CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 2 octobre 2025
- TJ Toulon (comp. com.), 23 septembre 2021 : RG n° 19/04956
CERCLAB - DOCUMENT N° 24467
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 2 octobre 2025 : RG n° 21/14176
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il est de principe que sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière et que sont réputées non écrites les clauses incompatibles avec cette interdépendance.
En l’espèce, les parties ont successivement conclu plusieurs contrats (un bon de commande du matériel, un contrat de maintenance et de garantie, un contrat de location), tous le même jour les 24 juin 2016, s’inscrivant dans une seule opération tripartite, incluant une location financière. Tous ces contrats étaient nécessaires à la réalisation d’une même opération, financer et mettre à la disposition de Mme X., le matériel objet desdits contrats. La cour constate l'interdépendance des contrats litigieux : le bon de commande, le contrat de garantie et de maintenance, le contrat de location. »
2/ « Liminairement, la cour observe que Mme X., qui n'a pas formé un appel contre les chefs de jugement prononçant la nullité des contrats (dont ceux conclus avec la société SIN), n'avait pas intérêt à appeler cette dernière en la cause, en dépit des observations sur ce point de la société LOCAM. »
3/ « L'article précédemment reproduit du code de la consommation étend le régime protecteur applicable au consommateur concluant un contrat hors établissement au professionnel démarché sous certaines conditions énoncées par cet article.
En premier lieu, la société LOCAM conteste la condition tenant au fait que les contrats doivent avoir été conclus hors établissement, estimant au contraire que Mme X. n'a pas fait l'objet d'un démarchage. Cependant, pour dire qu'il n'y a pas eu de démarchage de Mme X. par la société SIN, la société LOCAM affirme seulement qu'il aurait été convenu, entre ces deux dernières, la possibilité d'un renouvellement lors de la signature d'un précédent contrat signé en 2015. Une telle affirmation n'est cependant pas de nature à démontrer que le contrat critiqué n'a pas été conclu hors de de l'établissement du professionnel. En outre, il résulte du contrat de location lui-même que celui-ci a bien été conclu hors établissement, puisque Mme X. a indiqué, sur ledit contrat, l'avoir signé à la date du 14 septembre 2016 et dans la ville de [Localité 4], cette ville étant celle où se situe son cabinet d'orthophoniste et non celle de l'établissement de la société LOCAM ([Localité 5]). Enfin, la société LOCAM ne prétend pas que les contrats du 14 septembre 2016 auraient été conclus, entre les parties, au sein même des établissements des sociétés SIN ou LOCAM. Il existe donc bien des contrats conclus hors établissement en l'espèce.
S'agissant ensuite de la condition relative au nombre de salariés employés par le locataire un moment de la souscription du contrat (inférieur ou égal à cinq), la société LOCAM ne conteste pas que Mme X. employait moins de 5 salariés au moment de la conclusion des contrats litigieux.
S'agissant enfin de la dernière condition requise pour l'extension des dispositions du code de la consommation aux contrats conclus entre deux professionnels, à savoir la nécessité d'un contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel la cour observe que Mme X. exerce la profession d'orthophoniste. La preneuse a donc pour activité principale professionnelle, le diagnostic et la rééducation, le traitement des anomalies de nature pathologique, de la voix, de la parole et du langage oral ou écrit. Les objets des contrats litigieux, à savoir la commande, la maintenance, la garantie de photocopieurs, ou bien l'équipement en lui-même, n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel. Au regard des exigences posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation, pour son application à un professionnel, il importe peu de savoir que la locataire a utilisé le matériel loué pour les besoins de son activité professionnelle, ledit article prévoyant expressément d'étendre certaines dispositions protectrices du code de la consommation aux professionnels et donc aux contrats pouvant répondre à leurs besoins professionnels.
Les conditions d'application des dispositions du code de la consommation visées à l'article L. 221-3 du code de la consommation, précédemment reproduit, sont en l'espèce réunies. »
4/ « Les contrats litigieux dont la nullité est recherchée (bons de commande, contrats de maintenance, contrats de location d'un ordinateur), et en particulier le contrat de location consenti par la société LOCAM, n'entrent pas dans la catégorie de la notion de services financiers telle que définie par la directive 2011/83/UE au regard de leur nature, ne constituant pas un « service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». En outre, le contrat de location litigieux, qui n'est qu'une location simple, sans option d'achat prévue au terme dudit contrat, n'est pas assimilable à une opération de crédit au sens de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier ci-dessus reproduit.
Toujours pour soutenir que la location litigieuse constitue un service financier exclu du champ d'application du code de la consommation relatif aux ventes hors établissement, la société LOCAM invoque l'article L. 311-2 6° du code monétaire et financier, précédemment reproduit, lequel indique cependant seulement que les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que : « Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit- bail ». La faculté offerte aux établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes, telles que les opérations de location simples ne signifie toutefois pas que les contrats de location litigieux, déjà énumérés, constitueraient un service financier.
Enfin, la société LOCAM évoque un arrêt du 21 décembre 2023 de la cour de justice de l'union européenne, qui n'est cependant pas pertinent en l'espèce, ledit arrêt étant relatif aux contrats de location portant sur des véhicules. Par ailleurs, la société LOCAM produit une attestation de l'ORIAS dont il résulte qu'elle est inscrite au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, ce qui n'est toutefois pas de nature à faire obstacle à l'application du code de la consommation au contrat de location litigieux.
En conclusion, les contrats litigieux, qui sont des bons de commande, des contrats de garantie et de locations simples ne sauraient s'analyser en des services financiers au sens de l'article L. 221-2 du code de la consommation. »
5/ « En l'espèce, si la locataire a poursuivi le contrat de location, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci avait connaissance des vices de forme qui affectaient le contrat de location, ni qu'elle aurait renoncé à en solliciter l'annulation. En tout état de cause, il ne ressort d'aucun des éléments aux débats que l'appelante avait conscience du vice affectant le contrat de location au moment de sa souscription ou de son exécution. Le moyen tiré de la confirmation de l'acte nul est donc inefficace. »
6/ « S'il résulte également de l'article L. 221-20 du code de la consommation (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022) que le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur, la preneuse pouvait également invoquer la nullité du contrat litigieux. En l'espèce, il n'est pas démontré que le contrat de location conclu entre Mme X. et la société LOCAM comprenait toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du code de la consommation et qu'il était accompagné d'un bordereau de rétractation. Ce contrat est donc nul. De plus, la société LOCAM ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des autres contrats conclus le 14 septembre 2016, ce qu'elle ne pourrait pas faire en tout état de cause, n'ayant pas mis en cause la société SIN. Le jugement est confirmé en ce qu'il prononce la nullité de tous les contrats conclus le 14 septembre 2016. »
7/ « Infirmant le jugement, la cour condamne la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 27.113,69 euros, avec intérêt au taux légal, à compter du 9 juillet 2019. La cour ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article [1343-2] du code civil. »
8/ « Or, en l'espèce, il n'est ni soutenu, ni démontré, que Mme X. aurait exercé son droit de rétractation à l'égard de la société LOCAM au titre du contrat de location. L'appelante ne saurait, en conséquence, s'appuyer utilement sur l'article L. 221-23 du code de la consommation, pour s'opposer aux indemnités de jouissance sollicitées.
Ensuite, contrairement à ce qu'affirme Mme X., le paiement d'une indemnité de jouissance par elle au bénéfice de la société LOCAM, ne constituerait pas un enrichissement sans cause de cette dernière. En effet, l'indemnité de jouissance, calculée en valeur, est seulement destinée à compenser l'impossibilité de restituer en nature, à la société LOCAM, la jouissance qui a été procurée par la chose louée à Mme X. et ce alors même que la société de location est condamnée à restituer à celle-ci tous les loyers perçus. Ensuite, l'obligation pour Mme X. de compenser, auprès de la société LOCAM, la valeur procurée par la chose, a bien une cause, soit le droit positif et plus particulièrement les articles 1378 et suivants du code civil. L'annulation du contrat de location oblige les parties à des restitutions, dont la restitution de la valeur procurée par la jouissance de la chose. Enfin, la société LOCAM a bien qualité pour solliciter le paiement des indemnités de jouissance. Si le contrat de location est annulé, cette annulation n'efface pour autant pas le fait que Mme X. a joui de la chose louée pendant une certaine période. Il appartient à la société SIN, si elle la souhaite, de solliciter à son tour d'éventuelles indemnités de jouissance, auprès de la société LOCAM, ce qu'elle ne fait pas.
Concernant le point de départ de la dette d'indemnité de jouissance de l'intimée, celui-ci devrait, en théorie, être fixé au jour de la demande faite par la société LOCAM, au regard de la bonne foi de la locataire, soit le 10 novembre 2020 (date des conclusions d e la société de location devant le tribunal judiciaire de Toulon comportant une telle demande en paiement d'indemnités jouissance).
S'agissant enfin de la valeur que la jouissance de la chose a procurée à Mme X., la cour observe que, par courrier du 10 juillet 2019, le liquidateur a indiqué, à celle-ci, que les contrats de maintenance établis auprès de la société SIN étaient résiliés à la date du 7 mai 2019 et que la société de maintenance ne pourrait donc plus assurer l'exécution des contrats en cours. Par ailleurs, tant le prix d'achat des biens par la société LOCAM auprès de la société SIN groupe que le prix des loyers ne constituent qu'un paramètre parmi d'autres pour déterminer le montant des indemnités de jouissance mises à la charge de la locataire, dès lors que ces chiffres incluent des rémunérations (celles du vendeur du matériel et du loueur).
En conséquence, au regard des arguments précédents et de l'ensemble des pièces du débat, la cour fixe les montant des indemnités de jouissance à : - 40 euros par mois entre le 7 mai 2019 et le 7 mai 2020, - rejet pour le surplus de la période au titre de laquelle une indemnisation est demandée par la société LOCAM (soit jusqu'au 30 septembre 2021).
Infirmant le jugement en ce qu'il déboute la société LOCAM de ses demandes en paiement des indemnités de jouissance, la cour condamne Mme X. à payer, à ce titre, à la société intimée, la somme de 40 euros par mois entre le 7 mai 2019 et le 7 mai 2020. »
9/ « En l'espèce, le contrat de location litigieux ayant été annulé par la cour, Mme X. est tenue de restituer le matériel objet du contrat de location du 14 septembre 2016 dont elle ne conteste pas être toujours en possession. Le légitime propriétaire du matériel loué est la seule société LOCAM, et non la société SIN, dès lors que la société de location produit la facture d'achat du matériel auprès de cette dernière.
Si Mme X. sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamne à restituer le matériel à la société LOCAM, cette dernière ne saisit la cour d'aucune demande d'infirmation sur ce point. En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il ordonne la restitution du matériel par Mme X. entre les mains de la société LOCAM, restitution qui aura lieu à l'adresse de livraison indiquée par la société LOCAM et aux frais de cette dernière. En revanche, le jugement est infirmé en ce qu'il prononce une astreinte à l'encontre de l'appelante, rien ne permettant de supposer que Mme X. ne se conformera pas à sa condamnation à restituer le matériel. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 2 OCTOBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/14176 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIF6O. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ à compétence commerciale de Toulon en date du 23 septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 19/04956.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [Localité 3], demeurant [Adresse 2], représentée par Maître Sophie ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
SAS LOCAM
demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Guy WIGGINGHAUS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur, et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur, chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente, Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2025.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2025. Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme X., qui exerce une activité professionnelle libérale d'orthophoniste dans son cabinet situé à [Localité 4] (Alpes-Maritimes), indique avoir fait l'objet d'un démarchage au mois de juin 2015, par Mme Y., commerciale au sein de la société Solution impression numérique (SIN), société de négoce de photocopieurs.
Ayant souhaité disposer d'un photocopieur de la marque Triumph Adler, dans un état neuf, elle s'est engagée dans une opération tripartite impliquant les sociétés SIN et LOCAM (société de location).
Les contrats suivants ont été conclus tous le 14 septembre 2016 :
- un bon de commande, entre Mme X. et la société SIN, prévoyant la fourniture à cette dernière d'un copieur TA 3565 MFP neuf dans le cadre d'un contrat de location longue durée à souscrire,
- un contrat de maintenance associé, entre Mme X. et la société SIN, prévoyant une intervention sous 4 heures ouvrées et une garantie totale sur 5 ans, outre une tarification selon un coût copie, hors kit,
- un contrat de location longue durée, entre Mme X. et la société LOCAM, sans option d'achat, portant sur du matériel 3565 MFP, dans un état neuf, fourni par la société SIN mettant à la charge de la locataire le paiement de 21 loyers trimestriels de 2156,40 euros TTC chacun.
Le copieur a fait l'objet d'un bon de livraison le 22 septembre 2016.
Par jugement du 7 mai 2019, la société SIN a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Toulon et Maître R. a été désigné en qualité de liquidateur de la société en liquidation.
Le 15 mai 2019, Mme X. a déclaré sa créance auprès de Maître R., liquidateur de la société SIN et mis ce dernier en demeure de la fixer sur la poursuite des contrats en cours.
Le liquidateur n'a pas répondu dans le mois suivant cette mise en demeure.
En outre et par courrier du 10 juillet 2019, le liquidateur conformément aux dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, a indiqué que les contrats de maintenance établi auprès de la société SIN étaient résiliés à la date du 7 mai 2019 et a précisé que la société SIN ne pourrait assurer l'exécution des contrats en cours.
Par actes d'huissier en date des 23 et 25 octobre 2019, Mme X. a fait assigner Maître R., es qualités de liquidateur de la société SIN et la société LOCAM devant le tribunal judiciaire de Toulon.
Par jugement du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon se prononçait en ces termes :
- prononce la nullité des contrats établis le 14 septembre 2016,
- condamne la société LOCAM à restituer à Mme X. la somme de 1 296,08 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation ;
- ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière en vertu de l'article 1343-2 du code civil,
- déboute sur le fond Mme X. de ses autres demandes,
- ordonne la restitution du matériel par Mme X. sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision entre les mains de la société LOCAM, restitution qui aura lieu a l'adresse de livraison aux frais de la société LOCAM ;
- déboute la société LOCAM de ses autres demandes ;
- condamne in solidum la société LOCAM et Me R., en qualité de liquidateur de la société S.I.N. à payer à Mme X. la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens ;
Le 7 octobre 2021, Mme X. formait un appel en intimant la société LOCAM seulement (et non la société SIN).
La déclaration d 'appel est ainsi rédigée : « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués :
- condamne la société LOCAM à restituer à Mme X. la somme de 1.296,08 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation ;
- déboute sur le fond Mme X. de ses autres demandes ;
- ordonne la restitution du matériel par Mme X. sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision entre les mains de la société LOCAM, restitution qui aura lieu à l'adresse de livraison aux frais de la société LOCAM.
L’ordonnance de clôture de l'instruction était prononcée le 27 mai 2025.
CONCLUSIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2025, Mme X. demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 221-3 et suivants du code de la consommation, 1 des conditions générales de location, L. 121-1 et suivants du code de la consommation,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- condamné la société LOCAM à restituer la somme de 1.296,08 euros outre, intérêts au taux légal,
- débouté Mme X. de ses autres demandes,
- ordonné la restitution du matériel par Mme X. sous astreinte de 30 euros par jours de retard, entre les mains de la société LOCAM, qui aura lieu à l'adresse de livraison aux frais de la société LOCAM.
Et la confirmer en ce qu'elle a prononcé la nullité des contrats établis le 14 septembre 2016,
et statuant à nouveau,
à titre principal
- condamner la société LOCAM à rembourser à Mme X. la somme de 27.113,69 euros correspondant aux loyers mensuels versés (12), aux frais et loyers intercalaires, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt au taux légal, à compter du 9 juillet 2019.
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1342-1 du code civil.
- dire que Mme X. tient à la disposition de la société LOCAM le copieur TA 3565, et qu'il conviendra que cette dernière vienne le récupérer à ses frais, dans les trente jours de la décision à intervenir.
- débouter la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
à titre subsidiaire,
- prononcer la caducité des contrats de location longue durée attachés à cette opération contractuelle, conclus auprès de la société LOCAM, à la date du 7 mai 2019,
- condamner la société LOCAM à restituer à Mme X. le montant des loyers perçus depuis cette date, soit la somme de 1.296,08 euros, avec intérêts au taux légal, à compter du 9 juillet 2019.
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1342-1 du code civil,
- débouter la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- condamner la société LOCAM au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître S. Arnaud, avocat.
[*]
Par conclusions notifiées par voies électroniques le 25 mai 2025, la société LOCAM demande à la cour de :
sur l'appel de Mme X.
- infirmer le jugement concernant l'application du code de la consommation et débouter Mme X. de ses demandes financières en restitution des loyers volontairement versés entre les mains de la SAS LOCAM en vertu notamment des articles L. 221 2 du code de la consommation, des articles L. 311-2 6° L. 341 2 6° 7° et L. 511-21 du code monétaire et financier
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas été fait droit à la demande reconventionnelle de la société en paiement d'une indemnité privative de jouissance jusqu'au 30 septembre 2021, en conséquence condamner Mme X. à verser une somme de 22.432.20 € à LOCAM SAS ;
à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la SAS LOCAM la somme de 1.296,08 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation eu égard à l'attitude de Mme X.,
- condamner Mme X. aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1 - Sur l'interdépendance des contrats :
Il est de principe que sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière et que sont réputées non écrites les clauses incompatibles avec cette interdépendance.
En l’espèce, les parties ont successivement conclu plusieurs contrats (un bon de commande du matériel, un contrat de maintenance et de garantie, un contrat de location), tous le même jour les 24 juin 2016, s’inscrivant dans une seule opération tripartite, incluant une location financière. Tous ces contrats étaient nécessaires à la réalisation d’une même opération, financer et mettre à la disposition de Mme X., le matériel objet desdits contrats.
La cour constate l'interdépendance des contrats litigieux : le bon de commande, le contrat de garantie et de maintenance, le contrat de location.
2 - Sur la demande de Mme X. d'annulation des contrats litigieux :
Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Il résulte de ces textes que l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l'article 914 du code de procédure civile de relever d'office la caducité de l'appel.
Liminairement, la cour observe que Mme X., qui n'a pas formé un appel contre les chefs de jugement prononçant la nullité des contrats (dont ceux conclus avec la société SIN), n'avait pas intérêt à appeler cette dernière en la cause, en dépit des observations sur ce point de la société LOCAM.
2-1 - Sur l'applicabilité au présent litige des dispositions du code de la consommation visées à l'article L. 221-3 du code de la consommation :
Selon l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016 :Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
L'article précédemment reproduit du code de la consommation étend le régime protecteur applicable au consommateur concluant un contrat hors établissement au professionnel démarché sous certaines conditions énoncées par cet article.
En premier lieu, la société LOCAM conteste la condition tenant au fait que les contrats doivent avoir été conclus hors établissement, estimant au contraire que Mme X. n'a pas fait l'objet d'un démarchage.
Cependant, pour dire qu'il n'y a pas eu de démarchage de Mme X. par la société SIN, la société LOCAM affirme seulement qu'il aurait été convenu, entre ces deux dernières, la possibilité d'un renouvellement lors de la signature d'un précédent contrat signé en 2015. Une telle affirmation n'est cependant pas de nature à démontrer que le contrat critiqué n'a pas été conclu hors de de l'établissement du professionnel.
En outre, il résulte du contrat de location lui-même que celui-ci a bien été conclu hors établissement, puisque Mme X. a indiqué, sur ledit contrat, l'avoir signé à la date du 14 septembre 2016 et dans la ville de [Localité 4], cette ville étant celle où se situe son cabinet d'orthophoniste et non celle de l'établissement de la société LOCAM ([Localité 5]).
Enfin, la société LOCAM ne prétend pas que les contrats du 14 septembre 2016 auraient été conclus, entre les parties, au sein même des établissements des sociétés SIN ou LOCAM.
Il existe donc bien des contrats conclus hors établissement en l'espèce.
S'agissant ensuite de la condition relative au nombre de salariés employés par le locataire un moment de la souscription du contrat (inférieur ou égal à cinq), la société LOCAM ne conteste pas que Mme X. employait moins de 5 salariés au moment de la conclusion des contrats litigieux.
S'agissant enfin de la dernière condition requise pour l'extension des dispositions du code de la consommation aux contrats conclus entre deux professionnels, à savoir la nécessité d'un contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel la cour observe que Mme X. exerce la profession d'orthophoniste.
La preneuse a donc pour activité principale professionnelle, le diagnostic et la rééducation, le traitement des anomalies de nature pathologique, de la voix, de la parole et du langage oral ou écrit.
Les objets des contrats litigieux, à savoir la commande, la maintenance, la garantie de photocopieurs, ou bien l'équipement en lui-même, n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel.
Au regard des exigences posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation, pour son application à un professionnel, il importe peu de savoir que la locataire a utilisé le matériel loué pour les besoins de son activité professionnelle, ledit article prévoyant expressément d'étendre certaines dispositions protectrices du code de la consommation aux professionnels et donc aux contrats pouvant répondre à leurs besoins professionnels.
Les conditions d'application des dispositions du code de la consommation visées à l'article L. 221-3 du code de la consommation, précédemment reproduit, sont en l'espèce réunies.
2-2 - Sur le moyen relatif aux services financiers :
L'article L. 221- 2 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 01 juillet 2016 au 1er janvier 2020, dispose : Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :4°Les contrats portant sur les services financiers.
L'article L. 222-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016, applicable aux contrats litigieux dispose : Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier ainsi qu'aux opérations pratiquées par les entreprises régies par le code des assurances, par les mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité et par les institutions de prévoyance et unions régies par le titre 3 du livre 9 du code de la sécurité sociale sans préjudice des dispositions spécifiques prévues par ces codes.
L'article L. 341-1 du code monétaire et financier indique expressément les démarchages concernés par le statut prévu par le code monétaire et financier :
Constitue un acte de démarchage bancaire ou financier toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord sur :
1° La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'une opération sur un des instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 ;
2° La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° ou au 4° de l'article L. 341-3 d'une opération de banque ou d'une opération connexe définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 ;
3° La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service d'investissement ou d'un service connexe définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2 ;
4° La réalisation d'une opération sur biens divers mentionnée à l'article L. 550-1 ;
5° La fourniture par une des personnes mentionnées au 3° de l'article L. 341-3 d'une prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 541-1 ;
6° La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service de paiement prévu au II de l'article L. 314-1 ;
7° La fourniture par un conseiller en investissement participatif de la prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 547-1.
Constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins.
L'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives à la prestation de services d'investissement, à la réalisation d'opérations de banque et de services de paiement et à la réalisation d'opérations sur biens divers, ainsi que des dispositions de l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
L'article L. 311-1 du code de monétaire et financier ajoute : Les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.
L'article L. 311-2 6° du code monétaire et financier, inséré dans la section 2 intitulée dispose : Définition des opérations connexes aux opérations de banque, ajoute : I. Les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que : 6. Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail.
L'article L. 341-2 du code monétaire et financier, dans sa version applicable du 01 juillet 2016 au 23 octobre 2019 dispose enfin : Les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas : (...)
6° Aux démarches effectuées, pour le compte d'un établissement de crédit ou d'une société de financement, en vue de proposer un contrat de financement de biens ou de prestations de services répondant aux conditions prévues à la section 9 du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation, ou constituant une location-vente ou une location avec option d'achat visées à l'article L. 312-2 dudit code. Il en va de même lorsque ces contrats sont destinés aux besoins d'une activité professionnelle,
7° Sans préjudice des dispositions prévues au 6°, aux démarches effectuées pour le compte d'un établissement de crédit ou d'une société de financement en vue de proposer des contrats de financement de ventes à tempérament ou de location aux personnes, physiques ou morales, autres que celles visées au 1°, à la condition que le nom de l'établissement ou de la société prêteuse et le coût du crédit ou de la location soient mentionnés, sous peine de nullité.'
L'article L. 313-1 du code monétaire et financier dispose : Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie. Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
La société LOCAM tente de s'opposer à l'application du code de la consommation à son contrat de location conclu le 14 septembre 2016 en soutenant que ce dernier porte sur des services financiers et qu'il serait donc exclu du champ protecteur applicable aux contrats conclus hors établissement.
Il est exact que selon l'article L. 221-2 du code de la consommation, précédemment reproduit, les contrats portant sur les services financiers sont exclus du champ protecteur visé à l'article L. 221-3 du même code.
Reste à s'interroger sur le point de savoir si le contrat de location litigieux s'analyse en un contrat portant sur des services financiers, conformément à ce que soutient la société LOCAM.
Concernant la notion de « services financiers », l'article L. 222-1 du code de la consommation, précédemment reproduit, en propose une définition, en indiquant que les contrats conclus à distance portant sur des services financiers sont les « services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier ».
Or, les « services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier », auxquels l'article L. 222-1 du code de la consommation fait référence, recouvrent les opérations connexes aux opérations de banque définies par l'article L. 311-2 du code monétaire et financier et en particulier : « Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail ».
S'il ressort de l'article L. 222-1 du code de la consommation, et des dispositions du code monétaire et financier, que les opérations de location simple de biens mobiliers pourraient s'analyser en des services financiers, cet article de loi n'est cependant pas applicable aux faits de l'espèce.
En effet, l'article L. 222-1 du code de la consommation est placé dans une division relative aux seuls contrats conclus à distance, alors même que le contrat de location litigieux n'est pas un contrat qui a été conclu à distance, mais un contrat résultant d'un démarchage (un contrat hors établissement au sens du code de la consommation).
De plus, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi nº2014-344 du 17 mars 2014, définit les services financiers comme tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements (chapitre 1er intitulé « objet, définition et champ d'application », article 2, paragraphe 12).
Les contrats litigieux dont la nullité est recherchée (bons de commande, contrats de maintenance, contrats de location d'un ordinateur), et en particulier le contrat de location consenti par la société LOCAM, n'entrent pas dans la catégorie de la notion de services financiers telle que définie par la directive 2011/83/UE au regard de leur nature, ne constituant pas un « service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ».
En outre, le contrat de location litigieux, qui n'est qu'une location simple, sans option d'achat prévue au terme dudit contrat, n'est pas assimilable à une opération de crédit au sens de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier ci-dessus reproduit.
Toujours pour soutenir que la location litigieuse constitue un service financier exclu du champ d'application du code de la consommation relatif aux ventes hors établissement, la société LOCAM invoque l'article L. 311-2 6° du code monétaire et financier, précédemment reproduit, lequel indique cependant seulement que les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que ':Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit- bail'.
La faculté offerte aux établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes, telles que les opérations de location simples ne signifie toutefois pas que les contrats de location litigieux, déjà énumérés, constitueraient un service financier.
Enfin, la société LOCAM évoque un arrêt du 21 décembre 2023 de la cour de justice de l'union européenne, qui n'est cependant pas pertinent en l'espèce, ledit arrêt étant relatif aux contrats de location portant sur des véhicules.
Par ailleurs, la société LOCAM produit une attestation de l'ORIAS dont il résulte qu'elle est inscrite au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, ce qui n'est toutefois pas de nature à faire obstacle à l'application du code de la consommation au contrat de location litigieux.
En conclusion, les contrats litigieux, qui sont des bons de commande, des contrats de garantie et de locations simples ne sauraient s'analyser en des services financiers au sens de l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Le moyen opposé par la société LOCAM est donc inopérant et ne permet pas d'exclure les contrats litigieux souscrits en 2016 du champ de protection du code de la consommation applicable aux contrats conclus hors établissement.
2-3 : Sur le moyen tiré de la confirmation du contrat de location :
Selon l'article 1338 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 : L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
Pour tenter de faire échec à la sanction de nullité du contrat de location, la société LOCAM, oppose à le moyen tiré de la confirmation du contrat de location dont la nullité est recherchée, précisant que Mme X. a réglé les loyers et a continué à utiliser le matériel.
En l'espèce, si la locataire a poursuivi le contrat de location, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci avait connaissance des vices de forme qui affectaient le contrat de location, ni qu'elle aurait renoncé à en solliciter l'annulation.
En tout état de cause, il ne ressort d'aucun des éléments aux débats que l'appelante avait conscience du vice affectant le contrat de location au moment de sa souscription ou de son exécution. Le moyen tiré de la confirmation de l'acte nul est donc inefficace.
2-4 - Sur l'annulation des contrats conclus le 14 septembre 2016 :
Vu les articles L. 221-5, L. 221-9 et L 242-1 du code de la consommation,
Mme X. est bien fondé à invoquer la sanction de nullité, issue du code de la consommation, applicable à tous les contrats en litige.
Il convient de préciser qu'il résulte de l'article L. 242-1 du code de la consommation, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées au premier ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue.
S'il résulte également de l'article L. 221-20 du code de la consommation (dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022) que le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur, la preneuse pouvait également invoquer la nullité du contrat litigieux.
En l'espèce, il n'est pas démontré que le contrat de location conclu entre Mme X. et la société LOCAM comprenait toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du code de la consommation et qu'il était accompagné d'un bordereau de rétractation. Ce contrat est donc nul.
De plus, la société LOCAM ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des autres contrats conclus le 14 septembre 2016, ce qu'elle ne pourrait pas faire en tout état de cause, n'ayant pas mis en cause la société SIN.
Le jugement est confirmé en ce qu'il prononce la nullité de tous les contrats conclus le 14 septembre 2016.
3 - Sur la demande de la preneuse appelante de restitution de sommes :
Il est de principe que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et que les prestations exécutées donnent lieu à restitution.
L'annulation du contrat de location étant confirmée par la cour, les prestations exécutées par les parties doivent donner lieu à restitution entre elles.
La société de location appelante ne conteste pas que la locataire intimée lui a versé des loyers en exécution du contrat de location dont la nullité a été prononcée et ce à hauteur d'un total de 27.113,69 euros correspondant aux loyers mensuels versés (12), aux frais et loyers intercalaires.
Infirmant le jugement, la cour condamne la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 27.113,69 euros, avec intérêt au taux légal, à compter du 9 juillet 2019.
La cour ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article L. 1342-1 du code civil. [N.B. lire plutôt 1343-2].
4 - Sur les demande de la société de location d'indemnités privatives de jouissance :
Selon l'article 1378 ancien du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable au contrat de location conclu entre les parties le 14 septembre 2016 : S'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, du jour du paiement.
Il est de principe que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il n'était pas de bonne foi.
De plus, dans les rapports entre les parties, la rétroactivité de l’annulation d'un acte entraîne des restitutions et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.
La société LOCAM sollicite la condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 22.432, 20 euros au titre de l'indemnité privative de jouissance due jusqu'au 30 septembre 2021, invoquant le fait que cette dernière est toujours en possession effective du matériel.
Pour s'opposer au règlement de toute indemnité de jouissance entre les mains de la société de location, la locataire appelante affirme :
- le contrat de location ne prévoit aucune indemnité d'immobilisation,
- selon les dispositions précitées applicables au contrat litigieux, il ne peut être mis à la charge du consommateur (ou professionnel démarché) aucun frais autre que les frais de renvoi postaux, si ce mode de restitution est possible, et uniquement si le cocontractant a dûment informé son cocontractant de son droit de rétractation et a mentionné ces frais dans son contrat, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.
- conformément aux dispositions de l'article L. 221-5 code de la consommation, applicable aux faits de l'espèce, aucune somme n'est due par le consommateur si le professionnel n'a pas respecté l'obligation d'information prévue au 4° de l'article L. 221-5 du code de la consommation.
- la société LOCAM, n'a pas qualité à solliciter le paiement d'une indemnité de jouissance ou encore à percevoir une indemnité d'immobilisation, seule la société SIN serait fondée à formuler cette demande,
- depuis, le placement en liquidation, non seulement de la société SIN (7 mai 2019), mais également du sous-traitant de la société SIN, le copieur n'est plus entretenu et elle n'a plus été fournie en consommable pour l'utiliser,
- en tout état de cause, faire droit aux demandes de la société LOCAM, reviendrait à caractériser un enrichissement sans cause, la société LOCAM a toute qualité à solliciter le remboursement du prix de vente auprès la société SIN, et l'action est toujours possible,
- cette indemnité de nature à compenser l'usage du bien loué, ne peut être exigée dès lors que Mme X. n'a plus pu utiliser le bien ce qui est le cas à compter de son courrier de mise en demeure, et du mois de mars 2017, date à laquelle la société SIN n'a pas respecté ses engagements contractuels.
Tout d'abord, Mme X. prétend qu'aucune somme n'est due par le consommateur (dont les indemnités de jouissance) si le professionnel n'a pas respecté son obligation d'information.
Il est exact que l'article L. 221-23 du code de consommation, dans sa version en vigueur au moment des contrats litigieux, énonçait notamment « Néanmoins, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature ».
Cet article de loi, invoqué par la preneuse appelante, qui dispense le consommateur de régler des frais lorsque c'est le professionnel qui récupère les biens, ne concerne toutefois que la seule hypothèse où celui-ci a exercé son droit de rétractation.
Or, en l'espèce, il n'est ni soutenu, ni démontré, que Mme X. aurait exercé son droit de rétractation à l'égard de la société LOCAM au titre du contrat de location. L'appelante ne saurait, en conséquence, s'appuyer utilement sur l'article L. 221-23 du code de la consommation, pour s'opposer aux indemnités de jouissance sollicitées.
Ensuite, contrairement à ce qu'affirme Mme X., le paiement d'une indemnité de jouissance par elle au bénéfice de la société LOCAM, ne constituerait pas un enrichissement sans cause de cette dernière.
En effet, l'indemnité de jouissance, calculée en valeur, est seulement destinée à compenser l'impossibilité de restituer en nature, à la société LOCAM, la jouissance qui a été procurée par la chose louée à Mme X. et ce alors même que la société de location est condamnée à restituer à celle-ci tous les loyers perçus. Ensuite, l'obligation pour Mme X. de compenser, auprès de la société LOCAM, la valeur procurée par la chose, a bien une cause, soit le droit positif et plus particulièrement les articles 1378 et suivants du code civil. L'annulation du contrat de location oblige les parties à des restitutions, dont la restitution de la valeur procurée par la jouissance de la chose.
Enfin, la société LOCAM a bien qualité pour solliciter le paiement des indemnités de jouissance. Si le contrat de location est annulé, cette annulation n'efface pour autant pas le fait que Mme X. a joui de la chose louée pendant une certaine période. Il appartient à la société SIN, si elle la souhaite, de solliciter à son tour d'éventuelles indemnités de jouissance, auprès de la société LOCAM, ce qu'elle ne fait pas.
Concernant le point de départ de la dette d'indemnité de jouissance de l'intimée, celui-ci devrait, en théorie, être fixé au jour de la demande faite par la société LOCAM, au regard de la bonne foi de la locataire, soit le 10 novembre 2020 (date des conclusions d e la société de location devant le tribunal judiciaire de Toulon comportant une telle demande en paiement d'indemnités jouissance).
S'agissant enfin de la valeur que la jouissance de la chose a procurée à Mme X., la cour observe que, par courrier du 10 juillet 2019, le liquidateur a indiqué, à celle-ci, que les contrats de maintenance établis auprès de la société SIN étaient résiliés à la date du 7 mai 2019 et que la société de maintenance ne pourrait donc plus assurer l'exécution des contrats en cours.
Par ailleurs, tant le prix d'achat des biens par la société LOCAM auprès de la société SIN groupe que le prix des loyers ne constituent qu'un paramètre parmi d'autres pour déterminer le montant des indemnités de jouissance mises à la charge de la locataire, dès lors que ces chiffres incluent des rémunérations (celles du vendeur du matériel et du loueur).
En conséquence, au regard des arguments précédents et de l'ensemble des pièces du débat, la cour fixe les montant des indemnités de jouissance à :
- 40 euros par mois entre le 7 mai 2019 et le 7 mai 2020,
- rejet pour le surplus de la période au titre de laquelle une indemnisation est demandée par la société LOCAM (soit jusqu'au 30 septembre 2021).
Infirmant le jugement en ce qu'il déboute la société LOCAM de ses demandes en paiement des indemnités de jouissance, la cour condamne Mme X. à payer, à ce titre, à la société intimée, la somme de 40 euros par mois entre le 7 mai 2019 et le 7 mai 2020.
5 - Sur la restitution des équipements loués :
En l'espèce, le contrat de location litigieux ayant été annulé par la cour, Mme X. est tenue de restituer le matériel objet du contrat de location du 14 septembre 2016 dont elle ne conteste pas être toujours en possession. Le légitime propriétaire du matériel loué est la seule société LOCAM, et non la société SIN, dès lors que la société de location produit la facture d'achat du matériel auprès de cette dernière.
Si Mme X. sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamne à restituer le matériel à la société LOCAM, cette dernière ne saisit la cour d'aucune demande d'infirmation sur ce point.
En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il ordonne la restitution du matériel par Mme X. entre les mains de la société LOCAM, restitution qui aura lieu à l'adresse de livraison indiquée par la société LOCAM et aux frais de cette dernière.
En revanche, le jugement est infirmé en ce qu'il prononce une astreinte à l'encontre de l'appelante, rien ne permettant de supposer que Mme X. ne se conformera pas à sa condamnation à restituer le matériel.
6 - Sur les frais du procès :
A hauteur d'appel, si la cour reconnaît le bien fondé de certaines prétentions de chacune des parties, l'appelante dispose néanmoins d'une créance plus importante que celle de l'intimée.
Le jugement est donc confirmé du chef de l'article 700 et des dépens.
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société LOCAM aux entiers dépens d'appel (dont ceux exposés par Mme X. avec distraction au profit de Maitre Sophie Arnaud) et à payer à cette dernière une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (au titre des frais exposés en appel).
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire :
- confirme le jugement en ce qu'il prononce la nullité de tous les contrats conclus le 14 septembre 2016, en ses chefs relatifs à la capitalisation des intérêts et ordonnant la restitution du matériel à la société LOCAM (sauf l'astreinte), en ses chefs relatifs à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- infirme le surplus des dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- condamne la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 27 113,69 euros, avec intérêt au taux légal, à compter du 9 juillet 2019, au titre de la restitution des sommes versées,
- ordonne la capitalisation des intérêts de la condamnation précédente dans les conditions de l'article L. 1342-1 du code civil. [N.B. lire plutôt 1343-2],
- condamne Mme X. à payer à titre d'indemnités privatives de jouissance, à la société LOCAM, la somme de 40 euros par mois entre le 7 mai 2019 et le 7 mai 2020,
- rejette le surplus de la demande de la société LOCAM en paiement d'une indemnité de jouissance,
- rejette la demande de la société LOCAM en paiement d'une astreinte par Mme X. pour la restitution du matériel objet du contrat de location du 14 septembre 2016,
- condamne la société LOCAM à payer à Mme X. une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (au titre des frais exposés en appel),
- condamne la société LOCAM aux entiers dépens d'appel (dont ceux exposés par Mme X. avec distraction au profit de Me Sophie Arnaud).
Le Greffier, La Présidente,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application – Contrats conclus hors établissement par des « petits professionnels » (art. L. 221-3 C. consom.) – 1 - Présentation générale
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte