CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 16 mai 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2446
CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 16 mai 2006 : RG n° 05/01682
Publication : Jurica
Extrait : « Il n'y a pas lieu par contre d'indemniser le préjudice financier invoqué au vu de la clause 12-1 des conditions générales d'abonnement limitatives de la responsabilité de France Télécom sur ce point, ceci parce que la Société H et P ne peut invoquer l'article L. 132-1 du Code de la Consommation. En effet, l'objet du contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par cette société. L'abonnement à un réseau téléphonique était lié à l'activité du restaurant où les réservations se font par ce moyen ainsi que la prise de commandes. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 16 MAI 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/01682. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 FÉVRIER 2005 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER - N° RG 2004/1838.
APPELANTE :
SARL H & P SUSHI BOAT,
prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la Cour, assistée de la SCP CARLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître GOARANT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SA FRANCE TELECOM,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP ARGELLIES - TRAVIER - WATREMET, avoués à la Cour, assistée de la SCP BENE, avocats au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître GONZALEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 AVRIL 2006, en audience publique, M. Guy SCHMITT ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : M. Guy SCHMITT, Président, [minute Jurica page 2] M. Hervé CHASSERY, Conseiller, Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER : Lors des débats : Madame Monique AUSSILLOUS
ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par M. Guy SCHMITT, Président, signé par M. Guy SCHMITT, Président, et par Mademoiselle Colette ROBIN, Greffier présent lors du prononcé.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 avril 2006.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
A la fin de l'année 2002, la SARL H et P qui devait ouvrir un restaurant japonais au 12 de la rue de Verdun à Montpellier sous l'enseigne SUSHI BOAT a demandé à FRANCE TELECOM l'attribution d'une ligne téléphonique et d'une ligne de fax.
Par courrier du 3 janvier 2003 FRANCE TELECOM a annoncé à sa cliente que son numéro de téléphone serait le 04.XX7 et que l'installation aurait lieu le 9 janvier 2003.
Par courrier du 21 janvier 2003 France Télécom a annoncé à sa cliente que son n° de fax serait le 04.YY7 et que l'installation aurait lieu le 3 mars 2003.
Selon la fiche d'intervention de France Télécom, c'est le 3 mars 2003 que les deux installations ont été mises en place.
Le 4 mars 2003 France Télécom a adressé le contrat relatif au fax avec le n° attribué le 21 janvier 2002.
Entre temps la SARL H et P avait poursuivi ses travaux d'aménagement et avait entrepris une campagne de publicité d'envergure incluant le n° de téléphone attribué initialement.
C'est ainsi que des annonces paraissaient dans la presse, sur la radio locale et qu'étaient imprimés de nombreux documents : papiers à lettre, enveloppes, invitation, carte de visite, menus, toutes les commandes étant passées fin janvier et au cours du mois de février 2003.
A l'approche de l'ouverture du restaurant en avril 2003, la SARL H et P a procédé dit-elle à l'installation de son terminal téléphonique mais a constaté que le téléphone ne fonctionnait pas.
Le 22 avril 2003 elle a reçu un courrier de France Télécom lui annonçant l'attribution d'un n° de téléphone autre que le 1er donné le 3 janvier 2003 soit le n° 04.ZZ6 au lieu du 04.XX7 et ceci sans intervention, la ligne étant mise en service dans un délai de 2 jours.
Par courrier du lendemain le contrat portant sur le nouveau N° attribué à la cliente a été adressé à celle-ci.
[minute Jurica page 3] Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2003 après des pourparlers téléphoniques attestés par une ancienne employée de FRANCE TELECOM, le Conseil de la SARL H et P a adressé une mise en demeure à FRANCE TELECOM de rétablir le n° initial qui avait entre temps été attribué à un tiers.
France Télécom n'y a pas répondu.
C'est dans ces circonstances que la SARL H et P a, par acte du 20 janvier 2004, fait assigner la SA FRANCE TELECOM devant le Tribunal de Commerce de Montpellier pouvoir celle-ci condamnée à lui payer :
- 72.130 € au titre de son préjudice commercial,
- 34.105 € au titre des frais de publicité engagés,
- 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement du 2 février 2005, le Tribunal de Commerce de Montpellier a constaté que FRANCE TELECOM n'avait pas commis de faute et a rejeté toutes les demandes de la Société H et P.
La SARL H et P a interjeté appel de cette décision le 17 mars 2005.
La seule attribution de sa ligne téléphonique à un tiers le 17 mars 2003 révèle le manquement de France Télécom à ses obligations contractuelles soutient-elle.
Elle affirme n'avoir jamais reçu le prétendu courrier de résiliation de France Télécom et dont le Tribunal fait état dans sa décision.
La SA France Télécom ne s'est jamais expliquée sur le motif du changement de n°.
Si elle peut résilier de plein droit un contrat encore doit-elle envoyer un courrier recommandé et observer un délai de préavis suffisant soutient l'appelante.
Elle-même n'avait pas à contester le non fonctionnement de la ligne à compter du 17 mars 2003 parce que l'installation était faite, qu'elle fonctionnait depuis le 3 mars 2003 et qu'elle n'avait pas à tester la ligne chaque jour alors que le restaurant était toujours en travaux.
Elle n'avait pas à s'inquiéter de ne pas recevoir de facture parce que la facturation est bimensuelle et qu'en raison des travaux, aucun appel n'était donné.
[minute Jurica page 4] La mise en demeure ne date que du 7 mai puisque des pourparlers ont eu lieu avant cette date, France Télécom proposant même un autre n° par son courrier du 22 avril 2003.
La Société appelante invoque l'article L. 132-1 du Code de la Consommation sur la protection des consommateurs pour voir écarter une clause abusive du contrat.
Elle soutient que son préjudice de 72.130 € lié à ses démarches publicitaires est démontré par les pièces qu'elle fournit.
Elle se défend d'être un établissement de restauration rapide.
Quant à son préjudice commercial elle le calcule en fonction de la perte de clientèle liée à l'absence de téléphone indispensable pour la réservation.
La somme de 72.130 € correspond à la différence entre le chiffre d'affaire envisagé lors de l'étude prévisionnelle et le chiffre effectivement réalisé.
Elle réclame réformation du jugement attaqué, l'allocation des sommes réclamées et 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA FRANCE TELECOM soutient qu'après la mise en service du 3 mars 2003, « la ligne 04.XX7 était résiliée et un courrier confirmant la prise en compte de cette résiliation était adressé à la Société H et P ».
Le 17 mars 2003 la ligne a ainsi été attribuée à un sieur A. et jusqu'au 28 juillet 2003 date de résiliation du nouvel abonnement pour non paiement.
Elle soutient qu'elle a tenté de trouver un accord avec sa cliente dès que la ligne a été libérée mais en vain.
Elle formule plusieurs critiques à l'égard de la SARL H et P qui n'aurait pas réagi après la résiliation, ce dont celle-ci se défend ainsi qu'il a été exposé.
Elle soutient que la SARL H et P a elle-même demandé la résiliation de l'abonnement ceci parce qu'elle ne voulait pas payer d'abonnement pendant les travaux.
La mise en demeure tardive le prouve dit-elle.
Elle ajoute que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation n'est pas applicable en l'espèce et que la clause limitative de sa responsabilité (article 12-1 des conditions générales d'abonnement) s'applique.
A propos de la demande de dommages intérêts, si ses arguments étaient rejetés elle fait notamment valoir que l'établissement concerné n'est que de restauration rapide situé à côté des cinémas et pour lequel la réservation n'est pas nécessaire, ceci pour dire que le préjudice commercial ne peut être important.
Elle critique le calcul du montant de celui-ci et aussi le préjudice invoqué au titre de la publicité.
[minute Jurica page 5] Elle demande la confirmation du jugement attaqué.
Elle réclame 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
C'est par des formules très elliptiques que FRANCE TELECOM aux pages 2 et 4 de ses conclusions fait état d'un courrier qu'elle aurait adressé à la SARL H et P pour lui confirmer sa prise en compte de la demande de résiliation présentée par sa cliente.
Elle affirme donc que c'est la SARL H et P qui a résilié son abonnement entre le 3 mars et le 17 mars 2003, soit en l'espace de 14 jours...
Elle affirme aussi qu'elle lui a adressé un courrier pour prendre en compte cette demande de résiliation.
La SA FRANCE TELECOM affirme mais ne prouve pas l'existence de ces courriers alors que c'est à elle de le faire. Il n'existe aucune preuve de la résiliation qui aurait été réclamée par la Société H et P et aucune preuve de la lettre de prise en compte de cette volonté par FRANCE TELECOM.
Dès lors l'attribution du n° de téléphone de la Société H et P à un sieur AALOU le 17 mars 2003 apparaît-elle comme fautive. FRANCE TELECOM a failli à son engagement de fournir une ligne téléphonique à sa cocontractante.
La Société H et P a subi un préjudice qui trouve sa cause dans cette faute.
En effet par les pièces qu'elle produit, la Société H et P démontre qu'étant en possession du premier numéro de téléphone qui lui avait été attribué, elle a aussitôt, entre fin janvier et février 2003 entrepris des commandes et organisé une campagne de publicité pour se faire connaître alors qu'elle allait ouvrir un restaurant japonais au cœur de Montpellier, établissement d'un certain standing selon les photographies produites, aménagé et décoré avec recherche et proposant, au vu de la carte produite, des plats de qualité.
Il ne peut lui être reproché ses démarches alors que confiante elle ne soupçonnait pas la perte de son numéro de téléphone pourtant indispensable à son lancement et à son bon fonctionnement.
Par la perte de ce numéro ses efforts publicitaires ont été anéantis. Après les inexactitudes relatives aux courriers de résiliation, les critiques mesquines de France Télécom qui dénigre l'établissement, tente de le déprécier, dit qu'il disposait toujours au moins d'un fax apparaissent abusives alors que c'est la faute de cette société qui a créé au restaurant les difficultés réelles exposées par celui-ci même si des rattrapages ont pu être effectués sur les ondes radiophoniques. Il y a de toute façon eu gêne et confusion pour la SARL H et P et préjudice financier qui doit être indemnisé à hauteur de 33.680 € correspondant au montant des factures produites moins celle des baguettes (425 €) dont il n'est pas prouvé que leur emballage ou elles mêmes portaient le numéro de téléphone.
[minute Jurica page 6] Sur ce point le jugement doit être réformé.
Il n'y a pas lieu par contre d'indemniser le préjudice financier invoqué au vu de la clause 12-1 des conditions générales d'abonnement limitatives de la responsabilité de France Télécom sur ce point, ceci parce que la Société H et P ne peut invoquer l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
En effet, l'objet du contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par cette société. L'abonnement à un réseau téléphonique était lié à l'activité du restaurant où les réservations se font par ce moyen ainsi que la prise de commandes.
Sur ce point la Société H et P sera déboutée de sa demande.
En application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la SA France TELECOM sera condamnée à verser la somme de 2.000 € à l'appelante.
Succombant elle sera condamnée aux entiers dépens, ce qui la prive du bénéfice de cet article.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
- Reçoit en la forme l'appel interjeté,
- Au fond le dit bien fondé,
- En conséquence réforme la décision attaquée,
- Condamne la SA FRANCE TELECOM à payer à la SARL H et P la somme de 33.680,10 € en réparation du préjudice de celle-ci lié à ses investissements en matière de publicité.
- Déboute la Société H et P de sa demande d'indemnisation de son préjudice financier,
- Condamne la SA FRANCE TELECOM à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Déclare la SA FRANCE TELECOM irrecevable en cette demande ;
- La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5869 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Caractères de l’activité
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
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