CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 19 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2625
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 19 février 2009 : RG n° 07/03430 ; arrêt n° 112
Publication : Juris-Data n° 2009-375700
Extraits : 1/ « Que cette formulation détourne les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que cette clause qui permet une augmentation du crédit sans nouvelle offre préalable prive l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ; Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer que la clause aux termes de laquelle le montant du découvert convenu initialement peut être augmenté sur simple accord tacite des parties est abusive et doit être réputée non écrite ».
2/ « Attendu que la forclusion constitue une fin de non recevoir d'ordre public, aux termes de l'article L. 313-16 du Code de la consommation, qu'il appartient au juge de la soulever d'office, conformément aux dispositions de l'article 125 du code de procédure civile ; même en l'absence de contestation de la part du débiteur ; qu'il convient de rechercher si la société Finaref n'est pas forclose en son action ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/03430. Arrêt n° 112. Appel d’un jugement du Tribunal d’Instance d’Amiens du 11 juin 2007.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
- Monsieur X.
né le [date] à [ville]
- Madame Y.
née le [date] à [ville]
Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS, Représentés par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Maître DE VILLENEUVE, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMÉE :
SA FINAREF
[ville], Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour
DÉBATS : À l'audience publique du 16 décembre 2008, devant : M. DE LAGENESTE, Président, M. FLORENTIN et Mme SIX, entendue en son rapport, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 19 février 2009
GREFFIER : Mme AZAMA [minute page 2]
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 19 février 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. DE LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Mme AZAMA, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Selon une offre préalable en date du 29 janvier 2001 la société Finaref a consenti à M. X. et Mme Y. une ouverture de crédit utilisable par fractions, le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte étant de 20.000 francs soit 3.048,98 € et assorti d'un taux effectif global variable en fonction du découvert utilisé.
Sur requête de la société Finaref le président du tribunal d'instance d'Amiens a par une ordonnance du 8 juin 2006, condamné M. X. et Mme Y. solidairement à payer à la société Finaref la somme de 5.224,18 € en principal avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2006.
Le 7 novembre 2006 M. X. et Mme Y. ont formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 11 juin 2007 le tribunal d'instance d'Amiens a :
- reçu l'opposition à l'injonction de payer et l'a mise à néant,
- statuant à nouveau a rejeté l'exception de forclusion et dit n'y avoir lieu à la déchéance du droit aux intérêts,
- condamné M. X. et Mme Y. solidairement à payer à la société Finaref la somme de 5.895,49 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2006,
- débouté M. X. et Mme Y. de leur demande de délai et de dommages-intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté la société Finaref de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. et Mme Y. solidairement aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 août 2007 M. X. et Mme Y. ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 12 décembre 2007 ils demandent à la cour, au visa des articles L. 311-9 et suivants du code de la consommation, 1152 et 1244-1 du code civil, de :
- à titre principal infirmer le jugement et déclarer la société Finaref irrecevable en son action pour cause de forclusion,
- à titre subsidiaire constater l'augmentation irrégulière du capital emprunté,
- dire abusive la clause prévue dans les conditions générales qui dispose que le montant disponible peut être augmenté et jusqu'au montant maximum du découvert autorisé sans nouvelle offre,
- prononcer la déchéance des droits aux intérêts à compter du 21 août 2001,
- constater le manquement de la société à son obligation d'information,
- ordonner de ce fait la déchéance du droit aux intérêts à compter du 29 janvier 2006,
- réduire le montant de la clause pénale à une somme qui ne pourrait être supérieure à 1 €,
- les autoriser à s'acquitter du paiement des sommes qui pourraient être mises à leur charge par le versement d'une mensualité de 20 € pendant 23 mois,
- réduire les intérêts au taux légal,
- en tout état de cause condamner la société Finaref à leur payer la somme [minute page 3] de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériels et moraux, en application des dispositions de l'article 1147 du code civil,
- condamner la société Finaref aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 18 mars 2008 la société Finaref demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant de les condamner solidairement à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de l'instance.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
Sur la clause abusive :
Attendu que M. X. et Mme Y. soutiennent que l'article 2 du contrat, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et doit être déclarée réputée non écrite ;
Attendu que la société Finaref réplique que cette clause permet à l'emprunteur, qui n'a pas forcément besoin de l'intégralité du crédit consenti dès l'origine de la relation contractuelle, d'utiliser une fraction du crédit consenti comme le prévoit l'article L. 311-9 du code de la consommation ;
Qu'elle soutient qu'il n'y a pas lieu d'exiger l'émission d'une nouvelle offre préalable en cas de dépassement du découvert utile par l'emprunteur tant que le crédit consenti au travers du découvert maximum autorisé n'est pas dépassé ; que dès la signature du contrat le montant de 20.000 francs ne correspondait qu'a la première fraction disponible du crédit, découvert utile et que le montant maximal du crédit s'élevait à la somme de 70.000 francs soit 10.671,43 € ; que le contrat ayant été souscrit en janvier 2001, sous l'empire de l'article L. 311-9 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, l'offre préalable n'est obligatoire que pour le contrat initial ;
Mais attendu que selon les termes de l'offre préalable « le montant maximum du crédit autorisé par le prêteur est fixé à 70.000 francs soit 10.671,43 € » ; mais que M. X. et Mme Y. avaient sollicité lors de la signature un crédit de 2.000 francs soit 3.048,98 € ;
Attendu que selon l'article 2 des conditions générales figurant au verso « À l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture de votre contrat, le montant du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives à votre demande ou sur proposition du préteur, dans la limite du montant maximum autorisé et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visée à l'article 8 ci-après. Toute utilisation de votre compte au-delà du montant de crédit utilisable sera considéré comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit autorisé (...) ;
Que cette formulation détourne les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que cette clause qui permet une augmentation du crédit sans nouvelle offre préalable prive l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer que la clause aux termes de laquelle le montant du découvert convenu initialement peut être augmenté sur simple accord tacite des parties est abusive et doit être réputée non écrite ;
[minute page 4]
Sur la forclusion :
Attendu que M. X. et Mme Y. soutiennent que l'action en paiement de la société Finaref est forclose en ce qu'elle est intervenue plus de deux ans après le premier incident non régularisé constitué par le dépassement du découvert autorisé de 2.000 francs, le 21 août 2001 ;
Attendu que la société Finaref réplique que le délai biennal de forclusion ne commence à courir qu'à compter du dépassement de la somme de 70.000 francs soit 10.671,43 € ;
Attendu que la forclusion constitue une fin de non recevoir d'ordre public, aux termes de l'article L. 313-16 du Code de la consommation, qu'il appartient au juge de la soulever d'office, conformément aux dispositions de l'article 125 du code de procédure civile ; même en l'absence de contestation de la part du débiteur ; qu'il convient de rechercher si la société Finaref n'est pas forclose en son action ;
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, que les actions engagées en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;
Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du dépassement du découvert autorisé ou en l'absence de dépassement, et compte tenu des termes du contrat à compter de toute échéance impayée non régularisée ;
Attendu qu'en l'espèce, aux termes de l'offre préalable d'ouverture de crédit consentie le 29 janvier 2001, le découvert autorisé n'était pas, contrairement aux prétentions de la société Finaref d'un montant de 70.000 francs soit 10.671,43 € mais d'un montant de 3.048,98 € quelque soit la formulation utilisée ;
Attendu qu'il ressort de l'historique du compte versé aux débats que le montant du découvert initial de 3.048,98 €, hors assurance et hors frais, a été dépassé dès le 21 août 2001, sans au demeurant, que la société Finaref ne justifie de la demande des emprunteurs ou d'une proposition du préteur exigée par l'article 2 précité du contrat, étant en outre observé que le solde du compte est depuis cette date demeuré constamment supérieur au montant du découvert initialement autorisé ;
Que dans ces conditions le dépassement du découvert autorisé de 3.048,98 € le 21 août 2001 constitue l'événement qui a donné naissance à l'action au sens des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation ; que l'action introduite par la société Finaref par signification de l'ordonnance d'injonction de payer le 17 octobre 2006, au-delà du délai de deux ans précité, est donc forclose ; que la société Finaref doit être déboutée de toutes ses demandes ;
Sur la demande de dommages-intérêts :
Attendu que M. X. et Mme Y. font valoir qu'en dépit des multiples incidents de paiement des versements étaient effectués tous les mois au profit des débiteurs, leur permettant ainsi de faire face à l'échéance [minute page 5] correspondante ; que des échéances impayées étaient régularisées quelque temps plus tard grâce à l'octroi de nouveaux crédits qui nécessitait en contrepartie une augmentation des mensualités auxquelles les débiteurs ne pouvaient pas faire face ; que la société Finaref aurait dû constater que cette situation caractérisait leur impossibilité à faire face à un tel crédit ; qu'en ne dénonçant pas ce système et en ne sollicitant pas le moindre justificatif de revenus et de charges, elle a commis des fautes qui ont généré pour les débiteurs un préjudice matériel et moral ;
Attendu que la société Finaref conteste avoir commis des fautes et souligne que les emprunteurs avaient déclaré des ressources d'un montant de 9.600 francs par mois ;
Attendu que du fait de la forclusion de l'action de la société Finaref M. X. et Mme Y. ne subissent aucun préjudice ; qu'ils doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
Attendu que le jugement doit être infirmé sauf en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. de leur demande en paiement de dommages-intérêts et débouté la société Finaref de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Finaref, succombant en son appel, doit être condamnée aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. de leur demande en paiement de dommages-intérêts et débouté la société Finaref de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
Déclare la société Finaref forclose en son action et la déclare irrecevable en toutes ses demandes,
Déboute M. X. et Mme Y. de leur demande de dommages-intérêts,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Finaref aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
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- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives