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CA LYON (3e ch. A), 18 septembre 2025

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 18 septembre 2025
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch. civ. sect. A
Demande : 20/02359
Date : 18/09/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/04/2020
Décision antérieure : T. com. Saint-Étienne, 10 mars 2020 : RG n° 2018j887
Décision antérieure :
  • T. com. Saint-Étienne, 10 mars 2020 : RG n° 2018j887
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24371

CA LYON (3e ch. A), 18 septembre 2025 : RG n° 20/02359

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il résulte des pièces contractuelles produites aux débats que le contrat de location a été conclu à [Localité 12], lieu où Mme X. exploite le salon de coiffure « L'atelier de Z. » mentionné en qualité de client dans les contrats litigieux. Il s'agit donc bien d'un contrat conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-3 précité.

La société Locam fait valoir que le contrat de location n'entre pas dans le champ de ces dispositions, en application de l'article L. 221-2, 4° du même code, selon lequel sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers.

Toutefois, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique, à l'article 2, 12), précise qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam est titulaire des droits nécessaires à la location de la solution informatique choisie par le locataire auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire ; à l'issue du contrat, le locataire dispose pour seule option de renouveler la location (article 3 du contrat de location) ou de restituer le matériel (article 15 du contrat de location). Aucune option ne lui permet d'acquérir le matériel loué à l'issue du contrat. Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.

Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions. En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les « opérations connexes » que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation. De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par Mme X.

Celle-ci justifie avoir souscrit les contrats litigieux au titre de son activité de coiffeuse exerçant sous l'enseigne « L'atelier de Z. », et n'avoir eu aucun salarié au 28 mars 2017 comme en atteste son expert-comptable.

Enfin, la location d'une caisse enregistreuse n'entre manifestement pas dans le champ de son activité principale de coiffeuse, dès lors que la fourniture de cette caisse enregistreuse, si elle peut faciliter l'exploitation du salon, ne relève en rien de l'activité de coiffeur. »

2/ « L'anéantissement du contrat de fourniture au jour de sa formation entraîne, par voie de conséquence, la caducité du contrat de location financière à la même date, en application de l'article 1186 du code civil. En effet, il résulte des dispositions du contrat de location que celui-ci a été souscrit pour financer le matériel fourni par la société Matecopie à Mme X., locataire de la société Locam. La relation contractuelle tripartite résulte clairement du contrat de location, de sorte que la société Locam avait connaissance de l'opération d'ensemble.

Il s'ensuit que les parties doivent procéder aux restitutions réciproques. Mme X. produit ses relevés bancaires au vu desquels il s'avère que la société Locam a prélevé la somme totale de 2.978,02 euros (soit 745,71 euros le 22 mai 2017, 1.044 euros le 30 juin 2017, 30 euros le 26 juillet 2017 et enfin 1.158,31 euros le 23 août 2017). Ainsi, la société Locam sera condamnée à restituer à Mme X. la somme de 2.977,71 euros conformément à la demande figurant dans les conclusions de cette dernière. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de chacun des prélèvements, et la capitalisation sera ordonnée.

Quant à la restitution de la caisse-enregistreuse, compte tenu du démarchage opéré dans les locaux du salon de coiffure de Mme X., il convient de laisser cette obligation à la charge de la société Locam, propriétaire du matériel. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/02359. N° Portalis DBVX-V-B7E-M6C6. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 10 mars 2020 : RG n° 2018j887.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 10], domiciliée [Adresse 5], [Localité 1], Représentée par Maître Maxime BERTHAUD, avocat au barreau de LYON, toque : 2542

 

INTIMÉES :

La société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

société par actions simplifiée au capital de XXX €, immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège. Sis [Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SARL MATECOPIE

SARL immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro YYY prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, Sis [Adresse 3], ([Localité 7]

 

INTERVENANTE FORCÉE :

S.E.L.A.R.L. LAURENT MAYON ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MATECOPIE

placée en liquidation judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, Sis [Adresse 8] ,([Localité 6]

 

Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 juin 2025

Date de mise à disposition : 18 septembre 2025

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffier. A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Sophie DUMURGIER, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère - Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 28 mars 2017, Mme X., exploitant son activité de coiffeuse sous l'enseigne « L'Atelier de Z. », a régularisé avec la société Matecopie, d'une part un contrat de prestation de maintenance portant sur la caisse enregistreuse Explora 460 Olivetti et sur un tiroir-caisse, une imprimante Epson et un ondulateur, d'autre part un contrat de rachat/reprise ainsi libellé : « participation commerciale à la prise de part de marché versé dans son intégralité un mois maximum après la livraison (5.600 euros) ».

Le même jour, elle a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (la société Locam) un contrat de location portant sur la caisse enregistreuse « Explora 460 » fournie par la société Matecopie, moyennant le règlement de 21 loyers trimestriels de 870 euros HT.

Le 26 avril 2017, un procès-verbal de livraison et de conformité désignant le bien suivant « 1 Olivetti Explorer 460 » a été signé par Mme X. et la société Matecopie.

Par courrier recommandé du 1er novembre 2017, Mme X. a indiqué à la société Locam vouloir résilier le contrat suite à une erreur provoquée par la société Matecopie sur la durée du contrat.

Par courrier recommandé délivré le 27 avril 2018, la société Locam a mis en demeure Mme X. de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, par acte d'huissier du 17 juillet 2018, la société Locam a assigné Mme X. devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne aux fins d'obtenir le paiement de la somme principale de 22.174,46 euros.

Par acte d'huissier du 18 novembre 2018, Mme X. a appelé dans la cause la société Matecopie. Les procédures ont été jointes par jugement du 4 décembre 2018.

Par jugement du 5 février 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Matecopie et désigné la SELARL Laurent Mayon en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement contradictoire du 10 mars 2020, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

- dit que les conditions prévues aux dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation ne sont en l'espèce pas réunies,

- dit que les dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation ne sont donc pas applicables en l'espèce,

- débouté Mme X. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de fourniture et maintenance la liant à la société Matecopie pour non-respect des dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation,

- débouté Mme X. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat la liant à la société Matecopie pour dol,

- constaté l'interdépendance et l'indivisibilité des contrats liant d'une part Mme X. et la société Matecopie et d'autre part Mme X. et la société Locam,

- débouté Mme X. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location,

- condamné Mme X. à verser à la société Locam la somme de 22.174,46 euros, y incluse la clause pénale de 10 %, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 avril 2018,

- débouté Mme X. de sa demande de condamnation de la société Matecopie à la relever indemne de toutes éventuelles condamnations prononcées au profit de la société Locam,

- débouté Mme X. de sa demande d'indemnisation,

- condamné Mme X. à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X. à payer la somme de 1.000 euros à la société Matecopie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés dès à présent à 63,36 euros, sont à la charge de Mme X.,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

***

Par déclaration reçue au greffe le 8 avril 2020, Mme X. a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision critiquée.

Par acte du 13 juillet 2020, Mme X. a assigné en intervention forcée la SELARL Laurent Mayon, en qualité de mandataire liquidateur de la société Matecopie, devant la cour d'appel de Lyon. L'acte lui a été signifié le 30 juillet 2020, remis à personne habilitée. La SELARL Laurent Mayon n'a pas constitué avocat.

Par arrêt du 29 juin 2023, la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 8 mars 2021,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 26 septembre 2023,

- enjoint à Mme X. de notifier ses écritures prises à l'encontre de la SELARL Laurent Mayon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Matecopie, et à la société Locam de régulariser des écritures à l'encontre de la SELARL Laurent Mayon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Matecopie au plus tard le 3 décembre 2022.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée 28 mars 2022 et signifiées au liquidateur judiciaire le 11 avril 2022, Mme X. demande à la cour, au visa des articles 46 et 48 du code de procédure civile, 1109, 1116, 1117 du code civil et L. 121-16-1 et suivants du code de la consommation de :

- déclarer l'action en intervention forcée de la SELARL Laurent Mayon recevable,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce du 10 mars 2020 en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau,

à titre principal,

- ordonner la nullité du contrat de maintenance et de fourniture d'une caisse enregistreuse Matecopie conclu le 28 mars 2017 pour manquement aux dispositions du code de la consommation applicables en matière de démarchage et/ou dol et/ou pratiques commerciales agressives,

- constater l'interdépendance des contrats de maintenance Matecopie et de location financière Locam,

en conséquence,

- ordonner la nullité de plein droit du contrat de location Locam conclu le 28 mars 2017 et plus subsidiairement la résolution judiciaire du contrat Locam conclu le 28 mars 2017,

- ordonner la reprise du matériel par la société Locam, en l'état et à ses frais dans les locaux de l'entreprise de Mme X.,

- condamner la société Locam à verser à Mme X. la somme de 2.977,71 euros en restitution des redevances perçues au titre du contrat de location financière avec intérêt au taux légal à compter de chacun des versements et capitalisation,

- condamner solidairement la société Locam et la société Matecopie à verser à Mme X. la somme de 15.000 euros au titre du préjudice subi et fixer la même somme au passif de la société Matecopie,

- ordonner la compensation de la somme de 5.600 euros versée à titre de participation commerciale à Mme X. avec les sommes dues à cette dernière en réparation de ses préjudices,

- dire que la société Locam sera privée de son droit à restitution des fonds éventuellement versés à la société Matecopie et subsidiairement, condamner la société Matecopie à garantir Mme X. de toute condamnation éventuelle à l'égard de Locam,

- condamner la société Locam à verser à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer au passif de la société Matecopie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Matecopie et la société Locam aux entiers dépens.

[*]

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 31 juillet 2023, la société Locam demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants et 1231-2 du code civil, L. 121-16 et suivants du code de la consommation et 311-2 et 511-21 du code monétaire et financier, de :

- dire non fondé l'appel de Mme X.,

- la débouter de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner Mme X. à régler à la société Locam une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.

[*]

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 novembre 2023, les débats étant fixés au 11 juin 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité des contrats pour pratique commerciale agressive :

Mme X. fait valoir que :

- elle a été amenée à conclure les contrats le même jour, avec la promesse de percevoir la somme de 5.600 euros effectivement versée quelques mois plus tard par chèque bancaire ;

- or elle s'est engagée sur une durée de 63 mois, de sorte que l'opération est extrêmement désavantageuse puisqu'elle ne sera jamais propriétaire d'un matériel dont le coût de location s'élève à 22.000 euros ;

- en application des articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la consommation, il conviendra d'annuler les contrats pour pratique commerciale agressive.

La société Locam ne forme aucun moyen en réplique sur ce point.

Sur ce,

L'article L. 121-6 du code de la consommation énonce :

'Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent :

1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;

2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ;

3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.

Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :

1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en 'uvre, sa nature et sa persistance ;

2° Le recours à la menace physique ou verbale ;

3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;

4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;

5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.'

Et l'article L. 121-7 du même code prévoit :

« Sont réputées agressives au sens de l'article L. 121-6 les pratiques commerciales qui ont pour objet :

1° De donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un contrat n'ait été conclu ;

2° D'effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si la législation nationale l'y autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle ;

3° De se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance ;

4° D'obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce consommateur d'exercer ses droits contractuels ;

5° Dans une publicité, d'inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité ;

6° D'informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés ;

7° De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait :

-soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ;

-soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût. »

En l'espèce, le 28 mars 2017, Mme X. a signé, outre le bon de commande du matériel et le contrat de maintenance, un contrat de rachat/reprise prévoyant une « participation commerciale à la prise de part de marché versée dans son intégralité un mois maximum après la livraison (5.600 €) ».

Elle soutient qu'il lui a été promis, « en contrepartie de sa participation à la prétendue campagne de publicité de la société Matecopie et grâce au versement du chèque de 5.600 euros, un matériel pour un coût nul ».

Or, il résulte des pièces produites aux débats que le bon de commande conclu avec la société Matecopie comporte, sous la désignation des produits commandés, la mention « location » en gras, avec le montant manuscrit '290 € HT'. De plus, le contrat de location de la société Locam comporte la mention 'lu et approuvé', ainsi que la signature de Mme X. et le tampon humide « L'atelier de Z. ».

Rien ne démontre donc que Mme X. aurait légitimement pu croire que le matériel était fourni « pour un coût nul » comme elle l'affirme.

En outre, elle justifie avoir bien reçu un chèque de 5.600 euros, daté du 18 mai 2017, conformément à l'engagement de la société Matecopie.

La pratique commerciale agressive invoquée par Mme X. n'est donc pas établie, de sorte que le contrat conclu avec la société Matecopie ne saurait être annulé pour ce motif.

 

Sur la nullité du contrat en application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement :

Mme X. fait valoir que :

- le contrat mentionne que le client dispose d'un délai de rétractation de quatorze jours, de sorte que la société Matecopie a reconnu que les dispositions du code de la consommation s'appliquent ;

- il n'existe aucun lien entre son activité de coiffeuse et la location financière d'une caisse enregistreuse, de sorte qu'elle doit être considérée comme une non-professionnelle ;

- les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement lui sont applicables, en ce que les contrats n'entrent pas dans le champ de son activité principale et elle n'employait aucun salarié lors de la signature des contrats ;

- elle n'a pas bénéficié de l'information précontractuelle prévue à l'article L. 121-18 du code de la consommation, aucun exemplaire des conditions générales ne lui a été remis ;

- elle n'a pas non plus été informée de la nature et des caractéristiques essentielles du bien, comme le prévoit l'article L. 121-17 du même code ; ainsi, le montant du loyer n'est mentionné que 'hors taxe', sans précision du montant TTC ; elle a réglé à la société Locam un loyer trimestriel de 1.044 euros alors que le bon de commande mentionne un loyer mensuel de 290 euros, soit 870 euros par trimestre ;

- le bon de commande ne mentionne pas la date ou le délai dans lequel le professionnel devait livrer le bien ; il ne comporte pas non plus de formulaire de rétractation ;

- toutes ces informations devaient lui être fournies à peine de nullité du contrat.

La société Locam réplique que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en ce que sont exclus les contrats portant sur les services financiers ; les opérations de location simple qu'elle réalise constituent un service financier.

Sur ce,

L'article L. 221-3 du code de la consommation, relatif aux contrats conclus hors établissement, prévoit :

« Les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

Il résulte des pièces contractuelles produites aux débats que le contrat de location a été conclu à [Localité 12], lieu où Mme X. exploite le salon de coiffure « L'atelier de Z. » mentionné en qualité de client dans les contrats litigieux. Il s'agit donc bien d'un contrat conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-3 précité.

La société Locam fait valoir que le contrat de location n'entre pas dans le champ de ces dispositions, en application de l'article L. 221-2, 4° du même code, selon lequel sont exclus du champ d'application du présent chapitre les contrats portant sur les services financiers.

Toutefois, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique, à l'article 2, 12), précise qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam est titulaire des droits nécessaires à la location de la solution informatique choisie par le locataire auprès du fournisseur et se trouve donc en être propriétaire ; à l'issue du contrat, le locataire dispose pour seule option de renouveler la location (article 3 du contrat de location) ou de restituer le matériel (article 15 du contrat de location). Aucune option ne lui permet d'acquérir le matériel loué à l'issue du contrat.

Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de matériel.

Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions.

En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les 'opérations connexes’que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation.

De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.

Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent donc être invoquées par Mme X.

Celle-ci justifie avoir souscrit les contrats litigieux au titre de son activité de coiffeuse exerçant sous l'enseigne « L'atelier de Z. », et n'avoir eu aucun salarié au 28 mars 2017 comme en atteste son expert-comptable.

Enfin, la location d'une caisse enregistreuse n'entre manifestement pas dans le champ de son activité principale de coiffeuse, dès lors que la fourniture de cette caisse enregistreuse, si elle peut faciliter l'exploitation du salon, ne relève en rien de l'activité de coiffeur.

L'ensemble des critères posés par l'article L. 221-3 précité sont donc remplis. Il appartenait donc à la société Matecopie de respecter les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, s'agissant notamment de l'information relative au droit de rétractation et de la remise d'un formulaire-type de rétractation, en application des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation.

Or, si le bon de commande comporte la mention selon laquelle le client « dispose d'un délai de rétractation de 14 jours à compter de la signature de ce contrat de prestation », il n'est pas justifié de la remise d'un bordereau de rétractation ni de l'information du client sur les modalités d'exercice de ce droit de rétractation. Les conditions générales du contrat ne sont pas produites.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité présentés par Mme X., il convient de prononcer la nullité du contrat de fourniture, conformément à la sanction prévue à l'article L. 242-1 du code de la consommation.

L'anéantissement du contrat de fourniture au jour de sa formation entraîne, par voie de conséquence, la caducité du contrat de location financière à la même date, en application de l'article 1186 du code civil. En effet, il résulte des dispositions du contrat de location que celui-ci a été souscrit pour financer le matériel fourni par la société Matecopie à Mme X., locataire de la société Locam. La relation contractuelle tripartite résulte clairement du contrat de location, de sorte que la société Locam avait connaissance de l'opération d'ensemble.

Il s'ensuit que les parties doivent procéder aux restitutions réciproques. Mme X. produit ses relevés bancaires au vu desquels il s'avère que la société Locam a prélevé la somme totale de 2.978,02 euros (soit 745,71 euros le 22 mai 2017, 1.044 euros le 30 juin 2017, 30 euros le 26 juillet 2017 et enfin 1.158,31 euros le 23 août 2017). Ainsi, la société Locam sera condamnée à restituer à Mme X. la somme de 2.977,71 euros conformément à la demande figurant dans les conclusions de cette dernière. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de chacun des prélèvements, et la capitalisation sera ordonnée.

Quant à la restitution de la caisse-enregistreuse, compte tenu du démarchage opéré dans les locaux du salon de coiffure de Mme X., il convient de laisser cette obligation à la charge de la société Locam, propriétaire du matériel.

Enfin, la demande de Mme X. tendant à être garantie par la société Matecopie est sans objet.

Le jugement sera donc infirmé sauf en ce qu'il constate l'interdépendance des contrats de fourniture et de location du matériel.

 

Sur la demande de réparation du préjudice moral :

Mme X. fait valoir que :

- elle est en droit d'engager la responsabilité extracontractuelle de la société Matecopie sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; elle a subi un préjudice du fait des manoeuvres de la société Matecopie ; son préjudice financier est caractérisé par son déficit de trésorerie et une perte de temps consacré à la gestion de ces contrats plutôt qu'à son activité ;

- le manquement à l'obligation précontractuelle d'information engage la responsabilité de son auteur ; elle ne se serait jamais engagée en l'absence des tromperies ;

- la société Locam a commis une faute engageant sa responsabilité, tenant à sa complicité dans le démarchage agressif ; elle doit donc être 'privée de son droit à restitution des fonds versés au titre du contrat de location’et doit être condamnée à l'indemniser de son préjudice moral.

La société Locam ne forme aucun moyen en réponse à cette demande.

Sur ce,

Le contrat de location financière étant caduc au jour de sa conclusion, Mme X. obtient la restitution des sommes versées à la société Locam et ne subit ainsi aucun préjudice financier de cette opération. En outre, il convient d'observer que Mme X. a perçu un chèque de 5.600 euros au titre de la participation commerciale de la société Matecopie, dont il n'est pas demandé restitution par le liquidateur judiciaire de cette dernière. Quant au préjudice moral allégué, les manœuvres invoquées par Mme X. ne sont pas établies. Le préjudice moral n'étant pas démontré, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de Mme X.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Locam succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Locam sera condamnée à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros et la même somme sera en outre fixée au passif de la société Matecopie, au profit de Mme X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il constate l'interdépendance et l'indivisibilité des contrats conclus entre Mme X., la société Matecopie et la société Location Automobile Matériels, et en ce qu'il déboute Mme X. de sa demande d'indemnisation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de fourniture conclu entre Mme X. et la société Matecopie, et la caducité par voie de conséquence du contrat de location conclu entre Mme X. et la société Location Automobile Matériels - LOCAM ;

Condamne la société Location Automobile Matériels - LOCAM à restituer à Mme X. la somme de 2.977,71 euros, outre intérêts au taux légal à compter de chacun des versements, avec capitalisation ;

Ordonne à la société Location Automobile Matériels - LOCAM de reprendre possession du matériel dans le local de Mme X. ;

Condamne la société Location Automobile Matériels - LOCAM aux dépens de première instance et d'appel ;

Fixe au passif de la société Matecopie la somme de 1.500 euros due à Mme X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Location Automobile Matériels - LOCAM à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       La présidente