TJ STRASBOURG, 31 juin 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24224
TJ STRASBOURG, 31 juin 2025 : RG n° 24/02560
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l’espèce, l’objet des deux contrats, à savoir la fourniture d’un matériel de téléphonie et d’un service d’opérateur (contrat A.) ainsi que la location de ce matériel (contrat J.), n’entre pas dans le champ de l'activité principale de l’association LA ROUE TOURNE, puisque l’objet de cette dernière est, selon ses statuts, de lutter contre l’exclusion et la précarité par l’entraide des personnes concernées. Le fait que les téléphones et le service de télécommunication fourni lui servent dans le cadre de son activité ne permet pas de retenir que l'objet du contrat entre dans le champ de son activité principale, qui ne concerne pas la téléphonie. De plus, elle n’avait aucun salarié à la date de conclusion de ces contrats. Dès lors, l’association remplit les conditions posées par les dispositions précitées de l’article L. 221-3 du code de la consommation pour pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du consommateur en matière de contrats conclus hors établissement.
Le contrat hors établissement est défini par l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en 2020, comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur : a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ; b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. »
En l’espèce, la société A. justifie avoir adressé, depuis une adresse email Docusign, sa proposition commerciale, à signer via Docusign, par un courriel émanant de « [F] [M] » envoyé le 6 juillet 2020 à 10 h 03 indiquant : « suite à notre entretien de ce matin, ci-joint la proposition sur laquelle nous nous sommes entendus (…) ». A 12 h 07, M. X. a répondu par courriel : « nous avons bien reçu vos papier et signé (…) ». Il en résulte que si, comme l’oppose A., le contrat n’a pas été signé et donc conclu en la présence physique simultanée des parties comme l’exige le a) rappelé ci-dessus, il a bien été conclu dans les conditions prévues sous b), puisque : au moyen d’une communication à distance, immédiatement après que l’association (assimilée à un consommateur en l’espèce), eut été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le la société A. exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes puisque M. [F] [M], commercial de la société A., a rendu visite à M. X. avec lequel il a eu un entretien le matin même, soit avant 10 h 03, heure où il a envoyé la proposition commerciale à lui retourner signée, ce que M. X. a fait. Le courriel adressé par M. X. à « Groupe Boite docusign » a été envoyé le même jour à 12 h 07 ; l’heure de signature ne figure pas sur la proposition mais est nécessairement antérieure à 12 h 07 et ne peut être précisée, faute de production par A. de l’enveloppe Docusign où cette heure doit nécessairement apparaitre, à l’instar de l’enveloppe produite par J. pour le contrat de location en annexe 6. C’est donc bien, immédiatement après qu’il ait été sollicité personnellement et individuellement au cours d’une visite où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes que M. [C], président de l’association, a signé le contrat.
Dès lors, le contrat a bien été conclu hors établissement, de sorte qu’il devait comprendre toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. Il est constant qu’aucun formulaire type de rétractation n’a été remis à M. X., qui n’a pas été informé des conditions, du délai et des modalités d'exercice de ce droit.
Dès lors, le contrat conclu entre l’association LA ROUE TOURNE et la société A. portant sur la fourniture de matériel de téléphonie et d’un service de communications téléphoniques et internet doit être annulé conformément à l’article L242-1 du Code de la Consommation précité. »
2/ « Dès lors, du fait de l’interdépendance des contrats et au regard de ce que les conditions prévues par les dispositions précitées sont remplies, il convient de constater la caducité du contrat de location financière à la date même de sa conclusion par suite de la nullité du contrat A. conclu antérieurement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
ONZIÈME CHAMBRE CIVILE COMMERCIALE ET DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
ARRÊT DU 25 JUILLET 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/02560. N° Portalis DB2E-W-B7I-MT6E.
DEMANDERESSE :
SAS J. LOCATION
immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le n° B XXX, [Adresse 8], [Localité 5], représentée par Maître Guillaume LLORENS substituant Maître Anoja RAJAT, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 307
DÉFENDERESSE :
SAS A.
immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le n° YYY, prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2], [Localité 7], représentée par Maître Ionela KLEIN substituant Maître Yuri SOKOLOV, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 37
INTERVENANTE FORCÉE :
Association LA ROUE TOURNE [Localité 11]
[Adresse 1], [Localité 6], représentée par Maître Morgane LE TILY substituant Maître Agathe MICHEL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 317
OBJET : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Catherine GARCZYNSKI, 1ère Vice-Présidente, Stéphanie BAEUMLIN, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 19 mai 2025 à l’issue de laquelle le Président, Catherine GARCZYNSKI, 1ère Vice-Présidente, a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 17 juillet 2025, prorogé au 25 juillet 2025.
JUGEMENT : Contradictoire en Premier ressort, Rendu par mise à disposition au greffe, Signé par Catherine GARCZYNSKI, 1ère Vice-Présidente et par Stéphanie BAEUMLIN, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat de location financière n° 058-52365, signé par voie électronique (« DocuSign ») par M. X. le 26 août 2020 et accepté le 4 janvier 2021 par la SAS J. Location, celle-ci a consenti à l’association LA ROUE TOURNE une location sur une durée initiale de 63 mois d’un matériel à usage professionnel fourni par la société A., en l’espèce «1 STD WT8841 + 7 DECT », moyennant le versement de loyers mensuels de 120 euros HT, payables d’avance trimestriellement le 1er de chaque trimestre civil.
Suivant confirmation de livraison signée par voie électronique (« DocuSign ») par M. X. le 18 décembre 2020, le matériel a été livré le 17 décembre 2020.
M. Y., pour le fournisseur A., a signé par voie électronique (« DocuSign ») le 17 décembre 2020 un document intitulé « identification du locataire dans le cadre de l’utilisation de la signature électronique », confirmant que le locataire était personnellement présent et identifié préalablement à la signature électronique.
La SAS A. a adressé à J. Location sa facture émise le 4 janvier 2021 pour la somme de 6 521,74 euros HT, soit 7 826,09 euros TTC.
Par lettre recommandée du 18 janvier 2022, J. Location a indiqué à l’association LA ROUE TOURNE qu’elle avait procédé à la résiliation anticipée du contrat en raison des impayés depuis le 1er octobre 2021 et l’a mise en demeure de restituer le matériel pris en location et de lui payer la somme de 6 888,31 euros au titre des montants impayés et de l’indemnité de résiliation.
Par lettre recommandée du 29 mars 2022 reçue par J. le 14 avril 2022, la présidente de l’association LA ROUE TOURNE, [X] U., a indiqué avoir découvert de nombreux contrats signés par l’ancien président X., dont deux autres portant acquisition d’un parc téléphonique, et critiqué les conditions dans lesquelles la société A. avait abuser de la naïveté de son président, ancien sans abri, pour lui faire signer un contrat portant sur un équipement disproportionné par rapport aux besoins d’une association venant en aide aux plus démunis, à la suite d’un démarchage de l’association par le biais de son commercial ; elle s’est opposée à la demande en paiement en invoquant la nullité du contrat de location, accessoire de la convention conclue avec A., nulle pour dol, et a demandé l’abandon de la dette de loyers.
C’est dans ces conditions que la SAS J. Location a assigné l’association LA ROUE TOURNE, par acte de commissaire de justice délivré le 13 mars 2024, devant ce tribunal, aux fins de la voir condamnée au paiement de diverses sommes et à la restitution à ses seuls frais du matériel, objet du contrat, soit un système de standard téléphonique.
A l’audience du 8 avril 2024, l’affaire a été renvoyée au 17 juin 2024 pour les conclusions de la défenderesse qui venait de se constituer, puis au 21 octobre 2024 avec un calendrier de procédure.
Par acte de commissaire de justice du 25 septembre 2024, l’association LA ROUE TOURNE a assigné en intervention forcée la SAS A. à l’audience du 21 octobre 2024 aux fins de jonction au présent dossier.
A l’audience du 21 octobre 2024, la société A. a constitué avocat et la jonction a été ordonnée.
Après divers renvois à la demande de l’une ou l’autre des parties, l’affaire a été retenue pour plaidoiries à l’audience du 19 mai 2025.
[*]
A cette audience, la SAS J. Location se réfère à ses conclusions en date du 27 février 2025, par lesquelles elle sollicite la condamnation de l’association LA ROUE TOURNE à lui payer les sommes suivantes :
- 1.079,22 euros au titre des loyers échus et 9,09 euros au titre des intérêts déjà courus,
- 5.760 euros au titre de l’indemnité de résiliation,
- 560 euros au titre de la majoration de 10% de cette indemnité,
- 40 euros TTC au titre des frais de recouvrement.
Elle demande également que la condamnation soit assortie des intérêts conventionnels au taux légal majoré de 5 points (conformément à l’article 8 des conditions générales) à compter de la sommation en date du 18 janvier 2022, que la partie défenderesse soit déboutée de ses moyens, fins et prétentions et qu’elle soit condamnée à lui restituer le matériel à ses seuls frais (conformément à l’article 11 des conditions générales), sous astreinte de 15 euros par jour de retard, et à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La SAS J. Location conteste la nullité du contrat signé dès le 26 août 2020 par l’association LA ROUE TOURNE, alors que M. X. était bien son président, relevant que si le RIB mentionné serait le RIB personnel de ce dernier, le mandat de prélèvement visait un IBAN de l’association, de sorte qu’elle n’avait pas de raison de s’alerter, d’autant que le prélèvement des loyers n’est mis en place qu’à compter de la livraison et que l’association a ensuite transmis son propre RIB.
S’agissant de la signature du bon de livraison par M. X. alors qu’il n’était plus président, elle fait valoir qu’il ne s’agit pas de l’engagement contractuel initial, mais d’une constatation de la livraison, qui pouvait être opérée par un salarié de l’association comme il l’était alors. En outre, elle se prévaut de la théorie de l’apparence, ne sachant pas qu’il n’était plus président, ne l’ayant appris que lors de la transmission postérieure par la nouvelle présidente du RIB de l’association. Elle s’étonne de la transmission d’un arrêt de travail de M. X. du 7 décembre 2020 au 6 janvier 2021, non évoqué jusqu’ici et soutient qu’il est illisible et ne semble pas complété en totalité, notamment quant au prescripteur.
Elle conteste aussi la nullité invoquée pour non-respect du droit de rétractation, applicable aux contrats conclus hors établissement dans certaines conditions, aux motifs que :
- le contrat de location n’a pas été signé en présence physique simultanée des parties, en l’absence d’un représentant légal en ce qui la concerne et alors qu’elle ne l’a signé qu’après confirmation de la mise en service des équipements et après transmission du RIB de l’association soit le « 1er avril 2021 »,
- le matériel entre dans le champ de l’activité principale de l’association,
- l’article L. 221-20 du code de la consommation ne prévoit pas la nullité du contrat mais la prorogation du délai de rétractation alors que l’association n’a jamais fait valoir ce droit.
Sur l’interdépendance alléguée par l’association LA ROUE TOURNE du contrat conclu entre elles avec le contrat d’opérateur de téléphonie - que cette dernière aurait conclu avec la société A. -, elle relève qu’il n’est produit qu’une proposition commerciale et non le contrat et soutient qu’elle n’avait pas connaissance d’un tel contrat.
Elle conteste également le dol invoqué, en l’absence de preuve de manœuvres dolosives de sa part, et rappelle que, selon l’article 1 de ses conditions générales, le matériel est choisi par le locataire sous sa seule responsabilité.
[*]
L’association LA ROUE TOURNE se réfère à ses conclusions du 5 février 2025 par lesquelles elle demande de voir débouter les sociétés J. Location et A. de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de :
juger que les contrats de fourniture et de location qu’elle a conclus, le 06-07-2020 avec A. et le 26-08-2020 avec J., sont interdépendants et indivisibles,juger que les signatures sous forme de « tampons signature » du 16-12-2020 apposés sur les documents de la société A. (bon d’intervention, confirmation de livraison, formulaire de satisfaction et formulaire de formation produits par A. en annexes 2, 3, 4 et 5) sont de fausses signatures et ne sont pas celles de Mme U. [X], présidente de l’association, juger que le contrat de location financière n’a pas pris effet lors de la signature de la « confirmation de livraison » du 16 décembre 2020 et prononcer la nullité du contrat de location du 26 août 2020,
à titre subsidiaire :*juger que les contrats sont soumis aux dispositions du code de la consommation et entrent dans le champ d’application des dispositions d’ordre public des articles L. 221-19, L. 221-20, L 221-26 et L. 221-28 13°) de ce code,
* juger nul le contrat qu’elle a passé le 06-07-2020 avec A. et caduc le contrat accessoire de location financière,
* condamner J. à lui reverser les loyers payés, soit la somme de 872,37 euros, et A. à lui reverser les loyers payés, soit la somme de 1 990,82 euros,
à titre infiniment subsidiaire : prononcer la « résolution des relations contractuelles » entre elle et A. pour dol et juger qu’elle entraine la résolution du contrat accessoire de location avec J.,
en tout état de cause : condamner solidairement les sociétés J. et A. à lui payer la somme de 3 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L’association LA ROUE TOURNE invoque à titre principal la nullité du contrat de location pour défaut de qualité et capacité à agir du signataire sur le fondement des articles 1128, 1156 et 1998 du code civil.
Elle fait valoir que :
- M. X. a signé le 6 juillet 2020 une proposition commerciale de A. avant de signer le contrat de location,
- chaque contrat n’est qu’un volet d’une opération unique de sorte que la résiliation ou l’annulation de l’un entraine la caducité de l’autre,
- à la signature du contrat le 26 août 2020, l’association n’avait pas de compte bancaire, lequel n’a été ouvert qu’en novembre 2020,
- le RIB transmis est celui personnel de M. X., ce qui aurait dû alerter J. et A.,
- l’adresse du contrat est obsolète car le siège social a été transféré le 24 juillet 2020 chez Mme U.,
- le 15 octobre 2020 Mme U. a été nommée présidente de l’association,
- elle dénie les signatures apposées sur les documents de A., notamment le bon de livraison, s’agissant d’un photomontage de qualité médiocre qui a été copié-collé sur tous les documents,
- rien ne permet d’attester que ce document est conforme à l’original,
- M. X. est l’unique signataire alors qu’il était salarié en octobre 2020 et, en outre, en arrêt de travail total à la date de signature du 16 décembre 2020 ; J. et A. devaient vérifier qu’il était habilité à agir pour le compte de l’association et elles ne peuvent opposer le mandat apparent car elles savaient que Mme U. était présidente,
- elle établit par son annexe 5 les différences de signature entre Mme U. et M. X. et par ses annexes 11 et 12 l’utilisation par M. X. du même « tampon + signature » d’une similitude absolue avec celle des annexes 2, 3, 4 et 5 produites par A.,
- c’est A. qui par ses manœuvres dolosives a fait signer M. X.,
- A. s’abstient de produire la preuve d’envoi de ces documents, ne justifiant que de l’envoi de la proposition commerciale sur la boite mail de M. X.,
- A. ne produit pas le certificat Docusign des documents du 16 décembre 2020 pour attester la signature de Mme U., ni aucune pièce justifiant que son identité a été vérifiée,
- le contrat est nul en l’absence de qualité à agir et de capacité juridique de M. X. lors de la conclusion du contrat par la signature du document « confirmation de livraison », de sorte que J. n’est pas fondée à demander paiement des sommes,
- les contrats auraient dû contenir un formulaire de rétractation conformément à l’article L 221-5 du code de la consommation, ayant été conclus hors établissement, alors que le champ d’activité de l’association n’est pas la téléphonie et qu’elle n’avait qu’un seul salarié à partir d’octobre 2020, le non-respect de ces dispositions étant sanctionné par la nullité du contrat selon l’article L242-1 du même code,
- les sociétés adverses ont également commis un dol.
[*]
La SAS A. se réfère à ses conclusions du 24 avril 2025 par lesquelles elle demande au tribunal de débouter l’association LA ROUE TOURNE de ses demandes de nullité des contrats et de remboursement des sommes versées au titre de l’exécution du contrat opérateur d’une part, et de sa demande de résolution pour dol d’autre part.
Elle forme une demande reconventionnelle à l’encontre de l’association aux fins de la voir condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 414,19 euros au titre des factures impayées (consommation et abonnement),3 345 euros au titre des frais de résiliation anticipée du contrat,3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.Elle rappelle que l’association LA ROUE TOURNE a souscrit un contrat auprès d’elle le 6 juillet 2020 selon proposition commerciale portant sur une solution TELECOM et en parallèle le 26 août 2020 un contrat de location de matériel avec J. portant sur le matériel installé par elle.
Elle fait valoir que les difficultés soulevées quant à la signature de la confirmation de la livraison par M. X. sont sans incidence sur la validité des contrats signés précédemment, n’ayant pour fonction que de garantir l’installation et le bon fonctionnement du matériel ; elle ajoute que c’est bien Mme U. qui a signé les bons d’intervention et confirmation de livraison émis par elle.
Elle met en doute l’authenticité de l’arrêt maladie de M. X. versé aux débats. Elle explique que la signature contestée provient d’une signature sur tablette électronique qui est ensuite reproduite sur l’ensemble des documents, ce qui serait un procédé courant et ce qui explique qu’elle est identique.
Elle relève que Mme U. confirme le passage du technicien en sa présence dans un courriel du 17 décembre 2020 et n’a jamais contesté la livraison du matériel, ajoutant qu’il est acquis que ce matériel a bien été mis à disposition.
Elle conteste que l’association LA ROUE TOURNE aurait eu un droit de rétractation dont elle aurait dû l’informer, alors que les parties n’étaient pas physiquement présentes simultanément lors de la signature du contrat, au vu des échanges de mails produits démontrant que chacun a signé hors la présence physique de l’autre ; elle conteste aussi la condition tenant à l’objet du contrat qui ne doit pas entrer dans le champ de l’activité principale, alors que les contrats souscrits lui permettaient de répondre aux besoins des personnes auxquelles elle venait en aide.
Elle prétend enfin que l’absence d’information sur le droit de rétractation n’est pas sanctionnée par la nullité.
Sur la demande en restitution des sommes versées, elle fait valoir qu’en tout état de cause, les prestations ont été effectuées de sorte que l’association s’est enrichie et qu’elle ne saurait être tenue de rembourser une quelconque somme.
Elle conteste aussi le dol.
Au soutien de sa demande reconventionnelle, elle se prévaut de la durée du contrat de 36 mois prévue à la proposition commerciale et de ses conditions générales « annexées à la proposition commerciale » ainsi que de ses factures.
[*]
L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 juillet 2025, lequel a été prorogé à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Pour s’opposer à la demande de J. Location, l’association LA ROUE TOURNE invoque, à titre principal, la nullité du contrat de location financière et, à titre subsidiaire, la nullité du contrat passé le 6 juillet 2020 avec la société A., appelée en intervention forcée, et, par suite, la caducité du contrat de location financière.
Sur la nullité du contrat de location financière :
Selon le dispositif des conclusions de l’association LA ROUE TOURNE, le tribunal n’est saisi à titre principal que d’une demande de nullité du contrat de location au regard de la contestation de la signature du document intitulé « confirmation de livraison ».
La nullité sanctionne, conformément à l’article 1178 du code civil, le défaut des conditions requises pour la validité du contrat.
En l’espèce, la signature de M. X. par voie électronique le 26 août 2020 du contrat de location n’est pas en elle-même contestée.
En revanche, est contestée la signature de M. X. par voie électronique le 18 décembre 2020 de la confirmation de livraison.
Cependant cette confirmation n’a pas d’incidence sur la conclusion du contrat mais, selon l’article 3 des conditions générales de location, sur sa prise d’effet, puisque le contrat prend effet à la réception par le bailleur du procès-verbal attestant le livraison conforme, et sur la responsabilité du locataire en cas de défaut de conformité des produits (3.1) ainsi que sur les droits et actions du bailleur contre le fournisseur, cédés au locataire à compter de la livraison à l’exception de son droit au remboursement du prix d’achat des produits (article 3.2).
Dès lors, le défaut de pouvoir de M. X. pour signer la confirmation de livraison en ce qu’il n’était plus président de l’association et au surplus en arrêt de travail, ne peut entrainer la nullité du contrat de location financière.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la nullité du contrat passé avec la société A. :
Suivant proposition commerciale de A. « Wireless & Telecom » à LA ROUE TOURNE en date du 6 juillet 2020 et valable jusqu’au 7 juillet 2020, acceptée le 6 juillet 2020 par M. X. par signature électronique Docusign, l’association LA ROUE TOURNE a conclu un contrat avec la société A. portant sur :
- la fourniture d’un matériel de téléphonie décrit comme suit :1 poste fixe standard de communication WT8841 et 7 postes fixes secondaires type WT7841 ou sans fil type GIGASET, routeurs, musique d’attente personnalisée, répondeur, transfert d’appels, pré-visite, installation et formation, licences et cartes comprises,
- un service d’opérateur désigné comme suit :
* Full Access réseau ORANGE : forfait sérénité Full access, forfait plénitude Full access, ligne fixe pro,
* accès DSL : ADSL totale entreprise Bouygues/orange/SFR (internet) et ADSL totale entreprise Bouygues/orange/SFR (voix).
Aux termes de l’article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre [chapitre 1 du titre 2 du livre 2] applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
L’article L. 221-5, dans sa version applicable en 2020, inclus dans la section 2 du même chapitre, dispose que :
« Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : (...)
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
(...) »
L’article L. 221-9, dans sa version applicable en 2020, dispose que « le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. »
Selon l’article L. 242-1 dans sa version en vigueur en 2020, ces dispositions sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, l’objet des deux contrats, à savoir la fourniture d’un matériel de téléphonie et d’un service d’opérateur (contrat A.) ainsi que la location de ce matériel (contrat J.), n’entre pas dans le champ de l'activité principale de l’association LA ROUE TOURNE, puisque l’objet de cette dernière est, selon ses statuts, de lutter contre l’exclusion et la précarité par l’entraide des personnes concernées. Le fait que les téléphones et le service de télécommunication fourni lui servent dans le cadre de son activité ne permet pas de retenir que l'objet du contrat entre dans le champ de son activité principale, qui ne concerne pas la téléphonie.
De plus, elle n’avait aucun salarié à la date de conclusion de ces contrats.
Dès lors, l’association remplit les conditions posées par les dispositions précitées de l’article L. 221-3 du code de la consommation pour pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du consommateur en matière de contrats conclus hors établissement.
Le contrat hors établissement est défini par l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en 2020, comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. »
En l’espèce, la société A. justifie avoir adressé, depuis une adresse email Docusign, sa proposition commerciale, à signer via Docusign, par un courriel émanant de « [F] [M] » envoyé le 6 juillet 2020 à 10 h 03 indiquant : « suite à notre entretien de ce matin, ci-joint la proposition sur laquelle nous nous sommes entendus (…) ». A 12 h 07, M. X. a répondu par courriel : « nous avons bien reçu vos papier et signé (…) ».
Il en résulte que si, comme l’oppose A., le contrat n’a pas été signé et donc conclu en la présence physique simultanée des parties comme l’exige le a) rappelé ci-dessus, il a bien été conclu dans les conditions prévues sous b), puisque :
au moyen d’une communication à distance, immédiatement après que l’association (assimilée à un consommateur en l’espèce), eut été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le la société A. exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes puisque M. [F] [M], commercial de la société A., a rendu visite à M. X. avec lequel il a eu un entretien le matin même, soit avant 10 h 03, heure où il a envoyé la proposition commerciale à lui retourner signée, ce que M. X. a fait.
Le courriel adressé par M. X. à « Groupe Boite docusign » a été envoyé le même jour à 12 h 07 ; l’heure de signature ne figure pas sur la proposition mais est nécessairement antérieure à 12 h 07 et ne peut être précisée, faute de production par A. de l’enveloppe Docusign où cette heure doit nécessairement apparaitre, à l’instar de l’enveloppe produite par J. pour le contrat de location en annexe 6.
C’est donc bien, immédiatement après qu’il ait été sollicité personnellement et individuellement au cours d’une visite où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes que M. [C], président de l’association, a signé le contrat.
Dès lors, le contrat a bien été conclu hors établissement, de sorte qu’il devait comprendre toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
Il est constant qu’aucun formulaire type de rétractation n’a été remis à M. X., qui n’a pas été informé des conditions, du délai et des modalités d'exercice de ce droit.
Dès lors, le contrat conclu entre l’association LA ROUE TOURNE et la société A. portant sur la fourniture de matériel de téléphonie et d’un service de communications téléphoniques et internet doit être annulé conformément à l’article L. 242-1 du Code de la Consommation précité.
Sur la caducité du contrat de location financière :
Aux termes de l’article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
L’article 1178, alinéa 2 du code civil dispose que « le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé ».
En l’espèce, le contrat de fourniture de matériel de téléphonie et d’un service de télécommunication d’une part, et le contrat de location financière d’autre part, étaient nécessaires à la réalisation d'une même opération, à savoir la mise à disposition de l’association LA ROUE TOURNE d’un matériel dédié lui permettant de recevoir et d’émettre des communications téléphoniques.
L'exécution du contrat de fourniture de matériel de téléphonie et d’un service de télécommunication, censé n’avoir jamais existé par suite de la nullité ci-dessus prononcée, était une condition déterminante du consentement de l’association LA ROUE TOURNE au contrat de location, ce alors que J. connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle a donné son consentement, en envoyant l’offre dès le 10 juillet 2020 selon l’enveloppe Docusign produite, puis en la ratifiant le 4 janvier 2021 ; en effet, c’est nécessairement à la demande de A. que J. a adressé via Docusign l’offre de contrat de location à l’association LA ROUE TOURNE le 10 juillet 2020. En outre c’est nécessairement à la demande de J., que A. a signé le document d’identification du locataire dans le cadre de la signature électronique du contrat J. le 17 décembre 2020.
Dès lors, du fait de l’interdépendance des contrats et au regard de ce que les conditions prévues par les dispositions précitées sont remplies, il convient de constater la caducité du contrat de location financière à la date même de sa conclusion par suite de la nullité du contrat A. conclu antérieurement.
Sur les conséquences de la nullité et de la caducité :
Le contrat nul étant censé n’avoir jamais existé et la caducité mettant fin au contrat en vertu de l’article 1187 du code civil, les prestations exécutées doivent donner lieu à restitution et les sociétés J. et A. être déboutées de leurs demandes en paiement de diverses sommes fondées sur lesdits contrats et leur résiliation.
La société A. s’oppose à la restitution des sommes versées au motif que l’association LA ROUE TOURNE a profité de ces services.
L’association LA ROUE TOURNE n’a pas répliqué sur ce point.
Aux termes de l’article 1352-8 du code civil, applicable en vertu de l’article 1178 alinéa 3, la restitution d’une prestation de service a lieu en valeur, appréciée à la date à laquelle elle a été fournie.
La prestation de service opérateur de téléphonie fournie par A. sera évaluée aux sommes que lui a versées l’association pour en bénéficier et dont elle demande restitution, soit 1 990,82 euros. Dès lors, les sommes que chacun doit restituer suite à la nullité étant équivalente, l’association LA ROUE TOURNE sera déboutée de sa demande à l’encontre de la société A..
L’article 1352-8 du code civil est également applicable en cas de caducité en vertu de l’article 1187, alinéa 2, du même code.
La mise à disposition du matériel par J. dans le cadre de la location est aussi une prestation de service qui doit être restituée par suite de la caducité. Elle sera évaluée aux sommes que lui a versées l’association pour en bénéficier et dont elle demande restitution, soit la somme de 872,37 euros.
Dès lors, les sommes que chacun doit restituer suite à la caducité étant équivalentes, l’association LA ROUE TOURNE sera déboutée de sa demande à l’encontre de la société J. Location.
Il convient également d’ordonner la restitution du matériel à J. Location. En revanche, le contrat n’étant plus applicable, il appartiendra à J. de venir récupérer le matériel à ses frais exclusifs, ce au plus tard deux mois après la signification du jugement, à charge pour l’association de le tenir à sa disposition durant ce délai, à l’issue duquel elle pourra en disposer.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés J. Location et A., succombant, seront condamnées aux dépens, ce sans solidarité, celle-ci n’étant pas prévue par une clause contractuelle ou une disposition légale, et à payer à l’association LA ROUE TOURNE la somme de 1 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, elles-mêmes étant déboutées de leur propre demande de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :
DEBOUTE l’association LA ROUE TOURNE de sa demande principale en nullité du contrat de location passé avec la société J. Location ;
PRONONCE la nullité du contrat conclu le 6 juillet 2020 entre l’association LA ROUE TOURNE et la SAS A. ;
CONSTATE la caducité du contrat de location conclu le 26 août 2020 entre l’association LA ROUE TOURNE et la SAS J. LOCATION ;
DÉBOUTE l’association LA ROUE TOURNE de ses demandes à l’encontre des sociétés A. et J. LOCATION en restitution des loyers versés ;
DEBOUTE les sociétés A. et J. LOCATION de leurs demandes en paiement ;
ORDONNE la restitution du matériel donné en location à charge pour la SAS J. LOCATION de venir le récupérer à ses frais, au plus tard deux mois après la signification du présent jugement, et à charge pour l’association LA ROUE TOURNE de le tenir à sa disposition durant ce délai, à l’issue duquel elle pourra en disposer ;
CONDAMNE les sociétés J. Location et A. à payer à l’association LA ROUE TOURNE la somme de 1 500 € (mille-cinq-cents euros) chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés J. Location et A. aux dépens et les déboute de leur demande respective fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Ainsi fait et prononcé les jour, mois et an susdits, siégeant Madame GARCZYNSKI présidant l’audience, assistée de Madame le greffier, qui ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier La 1ère Vice-Présidente
Stéphanie BAEUMLIN Catherine GARCZYNSKI