CA POITIERS (2e ch. civ.), 7 septembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2502
CA POITIERS (2e ch. civ.), 7 septembre 2010 : RG n° 09/00451
Publication : Jurica
Extrait : « S'il appartient au prêteur de prouver la régularité de l'offre préalable de crédit au regard des dispositions d'ordre public du Code susvisé, et notamment la remise à l'emprunteur du formulaire détachable de rétractation joint à l'offre, cette preuve est rapportée en l'espèce par la société CREDIPAR dés lors que Monsieur X. a expressément reconnu, en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation, les conditions générales de l'offre précisant en outre en leur article 2 les modalités de rétractation « au moyen du formulaire détachable ci-joint ». Dès lors, pour combattre cette reconnaissance écrite, laquelle ne présente aucun caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation puisqu'elle n'a pas pour effet d'autoriser le prêteur à déroger aux dispositions d'ordre public ou pour l'emprunteur de renoncer au bénéfice des dispositions du Code de la consommation concernant sa protection et se trouve rédigée de manière claire et compréhensible, il appartient à Monsieur X., de justifier du caractère erroné ou mensonger de cette mention signée et de l'irrégularité de l'offre en produisant l'exemplaire original de l'offre restée en sa possession ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00451. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 8 décembre 2008 rendu par le Tribunal d'Instance de CIVRAY.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP GALLET-ALLERIT, avoués à la Cour, assisté de Maître Léone COUTURIER, avocat au barreau de POITIERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 09/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)
INTIMÉE :
SA CREDIPAR
[adresse], représentée par ses Président et Directeur Général domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par la S.C.P. MUSEREAU - MAZAUDON -PROVOST-CUIF, avoués à la Cour, [minute Jurica page 2] assistée de la SCP DROUINEAU - COSSET, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean CHAPRON, Président, Monsieur Guillaume DU ROSTU, Conseiller, Madame Christine ROUGER, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER : Lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Signé par Monsieur Jean CHAPRON, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre préalable acceptée le 6 mars 2007, la société CREDIPAR a consenti à Monsieur. X. un prêt d'un montant de 10.389 € destiné à financer l'acquisition d'un véhicule CITROEN Xsara break.
Ce prêt était consenti pour une durée de 60 mois au taux de 10,95 % (TEG 12,24 %).
Monsieur X. n'a plus procédé au remboursement des échéances du prêt à compter du mois de janvier 2008.
La société CREDIPAR a présenté requête au Juge de l'Exécution de POITIERS aux fins d'être autorisée à appréhender le véhicule.
Il a été fait droit à cette requête par ordonnance en date du 7 mars 2008.
Monsieur X. a formé opposition à cette ordonnance par déclaration au greffe en date du 3 avril 2008.
Par acte du 9 mai 2008 la société CREDIPAR a assigné Monsieur X. devant le tribunal d'instance de Civray aux fins de voir dire que M. X. devra remettre à la société CREDIPAR le véhicu1e CITROEN Xsara break et qu'il soit condamné à lui payer la somme de 9.481,53 € outre les intérêts au taux de 10,95 % l'an à compter du 10 février 2008 et jusqu'à complet paiement.
Par jugement du 8 décembre 2008 le tribunal d'instance de Civray a : [minute Jurica page 3]
- Condamné Monsieur X. à payer à la SA CREDIPAR la somme de HUIT MILLE HUIT CENT SOIXANTE SEPT EUROS et ONZE CENTIMES (8.867,11 €) avec les intérêts au taux de 10,95 % l'an à compter du 9 mai 2008,
- Débouté la SA CREDIPAR de ses autres demandes,
- Débouté Monsieur X. de sa demande de délai de paiement et de ses autres demandes,
- Condamné Monsieur MA1STRE aux dépens.
Monsieur X. a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières écritures, signifiées le 27 avril 2010, auxquelles la présente décision se réfère expressément pour plus ample exposé des prétentions et des moyens, Monsieur X. sollicite la réformation du jugement entrepris, qu'il soit jugé que la société CREDIPAR n'a pas respecté les dispositions des articles L. 311 et suivants et R. 311 et suivants du Code de la consommation et qu'il soit jugé qu'elle est déchue des intérêts au taux conventionnel. En tout état de cause, il sollicite qu'il soit jugé que la société CREDIPAR s'est rendue coupable d'un crédit abusif et qu'elle soit condamnée à lui payer 12.000 € titre de dommages et intérêts avec compensation avec les sommes réclamées. A titre infiniment subsidiaire, il sollicite les plus larges délais de paiement au regard de sa situation financière sur le fondement de l'article 1244 du Code civil. Il sollicite en outre la condamnation de la société CREDIPAR à lui payer une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions l'appelant expose que l'offre de crédit ne répond pas aux exigences légales dans la mesure où la société CREDIPAR ne justifie pas de l'existence d'un bordereau de rétractation permettant au candidat emprunteur de se rétracter, les deux exemplaires, celui du prêteur et celui de l'emprunteur, devant selon lui être identiques. Il estime que la formule préimprimée aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaît avoir été en possession du bordereau de rétractation constitue une clause abusive visant à contourner l'obligation légale du prêteur d'établir deux exemplaires identiques de l'offre préalable. Il estime en outre que s'agissant d'un crédit affecté le non respect des dispositions de l'article R. 311-8 du Code de la consommation justifie la déchéance des intérêts. Il relève qu'au regard des échéances du crédit consenti et de ses ressources de l'époque, l'engagement était disproportionné, ce qui lui a causé un grief. Etant au RMI il estime enfin pouvoir bénéficier de délais de paiement.
Dans ses dernières écritures, signifiées le 29 avril 2010, auxquelles la présente décision se réfère expressément pour plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société CREDIPAR, formant appel incident, sollicite le débouté de M. X. de son appel et de toutes ses demandes, la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 9.481,53 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 10,95 % l'an à compter du 10 février 2008 et jusqu'à complet paiement, ainsi que la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 2.000 € et application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses prétentions l'intimée expose que la faculté de rétractation n'étant offerte qu'à l'emprunteur, seul l'exemplaire destiné à ce dernier doit comporter un bordereau de rétractation et que l'emprunteur, en signant l'offre de crédit, a reconnu rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation, cette mention suffisant à faire la preuve de son existence. Elle relève que Monsieur X. ne produit pas l'original de l'exemplaire de l'offre resté en sa possession mais uniquement une photocopie partielle du seul recto alors que le bordereau de rétractation se trouve au verso de cette offre. Elle estime que rien de justifie l'irrégularité de l'offre et qu'il n'y a dés lors pas lieu à déchéance des intérêts. Elle estime que l'article R. 311-8 invoqué ne concerne que les [minute Jurica page 4] hypothèses où l'emprunteur sollicite la fourniture immédiate du bien ce qui n'est pas le cas en l'espèce et qu'en toute hypothèse, la méconnaissance de ces dispositions n'est pas sanctionnée par la déchéance des intérêts prévue par l'article L. 311-33 qui ne concerne que l'irrégularité de l'offre. Elle conteste tout caractère abusif du crédit au regard des revenus déclarés de l'emprunteur et des charges financières mensuelles et s'oppose à tout délai de paiement.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 avril 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
1°/ Sur la déchéance des intérêts :
Aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-33 est déchu du droit aux intérêts.
Aux termes de l'article L. 311-8 les opérations de crédit visées à l'article L. 311-2 sont conclues dans les termes d'une offre préalable, remise en double exemplaire, à l'emprunteur.
Par ailleurs, en application de l'article L. 311-5, pour permettre l'exercice de la faculté de rétraction par l'emprunteur, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable.
Les offres de crédit et le bordereau de rétractation doivent en outre être établis en application des conditions prévues par le Code selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation.
Aucune des dispositions légales susvisées n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservée par le prêteur. Par ailleurs la formalité du double exigée par l'article L. 311-8 s'applique à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint et il résulte de l'offre préalable de crédit signée le 6 mars 2007 par Monsieur X. que cette offre a été réalisée en autant d'exemplaires que de parties, Monsieur X. produisant en outre son exemplaire en partie.
S'il appartient au prêteur de prouver la régularité de l'offre préalable de crédit au regard des dispositions d'ordre public du Code susvisé, et notamment la remise à l'emprunteur du formulaire détachable de rétractation joint à l'offre, cette preuve est rapportée en l'espèce par la société CREDIPAR dés lors que Monsieur X. a expressément reconnu, en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation, les conditions générales de l'offre précisant en outre en leur article 2 les modalités de rétractation « au moyen du formulaire détachable ci-joint ». Dès lors, pour combattre cette reconnaissance écrite, laquelle ne présente aucun caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation puisqu'elle n'a pas pour effet d'autoriser le prêteur à déroger aux dispositions d'ordre public ou pour l'emprunteur de renoncer au bénéfice des dispositions du Code de la consommation concernant sa protection et se trouve rédigée de manière claire et compréhensible, il appartient à Monsieur X., de justifier du caractère erroné ou mensonger de cette mention signée et de l'irrégularité de l'offre en produisant l'exemplaire original de l'offre restée en sa possession. Or il ne produit qu'une copie incomplète de cet exemplaire puisque que manque le verso, de sorte qu'il ne rapporte pas la preuve contraire à la mention de reconnaissance de remise signée de sa main, de l'absence, sur l'exemplaire qui lui a été remis, du formulaire détachable de rétractation. Il convient d'ailleurs de relever que figure sur le recto produit, la mention bien isolée « prêteur : CREDIPAR » suivie de l'adresse à l'exclusion de toute autre mention, ce qui correspond précisément aux prescriptions de l'alinéa 2 de l'article R. 311-7 du Code de la consommation concernant la seule mention autorisée au verso du formulaire détachable de rétractation.
[minute Jurica page 5] L'exemplaire de l'offre de crédit produite par le prêteur satisfaisant aux prescriptions légales d'ordre public et Monsieur X. étant défaillant dans la preuve contraire qui lui incombe, aucune déchéance des intérêts ne peut être opposée au prêteur au titre du formulaire détachable de rétractation reconnu comme fourni par l'emprunteur lui-même. Et le moyen d'irrégularité tiré de l'absence de justification de la date d'expiration du délai de réflexion est lui aussi sans effet dés lors que cette mention, exigée par l'article R. 311-7 et le modèle type en vigueur antérieurement au 1er octobre 2007, ne doit figurer qu'au recto du formulaire détachable de rétractation, partie précisément non produite par Monsieur X.
S'agissant des dispositions de l'article R. 311-8, elles sont sans incidence sur les obligations souscrites par l'emprunteur dés lors qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, livraison immédiate du véhicule financé, l'offre signée précisant au contraire expressément que le vendeur n'a pas livré le bien à la date de signature de l'offre ce que l'acheteur a expressément reconnu.
2°/ Sur le décompte des sommes dues :
Il résulte du décompte produit par la société CREDIPAR, lequel ne fait l'objet d'aucune contestation, que Monsieur X. reste redevable des deux échéances partiellement impayées du 10 janvier et 10 février 2008 pour un total de 452,50 €, du capital restant dû sur le prêt à la date du 10 mars 2008 pour un total de 9.013,61 € ainsi que de l'indemnité légale de 8 % sur le capital restant dû s'élevant à 721,09 €.
Déduction faite des encaissements reçus par le prêteur depuis le 7 mars2008, c'est donc un solde de 9.481,53 € qui reste dû sur les causes du prêt déchu de son terme, et ce, sans qu'il y ait lieu à réduction de l'indemnité de résiliation réclamée conformément aux dispositions de l'article D. 311-11 du Code de la consommation, le véhicule financé n'ayant toujours pas été restitué.
Il convient en conséquence, infirmant partiellement la décision entreprise, de condamner Monsieur X. à payer à la société CREDIPAR la somme de 9.481,53 € outre intérêts au taux conventionnel de 10, 95 % à compter du 9 mai 2008 date de l'assignation en paiement à défaut de justification de mise en demeure en février 2008.
3°/ Sur l'action en responsabilité pour crédit abusif :
Monsieur X. au jour de l'offre préalable de crédit a déclaré 1.153 € de revenus familiaux mensuels et aucune charge mensuelle. Les 36 premières échéances du crédit consenti s'élevaient à 249,42 € par mois, soit 21,63 % du montant des ressources déclarées, étant précisé que Monsieur X. indique avoir acquis le véhicule financé pour les besoins de son exercice professionnel.
Au regard de ces éléments le crédit consenti ne présente aucune disproportion manifeste susceptible d'engager la responsabilité de la société CREDIPAR.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts formée en appel.
4°/ Sur la demande de délais de paiement :
Monsieur X. pour justifier sa situation financière n'a produit en tout et pour tout devant la Cour que ses revenus 2007, une attestation de paiement du revenu minimum d'insertion datant d'avril 2008 et un contrat d'engagement de spectacle du 15 septembre au 10 novembre 2008.
A défaut de justifier devant la Cour de l'évolution de sa situation financière depuis 2008 et de sa situation actuelle, la décision du premier juge, qui a rejeté les délais de paiement sollicités ne peut qu'être confirmée.
5°/ Sur les mesures accessoires :
[minute Jurica page 6] Monsieur X. qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel. Il se trouve de ce fait redevable d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif de la présente décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Civray le 8 décembre 2008 sauf en ce qu'il a condamné Monsieur X. à payer à la SA CREDIPAR la somme de Huit mille huit cent soixante sept Euros onze centimes (8.867,11 €)
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Condamne Monsieur X. à payer à la société CREDIPAR la somme de Neuf mille quatre cent quatre vingt un Euros et cinquante trois centimes (9.481,53 €) outre intérêts au taux conventionnel de 10, 95 % à compter du 9 mai 2008
Y ajoutant,
Déboute Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts
Condamne Monsieur X. à payer à la SA CREDIPAR une indemnité de Cinq cent (500 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,