CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 18 juin 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2626
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 18 juin 2009 : RG n° 08/01004 ; arrêt n° 335
Publication : Juris-Data n° 2009-009152
Extrait : « Attendu que selon cet article 8 : « le montant de votre réserve pourra être augmenté, à votre demande ou sur proposition du prêteur, par fractions successives ou en une seule fois, dans la limite du montant maximum autorisé et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visée à l'article 16. Le nouveau montant de la réserve vous sera confirmé sur les relevés (...). Son utilisation vaudra acceptation de votre part. » ; Que cette formulation détourne les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que cette clause qui permet une augmentation du crédit sans offre préalable prive l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ; Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer que la clause aux termes de laquelle le montant du découvert convenu initialement peut être augmenté sur simple accord tacite des parties est abusive et doit être réputée non écrite ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE - DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 18 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/01004. Arrêt n° 335. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SENLIS (Greffe détaché de CREIL) du 13 février 2008.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SAS GE MONEY BANK
[adresse], Représentée par Maître Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et ayant pour avocat la SCP TRESCA du barreau de LILLE
ET :
INTIMÉ :
Monsieur X.
Représente par la SCP LE ROY, avoué à la Cour
DÉBATS : À l'audience publique du 10 avril 2009 devant Mme SIX, Conseiller, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 juin 2009.
GREFFIER : Mme HAMDANE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Le Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : M. DE LAGENESTE, Président, M. FLORENTIN et Mme SIX, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi. [minute page 2]
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 18 juin 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile; M. DE LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Mme HAMDANE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Selon une offre préalable en date du 19 décembre 2003 GE Money Bank a consenti aux époux X. une ouverture de crédit utilisable par fractions, le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte étant de 3.500 € assorti d'un taux effectif global variable en fonction du découvert utilisé.
Par acte du 3 juillet 2007 GE Money Bank a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance Senlis, greffe détaché de Créteil aux fins de condamnation des époux X. à lui payer la somme de 12.644,61 € avec intérêt au taux de 16,44 % à compter de la mise en demeure et la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 13 février 2008 le tribunal d'instance a:
- constaté le désistement de CE Money Bank à l'égard de Madame Y. épouse X.,
- constaté la forclusion de l'action en paiement de GE Money Bank à l'encontre de M. X.,
- déclaré les demandes en paiement formées par GE Money Bank à l'encontre de M. X. irrecevables,
- rejeté toutes les autres demandes,
- condamné GE Money Bank aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 mars 2008 GE Money Bank a interjeté appel de ce jugement uniquement à l'encontre de M. X.
Par conclusions signifiées le 6 juin 2008 elle demande à la cour, au visa des articles 1101 et 1338 du code civil et L. 311-37 du code de la consommation, de :
- infirmer le jugement,
- constater que son action n'est pas forclose,
- condamner M. X. à lui payer la somme de 12.644,61 € avec intérêt au taux de 16,44 % à compter de la mise en demeure et la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de la procédure.
Par conclusions signifiées le 17 septembre 2008 M. X. demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner GE Money Bank à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.
Il soutient que la clause prévue dans l'offre préalable qui dispose que le montant disponible peut être augmenté sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit est abusive ; que le montant de l'ouverture de crédit correspondant au montant du découvert utilisable à l'ouverture du compte soit la somme de 3.500 €, a été dépassé le 27 décembre 2007 sans qu'aucune nouvelle offre préalable n'ait été soumise à son consentement ; que l'assignation ne lui ayant été délivrée que le 3 juillet 2007, l'action de CE Money Bank est forclose.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] SUR CE LA COUR :
Sur la clause abusive :
Attendu que M. X. soutient que l'article du contrat, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et doit être déclaré réputé non écrit ;
Attendu que CE Money Bank réplique que les paiements volontaires par les emprunteurs, postérieurement au 27 décembre 2004 date à laquelle le montant du découvert autorisé a été dépassé, témoignent de l'exécution volontaire du contrat au sens de l'article 1338 du code civil, nonobstant l'absence d'une offre modificative du maximum autorisé ;
Mais attendu que selon les termes de l'offre préalable « la limite du montant maximum du découvert autorisé pouvant aller jusqu'à 21.342 €. Toutefois, d'un commun accord, le montant du découvert utilisable est limité, à la date de l'offre, à 3.500 €. Ce montant pourra être augmenté soit à votre demande soit sur proposition du prêteur dans les conditions prévues au verso art. 8 (...) » ;
Attendu que selon cet article 8 : « le montant de votre réserve pourra être augmenté, à votre demande ou sur proposition du prêteur, par fractions successives ou en une seule fois, dans la limite du montant maximum autorisé et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visée à l'article 16. Le nouveau montant de la réserve vous sera confirmé sur les relevés (...). Son utilisation vaudra acceptation de votre part. » ;
Que cette formulation détourne les dispositions de l'article L. 311-10 du code de la consommation selon lequel le prêteur doit préciser le montant du crédit ; que cette clause qui permet une augmentation du crédit sans offre préalable prive l'emprunteur de la faculté d'ordre public de rétractation ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer que la clause aux termes de laquelle le montant du découvert convenu initialement peut être augmenté sur simple accord tacite des parties est abusive et doit être réputée non écrite ;
Sur la forclusion :
Attendu que M. X. soutient que l'action en paiement de GE Money Bank est forclose en ce qu'elle est intervenue plus de deux ans après le premier incident non régularisé constitué le 27 décembre 2004 par le dépassement du découvert initialement autorisé ;
Attendu que GE Money Bank réplique que lorsque le contrat de crédit prévoit un montant maximum de découvert autorisé, le dépassement du montant initial du découvert ne constitue pas le point de départ du délai de forclusion ;
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, que les actions engagées en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;
Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas [minute page 4] d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du dépassement du découvert autorisé ou en l'absence de dépassement, et compte tenu des termes du contrat à compter de toute échéance impayée non régularisée ; que les emprunteurs ne peuvent renoncer à ces dispositions d'ordre public ;
Attendu qu'en l'espèce, aux termes de l'offre préalable d'ouverture de crédit consentie le découvert autorisé n'était pas d'un montant de 21.342 € mais d'un montant de 3.500 € quelque soit la formulation utilisée et nonobstant les paiements volontaires poursuivis par les emprunteurs ;
Que GE Money Bank ne peut donc se prévaloir de ces paiements postérieurs et des dispositions de l'article 1338 du code civil pour déterminer unilatéralement la date du dépassement ;
Attendu qu'il ressort de l'historique du compte versé aux débats que le montant du découvert initial de 3.500 €, a été dépassé dès le 27 décembre 2004, sans au demeurant, que GE Money Bank ne justifie de la demande des emprunteurs ou d'une proposition du préteur exigée par le contrat, étant en outre observé que le solde du compte est depuis cette date demeuré constamment supérieur au montant du découvert initialement autorisé ;
Que dans ces conditions le dépassement du découvert autorisé de 3.500 € le 27 décembre 2004 constitue l'événement qui a donné naissance à l'action au sens des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation ; que l'action introduite par GE Money Bank par assignation délivrée le 3 juillet 2007, au-delà du délai de deux ans précité, est donc forclose ; que GE Money Bank doit être déboutée de toutes ses demandes ;
Attendu que le jugement doit [être] confirmé en son dispositif ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que GE Money Bank, succombant en son appel, doit être condamnée aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, statuant par arrêt contradictoire et uniquement sur l'appel dirigé à l'encontre de M. X.,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à M. X.,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne GE Money Bank aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives