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TJ VIENNE (1re ch.), 5 juin 2025

Nature : Décision
Titre : TJ VIENNE (1re ch.), 5 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Vienne(T. jud.)
Demande : 23/01014
Date : 5/06/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 3/08/2028
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24264

TJ VIENNE (1re ch.), 5 juin 2025 : RG n° 23/01014

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « En l'espèce le contrat signé le 5 juillet 2019 mentionne Madame Y. en tant qu'acheteur et Monsieur Z. en qualité de vendeur ; le contrat n'est signé que par ces deux personnes. Le nom de Madame X. est mentionné à l'article 7 « droit de préférence » en tant que naisseur bénéficiant « d'un droit de suite et de préférence ». Le contrat résulte d'un accord de volonté entre Madame Y. et Monsieur Z.

Madame X. ne saurait prétendre être partie à ce contrat qu'elle n'a pas signé, le simple fait que son nom y soit mentionné en tant que naisseur ne la fait pas devenir partie en l'absence de volonté exprimée. Dès lors, Madame X. ne peut agir sur le fondement des articles 1217 et suivants du code civil.

Madame X. fonde, à défaut, sa demande sur l'article 1205 du code civil qui énonce : « On peut stipuler pour autrui. L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse. ». L'article 1206 du Code civil énonce que « le bénéficiaire est investi d'un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation. Néanmoins le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l'a pas acceptée. La stipulation devient irrévocable au moment où l'acceptation parvient au stipulant ou au promettant ». »

2/ « En l'espèce, Monsieur Z. s'est engagé à stipuler pour Madame X. le droit de suite et de préférence en cas de vente, et il a respecté cet engagement en stipulant une clause 7 reproduisant le droit de préférence sur la vente de l'équidé objet du contrat et le droit de préférence sur la mise à la reproduction du cheval objet du présent contrat, il a spécialement indiqué « Madame X., demeurant [adresse] dénommée ci-après par Naisseur ». Madame Y. oppose que l'identité du tiers bénéficiaire n'est pas claire, or il est mentionné le nom, prénom et adresse du tiers ce qui suffisait pour l'identifier, d'autant plus que Madame Y. a contacté elle-même Madame X. par message ce qui démontre qu'elle avait facilement identifié le naisseur. Madame Y. prétend aussi qu'elle n'a pas consenti à ces stipulations en se basant sur les échanges entre les parties, échanges aux termes desquels elle indique : « je n'ai pas lue le contrat entièrement », et alors qu'elle indique proposer le cheval à la vente « je marquerais bien votre nom dans le contrat comme dans le précédent ». Il appartenait à Madame Y. d'être vigilante lors de la signature du contrat de vente et d'interroger son vendeur sur la stipulation pour autrui clairement inscrite au profit de Madame X., et ce d'autant qu'elle avait bien compris que la reproduction du droit lors d'une prochaine vente était nécessaire. »

3/ « L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

En l'espèce, Madame Y. ne démontre pas qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion qu'elle n'aurait pas été en mesure de négocier avec Monsieur Z. En tout état de cause, la stipulation pour autrui n'avait pas vocation à porter atteinte à son droit de propriété puisque l'équidé ne devait être remis au naisseur uniquement pour une mise à reproduction ce qui était limité dans le temps. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VIENNE

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 5 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/01014. N° Portalis DBYI-W-B7H-DDTD. NATURE AFFAIRE : 50Z/ Sans procédure particulière.

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur UROZ, Vice-Président

GREFFIER : Madame ROUX, Greffière

 

DEMANDERESSE :

Mme X.

Né le [date] à [ville] demeurant [adresse], représentée par Maître Alexandra STORA, avocat au barreau de VIENNE, avocat postulant, Maître Camille MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

 

DÉFENDERESSE :

Mme Y.

demeurant [adresse], représentée par Maître Bénédicte ROCHEFORT de la SELARL ROCHEFORT, avocats au barreau de VIENNE, avocats postulant, Maître Catherine FROMENT, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

 

Clôture prononcée le 12 MARS 2025

Débats tenus à l'audience du 10 avril 2025

Date de délibéré indiquée par le Président : 5 juin 2025

Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties ayant été avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile. Et le présent jugement a été signé par Monsieur UROZ, Vice-Président, et par Madame ROUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing en date du 29 novembre 2019, Madame X. a vendu à Monsieur Z. et Madame W. une jument nommée EOS BLACK WIDOW FAST destinée à un usage de sport/reproduction pour la somme de 5.000 euros nets avec stipulation d'un droit de suite et de préférence sur l'équidé.

Par acte sous seing privé en date du 5 juillet 2019, Monsieur Z. a vendu à Madame Y. le même équidé pour la somme de 10.500 euros avec stipulation d'un droit de suite et de préférence au profit de Madame X.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 octobre 2022, Madame X. a informé Madame Y. qu'elle ne pouvait faire saillir la jument sans respecter le droit de priorité et l'a mise en demeure d'avoir à lui restituer la ponette EOS BLACK WIDOW FAST pour la reproduction sous 30 jours.

Par courrier recommandé en date du 13 octobre 2022, le conseil de Madame Y. a indiqué qu'elle refusait de restituer l'équidé et qu'elle n'entendait pas notifier sa volonté de vendre la ponette, le droit de préférence étant abusif.

Par acte de commissaire de justice délivré le 3 août 2023, Madame X. a assigné devant le tribunal judiciaire de Vienne Madame Y. aux fins, sur le fondement des articles 1102 et suivants et 1217 du code civil, d’obtenir à titre principal sa condamnation à mettre à sa disposition et pendant une saison de reproduction la ponette EOS en vue de la gestation due et ce, suivant les conditions à définir, et à défaut d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l'inexécution contractuelle, et à défaut de lui régler la somme de 7000 euros correspondant à la remise consentie lors de la vente de la ponette en contrepartie du droit à un poulain consenti, celle de 1 500 euros au titre du préjudice moral et celle de 2 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 04 septembre 2024, le juge de la mise en état a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur.

Par courriel du 13 janvier 2025, le médiateur a indiqué que la médiation n'avait pas pu être mise en place du fait du refus de l'une des parties.

[*]

Aux termes de ses conclusions transmises par la voie du RPVA le 28 juin 2024, Madame X. maintient ses demandes à l'exception de sa demande formée à titre principal de mise à disposition de la ponette.

Elle fait valoir qu'elle est partie au contrat de vente Z./Y., que les parties ont convenu d'accorder des droits au naisseur, que la clause de préférence était lisible et intelligible, qu'elle est bien fondée à solliciter l'exécution de l'obligation mise à la charge de Madame Y.. Elle fait valoir à défaut, si elle est considérée tiers au contrat que le contrat a un effet relatif, que Monsieur Z. a stipulé à son profit un droit sur la jument en application de l'article 1121 du code civil, qu'elle est clairement identifiée dans le contrat, que Madame Y. a accepté les obligations contractuelles en signant le contrat, que la jument a été saillie le 27 juillet 2020 après que Madame Y. ait été informée que le nom de Madame X. devait être stipulé dans son contrat, que le droit de préférence à la mise en reproduction est conforme aux usages en matière d'élevage, que ce droit se déclenche dans deux cas seulement : soit à la mise à la reproduction de la jument soit lors de la mise à la retraite, que ce droit n'aurait pas trouvé à s'appliquer si Madame Y. ne l'avait pas mise à la reproduction. Elle expose sur l'interprétation du contrat qu'il n'y a pas de contradiction dans le contrat signé le 05 juillet 2024 entre la stipulation pour autrui et la vente pure et simple car la notion de vente pure et simple n'est pas codifiée et ne renvoie à aucun régime juridique, que Madame Y. est une professionnelle du monde du cheval, qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion entre un professionnel et un profane, que Madame Y. est une professionnelle et a présenté en octobre 2023 quatre chevaux à la vente, qu'elle ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation et du régime des clauses abusives, que la clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties, que la défenderesse ne saurait prétendre à la fois qu'elle est tiers au contrat et qu'elle a stipulé des clauses abusives. S'agissant de la demande indemnitaire, elle fait valoir qu'elle a perdu la chance d'obtenir un produit de la ponette à hauteur de 15.000 euros, que le prix moyen de vente du poulain EOS peut être fixé à 25.000 euros, avec une perte de chance de 60%, que la juridiction ne pourra accorder une somme inférieure à 7.000 euros correspondant à la réduction du prix de la ponette consécutif à la stipulation des droits de préférence, que Madame Y. reconnaît avoir acheté la ponette à un prix plus faible en raison de la clause stipulée. S'agissant de son préjudice moral, elle expose que la lignée de la ponette lui est chère, qu'elle stipule précisément les contrats de vente dans la double perspective de conserver la lignée et de produire des équidés de bonnes souches, que la carrière sportive de la ponette a été stoppée pour la gestation lui faisant perdre de la valeur, que le choix du père est hasardeux ce qui aura une répercussion négative sur la valeur de la fratrie. S'agissant de la demande reconventionnelle, elle expose que Madame Y. a fait fi des clauses et qu'elle les conteste, qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir intrsduit une action en justice après les nombreuses démarches amiables.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie du RPVA le 13 mai 2024, Madame Y. sollicite sur le fondement des articles 1199, 1102, 1188, 1189, 1582 et suivant du code civil et de l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'Homme, à titre principal :

- déclarer comme non opposables à Madame Y. les clauses instaurant un droit de suite et de préférence,

- déclarer comme non consenties par Madame Y. les clauses instaurant un droit de suite et de préférence,

- dire non applicables les clauses instaurant un droit de suite et un droit de préférence,

- déclarer comme abusives les clauses instaurant un droit de suite et de préférence,

- débouter Madame X. de sa demande de mise à disposition pendant une saison de reproduction la ponette EOS en vue de la gestation due et ce, suivant les conditions à définir,

Et à titre subsidiaire, elle sollicite de débouter Madame X. de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle d’un montant de 15.000 euros, et à titre infiniment subsidiaire de la débouter de sa demande de condamnation d’une somme de 7.300 euros, et en tout état de cause de la débouter de sa demande au titre du préjudice moral allégué.

Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation de Madame X. à lui verser la somme de 10.500 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir s'agissant de la demande en exécution du contrat, que Madame X. n'est pas partie au contrat, qu'elle ne peut solliciter l'exécution d'un contrat auquel elle n'est pas partie, que la prétendue stipulation pour autrui est imprécise, que le contrat doit être interprété contre le rédacteur au profit de l'adhérent, qu'elle n'avait pas été informée du droit de saillie, qu'elle pensait conclure une vente pure et simple, qu'elle a acheté l'équidé pour 10.500 euros soit la valeur de la jument sans réduction du prix eu égard aux droits de suite et de préférence qui lui ont été dissimulés, que la clause est abusive. Elle fait valoir à titre subsidiaire sur la demande de réparation de l'inexécution contractuelle qu'elle ne peut agir sur un fondement contractuel, qu'elle a informé Madame X. de son intention de faire saillir la jument avant la reproduction, qu'elle était en mesure de se prévaloir de son droit de préférence sur la mise à reproduction, que la clause ne prévoit pas que l'acquéreur ne peut pas faire saillir la jument pour lui-même, qu'elle a informé la demanderesse de la vente envisagée. Elle expose sur la demande de compensation de la réduction du prix de vente que Madame X. ne lui a pas vendu la jument, qu'elle n'a pas bénéficié d'une réduction du prix de vente. Et sur le préjudice moral, elle expose que la clause stipulée est abusive. S'agissant de sa demande reconventionnelle, elle fait valoir qu'elle a dû renoncer à vendre la jument et à la saillir de nouveau dans l'attente de l'issue de la procédure.

[*]

Suivant ordonnance en date du 12 mars 2025, le juge de la mise en état a clôturé la procédure.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 avril 2025 et mise en délibéré au 5 juin 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I/ Sur la demande de Madame X. :

Madame X. fonde sa demande sur l'article 1217 du code civil qui prévoit les sanctions en cas d'inexécution contractuelle.

L'article 1101 du code civil énonce que le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. L'article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce le contrat signé le 5 juillet 2019 mentionne Madame Y. en tant qu'acheteur et Monsieur Z. en qualité de vendeur ; le contrat n'est signé que par ces deux personnes. Le nom de Madame X. est mentionné à l'article 7 « droit de préférence » en tant que naisseur bénéficiant « d'un droit de suite et de préférence ». Le contrat résulte d'un accord de volonté entre Madame Y. et Monsieur Z.

Madame X. ne saurait prétendre être partie à ce contrat qu'elle n'a pas signé, le simple fait que son nom y soit mentionné en tant que naisseur ne la fait pas devenir partie en l'absence de volonté exprimée. Dès lors, Madame X. ne peut agir sur le fondement des articles 1217 et suivants du code civil.

Madame X. fonde, à défaut, sa demande sur l'article 1205 du code civil qui énonce : « On peut stipuler pour autrui. L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse. ». L'article 1206 du Code civil énonce que « le bénéficiaire est investi d'un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation. Néanmoins le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l'a pas acceptée. La stipulation devient irrévocable au moment où l'acceptation parvient au stipulant ou au promettant ».

Le premier contrat de vente intervenu entre Madame X. et Monsieur Z. stipule en son article 7 le droit de suite et de préférence à l'égard de Madame X. en qualité de naisseur et en dernier alinéa prévoit « quelque soit la nature de la vente, l'acquéreur au présent contrat s'engage à prévenir et inclure dans son contrat de vente, le futur acquéreur de la jument de l'existence d'un droit de suite et de préférence identique au sein envers le vendeur (naisseur) du cheval. Ce cheval ne peut donc pas être vendu sans informer l'acquéreur suivant d'un droit envers Madame X. sur les ventes à venir, et sur son droit à obtenir un poulain de la jument à la suite sa carrière sportive selon les conditions ci-avant ».

En l'espèce, Monsieur Z. s'est engagé à stipuler pour Madame X. le droit de suite et de préférence en cas de vente, et il a respecté cet engagement en stipulant une clause 7 reproduisant le droit de préférence sur la vente de l'équidé objet du contrat et le droit de préférence sur la mise à la reproduction du cheval objet du présent contrat, il a spécialement indiqué « Madame X., demeurant [adresse] dénommée ci-après par Naisseur ». Madame Y. oppose que l'identité du tiers bénéficiaire n'est pas claire, or il est mentionné le nom, prénom et adresse du tiers ce qui suffisait pour l'identifier, d'autant plus que Madame Y. a contacté elle-même Madame X. par message ce qui démontre qu'elle avait facilement identifié le naisseur. Madame Y. prétend aussi qu'elle n'a pas consenti à ces stipulations en se basant sur les échanges entre les parties, échanges aux termes desquels elle indique : « je n'ai pas lue le contrat entièrement », et alors qu'elle indique proposer le cheval à la vente « je marquerais bien votre nom dans le contrat comme dans le précédent ». Il appartenait à Madame Y. d'être vigilante lors de la signature du contrat de vente et d'interroger son vendeur sur la stipulation pour autrui clairement inscrite au profit de Madame X., et ce d'autant qu'elle avait bien compris que la reproduction du droit lors d'une prochaine vente était nécessaire.

Elle prétend également que l'obligation n'est pas déterminable notamment sur les modalités de transport ou d'assurance ou de limitation dans le temps

Il est stipulé :

« Droit de préférence sur la vente de l'équidé objet du présent contrat :

En cas de désire de revente du cheval par l'acheteur, celui-ci s'engage à le proposer en priorité au vendeur et au naisseur, par préférence à tout autre acheteur éventuel. Le vendeur et le naisseur disposeront d'un délai de 1 mois après la notification de cette volonté de vente pour faire valoir ou non son option d'achat au prix de vente ferme offert par un tiers acquéreur.

Droit de préférence sur la mise à la reproduction du cheval objet du présent contrat :

En cas de volonté de mise à la reproduction ou de retraite de la jument, l'acheteur s'engage à en informer prioritairement à tout autre personne le vendeur et le naisseur et à lui proposer en priorité la possibilité de disposer de la jument pour la reproduction à titre gratuit, pour au moins une année complète de reproduction, de sorte que le vendeur et / ou le naisseur puisse obtenir au moins un produit de la jument et ce au plus tard l'année des 16 ans de la jument ».

Il est clairement indiqué dans quel cas les droits trouvent à s'appliquer, quel est le délai de réponse du naisseur, et que la mise à disposition doit être faite dans une durée permettant de bénéficier d'un produit. Quand bien même l'ensemble des modalités impliquées par le transfert n'ont pas été envisagées par les parties et auraient été à convenir lors de la mise en œuvre du droit, les stipulations permettaient à Madame Y. de comprendre l'étendue de la stipulation pour autrui et de la prestation qu'elle s'engageait à fournir à Madame X. en qualité de naisseur.

Partant, Monsieur Z. a stipulé au profit de Madame X. qui est le bénéficiaire et dispose d'un droit direct à la prestation contre Madame Y.

Madame Y. prétend, à titre subsidiaire, que la clause est abusive et qu'elle doit être annulée. Elle ne vise cependant aucune base légale au soutien de sa demande à l'exception de l'article 1584 de code civil relatif à la vente.

L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

En l'espèce, Madame Y. ne démontre pas qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion qu'elle n'aurait pas été en mesure de négocier avec Monsieur Z. En tout état de cause, la stipulation pour autrui n'avait pas vocation à porter atteinte à son droit de propriété puisque l'équidé ne devait être remis au naisseur uniquement pour une mise à reproduction ce qui était limité dans le temps.

Madame X. sollicite la condamnation de Madame Y. à lui régler la somme de 15.000 euros au titre de l'inexécution contractuelle correspondant à la perte de chance d'obtenir un produit de la ponette et à défaut de la condamner à lui régler la somme de 7.000 euros correspondant à la remise lors de la vente en contrepartie du droit à un poulain consenti.

Madame Y. affirme avoir indiqué au naisseur son intention de faire saillir la jument avant la reproduction sans que Madame X. ne revendique son droit de préférence et qu'elle a pareillement informé Madame X. de la vente envisagée.

Madame Y. produit les échanges intervenus entre les parties, le 30 mars 2020 elle indique « bonjour. Peut-être pourrez-vous me conseiller ! Je souhaiterai faire faire un poulain à widow le temps que ma fille grandisse un peu, comme ça dans deux ans elle sera de taille parfaite pour bien la monter. Auriez-vous de bon conseil de croisement ? », s'en suit des échanges au sujet des étalons potentiels sans que le droit de préférence ne soit évoqué.

En l'espèce, Madame Y. a informé le naisseur mais ne lui a pas proposé en priorité la possibilité de disposer de la jument pour la reproduction à titre gratuit ainsi que le contrat le stipule en faveur de Madame X. Elle a ainsi manqué à son obligation.

S'agissant de la vente, Madame Y. a indiqué par message du 26 mai 2022 «Bonjour. Je voulais vous informer que nous allons proposer la belle wiwi à la vente». Ce faisant, Madame Y. n'a pas proposé en priorité à Madame X. de lui vendre l'équidé, elle l'a simplement informée avoir trouvé un acheteur, elle n'a pas respecté son obligation envers la bénéficiaire de la stipulation pour autrui.

Partant, Madame X. peut se prévaloir de l'inexécution de la prestation stipulée à son profit au sein du contrat de vente Z./Y..

Elle indique que le prix moyen de la vente d'un poulain d'EOS BLACK WIDOW FAST peut être fixé à 25.000 euros et que la perte de chance peut être fixée à 60% de ce montant, soit la somme de 15.000 euros.

Madame X. se fonde uniquement sur le non-respect du droit de préférence sur la mise à reproduction du cheval EOS BLACK WIDOW FAST puisqu'elle sollicite la perte de chance d'avoir un poulain et non la perte de chance d'acquérir à la place d'un tiers EOS BLACK WIDOW FAST.

Pour justifier son préjudice, elle produit le contrat de vente entre Madame [B], Monsieur [I] et la SCEA ELEVAGE FAST pour la vente d'une jument issue du même père que EOS BLACK WIDOW FAST pour la somme de 7 810 euros TTC (avec les clauses de droit de préférence). Elle produit une attestation de témoin de Monsieur [S] [G] indiquant être journaliste spécialisé depuis plus de 30 ans dans le poney et éleveur et expliquant « une ponette de sport de 3 ans, dans la taille poney (?), disposant d'une bonne visite vétérinaire, de bonnes dispositions sportives, issue de parents et dotée d'apparentes ayant des références sportives internationales en concours de dressage se commercialise sur la base d'un tarif minimum de 15.000 euros. Une fois qu'elle sort dans des concours en corrélation avec une évolution normale, le tarif pour une telle ponette atteinte à l'âge de 5 ans la fourchette basse de 20.000 euros... pour atteindre dans les années suivantes plusieurs dizaines de milliers d'euros pour les meilleurs sujets». Madame [T] [F] atteste avoir acheté à Madame X. une ponette en 2015 pour la somme de 5000 euros avec droit de retour au naisseur pour la reproduction, elle précise « ce tarif était bien en dessous du prix du marché du poney de dressage, au vu de ses origines, en contre-partie de cette clause (certains poulains aux origines similaires pouvait atteindre 10.000 euros voir plus».

En l'espèce, il y a lieu de retenir le prix moyen de vente d'un poulain d'EOS BLACK WIDOW FAST à la somme de 10.000 euros en considération des prix réels pour les contrats produits et les prix estimés pour des poulains de bonne naissance. La perte de chance peut être fixée à 60 % en considération de la probabilité d'obtenir un produit en mettant la ponette à la reproduction et de la probabilité de vendre ce produit par la suite. Le préjudice de Madame X. sera ainsi fixé à la somme de 6.000 euros.

Madame Y. ne conteste pas les modalités de calcul.

Dès lors qu’il a été fait droit à la demande au titre de la perte de chance inhérente à l'inexécution contractuelle, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée subsidiairement au titre de la remise.

S'agissant du préjudice moral, Madame X. sollicite l'octroi de la somme de 1 500 euros, elle expose que le choix du père du poulain est hasardeux et dévalorise la valeur de la fratrie.

Elle produit le classement SHF pour la saison 2012 retenant la SCEA ELEVAGE FAST comme le meilleur naisseur de poneys de dressage par gains, et ce même dresseur en deuxième place du classement pour les années 2013, 2014 et 2015, et en troisième position en 2018, en première en 2019, 2020, 2021 et 2022.

Toutefois, Madame X. ne justifie pas que la naissance du poulain en 2021 ait affecté son classement, elle prétend sans le démontrer que le choix du père est hasardeux et ne justifie pas de la dévalorisation de la fratrie, son simple attachement à cette lignée ne justifiant pas l'octroi de dommages et intérêts au titre d'un prétendu préjudice moral.

Partant, Madame X. sera déboutée de sa demande à ce titre.

 

II/ Sur la demande reconventionnelle de Madame Y. :

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Madame Y. prétend subir un préjudice « du fait de la présente procédure » puisqu'elle n'a pu mettre en vente la ponette à un tiers ni la faire saillir, elle ne précise pas la nature de son préjudice, néanmoins la somme de 10.500 euros demandée correspond exactement au prix d'achat de l'équidé de sorte qu'elle semble correspondre au prix auquel elle aurait souhaité vendre ce cheval, ce qui correspondrait à une perte de chance de vendre l'équidé au même prix qu'elle l'a acquis.

Madame Y. produit des échanges de sms avec Madame X. indiquant «je voulais vous informer que nous allons proposer la belle wiwi à la vente» et l'interroge sur le prix de vente, elle indique qu'elle envisage de la vendre à «[Y] [R]» qui a un centre de balneo sur Lyon. En dehors de ces affirmations, elle ne produit aucun élément démontrant qu'elle a proposé la vente à quiconque de l'équidé, ni à quel prix, ni que des négociations se sont tenues. Madame Y. ne démontre pas avoir voulu vendre l'équidé, elle ne démontre pas subir une perte de chance de procéder à une vente à hauteur de 10.500 euros.

Il convient en conséquence de débouter Madame Y. de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

 

III/ Sur les demandes accessoires :

Madame Y., partie qui succombe, sera tenue aux entiers dépens de la présente instance.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul profit de Madame X. selon les modalités reprises au dispositif et, par voie de conséquence, de débouter Madame Y. de sa demande sur ce fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant par décision publique prononcé par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible de recours devant la Cour d'appel de GRENOBLE,

CONDAMNE Madame Y. à payer à Madame X. la somme de 6.000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir un poulain conformément à la stipulation pour autrui à son bénéfice ;

DEBOUTE Madame X. de sa demande au titre du préjudice moral ;

DEBOUTE Madame Y. de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Madame Y. à verser à Madame X. la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame Y. aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire par provision.

Jugement remis au greffe en vue de sa mise à disposition des parties par Monsieur Frédéric UROZ, Président, qui l’a signé avec Madame Dominique ROUX, greffier ;

Le greffier                                         Le Président


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