CA ORLÉANS, 29 avril 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2463
CA ORLÉANS, 29 avril 2010 : RG n° 09/02406
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assortie d'une obligation de remboursement à échéances périodiques, à compter du moment où le dépassement du découvert maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident de paiement qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ; que cette défaillance ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières, c'est-à-dire sans présentation d'une nouvelle offre préalable ;
Qu'en effet, il résulte de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 2005, que l'augmentation du découvert autorisé dans le cadre du contrat initial constitue une nouvelle ouverture de crédit qui doit être conclue dans les termes d'une offre préalable, conforme aux dispositions de l'article L. 311-10 du même Code ; que l'établissement de crédit ne saurait invoquer, pour éluder les dispositions protectrices du Code précité, une clause de style stipulant une faculté d'augmentation de la fraction initialement disponible, qualifiée de « découvert utile », jusqu'à un plafond de 12.000 €, considéré comme « découvert maximum autorisé », peu important, au demeurant, le caractère abusif ou non de la clause litigieuse ».
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
ARRÊT DU 29 AVRIL 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/02406. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal d'Instance de TOURS en date du 15 juin 2009.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (BNP PARIBAS PF) venant aux droits de la SOCIETE CETELEM,
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour, ayant pour avocat la SCP PIOUX-POTIER, du barreau d'ORLÉANS D’UNE PART
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat Maître Nicolas GENDRE, du barreau de TOURS (bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2009/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ORLÉANS) D’AUTRE PART
[minute Jurica page 2]
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 29 juillet 2009
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 mars 2010
DÉBATS : Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 25 mars 2010, devant Monsieur Alain GARNIER, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du Code de Procédure Civile.
COMPOSITION DE LA COUR : Lors du délibéré : Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats,
ARRÊT : Prononcé le 29 avril 2010 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société CETELEM, aux droits de laquelle vient la BNP PARIBAS Personal Finance (BNP PARIBAS PF) a accordé à Monsieur X., selon offre préalable acceptée le 9 février 2004, une ouverture de crédit utilisable par fractions d'un montant initial de 3.000 €, intitulé « découvert utile », pouvant être porté à 12.000 € selon la formule « découvert maximum autorisé ». L'emprunteur ayant cessé de régler les échéances, l'établissement de crédit l'a assigné, par acte du 22 décembre 2008, en paiement des sommes restant dues.
Par jugement du 14 juin 2009, le tribunal d'instance de TOURS a déclaré la BNP PARIBAS PF irrecevable en son action en paiement.
La BNP PARIBAS PF a relevé appel.
Par ses dernières conclusions signifiées le 9 mars 2010, elle fait valoir que le jugement fait une confusion entre les notions de crédit consenti, de découvert utile et de découvert maximum utilisé et que le dépassement du découvert utile, qui est la première fraction utilisée, ne peut être assimilé à un incident de paiement constituant le point de départ du délai biennal de forclusion. Elle relève que le découvert est toujours resté dans la limite de 12.000 € et que son action n'est nullement prescrite.
Subsidiairement, elle fait observer que la seule sanction applicable à une éventuelle violation de l'article L. 311-9 du Code de la consommation est la déchéance des intérêts. Elle affirme que la clause de variation du découvert autorisé ne saurait être considérée comme une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, s'agissant d'une clause financière dont il n'est [minute Jurica page 3] pas démontré qu'elle soit peu compréhensible. Elle conteste avoir manqué à son devoir de mise en garde dès lors que les incidents sont indépendants de l'augmentation de la réserve de crédit. Elle demande, en conséquence, la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 10.094,96 € avec intérêts contractuels à compter du 3 juillet 2008, date de mise en demeure, et capitalisation.
Par ses écritures du 27 janvier 2010, Monsieur X. affirme que la clause permettant au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable est abusive et doit être réputée non écrite. Il souligne que le découvert de 3.000 € a été dépassé dès le 16 mars 2004, ce qui constitue un incident de paiement, de sorte que l'action du créancier est irrecevable au regard de l'article L. 311-37 du Code de la consommation. Subsidiairement, il invoque la déchéance du droit aux intérêts de l'établissement de crédit, ainsi que le manquement de CETELEM au devoir de mise en garde sur les risques encourus lors des augmentations successives du montant du « découvert utile ». Il s'estime ainsi fondé à solliciter l'allocation de la somme de 11.000 € à titre de dommages et intérêts. Il conclut à la confirmation du jugement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assortie d'une obligation de remboursement à échéances périodiques, à compter du moment où le dépassement du découvert maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident de paiement qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ; que cette défaillance ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières, c'est-à-dire sans présentation d'une nouvelle offre préalable ;
Qu'en effet, il résulte de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 2005, que l'augmentation du découvert autorisé dans le cadre du contrat initial constitue une nouvelle ouverture de crédit qui doit être conclue dans les termes d'une offre préalable, conforme aux dispositions de l'article L. 311-10 du même Code ; que l'établissement de crédit ne saurait invoquer, pour éluder les dispositions protectrices du Code précité, une clause de style stipulant une faculté d'augmentation de la fraction initialement disponible, qualifiée de « découvert utile », jusqu'à un plafond de 12.000 €, considéré comme « découvert maximum autorisé », peu important, au demeurant, le caractère abusif ou non de la clause litigieuse ;
Qu'en l'espèce, le crédit a été entièrement remboursé le 10 juin 2005, mais l'autorisation initiale de 3.000 € a été dépassée à nouveau dès le 30 janvier 2006 sans être régularisée par la suite et sans que le dispensateur de crédit ait établi une nouvelle offre, de sorte que l'action de la BNP PARIBAS PF est atteinte par la forclusion puisqu'elle a été engagée par assignation du 22 décembre 2008, postérieurement à l'expiration du délai de deux ans qui avait commencé à courir fin janvier 2006 ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Attendu que la BNP PARIBAS PF supportera les dépens d'appel et versera, en outre, la somme de 1.500 € à Maître GENDRE, avocat de Monsieur X., qui s'engage à renoncer au bénéfice de [minute Jurica page 4] l'indemnité due au titre de l'aide juridictionnelle ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne la BNP PARIBAS PF à verser la somme de 1.500 € à Maître GENDRE, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle;
Accorde à la SCP LAVAL-LUEGER, titulaire d'un office d'avoué, le droit reconnu par l'article 699 du Code de procédure civile, pour le cas où elle renoncerait au bénéfice de l'émolument de l'aide juridictionnelle;
Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président de chambre et Madame Nadia FERNANDEZ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit