TJ NANCY (pôle civ. sect. 4), 11 septembre 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24464
TJ NANCY (pôle civ. sect. 4), 11 septembre 2025 : RG n° 23/01078
Publication : Judilibre
Extrait : « La condition suspensive, définie par l’article 1304 du code civil, comme un événement futur et incertain dont dépend la naissance de l’obligation, est prohibée par l’article 1304-2 de ce même code lorsqu’elle est potestative et qu’elle dépend de la seule volonté du débiteur de l’obligation. Selon l’article 1304-2 précitée, l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur est nulle.
En l’espèce, la SCEA La Ferme DHG soutient que la condition suspensive tenant à la faisabilité technique de l’opération est nulle en ce qu’elle laisse la possibilité à EDF ENR de procéder en interne à l’appréciation de cette faisabilité technique, en faisant appel à son propre conseil technique délégué, qu’elle rémunère elle-même et qui agit selon ses propres instructions, ce qui lui permet ainsi de se dédire. La SCEA La Ferme DHG considère en se fondant sur les termes de l’article 1171 du code civil, qu’une telle clause créé un déséquilibre entre les droits des parties, de sorte qu’elle devrait être réputée non écrite.
Mais il ressort des pièces produites que la société EDF ENR a chargé un bureau d’étude, GINGER CEBTP, de procéder à l’examen de la structure du hangar et d’examiner la capacité de la structure métallique à recevoir la pose de panneaux solaires en couverture. Aux termes de relevés et calculs successifs exposés de façon détaillée et circonstanciée dans son rapport, le bureau d’études a formulé les conclusions suivantes : « Les 2 zones du hall principal présentent des éléments avec un sous-dimensionnement et des défauts de conception dont les conséquences sont significatives sur les résultats des calculs. Une des explications de ces résultats pourrait être une conception initiale du bâtiment ne considérant pas un hall fermé (absence de remplissage en façades). En l’état, aucune surface n’est admissible sur la couverture du bâtiment. Le calcul considère une structure en bon état initial, soit après réparation des éléments altérés. Or pour rappel, la charpente comprend de nombreux éléments déformés. Ainsi en cas d’épisode climatique extrême, la stabilité de l’ouvrage pourrait être remise en cause, notamment en présence des désordres cités. »
Si elle affirme que le bureau d’étude a agi selon les instructions de la société EDF ENR, la SCEA La Ferme DHG ne justifie d’aucun élément de preuve de nature à remettre en cause son indépendance et la fiabilité de ses constatations techniques.
Il est ainsi établi que la faisabilité de l’opération a fait l’objet d’une appréciation réalisée à partir d’investigations techniques et de calculs détaillés, par un bureau distinct dont le lien de dépendance à l’égard de la société EDF ENR n’est pas caractérisé, de sorte que la clause, qui est dépendante d’éléments extérieurs, objectifs et significatifs, n’est pas soumise à la seule volonté de cette dernière et ne constitue pas une condition potestative, laquelle au surplus, a pour seul effet, selon l’article 1304-2 du code civil, de rendre nulle l’obligation soumise à cette modalité et à faire ainsi obstacle à l’exécution forcée du contrat.
Par ailleurs, la clause litigieuse ne saurait être réputée non écrite sur le fondement de l’article 1171 du code civil dont se prévaut la SCEA La Ferme DHG, dès lors que tendant à s’assurer de la fiabilité technique de l’opération consistant à l’installation d’un générateur sur la toiture d’un hangar, elle porte sur l’objet principal du contrat pour lequel l’article précité exclut toute appréciation de déséquilibre.
Le moyen tendant à voir priver d’effet la clause suspensive sera en conséquence rejeté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANCY
PÔLE CIVIL SECTION 4
JUGEMENT DU 11 SEPTEMBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01078. N° Portalis DBZE-W-B7H-ISPA.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame MARIE-CÉCILE HENON, Vice-Président, Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : Madame Sarah ANNERON, Greffière
PARTIES :
DEMANDERESSE :
S.C.E.A. La Ferme DHG
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro B XXX agissant poursuites et diligences de son gérant Monsieur X., dont le siège social est sis [Adresse 2] / FR, représentée par Maître Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocats au barreau de NANCY, avocats plaidant, vestiaire : 3
DÉFENDERESSE :
SAS EDF ENR
dont le siège social est sis [Adresse 4], représentée par Maître Marie-Laurence FOLMER, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant, vestiaire : 132
Clôture prononcée le : 17 décembre 2024
Débats tenus à l'audience du : 24 avril 2025
Date de délibéré indiquée par le Président : 11 septembre
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 11 septembre 2025
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SCEA La Ferme DHG est une société civile spécialisée dans l’exploitation agricole qui dispose d’un bâtiment type hangar destiné au stockage de produits, céréales et grains, situé à l’adresse de son siège, [Adresse 3] (54).
Selon bon de commande signé le 8 novembre 2021, la SCEA La Ferme DHG a confié à la société EDF ENR l’installation d’un « générateur en vente totale d’une puissance de 234 kWc », moyennant le prix de 264.000,00 € TTC, comprenant notamment les prestations suivantes :
- la dépose de la couverture existante sur toiture inclinée en fibrociment ;la fourniture et la pose d’une couverture en bac acier 75/100 ; - la fourniture et la pose d’un système d’intégration (structure ISB sur toiture inclinée type Jorisolar RS-R) ; - la fourniture et la pose de modules photovoltaïques ; - la fourniture et la pose d’un lot électrique dédié, y compris coffrets, câbles et cheminement jusqu’à des onduleurs ; - la fourniture et la pose « supervision » et « réinjection » ; - les frais du Bureau de contrôle et mission de solidité.
Selon les conditions générales, l’acceptation définitive de la commande par EDF ENR était subordonnée à la réalisation des conditions suivantes :
- Obtention d’un financement bancaire par le client lorsque ce financement est prévu par le bon de commande - Obtention des autorisations administratives nécessaires - Validation par un bureau d’étude interne ou externe à EDF ENR de la faisabilité technique de l’opération, cette condition étant stipulée au bénéfice exclusif d’EDF ENR.
A compter de janvier 2022, la SCEA La Ferme DHG a procédé aux démarches suivantes :
- obtention le 31 janvier 2022, d’une décision de non-opposition sur déclaration préalable de travaux correspondant à la pose du générateur photovoltaïque en toiture
- obtention d’un financement bancaire assuré par le Crédit Agricole de Lorraine selon offre de prêt acceptée le 8 juin 2022 pour un montant de 220.000 € au taux de 2%,
- prises de contact et validation d’accords avec les autres entités concernées par le projet, dont ENEDIS.
Le 2 juin 2022, le cabinet GINGER CEBTP, saisi par la société EDF ENR, a procédé à l’inspection du hangar afin de déterminer la « capacité portante » de la structure métallique à recevoir la pose des panneaux solaires en couverture et a retenu dans son rapport du 29 juin 2022 :
« un défaut de conception pour les fermes principales ; un défaut de conception au niveau de la poutre longitudinale de reprise ; un fléchissement excessif des poteaux de façade du bâtiment causé par la redistribution des efforts, liés à un manque de rigidité globale, Les 2 zones du hall principal présentent des éléments avec un sous-dimensionnement et des défauts de conception dont les conséquences sont significatives sur les résultats des calculs. Une des explications de ces résultats pourrait être une conception initiale du bâtiment ne considérant pas un hall fermé (absence de remplissage en façades). En l’état, aucune surface n’est admissible sur la couverture du bâtiment. Le calcul considère une structure en bon état initial, soit après réparation des éléments altérés. Or pour rappel, la charpente comprend de nombreux éléments déformés. Ainsi en cas d’épisode climatique extrême, la stabilité de l’ouvrage pourrait être remise en cause, notamment en présence des désordres cités. »
Le 1er septembre 2022, la société EDF ENR a informé la SCEA La Ferme DHG de l’annulation du projet en raison de l’infaisabilité technique et du remboursement du pré-acompte de 11.600,00 € déduction des frais d’un montant de 1.600,00 €, inhérents au traitement du dossier et aux démarches administratives.
Le 10 octobre 2022, le cabinet 1génierie, saisi par la SCEA La Ferme DHG d’une demande d’étude de la structure du hangar et des contraintes de l’installation envisagée, a retenu que :
« Au vu des hypothèses de chargement de la charpente prises en compte, les éléments ont une tenue mécanique correcte au regard des règles EUROCODES et peuvent supporter la couverture photovoltaïque en faisant (simplement) quelques renforts ».
La SCEA La Ferme DHG a fait part à la société EDF ENR de son opposition selon ses termes, à la résiliation unilatérale du contrat par courriers successifs des 7 novembre, 6 et 19 décembre 2022, 6 janvier 2023.
Se prévalant de l’importance du projet et de son financement par un prêt bancaire, de l’accomplissement des diligences mises à sa charge, la SCEA La Ferme DHG a assigné le 7 avril 2023, la société EDF ENR devant le tribunal judiciaire de Nancy afin d’obtenir à titre principal, l’exécution forcée du contrat et l’indemnisation de son préjudice, à titre subsidiaire le dédommagement des préjudices et le remboursement de divers frais.
La SCEA La Ferme DHG a précisé qu’en cours d’instance, deux éléments nouveaux étaient intervenus :
Les travaux sur la structure du bâtiment concerné : conformément aux conditions générales du bon de commande, la SCEA LA FERME DHG a déclaré avoir commandé et payé les travaux de renforcement de la structure du bâtiment type hangar destiné à accueillir la couverture avec les panneaux photovoltaïques et justifier d’un certificat de fin de travaux établi le 12 février 2024, après la réception du chantier, par le Cabinet d’ingénierie de Monsieur Y., selon lequel : des poteaux, barres et bracons ont été implantés en remplacement ou ajout d’éléments de structure qui auraient été trop faibles ; l’ensemble des éléments de support de la couverture du hangar a une tenue mécanique correcte au regard des règles EUROCODES et la capacité de support des panneaux photovoltaïques est parfaitement acquise ; la caducité du premier financement bancaire et la mise en place d’un nouveau financement bancaire : la SCEA La Ferme DHG a souscrit le 6 juin 2022, un prêt bancaire de 220.000,00 € au taux de 2%, devenu caduc faute de déblocage des fonds prévu au plus tard le 30 octobre 2022. Un second contrat de prêt a été signé le 25 juillet 2023 pour un montant de 235.000,00 € au taux de 3,88 %.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la SCEA La Ferme DHG demande au tribunal de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1104 et 1193 du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article 1221 du même Code,
Vu les dispositions des articles 1217 et 1231-1 du même Code,
Vu les autres textes précités,
Déclarer l’action entreprise par la SCEA La Ferme DHG recevable et fondée ;
A titre principal :
Condamner la SAS EDF ENR a exécuter les prestations mises à sa charge en exécution du bon de commande signe les 18 novembre 2021 et 7 février 2022 pour l’installation d’un générateur en vente totale, intégrant la fourniture et la pose de modules photovoltaïques et a réaliser, sur le hangar à usage agricole sis [Adresse 1] a [Localité 5], la pose de la structure, des modules du lot électricité et à achever les raccordements décrits audit document, et ce avec astreinte de 5.000 € par semaine de retard passe le délai de 2 mois suivant la signification du jugement à intervenir ; Dire qu’il appartiendra aux parties, ou a défaut a la plus diligente d’entre elles, de faire établir un procès-verbal par Commissaire de Justice lorsque l’installation pourra être réceptionnée et effectivement mise en service ; Dire que le Tribunal de céans se réserve la liquidation de l’astreinte ; Condamner, en l’état, la SAS EDF ENR à verser à la SCEA La Ferme DHG :une provision de 78.145,60 € à titre d’indemnisation pour la perte de revenus sur 20 mois liés à l’absence de mise en service de l’installation photovoltaïque à l’échéance initialement prévue du 28 septembre 2022 et au surcout de financement bancaire déjà acte par suite de l’augmentation des taux d’emprunt ;
A titre infiniment subsidiaire :
Condamner la SAS EDF ENR à verser à la SCEA La Ferme DHG : une somme de 13.200 € à titre de remboursement de l’acompte verse le 24 novembre 2021 ; une somme de 44.160 € correspondant au surcout de la nouvelle commande pour mise en place d’une installation similaire ;une somme de 38.145,60 € au titre du surcout des nouveaux crédits qui ont été souscrits ;une somme de 19.905 € au titre des frais déjà engages auprès d’ENEDIS ; une somme de 1.231 € au titre des frais engagés auprès de la SAS QUALICONSULT SECURITE ;une provision de 40.000 € au titre la perte d’exploitation sur une année entière ;
En toutes hypothèses :
Condamner la SAS EDF ENR à verser à la SCEA La Ferme DHG :
une somme de 1.200 € à titre de remboursement des frais d’étude exposés auprès de la SARL 1GENIERIE ; une indemnité de 6.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure ; Rappeler que le jugement à intervenir est exécutoire de plein droit et par provision Renvoyer la cause et les parties à une audience ultérieure de Mise en Etat suffisamment lointaine afin qu’il soit débattu des préjudices définitifs subis par la SCEA La Ferme DHG, après mise en service de l’installation Débouter la SAS EDF ENR de toutes conclusions plus amples ou contraires. Civile ;
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société EDF ENR demande au tribunal de :
Vu l’article 1304 du Code civil,
Vu l’article 1304-6 du Code civil,
DÉBOUTER la SCEA La Ferme DHG de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; ÉCARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir du chef des demandes adverses ; CONDAMNER la SCEA La Ferme DHG à payer à EDF ENR la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ; CONDAMNER la SCEA La Ferme DHG aux entiers dépens.
[*]
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 17 décembre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le bon de commande signé le 18 novembre 2021
Selon le bon de commande daté du 15 novembre 2021, la SCEA La Ferme DHG a confié à la société EDF ENR l’installation sur la toiture d’un hangar lui appartenant, d’un « générateur en vente totale d’une puissance de 234 kWc », moyennant le prix de 264.000,00 € TTC.
L’article 3 des conditions générales stipule que « l’acceptation définitive de la commande par EDF ENR » était subordonnée à la réalisation des conditions suspensives suivantes :
Obtention d’un financement bancaire par le client lorsque ce financement est prévu par le bon de commande ; Obtention des autorisations administratives nécessaires ; Validation par un bureau d’étude interne ou externe à DEF ENR de la faisabilité technique de l’opération, cette condition étant stipulée au bénéfice exclusif d’EDF ENR.
Ce même article précise également les possibilités d’annulation de la commande pour défaut de réalisation des conditions suspensives selon les modalités suivantes : « à l’issue d’un délai de 24 mois après la date de signature du bon de commande, si EDF ENR n’a pas levé les conditions relatives aux autorisations administratives, le cas échéant et/ou à la faisabilité technique, le client peut demander à EDF ENR le remboursement du pré-acompte versé, après déduction des frais administratifs d’un montant de 2 500,00 € HT forfaitaire. »
La SCEA La Ferme DHG a accepté le bon de commande le 18 novembre 2021, par apposition de la signature de son gérant sous la mention manuscrite « bon pour commande sous réserve des conditions suspensives. »
La société EDF ENR l’ayant informée en 2022, de l’annulation du projet, la SCEA La Ferme DHG entend obtenir à titre principal, l’exécution forcée du contrat, à titre subsidiaire, l’indemnisation de ses divers préjudices.
L’exécution forcée du contrat
Pour obtenir l’exécution forcée du contrat et s’opposer au moyen de la société EDF ENR selon lequel la condition suspensive étant défaillie au regard de l’infaisabilité technique manifeste du projet, ses obligations au titre du contrat du 18 novembre 2021 sont réputées n’avoir jamais existé, la SCEA La Ferme DHG fait valoir que :
La clause litigieuse est potestative ; La mise en œuvre de la clause relative à la faisabilité technique de l’opération intervient de façon anormale au mépris du respect des autres engagements ; Il n’existe pas d’infaisabilité technique.
Sur la potestativité de la clause suspensive
La condition suspensive, définie par l’article 1304 du code civil, comme un événement futur et incertain dont dépend la naissance de l’obligation, est prohibée par l’article 1304-2 de ce même code lorsqu’elle est potestative et qu’elle dépend de la seule volonté du débiteur de l’obligation.
Selon l’article 1304-2 précitée, l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur est nulle.
En l’espèce, la SCEA La Ferme DHG soutient que la condition suspensive tenant à la faisabilité technique de l’opération est nulle en ce qu’elle laisse la possibilité à EDF ENR de procéder en interne à l’appréciation de cette faisabilité technique, en faisant appel à son propre conseil technique délégué, qu’elle rémunère elle-même et qui agit selon ses propres instructions, ce qui lui permet ainsi de se dédire.
La SCEA La Ferme DHG considère en se fondant sur les termes de l’article 1171 du code civil, qu’une telle clause créé un déséquilibre entre les droits des parties, de sorte qu’elle devrait être réputée non écrite.
Mais il ressort des pièces produites que la société EDF ENR a chargé un bureau d’étude, GINGER CEBTP, de procéder à l’examen de la structure du hangar et d’examiner la capacité de la structure métallique à recevoir la pose de panneaux solaires en couverture.
Aux termes de relevés et calculs successifs exposés de façon détaillée et circonstanciée dans son rapport, le bureau d’études a formulé les conclusions suivantes :
« Les 2 zones du hall principal présentent des éléments avec un sous-dimensionnement et des défauts de conception dont les conséquences sont significatives sur les résultats des calculs. Une des explications de ces résultats pourrait être une conception initiale du bâtiment ne considérant pas un hall fermé (absence de remplissage en façades).
En l’état, aucune surface n’est admissible sur la couverture du bâtiment.
Le calcul considère une structure en bon état initial, soit après réparation des éléments altérés.
Or pour rappel, la charpente comprend de nombreux éléments déformés.
Ainsi en cas d’épisode climatique extrême, la stabilité de l’ouvrage pourrait être remise en cause, notamment en présence des désordres cités. »
Si elle affirme que le bureau d’étude a agi selon les instructions de la société EDF ENR, la SCEA La Ferme DHG ne justifie d’aucun élément de preuve de nature à remettre en cause son indépendance et la fiabilité de ses constatations techniques.
Il est ainsi établi que la faisabilité de l’opération a fait l’objet d’une appréciation réalisée à partir d’investigations techniques et de calculs détaillés, par un bureau distinct dont le lien de dépendance à l’égard de la société EDF ENR n’est pas caractérisé, de sorte que la clause, qui est dépendante d’éléments extérieurs, objectifs et significatifs, n’est pas soumise à la seule volonté de cette dernière et ne constitue pas une condition potestative, laquelle au surplus, a pour seul effet, selon l’article 1304-2 du code civil, de rendre nulle l’obligation soumise à cette modalité et à faire ainsi obstacle à l’exécution forcée du contrat.
Par ailleurs, la clause litigieuse ne saurait être réputée non écrite sur le fondement de l’article 1171 du code civil dont se prévaut la SCEA La Ferme DHG, dès lors que tendant à s’assurer de la fiabilité technique de l’opération consistant à l’installation d’un générateur sur la toiture d’un hangar, elle porte sur l’objet principal du contrat pour lequel l’article précité exclut toute appréciation de déséquilibre.
Le moyen tendant à voir priver d’effet la clause suspensive sera en conséquence rejeté.
La mise en œuvre de la clause
La société EDF ENR soutient que la condition suspensive a été mise en œuvre de mauvaise foi et qu’il est constant que les motifs de la défaillance invoqués par la société EDF ENR ne sont pas justifiés en faisant valoir que :
Un calendrier prévisionnel a été établi afin de définir les dates des diverses opérations liées aux démarches administratives, financières et à l’ouverture du chantier ; Les conclusions de l’étude technique, réalisée unilatéralement, ont été portées tardivement à la connaissance de la SCEA La Ferme DHG, laquelle a procédé entretemps aux différentes démarches lui incombant ;La SCEA La Ferme DHG a réalisé les travaux de reprise nécessaires à la faisabilité de l’opération et a pris les frais à sa charge.
Mais au regard d’une part d’une condition soumettant l’installation d’un générateur sur la toiture du hangar à la faisabilité technique de l’opération, d’autre part aux constatations opérées par un bureau d’étude extérieur selon lesquelles « aucune surface n’est admissible sur la couverture du bâtiment » et enfin du délai de 24 mois après la signature du bon de commande à l’issue duquel le client pouvait demander le remboursement de l’acompte, en cas « d’annulation de la commande » pour défaut de réalisation de la condition suspensive tenant à la faisabilité technique de l’opération, les circonstances invoquées par la SCEA La Ferme DHG ne peuvent utilement caractériser la mauvaise foi de la partie adverse, à laquelle un simple planning prévisionnel, ne figurant pas parmi les stipulations contractuelles, ne peut être opposé.
Le grief tenant à la mauvaise foi de la société EDF ENR dans la mise en œuvre de la condition suspensive sera en conséquence, rejeté.
Sur l’infaisabilité technique de l’opération :
La SCEA La Ferme DHG soutient qu’il n’existait en 2022, aucune infaisabilité technique mais des précautions à prendre et des travaux à mettre en œuvre selon les observations du bureau d’étude mandaté par la société EDF ENR, en précisant les avoir réalisés à ses frais et en se prévalant d’un certificat de fin de travaux en date du 12 février 2024.
Mais, alors que la société EDF ENR était fondée à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive et de la caducité du contrat à la date du 1er septembre 2022, date à laquelle elle a informé sa cliente de « l’annulation du projet », le délai dans lequel la condition était enfermé ne peut être considéré comme étant toujours en cours au 12 février 2024.
En outre, alors que la société EDF ENR relève que le certificat de travaux ne comporte qu’une affirmation succincte de ce que la toiture peut supporter la couverture photovoltaïque et des calculés reproduits sur une seule page, la SCEA La Ferme DHG ne justifie pas de la faisabilité technique de l’installation du générateur sur la toiture du hangar en considération des constatations initiales et circonstanciées opérées par le premier bureau d’étude.
Les contestations opposées par la SCEA La Ferme DHG, qui ne peuvent remettre en cause la défaillance de la condition suspensive dont la société EDF ENR justifie, seront en conséquence rejetées.
Sur les effets de la défaillance de la condition suspensive :
La condition suspensive ne s’étant pas réalisée, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé en application de l’article 1304-6 du code civil ; de sorte que la SCEA La Ferme DHG ne peut en obtenir l’exécution forcée.
Dès lors, la demande tendant à la condamnation de la société EDF ENR à exécuter les prestations mises à sa charge en vertu du bon de commande sera rejetée.
Sur les demandes indemnitaires :
La SCEA La Ferme DHG sollicite la condamnation de la société EDF ENR au paiement des sommes suivantes :
À titre principal :
78.145,60 € au titre d’une provision sur une prétendue perte financière ;
À titre subsidiaire :
40.000 € au titre d’une provision sur la perte financière ; 13.200 € au titre de remboursement de l’acompte versé le 24 novembre 2021 ; 44.160 € au titre du surcoût de la réalisation d’une installation similaire ; 38.145,60 € au titre du surcoût d’un nouveau crédit à cet égard ; 19.905 € au titre de frais engagés auprès d’Enedis ; 1.231 € au titre de frais engagés auprès de Qualiconsult ; 1.200 € au titre de frais engagés auprès de la société 1genierie.
S’agissant tout d’abord du remboursement de l’intégralité de l’acompte versé le 24 novembre 2021, il ressort des conditions générales qu’en cas de défaillance de la condition suspensive, le client peut demander à EDF ENR le remboursement du pré-acompte versé après déduction des frais administratifs d’un montant de 2 500,00 €.
Par ailleurs, il ressort de son courriel du 1er septembre 2022, qu’en informant la SCEA La Ferme DHG de « l’annulation du projet », la société EDF ENR a précisé que les dépenses engagées lors des démarches nécessaires au traitement administratif du dossier étaient de 1 600,00 € et que le remboursement de l’acompte versé était chiffré à la somme de 11 600,00 € après déduction des frais.
En conséquence, la SCEA La Ferme DHG est fondée à obtenir paiement de la somme de 11.600,00€ en remboursement de l’acompte, somme au paiement de laquelle la société EDF ENR sera condamnée.
Pour le surplus des demandes indemnitaires, il ressort de ce qui précède, que la condition suspensive ne s’étant pas réalisée, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé.
Au regard de la caducité de l’obligation, la SCEA La Ferme DHG ne justifie d’aucune stipulation contractuelle en vertu de laquelle la société EDF ENR serait tenue de lui rembourser les frais engagés à la suite de la signature du bon de commande.
Par ailleurs, alors que la société EDF ENR est fondée à se prévaloir des effets attachés de plein droit à la clause suspensive prévue au contrat signé par les parties, la SCEA La Ferme DHG, qui ne justifie d’aucun manquement fautif, ne peut se prévaloir à son encontre d’un quelconque préjudice.
Dès lors, les demandes indemnitaires formées à titre principal et à titre subsidiaire seront rejetées.
Il ne sera donc fait droit aux demandes de la SCEA La Ferme DHG que dans la limite de la somme de 11 600,00 € au paiement de laquelle la société EDF ENR sera condamnée, au titre du remboursement du pré acompte après déduction des frais.
Sur les autres demandes :
Le jugement sera exécutoire à titre provisoire, dès lors que la société EDF ENR ne justifie d’aucun motif commandant de l’écarter s’agissant du remboursement du pré-acompte.
Les dépens, qui sont à la charge de celui qui succombe, seront supportés par la SCEA La Ferme DHG, sans qu’il y ait lieu par ailleurs de faire droit à la demande de la société EDF ENR au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en premier ressort,
Rejette la demande de la SCEA La Ferme DHG tendant à l’exécution forcée du contrat ;
Condamne la SAS EDF ENR à payer à la SCEA La Ferme DHG la somme de de 11 600,00 € en remboursement de l’acompte ;
Rejette les demandes indemnitaires et de remboursement de frais de la SCEA La Ferme DHG ;
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société EDF ENR aux dépens ;
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit du jugement.
Ainsi jugé et prononcé le jour, mois et ans susdits et signé par la Présidente et la Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 7288 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Condition potestative
- 8395 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Clauses portant sur l’objet principal et l’adéquation au prix
- 24303 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Énergie (électricité, gaz)