CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 15 février 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2577
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 15 février 2011 : RG n° 10/01390
Publication : Jurica
Extrait : « La Cour relève que la recommandation n° 90-01 BOCCRF du 28 août 1990 de la Commission des Clauses Abusives visée par le premier juge sanctionne essentiellement les délais de carence ou certaines exclusions de garantie et n'a pas vocation à s'appliquer à la présente espèce, étant relevé que le contrat d'assurance, souscrit par M. X. indépendamment du contrat de prêt signé avec l'établissement prêteur, limite la garantie à la durée du contrat, soit à une période de sept ans qui s'est achevée le 20 juin 2001. Les propositions de la commission de surendettement, telles qu'elles ont été acceptées par le CRÉDIT LYONNAIS ne sont pas opposables à la SA FORTIS ASSURANCES, étant surabondamment relevé qu'aucune cotisation au titre de l'assurance n'était prévue dans le tableau d'amortissement de l'emprunt souscrit le 20 février 1994, la cotisation ayant été réglée en une seule fois à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance, de sorte que le rééchelonnement de la dette arrêté par le plan de surendettement a été arrêté hors toute cotisation d'assurance. En conséquence, la SA FORTIS ASSURANCES est bien fondée à soutenir qu'à la date du décès de M. X., le 10 mai 2006, le contrat d'assurance était arrivé à échéance et qu'elle ne doit pas sa garantie ni au CRÉDIT LYONNAIS, ni à Mme Y. veuve X. Le jugement sera donc infirmé de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/01390. APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE D’AMIENS du 8 mars 2010.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA FORTIS ASSURANCES
Représentée par la SCP TETELIN-MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par la SCP LUSSON CATILLION, avocats au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉES :
- Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par la SCP LE ROY, avoués à la Cour et plaidant par Maître CREPIN, substituant la SCP DE VILLENEUVE CREPIN, avocats au barreau d'AMIENS, (bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)
- SA CRÉDIT LYONNAIS
Représentée par la SCP SELOSSE BOUVET - ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Maître CHIVOT, substituant Maître BOUQUET, avocats au barreau d'AMIENS
DÉBATS : À l'audience publique du 30 novembre 2010, devant : M. de LAGENESTE, Président, Mme LORPHELIN entendu en son rapport et Mme DUBAELE, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 février 2011
GREFFIER : Mme HAMDANE
PRONONCÉ : Le 15 février 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, M. de LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Mme HAMDANE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Dans le cadre d'un regroupement et de la restructuration de différents emprunts menés sous l'égide de la société PRECTOR, société spécialisée dans le rachat de prêts, et par un acte sous seing privé du 20 février 1994, M. X. et Mme Y. épouse X. ont souscrit ensemble auprès du CRÉDIT LYONNAIS un emprunt personnel d'un montant de 195.810 Francs remboursable en quatre-vingt quatre échéances mensuelles de 3.847,94 Francs au taux contractuel de 13,70 % l'an. À l'occasion de cet emprunt, M. X. a adhéré à l'assurance de groupe de la société PRECTOR auprès de la société EURALLIANCE, membre du groupe FORTIS, le garantissant notamment du risque décès. Cette garantie a été souscrite le 28 février 1994 par le versement d'une cotisation unique calculée sur la base de 3,40 % du capital emprunté, soit 6.657,54 Francs. Le contrat d'assurance stipulait que la durée du prêt était fixée à sept années et que le déblocage des fonds serait effectué le 20 février 1994.
Les époux X., rencontrant de nouvelles difficultés financières, ont bénéficié d'un plan conventionnel de surendettement homologué le 6 octobre 1998 prévoyant notamment un échelonnement de la dette au CRÉDIT LYONNAIS sur une période de quatre vingt seize mois et le règlement d'échéances mensuelles de 1.219,74 Francs.
M. X. est décédé le 10 mai 2006. Mme X. a demandé la prise en charge du solde de l'emprunt s'élevant à 3.850,56 euros au groupe FORTIS ASSURANCES, lequel, par courriers des 28 mai et 15 juin 2007, a refusé cette prise en charge en faisant valoir que la couverture du risque avait cessé le 20 février 2001, date du terme initialement convenu par le contrat d'assurance.
C'est dans ces circonstances que Mme X. a fait assigner la SA FORTIS ASSURANCES et la SA CRÉDIT LYONNAIS devant le tribunal d'instance d'Amiens par un acte d'huissier du 11 décembre 2007.
Par un jugement du 8 mars 2010, le tribunal d'instance d'Amiens, rappelant que la commission des clauses abusives dans une recommandation n° 90-01 BOCCRF du 28 août 1990 considère que la durée du contrat d'assurance doit être concomitante de celle du contrat de prêt, le but étant que tout soit mis en œuvre pour garantir la bonne fin du prêt et relevant que la SA FORTIS ASSURANCES ne rapportait pas la preuve de la caducité du plan conventionnel entraînant une résiliation anticipée du contrat de financement et qu'à la date du décès de M. X., elle devait toujours sa garantie, a fait droit aux demandes de Mme X. et du CRÉDIT LYONNAIS en condamnant la SA FORTIS ASSURANCES à régler :
- à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 4.668,25 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,70 % l'an à compter du jugement ;
- à Mme X. les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
* 1.656 euros au titre du remboursement des sommes payées à la SA CRÉDIT LYONNAIS postérieurement au décès de M. X. ;
* 400 euros à titre de dommages et intérêts ;
* 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement a en outre débouté la SA FORTIS ASSURANCES de l'ensemble de ses demandes, débouté la SA CRÉDIT LYONNAIS de ses demandes dirigées contre Mme X., ordonné l'exécution provisoire et condamné la SA FORTIS ASSURANCES aux dépens.
Aux termes de conclusions du 27 avril 2010, expressément visées, la SA FORTIS ASSURANCES, appelante de ce jugement, prie la Cour de l'infirmer en toutes ses dispositions, de débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à supporter les entiers dépens et à lui verser une indemnité de 1.200 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir au soutien de son appel que le contrat d'assurance souscrit par la société PRECTOR auprès de la société EURALLIANCE, auquel M. X. a adhéré pour le garantir des risques décès, invalidité absolue et définitive et incapacité, est manifestement expiré puisqu'il a été souscrit en 1994 pour une période de quatre-vingt quatre mensualités expirant le 20 juin 2001. Elle prétend que Mme X. ne justifie nullement de la signature d'un avenant valant novation soit du contrat principal avec le CRÉDIT LYONNAIS, soit du contrat d'adhésion à l'assurance de groupe avec la société EURALLIANCE, tendant à proroger le terme du contrat de prêt et/ou le terme du contrat d'assurance. Elle conteste l'application à la présente instance de la recommandation de la commission des clauses abusives invoquée par Mme X. laquelle n'aurait vocation à s'appliquer que pour les délais de carence et n'aurait aucun lien avec le présent litige. Elle ajoute que Mme X. n'est pas fondée à soutenir que les parties auraient accepté de proroger le contrat, alors que le plan conventionnel de surendettement, lequel ne vaut pas novation, n'a été mis en place qu'avec le CRÉDIT LYONNAIS.
Elle fait encore valoir qu'en raison de l'interdépendance de l'assurance et du contrat de prêt, sa garantie ne pouvait jouer qu'à la condition que le contrat de prêt soit toujours en vigueur, qu'en vertu du plan conventionnel de surendettement, la dette des époux X. auprès du CRÉDIT LYONNAIS aurait dû être soldée en octobre 2006, que les époux X. n'ont pas honoré leurs nouvelles obligations et que les nouvelles modalités de règlement prévues contractuellement avec la société Parisienne de Poursuites après une lettre de relance du 10 février 2003 et ramenant le montant des mensualités à 92 euros ne saurait concrétiser l'existence d'un quelconque accord régularisé entre le créancier et ses débiteurs, que l'absence de régularisation dans le délai requis a abouti à la caducité du plan de surendettement, que le plan de surendettement n'a pas d'effet novateur, que la SA CRÉDIT LYONNAIS s'est prévalu de la déchéance du terme dans le cadre du plan à hauteur de 102.552,19 Francs, montant du capital restant dû au 20 juin 1998 et que, du fait de la résiliation du contrat principal, la garantie de la société FORTIS ASSURANCES s'est trouvée éteinte.
À titre subsidiaire, elle soutient que Mme X. ne lui a jamais transmis les éléments permettant d'apprécier la prise en charge du risque, de sorte qu'elle ne peut valablement solliciter sa garantie.
À titre infiniment subsidiaire, elle reproche à la SA CRÉDIT LYONNAIS d'avoir manqué à son devoir de conseil auprès de ses clients en s'abstenant de leur faire souscrire une garantie complémentaire dans le cadre du plan conventionnel de surendettement, de sorte qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la carence de l'organisme bancaire.
Aux termes de conclusions du 4 septembre 2010, expressément visées, la SA CRÉDIT LYONNAIS prie la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, si la Cour estimait que la SA FORTIS ASSURANCES n'est pas tenue de garantir le décès de M. X., de condamner Mme X. à lui régler la somme de 4.668,25 euros avec intérêts au taux conventionnel de 13,70 % à compter du 12 juin 2009, date de l'arrêté de comptes, et d'ordonner la capitalisation des intérêts. En tout état de cause, elle demande la condamnation de tout succombant à supporter les entiers dépens et à lui verser une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions du 16 juillet 2010, expressément visées, Mme X. prie la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement, à titre subsidiaire, de constater la forclusion de toute action de la banque par application des dispositions de l’article L. 311-37 du code de la consommation, de constater le manquement de la SA CRÉDIT LYONNAIS à son obligation d'information et de conseil et de condamner la banque à lui verser une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, en tout état de cause, de condamner solidairement la SA FORTIS ASSURANCES et la SA CRÉDIT LYONNAIS à lui régler une indemnité de 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens.
L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 30 novembre 2010 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 septembre 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSÉ LA COUR :
I) Sur la garantie de la SA FORTIS ASSURANCES :
La Cour relève que la recommandation n° 90-01 BOCCRF du 28 août 1990 de la Commission des Clauses Abusives visée par le premier juge sanctionne essentiellement les délais de carence ou certaines exclusions de garantie et n'a pas vocation à s'appliquer à la présente espèce, étant relevé que le contrat d'assurance, souscrit par M. X. indépendamment du contrat de prêt signé avec l'établissement prêteur, limite la garantie à la durée du contrat, soit à une période de sept ans qui s'est achevée le 20 juin 2001. Les propositions de la commission de surendettement, telles qu'elles ont été acceptées par le CRÉDIT LYONNAIS ne sont pas opposables à la SA FORTIS ASSURANCES, étant surabondamment relevé qu'aucune cotisation au titre de l'assurance n'était prévue dans le tableau d'amortissement de l'emprunt souscrit le 20 février 1994, la cotisation ayant été réglée en une seule fois à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance, de sorte que le rééchelonnement de la dette arrêté par le plan de surendettement a été arrêté hors toute cotisation d'assurance.
En conséquence, la SA FORTIS ASSURANCES est bien fondée à soutenir qu'à la date du décès de M. X., le 10 mai 2006, le contrat d'assurance était arrivé à échéance et qu'elle ne doit pas sa garantie ni au CRÉDIT LYONNAIS, ni à Mme Y. veuve X.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
II) Sur la demande en paiement formée par la SA CRÉDIT LYONNAIS :
Le règlement de la dette des époux X. dans le cadre du plan conventionnel de surendettement aurait dû être soldé définitivement le 6 octobre 2006. Or, la SA CRÉDIT LYONNAIS a sollicité le règlement du solde de sa créance pour la première fois dans ses écritures déposées le 5 octobre 2009 devant le premier juge. Dans ses écritures d'appel, elle invoque un premier incident de paiement intervenu en octobre 2008 dans le cadre d'un nouvel échéancier qui aurait été consenti à Mme X. par la société Parisienne de Poursuite à laquelle elle a délégué le recouvrement de sa créance. Cependant, elle ne rapporte nullement la preuve ni d'une telle faculté de remboursement de la dette, ni de la date de cet incident de paiement, de sorte que la Cour relève que la demande en paiement de la SA CRÉDIT LYONNAIS, formée plus de deux ans après l'échéance fixée par le plan conventionnel de surendettement, est forclose au regard des dispositions de l’article L. 311-17 du code de la consommation.
Sa demande en paiement dirigée à titre subsidiaire contre Mme X. doit donc être déclarée irrecevable.
III) Sur les dépens et les frais d'instance :
Le jugement doit être réformé en ce qu'il a condamné la SA FORTIS ASSURANCES aux dépens de première instance, lesquels doivent avec les dépens d'appel, être mis exclusivement à la charge de la SA CRÉDIT LYONNAIS, laquelle sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera également réformé en ce qu'il a condamné la SA FORTIS ASSURANCES à verser à Mme X. une indemnité par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance.
L'équité commande de faire droit aux demandes d'indemnités formées par la SA FORTIS ASSURANCES et Mme X. en appel, ces condamnations étant mises exclusivement à la charge de la SA CRÉDIT LYONNAIS.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Infirme le jugement rendu le 8 mars 2010 par le Tribunal d'Instance d'AMIENS en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS et Mme Y. épouse X. de leur demande de condamnation de la SA FORTIS ASSURANCES à garantir le paiement des sommes dues au titre du solde de l'emprunt souscrit le 20 février 1994 par les époux X. ;
- Constate que l'action en paiement engagée par la SA CRÉDIT LYONNAIS contre Mme Y. épouse X. dans le cadre de la présente instance est forclose par application de l’article L. 311-37 du code de la consommation ;
- Déclare la SA CRÉDIT LYONNAIS irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de Mme Y. veuve X. aux sommes restant dues au titre de l'emprunt souscrit le 20 février 1994 par les époux X. ;
- Condamne la SA CRÉDIT LYONNAIS en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à verser à Mme Y. épouse X. une indemnité de 1.500 euros et à la SA FORTIS ASSURANCES une indemnité de 1.200 euros ;
- Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS de sa demande d'indemnité pour ses frais de procès ;
- Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne la SA CRÉDIT LYONNAIS à les supporter dans leur intégralité ;
- Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle pour ceux exposés par Mme Y. épouse X., admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle le 24 septembre 2010 ;
- Accorde au profit de la SCP TETELIN MARGUET DE SURIREY et de la SCP LE ROY, Avoués à la Cour, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.
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