civ.), 30 juin 2025

Nature : Décision
Titre : TJ RENNES (1re ch. civ.), 30 juin 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Rennes
Demande : 20/03841
Date : 30/06/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24222

TJ RENNES (1re ch. civ.), 30 juin 2025 : RG n° 20/03841 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il convient d'observer que, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

En l'espèce, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam dispose de la qualité de propriétaire du bien mis en location. A l'issue du contrat, point 15. le locataire dispose pour seule option de restituer le bien au bailleur ou de renouveler la location. Aucune option ne lui permet d'acquérir le bien à l'issue du contrat. Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.

Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions. En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les’opérations connexes' que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.

De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales. A ce sujet, invitée par le tribunal à se prononcer sur les dispositions précitées, la société Locam n'oppose aucun moyen.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par Le GAEC. »

2/ « Le GAEC est un exploitant agricole. Aucun élément du dossier ne vient confirmer que l'activité principale du GAEC était de l'élevage et aucun élément du dossier ne permet de situer le lieu de l'installation. Le contrat porte sur la location de matériel d'éclairage (batterie et 15 néons).

En premier lieu, il n'est pas contesté que le contrat a été souscrit dans les locaux du GAEC suivant un démarchage satisfaisant à la condition de contrat conclu hors établissement.

En second lieu, l'article 2 des conditions de vente sur l'objet du contrat stipule que l'abonné (le GAEC) peut diminuer la puissance souscrite, optimiser son contrat d'électricité, disposer d'une puissance supplémentaire ou réaliser une optimisation de l'énergie. En dépit du fait que le contrat précise que les effets économiques ne sont pas garantis, il n'en demeure pas moins que l'objet du contrat porte sur la réduction de la consommation d'électricité de l'exploitation. Il en résulte que la fourniture et l'installation de ce matériel n'entraient pas dans le champ de compétence du GAEC qui n'avait pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine de ce contrat et dont l'économie n'apparaissait pas indispensable à l'exercice de son activité d'exploitant agricole. Il s'ensuit que l'objet de ce contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale du GAEC.

En dernier lieu, le GAEC verse une attestation de sa propre comptable en date du 23 octobre 2019 établissant à 3 UTH le nombre de personnes exerçant en son sein sein. Qualifiée par le tribunal de preuve insuffisante, il appartenait au GAEC de l'étayer. Ainsi, en pièce n° 46, une attestation de la directrice de la Mutuelle Sociale Agricole Portes de Bretagne du 7 juin 2023 établit qu'en 2015, le GAEC Veille n'avait pas déclaré de salariés et qu'il fonctionnait avec 3 chefs d'exploitation ce qui vient corroborer l'attestation versée et les allégations du GAEC sur les effectifs inférieurs à 5 salariés. »

3/ « Il est constant que les contrats concomitants et/ou successifs qui s'inscrivent dans une même opération économique incluant une location financière sont interdépendants et que l'anéantissement de l'un entraine la caducité des autres sans que la société Locam puisse se prévaloir des clauses de résiliation de son contrat. En l'espèce, le contrat de location constitue la seule modalité de financement du matériel commandé le même jour auprès de la société AFDEN de sorte que les deux contrats sont interdépendants. Il y a lieu de constater la caducité du contrat de location souscrit par le GAEC auprès de la société Locam. »

4/ « L'annulation emporte anéantissement rétroactif du contrat et restitution réciproque. Le montant des loyers versés par le GAEC à la société Locam doit être restitué. Le GAEC justifie d'avoir versé la somme totale de 8.026,45 €. La société Locam ne peut solliciter le paiement de loyers impayés en exécution d'un contrat inexistant ni se prévaloir de clause relative à la restitution afin de la mettre à la charge du GAEC. Elle est tenue de récupérer le matériel à ses frais selon modalités prévues au dispositif. »

5/ « Le GAEC demande la réparation d'un préjudice matériel d'un montant équivalent aux loyers versés et d'un préjudice moral compte tenu des tracas engendrés. Le GAEC est mal fondé. D'abord, le préjudice matériel est déjà réparé par les restitutions des loyers versés. Il n'allègue pas de préjudice matériel distinct. Ensuite, en tant que personne morale, il ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice moral pour tracas. Le GAEC est débouté.

De même, le GAEC évoque un prêt de 7.800 € pour financer l'installation et dont elle demande d'inscription au passif de la société liquidée. La demande, outre qu'elle ne repose sur aucun élément de preuve, fait encore doublon avec la restitution des loyers après annulation de la vente. »

6/ « La société Locam soutient que le GAEC a commis une faute en choisissant la société AFDEN qui s'est révélée défaillante dans l'émission d'un contrat nul. Elle réclame le montant total des loyers espéré en exécution de ce contrat. La société Locam est mal fondée, voire de mauvaise foi, de reprocher à son locataire les propres défaillances d'un tiers, en l'occurrence, son fournisseur. Le choix, au demeurant via un démarchage à domicile, d'un professionnel ne peut constituer une faute sauf à inverser la charge des obligations d'ordre public, qui pèsent sur les professionnels du crédit affecté ou encore des sociétés de location de matériel, de vérification minimale de la régularité des contrats proposés par leurs partenaires commerciaux. La société Locam est déboutée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03841. N° Portalis DBYC-W-B7E-IZSS. 59A.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Philippe BOYMOND, Vice-président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

ASSESSEUR : Léo GAUTRON, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

SANS DÉBATS

JUGEMENT : Au nom du peuple français ; En premier ressort, réputé contradictoire, prononcé par Grégoire MARTINEZ, pour le président empêché ; par sa mise à disposition au greffe le 30 juin 2025, date indiquée à l’issue des débats. Jugement rédigé par Grégoire MARTINEZ.

 

DEMANDERESSE :

GAEC DE LA VANRIE

[Adresse 13], [Localité 4], représentée par Maître Loïc TERTRAIS, barreau de RENNES,

 

DÉFENDERESSES :

SARL AFDEN

[Adresse 2], [Localité 9], défaillant

Maître Y. es qualité de liquidateur de la SARL AFDEN

[Adresse 6], [Localité 8], défaillant

SAS LOCAM

RCS SAINT ETIENNE, [Adresse 3], [Localité 5], représentée par Maître BUSQUET, barreau de RENNES,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Suite à démarchage, ayant donné à lieu à signature d’un « bon de commande » et d’un « contrat de location » du 22 septembre 2015, la société Afden a installé le 7 octobre 2015 dans les locaux du GAEC Veille (dénommé ensuite La Vanrie) un condensateur et un pack led avec maintenance pendant 5 ans, contre versements de loyers à la société Locam, à raison de 60 mensualités de 130 €.

Par actes des 13 et 15 juin 2020, le GAEC a assigné les sociétés Locam et Afden devant le tribunal judiciaire de Rennes pour obtenir la nullité, résolution et/ou caducité des contrats et la condamnation solidaire de ces sociétés à lui rembourser les loyers versés, l’indemniser de son préjudice moral à hauteur de 4.000 € et lui verser la somme de 3.000 € au titre de ses frais de procédure.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 25 novembre 2020, la société Afden a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et Maître Y. a été désigné liquidateur judiciaire.

Le GAEC a déclaré une créance de 14 939,83 euros par courrier daté du 1er février 2021 dont il n’est pas justifié de la transmission, et, par assignation du 5 mai 2021, a appelé en cause Maître Y. ès qualités. Cette intervention forcée s’étant vue attribuer un numéro de répertoire général distinct (RG 21/02889), le juge de la mise en état l’a, par ordonnance du 17 juin 2021, « jointe » à l’instance originaire.

Ni la société Afden, ni Maître Y., assignés selon remise à domicile, n’ont constitué avocat.

Par jugement du 9 mai 2023, le tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la réouverture des débats aux motifs que :

- le demandeur produise les pièces contractuelles en original

- alors que cet élément de fait est à l’évidence important pour la discussion juridique et qu’il est hautement plausible que le GAEC n’ait pas eu plus de cinq salariés en septembre 2015, le demandeur est invité à produire d’autres éléments qu’une attestation de 2019 ne faisant état que de sa situation en 2019, pour démontrer qu’il n’avait pas plus de cinq salariés en septembre 2015 ;

- la société Locam, qui soutient que l’opération contractuelle en cause est un « service financier » exclu des règles du démarchage hors établissement prévues par le code de la consommation, s’expliquera alors sur l’application des dispositions des articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier concernant le démarchage bancaire ou financier, qui régissent l’habilitation des démarcheurs, l’information précontractuelle (L. 341-12) et le droit de rétractation (L. 341-16) ;

- le demandeur est invité à s’expliquer sur l’irrecevabilité d’ordre public des demandes de fixation au passif de sommes qui naissent avec la résolution ou l’annulation du contrat à la date où elle est prononcée et qui sont donc des créances postérieures, ne bénéficiant pas du traitement préférentiel (cf. Cass., Com., 15 juin 2022, pourvoi n° 21-10.802, 21-12.358 P), idem pour les demandes de condamnation du liquidateur à payer certaines sommes (telle que celle de 4000 € pour le préjudice moral), autres que celles relevant des frais de procédure, au regard des dispositions de l’article L. 622-22 du code du commerce ;

- le GAEC est invité à préciser le montant des sommes versées à la société Locam et dont il demande le remboursement ;

- le GAEC, qui invoque de multiples fondements, est invité à expliciter pour chacun d’eux en quoi ils sont applicables à l’espèce (par exemple, pourquoi invoquer les règles sur le crédit affecté p. 28, sur la vente 1610 p. 34, sur le crédit-bail, p. 34, sur la responsabilité de la « banque » p. 37...).

[*]

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 janvier 2024, le GAEC demande au tribunal de :

A titre principal,

Inopposabilité

• Déclarer non écrites et en toutes hypothèses inopposables au GAEC [Adresse 12] les conditions générales du contrat régularisé avec la société LOCAM et plus particulièrement les articles relatifs à la résiliation,

Nullité des contrats

• Prononcer la nullité des contrats conclus le 22 septembre 2015 entre la société AFDEN et le GAEC [Adresse 12],

• Prononcer la nullité du contrat de location conclu le 22 septembre 2015 entre la société LOCAM et le GAEC [Adresse 12],

• Condamner en conséquence la société LOCAM à rembourser au GAEC [Adresse 10] VANRIE le montant des loyers déjà réglés à hauteur de la somme de 8.026.45 Responsabilité des sociétés LOCAM et AFDEN

• Déclarer les sociétés LOCAM et AFDEN entièrement et solidairement responsables des préjudices subis par le GAEC [Adresse 12],

• Condamner en conséquence solidairement les société LOCAM et Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN à payer au GAEC [Adresse 12] le montant des échéances déjà réglées, à hauteur de la somme de 8.026.45 €

• Dire que le GAEC [Adresse 12] est déchargé du remboursement des échéances locatives à échoir,

A titre subsidiaire,

Inopposabilité

• Déclarer non écrites et en toutes hypothèses inopposables au GAEC [Adresse 12] les conditions générales du contrat régularisé avec la société LOCAM et plus particulièrement les articles relatifs à la résiliation, Résolution & caducité des contrats

• Prononcer la résolution des contrats conclus les 22 septembre 2015 entre la société AFDEN et le GAEC [Adresse 10] VANRIE,

• Prononcer la résolution ou à défaut la caducité du contrat conclu le 22 septembre 2015 entre le GAEC [Adresse 11] RIE et la société LOCAM,

• Condamner en conséquence la société LOCAM à rembourser au GAEC LA VAN RIE le montant des loyers déjà réglés, à hauteur de la somme de 8.026.45 Responsabilité des sociétés LOCAM et AFDEN

• Déclarer les sociétés LOCAM et AFDEN entièrement et solidairement responsables des préjudices subis par le GAEC [Adresse 10] VANRIE,

• Condamner en conséquence solidairement les société LOCAM et Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN à payer au GAEC [Adresse 12] le montant des échéances déjà réglées, à hauteur de la somme de 8.026.45 €

• Dire que le GAEC [Adresse 10] VAN RIE est déchargé du remboursement des échéances locatives à échoir, 40 En toutes hypothèses,

• Déclarer les sociétés LOCAM et AFDEN entièrement responsables des préjudices subis par le GAEC [Adresse 12],

• Condamner solidairement Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN 8t la société LOCAM à payer au GAEC [Adresse 10] VANRIE la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice moral,

• Condamner Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN à payer au GAEC [Adresse 12] outre le montant des sommes déjà réglées à la société LOCAM celles qui seraient mises à sa charge au profit de cette société.

• Dire que dans les comptes entre les parties, la société LOCAM sera déchue de tout droit à intérêts, • Condamner solidairement Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN et la société LOCAM à payer au GAEC [Adresse 12] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

• Condamner solidairement Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN et la société LOCAM aux entiers dépens.

• Débouter Maître Y. es-qualité de liquidateur de la société AFDEN et LOCAM de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

• Inscrire au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société AFDEN les sommes suivantes :

Montant du prêt souscrit par le GAEC [Adresse 12] pour financer le matériel installé par la société AFDEN 7 800 €

préjudice moral de la société causée par les fautes de la société AFDEN 4.000 €

intérêts mémoire

Frais irrépétibles 3.000 €

Dépens 139,83 €

SOIT TOTAL SAUF MEMOIRE 14 939,83 €

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la société Locam demande au tribunal de :

- Débouter le GAEC [Adresse 12] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société LOCAM.

A TITRE SUBSIDIAIRE et pour le cas où le Tribunal viendrait à prononcer la résolution ou l’annulation du contrat de vente conclu entre le GAEC [Adresse 12] et la société AFDEN et par voie de conséquence la caducité du contrat LOCAM :

- Condamner le GAEC [Adresse 12] à payer à la société LOCAM la somme de 7 800 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice financier subi par la société LOCAM,

- Dire que cette somme viendra en compensation avec les loyers déjà payés et qu’il n’y aura pas lieu à restitution des loyers déjà payés.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- Condamner le GAEC [Adresse 12] à payer à la société LOCAM la somme de 686,40 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir correspondant aux loyers laissés impayés des mois de juin, juillet, août, septembre 2020,

- Condamner le GAEC [Adresse 12] à restituer à la société LOCAM à l’endroit qui sera indiqué par cette dernière et ce aux frais exclusifs du GAEC [Adresse 12] le matériel loué à savoir le kit led et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

- Condamner Monsieur le GAEC [Adresse 12] aux entiers dépens de l’instance,

- Condamner le GAEC [Adresse 12] à payer à la société LOCAM la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile. »

[*]

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leurs moyens.

Le 30 mai 2024 ont été ordonnées la clôture de l’instruction et le dépôt des dossiers au greffe du tribunal le 5 mai 2025, les parties ayant donné leur accord pour une procédure sans audience.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

La société Locam se prévaut du 4° de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation qui exclut les contrats portant sur des services financiers, définis aux livres I à III et V du code monétaire et financier notamment l'article L. 311-2 du code monétaire et financier sur les opérations de location de biens mobiliers, du champ d'application des contrats conclus hors établissement soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation. La société Locam soutient que les conditions d'application de l'extension légale soulevée par le GAEC ne sont pas remplies en raison, d'une part, de l'absence de preuve des effectifs du GAEC au moment de la signature du contrat, et, d'autre part, que le contrat souscrit entre dans le champ de l'activité professionnelle d'élevage du GAEC.

Le GAEC soutient que l'exclusion du 4° ne s'applique pas en l'espèce dès lors que le contrat ne porte pas sur des services financiers mais sur la location de matériel. Il se prévaut de l'extension légale des dispositions du code de la consommation aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels en indiquant bien qu'il s'agit de l'article L. 121-16-1 III devenu L. 221-3, en soutenant que les conditions sont remplies en l'espèce s'agissant d'un contrat conclu hors établissement n'entrant pas dans le champ de son activité agricole et compte tenu de ses effectifs.

L'article L. 121-16-1 applicable à l'espèce, devenu L. 221-3 du code de la consommation, dispose que : « I.-Sont exclus du champ d'application de la présente section : (...)

4° Les contrats portant sur les services financiers ; (...)

III.-Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. "

L'article L. 311-2 du code monétaire et financier dispose que : "I. – Les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que : (...) 6. Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail. »

 

S'agissant de l'exclusion des contrats de service financier :

Il convient d'observer que, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

En l'espèce, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam dispose de la qualité de propriétaire du bien mis en location. A l'issue du contrat, point 15. le locataire dispose pour seule option de restituer le bien au bailleur ou de renouveler la location. Aucune option ne lui permet d'acquérir le bien à l'issue du contrat.

Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.

Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions. En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les’opérations connexes' que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.

De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.

A ce sujet, invitée par le tribunal à se prononcer sur les dispositions précitées, la société Locam n'oppose aucun moyen.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par Le GAEC.

 

S'agissant des l'application de l'extension légale :

Le GAEC est un exploitant agricole. Aucun élément du dossier ne vient confirmer que l'activité principale du GAEC était de l'élevage et aucun élément du dossier ne permet de situer le lieu de l'installation. Le contrat porte sur la location de matériel d'éclairage (batterie et 15 néons).

En premier lieu, il n'est pas contesté que le contrat a été souscrit dans les locaux du GAEC suivant un démarchage satisfaisant à la condition de contrat conclu hors établissement.

En second lieu, l'article 2 des conditions de vente sur l'objet du contrat stipule que l'abonné (le GAEC) peut diminuer la puissance souscrite, optimiser son contrat d'électricité, disposer d'une puissance supplémentaire ou réaliser une optimisation de l'énergie. En dépit du fait que le contrat précise que les effets économiques ne sont pas garantis, il n'en demeure pas moins que l'objet du contrat porte sur la réduction de la consommation d'électricité de l'exploitation.

Il en résulte que la fourniture et l'installation de ce matériel n'entraient pas dans le champ de compétence du GAEC qui n'avait pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine de ce contrat et dont l'économie n'apparaissait pas indispensable à l'exercice de son activité d'exploitant agricole. Il s'ensuit que l'objet de ce contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale du GAEC.

En dernier lieu, le GAEC verse une attestation de sa propre comptable en date du 23 octobre 2019 établissant à 3 UTH le nombre de personnes exerçant en son sein sein. Qualifiée par le tribunal de preuve insuffisante, il appartenait au GAEC de l'étayer. Ainsi, en pièce n° 46, une attestation de la directrice de la Mutuelle Sociale Agricole Portes de Bretagne du 7 juin 2023 établit qu'en 2015, le GAEC Veille n'avait pas déclaré de salariés et qu'il fonctionnait avec 3 chefs d'exploitation ce qui vient corroborer l'attestation versée et les allégations du GAEC sur les effectifs inférieurs à 5 salariés.

Les conditions de l'extension légales sont bien remplies.

Les dispositions du code de la consommation relatifs aux contrats conclus hors établissement sont applicables au contrat de location souscrit entre deux professionnels le 22 septembre 2015.

 

Sur la nullité du contrat principal de fourniture AFDEN-GAEC :

Le GAEC soulève la nullité du contrat en raison de manquements à plusieurs obligations précontractuelles découlant du code de la consommation notamment un défaut d'informations précontractuelles (article L. 111-1) sur les caractéristiques du bien, le prix, le délai de livraison, les informations relatives à l'idneitté du professionnel, un défaut de mention du délai de rétractation et d'information sur le contrat.

La société Locam soutient que l'article L. 311-1 du code de la consommation, qui se rapporte aux crédits à la consommation, n'est pas applicable à l'espèce. Elle relève que les fondements cités par le GAEC n'étaient pas applicables à la date de souscription du contrat. Elle reprend les moyens précédemment développés sur le lien avec l'activité professionnelle pour voir écarter les dispositions du code de la consommation.

Il résulte de la combinaison des articles 12 du code de procédure civile et L. 121-25 du code de la consommation, applicable à la date de souscription du contrat, qui dispose que les dispositions de la présente section sont d'ordre public que le tribunal doit redonner aux faits leur exacte qualification.

En l'espèce, hormis l'ancien article L. 121-26 du code de la consommation, le GAEC se fonde sur des dispositions du code de la consommation relatives à la validité du contrat conclus hors établissement qui sont entrées en vigueur en 2016 (L. 221-9, L. 221-5, L. 242-1, L. 111-1). Toutefois, ils ne font que reprendre d'anciennes numérotations et sont relatifs à des obligations précontractuelles identiques.

Ainsi, l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, devenu L. 242-1, dispose : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17. »

L'article L. 121-17 du code de la consommation, dans sa version applicable, dispose que :

« I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat (...), le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation (...) ; »

L'article L.121-18 du code de la consommation, dans sa version applicable, dispose que : "Dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues au I de l'article L. 121-17.

L'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable, dispose que : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible (...) :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) »

En l'espèce, le GAEC fait état de défaut de mentions sur le contrat de fourniture entre la société AFDEN et le GAEC (pièce n° 1) des caractéristiques essentielles du bien, des modalités d'installation, du prix et du bordereau de rétractation. Il fait également état d'une contrepartie versée dans le délai de rétractation de 7 j par le biais d'une autorisation de prélèvement bancaire.

En l'espèce, le contrat mentionne bien qu'il s'agit d'une location de 60 loyers à 130 € via Locam avec une livraison au 22 novembre 2015 de sorte que les modalités de règlement (prix) et de la livraison sont bien mentionnés. En revanche, le contrat désigne le bien par des mentions « kit led » et « option pack confort Led » (maintenance 5 ans). Il n'y a aucune mention de la marque du modèle, du nombre et des caractéristiques techniques des néons et du condensateur ni de leur prix à la vente de sorte que le GAEC n'est pas en mesure de pouvoir établir une analyse ou un comparatif de produit. En outre, le fournisseur d'énergie n'est pas mentionné et aucune information n'est portée à la connaissance du GAEC s'agissant des modalités techniques de l'installation. Enfin, il n'est fait aucune mention du délai de rétractation.

Il en résulte que la société AFDEN a manqué à ses obligations d'informations précontractuelles particulières compte tenu d'un démarchage à domicile avec souscription le même jour d'un contrat de fourniture et de location.

Les dispositions du code de la consommation n'ont pas été respectées. Le contrat est annulé.

 

Sur la nullité du contrat de location Locam – GAEC :

Le GAEC demande l'annulation subséquente du contrat de location en se fondant sur les dispositions du code de la consommation relatives aux crédits affectés ainsi que l'article 1218 du code civil. Au soutien de sa demande d'annulation subséquente, il fait principalement état de l'interdépendance des contrats.

La société Locam soutient que les dispositions relatives aux crédits affectés ne sont pas applicables à l'espèce et que le contrat de location ne constitue pas un accessoire à une vente.

Il est constant que les contrats concomitants et/ou successifs qui s'inscrivent dans une même opération économique incluant une location financière sont interdépendants et que l'anéantissement de l'un entraine la caducité des autres sans que la société Locam puisse se prévaloir des clauses de résiliation de son contrat.

En l'espèce, le contrat de location constitue la seule modalité de financement du matériel commandé le même jour auprès de la société AFDEN de sorte que les deux contrats sont interdépendants

Il y a lieu de constater la caducité du contrat de location souscrit par le GAEC auprès de la société Locam.

 

Sur les conséquences de l'annulation :

L'annulation emporte anéantissement rétroactif du contrat et restitution réciproque.

Le montant des loyers versés par le GAEC à la société Locam doit être restitué. Le GAEC justifie d'avoir versé la somme totale de 8.026,45 €.

La société Locam ne peut solliciter le paiement de loyers impayés en exécution d'un contrat inexistant ni se prévaloir de clause relative à la restitution afin de la mettre à la charge du GAEC. Elle est tenue de récupérer le matériel à ses frais selon modalités prévues au dispositif.

 

Sur les dommages-intérêts :

Le GAEC demande la réparation d'un préjudice matériel d'un montant équivalent aux loyers versés et d'un préjudice moral compte tenu des tracas engendrés.

Le GAEC est mal fondé. D'abord, le préjudice matériel est déjà réparé par les restitutions des loyers versés. Il n'allègue pas de préjudice matériel distinct. Ensuite, en tant que personne morale, il ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice moral pour tracas.

Le GAEC est débouté.

De même, le GAEC évoque un prêt de 7.800 € pour financer l'installation et dont elle demande d'inscription au passif de la société liquidée. La demande, outre qu'elle ne repose sur aucun élément de preuve, fait encore doublon avec la restitution des loyers après annulation de la vente.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Locam :

L'annulation emporte anéantissement rétroactif du contrat.

La société Locam soutient que le GAEC a commis une faute en choisissant la société AFDEN qui s'est révélée défaillante dans l'émission d'un contrat nul. Elle réclame le montant total des loyers espéré en exécution de ce contrat.

La société Locam est mal fondée, voire de mauvaise foi, de reprocher à son locataire les propres défaillances d'un tiers, en l'occurrence, son fournisseur. Le choix, au demeurant via un démarchage à domicile, d'un professionnel ne peut constituer une faute sauf à inverser la charge des obligations d'ordre public, qui pèsent sur les professionnels du crédit affecté ou encore des sociétés de location de matériel, de vérification minimale de la régularité des contrats proposés par leurs partenaires commerciaux.

La société Locam est déboutée.

 

Sur les autres demandes :

La société Locam, partie perdante, est condamnée aux dépens ainsi qu'à verser une somme de 3.000 € au GAEC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal,

ANNULE le contrat du 22 septembre 2015 souscrit par le GAEC Veille et la société Agence française des énergies nouvelles AFDEN ;

CONSTATE la caducité du contrat de location du 22 septembre 2015 souscrit par le GAEC Veille et la société SAS Locam ;

en conséquence, ORDONNE les restitutions réciproques ;

CONDAMNE la société SAS LOCAM à verser au GAEC [Adresse 12] la somme de 8.026,45 € au titre des loyers versés en exécution du contrat ;

ORDONNE au GAEC [Adresse 12], dès restitution de la somme, de mettre le matériel, objet du contrat (Kit Led – batterie et néons), à disposition de la SAS LOCAM, à charge pour elle de venir le récupérer dans un délai de TROIS MOIS à compter du paiement des loyers ;

ORDONNE que, passé ce délai, le GAEC [Adresse 12] puisse disposer du matériel non récupéré ;

CONDAMNE la société SAS LOCAM aux dépens ;

CONDAMNE la société SAS LOCAM à verser au GAEC [Adresse 12] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

Le Greffier                Pour le Président empêché, le magistrat rapporteur