TJ NICE (4e ch. civ.), 13 mai 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24409
TJ NICE (4e ch. civ.), 13 mai 2025 : RG n° 23/01228
Publication : Judilibre
Extrait : « Attendu que pour s’opposer à la demande, la défenderesse soutient en second lieu qu’une telle clause doit être déclarée non écrite en application de l’article 1171 du Code civil ;
Attendu qu’il échet de relever de ce chef que la SAS SCT a fait signer à la SELARL Pharmacie D. un contrat d’adhésion imposant au souscripteur une série d’obligations ;
Attendu que notamment, la clause de résiliation de ce contrat apparaît totalement exorbitante en regard du préjudice réel subi par le fournisseur résultant de la privation des gains futurs qu’il subit, mais alors qu’il n’aura plus à fournir de contrepartie ; qu’elle ne permet pas au client de se libérer de ses engagements moyennant une certaine somme mais tend au contraire à le contraindre de respecter la totalité de la durée du contrat sous peine de se voir imputer la totalité des loyers à échoir, augmentée de 10 % ;
Attendu que cette clause non négociable, déterminée à l’avance par le fournisseur, insérée dans un contrat d’adhésion crée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que cette clause doit être déclarée non écrite en application de l’article 1171 du Code civil ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 13 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01228 - N° Portalis DBWR-W-B7H-OZ6M.
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du treize Mai deux mil vingt cinq
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Conformément à l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 février 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Magistrat rapporteur : Monsieur Jean-Pierre SULTANA
Greffier : Madame Eliancia KALO
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du Tribunal, composé de :
Président : Madame Cécile SANJUAN-PUCHOL
Assesseur : Madame Diana VALAT
Assesseur : Monsieur Jean-Pierre SULTANA (Juge rédacteur)
DÉBATS : A l'audience publique du 20 Février 2025 le prononcé du jugement étant fixé au 13 mai 2025 par mise à disposition au greffe la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées ;
PRONONCÉ : Par mise à disposition au Greffe le 13 mai 2025, signé par Madame Cécile SANJUAN PUCHOL, Première Vice-Présidente, assistée de Madame Eliancia KALO, Greffière, à laquelle la minute de la décision été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDERESSE :
SAS Société COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 5], [Localité 2], représentée par Maître Lucille ROMERO, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
DÉFENDERESSE :
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE D.
prise en la personne de son représentant légal en exercice, [Adresse 4], [Localité 1], représentée par Me Suzan OKAR, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Vu l’assignation délivrée à la requête de la SAS Société Commerciale de Télécommunication (SCT) à l’encontre de la SELARL Pharmacie D., par acte du 22 mars 2023.
Vu les dernières conclusions de la SAS SCT, notifiées par voie de RPVA le 26 novembre 2024 et par lesquelles il est demandé au tribunal de constater que la résiliation du contrat de téléphonie fixe et accès Web est intervenue aux torts exclusifs de la SELARL Pharmacie D. ; en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 7.917,12 € TTC au titre des indemnités de résiliation du service de téléphonie fixe et accès Web, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation ; de la condamner à lui payer la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu les conclusions de la SELARL Pharmacie D., notifiées par voie de RPVA le 25 novembre 2024 et par lesquelles il est demandé au tribunal de débouter la SAS SCT de la totalité de ses prétentions ; à titre subsidiaire, de qualifier la clause relative aux pénalités de résiliation, de clause pénale manifestement excessive ; de fixer l’indemnité à ce titre à la somme de 1 euro ; en tout état de cause, de condamner la SAS SCT à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance du 27 novembre 2024 fixant la clôture au 6 février 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION RETENUE PAR LE TRIBUNAL :
Attendu que par acte du 21 juin 2018 la SAS SCT a conclu avec la SELARL Pharmacie D. un contrat de location d’une durée de 63 mois, ayant pour objet la fourniture et la mise en place d’une solution de téléphonie hébergée, sécurisée contre le piratage et permettant le branchement de l’ensemble des équipements en Plug and Play, la prestation portant sur le raccordement, le paramétrage, la programmation, le test et la formation des équipements, contre le paiement d’un loyer mensuel de 130 € hors-taxes, renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de 12 mois ;
Attendu que par avenant daté du 3 mai 2021, la SELARL Pharmacie D. s’est à nouveau engagée pour une durée de 63 mois, au titre des services de téléphonie fixe à régler un loyer actualisé hors leasing de 19 € hors-taxes par mois ;
Attendu que la SELARL Pharmacie D. ne conteste pas que cet avenant s’appliquait pour l’ensemble des prestations objet du premier contrat ;
Attendu que par courriel du 28 février 2022, la SELARL Pharmacie D. a résilié unilatéralement le contrat, ce qui a été enregistré par courrier du même jour par le groupe SCT avec effet au 9 mars 2022 ;
Attendu que par 2 courriers subséquents il a été réclamé à la locataire d’une part une indemnité de résiliation d’un montant TTC de 10 125,12 €, et d’autre part une facture concernant le matériel de 2640 € TTC, au motif que celui-ci n’avait pas été restitué dans un délai de 8 jours à compter de la prise d’effet de la résiliation, mais avec retard ;
Attendu que par 2 virements du 14 mai 2022, la SELARL Pharmacie D. a adressé à la SAS SCT une première somme de 2208 € correspondant à 23 mois de loyer et un virement de 132 € en règlement d’une facture du mois de mars 2022 ;
Attendu que par courriel du 13 juin 2022 la SAS SCT a accepté d’annuler la facture des indemnités relatives au matériel restitué avec retard pour un montant de 2640 € TTC ;
Attendu qu’après mise en demeure, la SAS SCT a initié la présente procédure et réclame à titre principal la somme de 7917,12 €, soit la différence entre le montant réclamé initialement de 10 125,12 € et la somme réglée par le pharmacien de 2208 € ;
Attendu qu’à l’appui de cette demande, la demanderesse fait valoir qu’en application de l’article 9 du contrat, la résiliation entraîne de plein droit, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droits d’une somme égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation, majorée de 10 % de son total, à titre de compensation du dommage subi par le bailleur ;
Attendu que pour s’opposer à la demande formulée à son encontre, la SELARL Pharmacie D. soutient qu’elle était bien fondée à résilier unilatéralement le contrat au motif que la demanderesse est responsable d’une inexécution grave de ses obligations ce qui doit entraîner la résolution du contrat en application de l’article 1217 du Code civil ;
Mais attendu que si la SELARL Pharmacie D. justifie qu’au départ elle a eu quelques difficultés résultant du fait que le système de téléphonie sans fil ne couvrait pas le premier étage, ce pourquoi au demeurant le fournisseur lui a remis un boîtier supplémentaire, lequel n’a pas été installé par la locataire, il n’est pas rapporté la preuve par la défenderesse qu’elle se serait plainte par la suite de l’installation réalisée, ni qu’elle aurait mis en demeure la SAS SCT avant de procéder à la résiliation unilatérale ; qu’il échet de la débouter de ce moyen ;
Attendu que pour s’opposer à la demande, la défenderesse soutient en second lieu qu’une telle clause doit être déclarée non écrite en application de l’article 1171 du Code civil ;
Attendu qu’il échet de relever de ce chef que la SAS SCT a fait signer à la SELARL Pharmacie D. un contrat d’adhésion imposant au souscripteur une série d’obligations ;
Attendu que notamment, la clause de résiliation de ce contrat apparaît totalement exorbitante en regard du préjudice réel subi par le fournisseur résultant de la privation des gains futurs qu’il subit, mais alors qu’il n’aura plus à fournir de contrepartie ; qu’elle ne permet pas au client de se libérer de ses engagements moyennant une certaine somme mais tend au contraire à le contraindre de respecter la totalité de la durée du contrat sous peine de se voir imputer la totalité des loyers à échoir, augmentée de 10 % ;
Attendu que cette clause non négociable, déterminée à l’avance par le fournisseur, insérée dans un contrat d’adhésion crée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que cette clause doit être déclarée non écrite en application de l’article 1171 du Code civil ;
Attendu qu’il convient d’observer que la demanderesse a cependant déjà perçu une somme de 2208 € à ce titre ;
Attendu qu’il échet en conséquence de débouter la SAS SCT de sa demande ;
Attendu qu’aucune considération d’équité ou liée à la situation de la demanderesse ne permet d’exonérer celle-ci de la prise en charge des frais irrépétibles exposés par la SELARL Pharmacie D. ; qu’il échet de la condamner de ce chef à lui payer la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE la clause de résiliation non écrite ;
DÉBOUTE la SAS Société Commerciale de Télécommunications de sa demande ;
CONDAMNE la SAS Société Commerciale de Télécommunications à payer à la SELARL Pharmacie D. la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Société Commerciale de télécommunications aux entiers dépens de la présente instance, qui seront distraits dans les formes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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