CA LYON (3e ch. A), 17 décembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2665
CA LYON (3e ch. A), 17 décembre 2010 : RG n° 09/05630
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat ayant été signé pour les besoins de son activité professionnelle, la société CARNOT VOYAGES n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage à domicile. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/05630. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT- ETIENNE du 23 juin 2009 R.G. n° 2007/2766.
APPELANTE :
- Maître MALMEZAT - PRAT - Mandataire de SA CORTIX
- Maître Gilles SAUTAREL - Administrateur de SA CORTIX
- SA CORTIX
représentés par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
INTIMÉES :
- SARL CARNOT VOYAGES
représentée par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour, assistée de Maître Christophe MONTMEAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
- SA LOCAM
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour, assistée de Maître Michel TROMBETTA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Date de clôture de l'instruction : 7 septembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 octobre 2010
Date de mise à disposition : 10 décembre 2010 prorogée au 17 décembre 2010, les parties ont été avisées
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : Françoise CUNY, président, Alain MAUNIER, conseiller, Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, conseiller, assistés pendant les débats de Dominique LAMY-BAILLY, greffier
À l'audience, Alain MAUNIER a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CUNY, président, et par Christelle MAROT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 26 décembre 2006, la société LOCAM est devenue cessionnaire d'un contrat de location de matériel informatiques avec prestations afférentes, d'une durée de 48 mois, prévoyant le versement de 48 mensualités de 120 euros HT chacune souscrit par la société CARNOT VOYAGES auprès de la société CORTIX en vue de la création d'un site internet, avec « module actualité ».
Seuls les trois premiers loyers ont été payés.
Après mise en demeure du 24 juillet 2007, rappelant la clause résolutoire incluse au contrat, demeurée vaine, la société LOCAM a poursuivi en justice le recouvrement des sommes lui étant dues au titre des loyers impayés, des loyers à échoir devenus immédiatement exigibles en conséquence de la résiliation, outre une clause pénale de 10 %. La société CARNOT VOYAGES, a appelé en cause la société CORTIX.
Par jugement du 23 juin 2009, le tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE a :
- condamné la société CARNOT VOYAGES, à payer à la société LOCAM la somme de 6.314,88 euros représentant les loyers échus impayés et le montant des loyers à échoir après résiliation, outre la somme de 50 euros à titre de clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2007, date de l'assignation,
- condamné la société CORTIX à relever et garantir la société CARNOT VOYAGES, de la condamnation ci-dessus à hauteur de 2.500 euros,
- condamné la société CARNOT VOYAGES à payer à la société LOCAM la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- partagé les dépens par moitié entre la société CORTIX et la société CARNOT VOYAGES.
La société CORTIX a interjeté appel le 3 septembre 2009.
À la suite de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de la société CORTIX par jugement du tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 3 avril 2010, la SELARL MALMEZAT -PRAT est intervenue à l'instance comme mandataire judiciaire, et Maître SAUTAREL comme administrateur.
Aux termes de leurs dernières conclusions, signifiées le 16 août 2010, la société CORTIX, l'administrateur au redressement judiciaire et le mandataire judiciaire sollicitent l'infirmation du jugement du 23 juin 2009, et le rejet des réclamations de la société CARNOT VOYAGES, et la condamnation de celle-ci à leur verser une indemnité pour frais d'instance.
Sur la signature du contrat, ils font valoir que :
- l'ensemble des documents contractuels sont paraphés et signés par la société CARNOT VOYAGES ; la signature est identique à celle figurant sur le passeport du gérant, qui n'aurait pas manqué de porter plainte pour faux si sa signature avait été contrefaite ;
- la société CARNOT VOYAGES a exécuté le contrat en honorant les premières mensualités.
Ils exposent que celle-ci dans un premier courrier en date du 3 mai 2007 a indiqué vouloir annuler le contrat au motif qu'elle aurait découvert fortuitement l'existence d'un financement adossé au contrat de création de site prétendument promis à titre gratuit, ensuite que les mentions n'étaient pas écrites de sa main, puis que le site n'était pas achevé, sans dire que le contrat n'aurait pas été signé par le gérant.
Ils affirment que la société CORTIX a exécuté ses propres obligations, et mis le site en ligne le 16 février 2007 sur la base des éléments convenus dans le cahier des charges, et relève que la société CARNOT VOYAGES, qui ne lui a jamais adressé de mise en demeure concernant l'achèvement du site, n'explique pas, ni ne démontre, en quoi le site ne correspondrait pas à ses attentes.
Aux termes de ses uniques écritures, signifiées le 9 mars 2010, la société LOCAM conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a réduit la clause pénale à 50 euros, et demande à ce titre la condamnation de la société CARNOT VOYAGES, à lui payer la somme de 631,49 euros correspondant à 10 % des sommes dues au titre des loyers, ainsi que la capitalisation des intérêts.
Sur l'identité du signataire du contrat, elle relève que le contrat, portant le timbre humide de la société CARNOT VOYAGE, est signé du nom du gérant, HAFID, et ressemble à s'y méprendre à celle apposée sur le passeport de ce dernier. Elle ajoute qu'en admettant que la signature ne soit pas celle du gérant, il y aurait eu manifestement délégation, ce qui ressort de la remise par le signataire d'un RIB et une autorisation de prélèvement qui a fonctionné.
Elle souligne que la société CARNOT VOYAGES ne saurait se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.
Au fond, elle se prévaut de la signature par la société CARNOT VOYAGES du procès-verbal de réception.
Aux termes de ses uniques conclusions, signifiées le 2 février 2010, la société CARNOT VOYAGES sollicite l'infirmation de la décision entreprise, et en conséquence :
1/ À titre principal : la résiliation du contrat de location de prestations informatiques, et le rejet des prétentions de la société CORTIX et de la société LOCAM ;
2/ À titre subsidiaire : la condamnation de la société CORTIX à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la société LOCAM ;
3/ En tout état de cause, la condamnation solidaire des sociétés CORTIX et LOCAM à lui verser une indemnité pour frais d'instance, hors dépens.
Dans le corps de ses écritures, elle soutient principalement que le contrat n'est pas signé par le gérant, Monsieur X., qui était en ARABIE SAOUDITE à la date de la signature, ce que démontrent son passeport et son billet d'avion.
Ensuite, elle soutient qu'il est impossible que le site ait été mis en ligne le jour même de la signature du contrat, ce que la société CORTIX reconnaît quand elle indique que la mise en ligne a été réalisée le 16 février 2007.
Dans le corps de ses écritures, elle demande le bénéfice des dispositions du code de la consommation en matière de démarchage à domicile, faisant valoir qu'elle n'est pas une professionnelle de l'informatique, et que le contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle, elle se trouve dans la même situation que n'importe quel consommateur. En l'absence des mentions relatives à la faculté de renonciation dans un délai de sept jours, elle se prévaut donc de la nullité du contrat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Les copies du passeport et du billet d'avion versées aux débats par le dirigeant de la société CARNOT VOYAGES ne font pas ressortir de manière évidente les dates de sortie et d'entrée du territoire français de l'intéressé pendant la période litigieuse. En revanche elles font ressortir que la signature du titulaire du passeport ressemble tout à fait à celle figurant sur les documents commerciaux.
Quoi qu'il en soit, à supposer que Monsieur X. ait été absent le jour de la signature du contrat et du bon de commande, ces derniers portent le timbre humide de la société CARNOT VOYAGES, et la personne qui l'a apposé a remis dans le même temps au représentant de la société CORTIX un relevé d'identité bancaire et une autorisation de prélèvement. Ces éléments dispensaient ce dernier de vérifier les pouvoirs de la personne à qui elle a eu affaire, et qui s'est ainsi présentée comme pouvant engager la Société. En outre les quatre prélèvements qui ont été effectués en exécution de cette autorisation, avant que la société CARNOT VOYAGES y mette fin, confirment d'une part que la personne présente avait bien ce pouvoir, et d'autre part qu'elle n'ignorait pas que la création du site devait s'effectuer à titre onéreux.
Le contrat ayant été signé pour les besoins de son activité professionnelle, la société CARNOT VOYAGES n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage à domicile.
En revanche, le procès-verbal de réception signé le 21 décembre 2006, le même jour que le contrat et que le bon de commande, et dans lequel le locataire déclare :
- avoir réceptionné le nom du domaine,
- avoir réceptionné l'espace d'hébergement : [...],
- en avoir contrôlé le fonctionnement,
- les accepter sans restriction ni réserves,
ne pouvait valoir procès-verbal de conformité du site aux besoins du locataire au sens des articles 2-2 et 2-3 du contrat de location, le site n'ayant pu être fourni et créé le jour même où il était commandé. Du reste la société CORTIX le reconnaît quand elle écrit, page 5 de ses conclusions récapitulatives, que :
- le 16 février 2007, elle a avisé la société CARNOT VOYAGES de la mise en ligne du site dans l'attente de la finalisation ;
- « par télécopie du 22 février 2007, (elle) a adressé un avis de mise en place du module de mise à jour... » et qu'à cette date, « le site est conçu et opérationnel ».
En outre, l'article 4, avant-dernier alinéa, du bon de commande précise que : « Le site Web sera considéré comme accepté en l'état par le client si celui-ci n'émet aucune réserve ni demande de modification 15 jours après réception de la lettre recommandée lui confirmant la mise en ligne définitive de son site internet », ce qui confirme que le jour de la signature des contrats, en décembre 2006, il ne pouvait y avoir de mise en ligne.
Or, aux termes de l'article 2-2, dernier alinéa, du contrat de location « la signature par le locataire du procès-verbal de conformité est le fait déclencheur de l'exigibilité des loyers ».
En conséquence, la société CARNOT VOYAGES est fondée à opposer à la société LOCAM, qui ne pouvait ignorer que le site n'a pas été mis en ligne dans les conditions prévues par les dispositions contractuelles, l'inexécution par la société CORTIX de ses obligations. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la société LOCAM, qui sera déboutée de ses demandes.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
Les dépens seront mis à la charge de la société CORTIX.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau
Déboute la société LOCAM de ses demandes
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société CORTIX aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet