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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 15 janvier 2010

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 15 janvier 2010
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 07/17425
Date : 15/01/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 9
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2477

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 15 janvier 2010 : RG n° 07/17425 ; arrêt n° 9

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la clause ayant pour effet de limiter les effets de la perte de l'objet transporté ne suppose pas d’interprétation pour être comprise par le client ; que de plus ce dernier est un professionnel lequel, même dans un domaine qui n'est pas strictement le sien était compétent pour comprendre le sens et la portée de la clause ; que de ce fait celle-ci lui est opposable ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 15 JANVIER 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/17425. Arrêt n° 9. Décision déférée à la Cour : jugement du 31 mai 2007 - Tribunal de commerce de PARIS – 4e chambre - RG n°2006004874.

 

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMÉE INCIDENTE :

SCP X. Y. Z. AVOCATS ASSOCIÉS,

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [adresse], représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL, avoué à la Cour, assistée de Maître Philippe MAGNAN, avocat au barreau des ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

 

INTIMÉE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE :

SA CHRONOPOST,

prise en la personne de son président directeur général domicilié en cette qualité au siège social situé [adresse], représentée par la SCP PATRICIA HARDOUIN, avoué à la Cour, assistée de Maître Sophie-Anne DESCOUBES plaidant pour la SELAS BERNET - CASTAGNET - WANTZ & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 490

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Fabrice JACOMET, Président, M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller, M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller [minute Jurica page 2]  qui en ont délibéré

GREFFIER : Lors des débats : Mademoiselle Carole TREJAUT.

M. Fabrice JACOMET a préalablement été entendu en son rapport

ARRÊT : Contradictoire. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mademoiselle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 29 janvier 2004, la SCP d'avocats X. Y. Z., ci-après la SCP X., a expédié depuis son lieu d'exercice, [ville D.], par le service de la société Chronopost (ci-après Chronopost), un colis d'un poids de 17,05 kilos contenant un serveur informatique, à destination de la société Ciceron, chargée de sa maintenance, sise à [ville C.], Val-de-Marne ;

Par télécopie du 2 février 2004, la SCP X. a averti Chronopost de ce que le colis n'était pas parvenu à destination ;

Le 12 février 2004, Chronopost a indiqué que le colis était perdu, et demandé qu'on lui fasse connaître son contenu et le montant de l'indemnisation réclamée ;

Le 26 février 2004, Chronopost a retrouvé le colis et l'a restitué à l'expéditeur ;

Le 2 mars 2004, la SCP X. a informé Chronopost de ce qu'elle avait dû procéder à l'achat d'un nouveau serveur et à la réinstallation de tous les systèmes et qu'elle demandait par conséquent une indemnisation. Chronopost lui a fait parvenir une somme de 67,41 € ;

Par assignation délivrée le 14 avril 2004, initialement devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains et transférée au tribunal de commerce de Gap puis de grande instance de Nanterre puis par jugement d'incompétence du 4 novembre 2005 devant le tribunal de commerce de Paris, l'affaire a donné lieu au jugement dont appel du 31 mai 2007 lequel a statué dans les termes suivants :

- condamne Chronopost à payer à la SCP X. la somme de 372,59 € en réparation de son préjudice,

- débouté les parties de leur demande de plus en plus contraire,

- condamne Chronopost aux dépens ;

Pour écarter la demande de réparation d'un montant de 12.558 € TTC correspondant au coût de remplacement de l'unité centrale et de 613,12 €de frais de port et de déplacement du technicien et 1.332,95 € au titre du coût salarial ainsi que 3.000 € de préjudice moral, le tribunal a retenu pour l'essentiel qu'il convenait d'appliquer l'article 7 des conditions générales de vente, accepté par le client, selon lequel « la responsabilité de Chronopost est engagée pour la valeur d'origine de la marchandise dans la limite de 440 € par colis » ;

[minute Jurica page 3] Le tribunal ajoute que le client ne peut se prévaloir en l'espèce, afin d'obtenir une indemnisation égale au montant du préjudice réel d'une faute lourde de Chronopost ; il a écarté de plus l'allégation de clause abusive, s'agissant d'un contrat entre deux professionnels qui ont fixé et accepté des règles contractuelles en connaissance de cause ;

Le tribunal a alloué en sus de la somme déjà versée s'élevant à 67,41 € celle de 372,59 € en réparation du dommage causé et rejeté la demande de restitution du matériel par Chronopost ;

Ayant relevé appel de la décision, la SCP X., par dernières conclusions signifiées le 14 février 2008, demande l'infirmation du jugement et qu'il soit jugé :

- que l'intimée a commis une faute lourde à l'origine de son préjudice,

- que la clause limitative de responsabilité doit être réputée non écrite et de ce fait doit lui être déclaré inopposable,

- que Chronopost doit lui payer à titre de réparation, les sommes suivantes :

* 12.558 € TTC correspondant au coût du remplacement de l'unité centrale,

* 613,12 €de frais de port et de déplacement du technicien,

* 1.332,95 € de coût salarial,

* 3.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

- le tout avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2004, date de l'assignation ;

Elle demande en outre le 8.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par dernières conclusions signifiées le 30 mai 2008, Chronopost demande à titre principal le rejet de toutes les prétentions de la SCP X. ;

À titre subsidiaire, faisant appel incident, elle demande en application de la limitation de responsabilité en cas de retard de livraison tel que prévu par les conditions générales de son contrat, ou à défaut dans les termes du décret numéro 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type « général », de :

- dire que la condamnation mise à sa charge ne saurait excéder le montant des frais de transport soit la somme de 67,41 €,

- de dire que cette somme a déjà été payée,

- très subsidiairement, confirmer le jugement ;

- en tout état de cause, lui allouer 5.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Au soutien de ses demandes, Chronopost demande que soit écartée le prix de remplacement de l'unité centrale du serveur dès lors qu'elle a été restituée dans les 15 jours de l'expédition ; qu'il en est de même de la demande de remboursement du coût salarial nécessaire à la reconstitution de la mémoire ; qu'il n'existe pas davantage de préjudice moral ;

Chronopost ajoute que faute de déclaration du contenu du colis, il ne saurait ni lui être demandé une [minute Jurica page 4] réparation ni le prix de ce colis, l'article 1150 du Code civil prévoyant que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on n'a pu prévoir lors du contrat ;

Que de surcroît, la SCP X. s'est abstenue de souscrire une assurance ad valorem, laquelle aurait permis d'écarter le plafond d'indemnité contractuelle prévue à l'article 8 ; qu'il ne peut davantage être reproché un manquement au devoir de conseil et d'information alors notamment qu'en ne renseignant pas le cadre figurant sur le colis, en ce qui concerne les mentions écrites, elle n'a pas été en mesure de remplir cette obligation de conseil ;

Elle rappelle également qu'elle n'a pas commis de faute lourde, en l'absence de fait qui lui soit imputable et qui relève « d'une négligence d'une extrême gravité confinant au dol » ; qu'en effet, la réunion du retard dans la livraison et du fait de ne pouvoir donner des éclaircissements sur la cause de ce retard est insuffisante pour qualifier la faute lourde ; que le seul manquement à une condition essentielle du contrat qui tiendrait en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat-type ne suffit pas pour caractériser la faute lourde ;

Elle demande en dernier lieu que si une faute d'exécution du contrat devait être retenue à son encontre il soit fait application de la clause limitative de responsabilité s'agissant, non pas d'une perte totale de l'objet confié pour le transport, mais d'une « livraison différée », laquelle permet à l'expéditeur, lorsque l'objet a été restitué dans un délai inférieur à 30 jours, de procéder à sa réexpédition, ce conformément aux dispositions du décret du 6 avril 1999, portante approbation du contrat type « général » qui prévoit que l'indemnisation due par le transporteur en cas de retard ne pourra excéder le prix du transport ;

Chronopost demande également d'écarter l'argumentation de l'appelante selon laquelle la clause limitative invoquée présenterait un caractère abusif au regard des articles L. 132-1 et R.  132-1 du Code de la consommation ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur le caractère abusif de la clause limitant la responsabilité :

Considérant que la clause ayant pour effet de limiter les effets de la perte de l'objet transporté ne suppose pas d’interprétation pour être comprise par le client ; que de plus ce dernier est un professionnel lequel, même dans un domaine qui n'est pas strictement le sien était compétent pour comprendre le sens et la portée de la clause ; que de ce fait celle-ci lui est opposable ;

 

Sur la faute lourde :

Considérant que la SCP X. soutient que la perte de l'objet constitue une faute lourde dès lors que cette perte n'a donné lieu à aucune explication et qu'elle constitue en elle-même une faute d'une gravité particulière ;

Considérant toutefois que s'agissant du transport de plis ou de paquets il appartient au client de caractériser lui-même la faute d'une particulière gravité qui lui permettrait d'échapper au plafond de responsabilité ; mais considérant que le fait que le paquet ait été retrouvé et restitué à son expéditeur mois de 30 jours après qu'il a été confié au transporteur, interdit à l'expéditeur de se prévaloir d'une faute lourde ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'appelante ne peut demander, au plus, qu'une réparation d'un montant calculé dans les limites de la clause de réparation définie en cas de perte, dont rien ne permet de retenir qu'elle est irrégulière ;

Considérant en effet qu'eu égard à la nécessité de remplacer le logiciel déclaré par Chronopost perdu [minute Jurica page 5] on doit assimiler, dans les circonstances de l'espèce le retard de livraison, c'est-à-dire une livraison « différée » dans un délai inférieur à 30 jours par rapport au délai théorique de livraison, à la perte donnant lieu à réparation dans les limites contractuelles ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une indemnisation dans les limites du droit du transport ;

Considérant enfin que l'appelante ne conteste pas qu'elle disposait de la possibilité de souscrire un contrat d'assurances ad valorem, ce qu'elle savait au moment même où elle a procédé à l'envoi ;

Considérant en effet que l'ensemble des clauses du contrat était d'autant plus compréhensible par elle qu'elle est un professionnel du droit ;

Considérant dès lors que la SCP X. ne pouvait méconnaître qu'en ne portant pas sur le paquet les renseignements relatifs à son contenu alors qu'ils étaient demandés par Chronopost, et qu'en ne souscrivant pas à l'assurance proposée, elle réduisait nécessairement l'indemnisation possible en cas de sinistre au montant indiqué sur le contrat d'envoi, c'est-à-dire le montant du coût de remplacement calculé forfaitairement en fonction du poids, soit 440 € dont le tribunal a déduit la somme de 67,41 € déjà payée, soit 372,59 € ;

Considérant qu'en l'absence de faute lourde du prestataire, l'appelante ne peut donc prétendre à une somme supérieure ;

Considérant qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en toutes ses expositions ;

Considérant que les circonstances de la cause conduisent à faire application de l'article article 700 du

Code de procédure civile à hauteur de 4000 € en faveur de Chronopost ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SCP X. à payer la somme de 4.000 € à Chronopost au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure d'appel ;

La condamne aux dépens ;

Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier     Le Président