CA PARIS (5e ch. sect. B), 7 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2684
CA PARIS (5e ch. sect. B), 7 février 2008 : RG n° 06/10102
Extraits : 1/ « Considérant, dans ce contexte, que le débat sur la validité des clauses de variation de stock ou d'exclusivité contenues dans les articles 5-2 et 6 du contrat n'est pas déterminant de la solution du litige ; que la nullité de ces clauses serait en effet impuissante à légitimer la rupture du contrat manifestée par l'interdiction faite au préposé de RLD 2 d'effectuer la prestation contractuelle et l'arrêt du paiement des factures ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur le principe de la résiliation du contrat aux torts de LE RAMPONNEAU »
2/ « Considérant que LE RAMPONNEAU, en professionnel de la restauration rompu à la négociation de contrats pour les besoins de l'exploitation de son commerce, ne peut être admis à se prévaloir de la notion de clause abusive prévue par la législation relative à la protection des consommateurs non-professionnels pour soutenir que cette disposition du contrat serait illicite ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/10102. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 mai 2006 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 05/072002.
APPELANTE :
SARL LE RAMPONNEAU exploitant sous le nom commercial « PAVILLON N. »
prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par Maître Nadine CORDEAU, avoué à la Cour, assistée de Maître Hélène CHARAVNER, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SELARL EURO-CONSEIL, avocats au barreau de PARIS, toque D 1144
INTIMÉE :
Société RLD 2 SASU anciennement dénommée RLD ILE DE FRANCE - Unité de Chatenay Malabry,
prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Annabelle STECULORUM, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Frédéric CANTON, avocat au barreau de ROUEN, plaidant pour la SCP EMOHEBERT
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 décembre 2007, en audience publique, après qu'il en a été fait rapport conformément aux dispositions de l'article 785 du nouveau Code de procédure civile devant la Cour composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Président, Madame Catherine LE BAIL, Conseillère, Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Loïc GASTON
ARRÊT : contradictoire, [minute page 2] rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Mme Catherine LE BAIL, Conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré, et par Mme HOUDIN, greffier auquel le magistrat signataire a remis la minute de la décision.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR,
VU l'appel déclaré par la SARL LE RAMPONNEAU du jugement du tribunal de commerce de Paris (13ème chambre, n° de RG : 2005072002), prononcé le 24 mai 2006 ;
VU les dernières conclusions de l'appelante, (5 décembre 2007) ;
VU les dernières conclusions (11 décembre 2007) de la SASU RLD 2, intimée ;
VU l'ordonnance du 12 décembre 2007 prononçant la clôture de l'instruction ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI,
Considérant que LE RAMPONNEAU, qui exploite un restaurant à l'enseigne « Pavillon N. », a conclu avec RLD 2, le 3 mars 2005, un contrat de location et entretien d'articles textiles d'une durée de trois ans ; que, dès mai 2005, elle s'est plainte de la mauvaise qualité des prestations, s'est apparemment rapprochée d'un autre fournisseur et a cessé de payer les loyers à partir de juillet 2005 ; que, mise en demeure par RLD 2 de lui payer les factures en souffrance et l'indemnité prévue en cas de rupture anticipée du contrat, LE RAMPONNEAU l'a assignée aux fins d'annulation du contrat ou au moins de deux de ses clauses et des factures litigieuses, subsidiairement de résiliation du contrat aux torts de RLD 2 et condamnation de cette dernière à lui payer des dommages-intérêts ; que le tribunal, par le jugement dont appel, a rejeté les demandes d'annulation, prononcé la résiliation du contrat aux torts de LE RAMPONNEAU, débouté RLD 2 de ses demandes reconventionnelles de paiement des factures et condamné LE RAMPONNEAU à lui payer l'indemnité prévue par le contrat après réduction de son montant par application de l'article 1152 du Code civil et à restituer le linge ou en payer le prix ;
Considérant que, par lettre du 10 mai 2005, LE RAMPONNEAU a fait part à RLD 2 de « son insatisfaction concernant la livraison régulière de napperons, nappes ainsi que torchons, tabliers souvent tachés, troués et décousus » ; qu'elle a réitéré ses doléances par lettre du 16 juin 2005 en signalant « de nombreux napperons sales, avec auréoles et surtout mal repassés » et réclamant un service de meilleure qualité ; que, le 4 juillet 2005, LE RAMPONNEAU, par le truchement de son maître d'hôtel, a notifié verbalement la rupture des relations à RLD 2, en la personne de son chauffeur livreur, auquel elle a interdit de ramasser le linge utilisé ;
Considérant que les deux lettres de protestation, qui émanent de la partie qui s'en prévaut, ne peuvent être reçues comme moyen de preuve de la mauvaise qualité alléguée de la prestation en vertu du principe selon lequel nul ne peut se constituer pour soi même ses propres moyens de preuve ;
[minute page 3] Considérant que la force probante de l'attestation de M. Z., se présentant comme chargé de la tenue du linge du restaurant, donc salarié de LE RAMPONNEAU, est affaiblie par le lien de subordination qui unit la personne qui atteste à celle au profit de laquelle cette attestation est établie ; que M. Z. se borne d'ailleurs à énoncer, non pas des faits précis, mais des généralités telles que « le linge était sale, usagé, troué. Certains clients s'en sont plaint officiellement, d'autres m'en faisaient réflexion » ou « 60 % du linge présentait des défauts, taches jaunes, trous, auréoles etc..» ; que, de surcroît, cette attestation, datée du 5 décembre 2007, a été établie deux ans et demi après les faits et le jour même des dernières écritures de LE RAMPONNEAU en cause d'appel, ce qui en diminue encore le crédit ;
Considérant que l'attestation de M. A., qui indique « avoir envoyé un courrier le 2 mai 2005 au « Pavillon N. » suite à de nombreux problèmes liés au linge de maison » n'établit aucun fait précis de nature à prouver le mauvais état allégué du linge fourni par RLD 2 ; que la lettre du 2 mai 2005 visée dans cette attestation, versée au débat, qui n'est pas elle-même établie dans les formes prévues par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, fait état de l'insatisfaction de M. A. à l'occasion d'un repas en constatant que « la nappe était tachée et que la serviette d'un de mes invités ressemblait plus à un chiffon qu'à du linge digne d'un restaurant comme le vôtre » ; que, si cette appréciation tend à montrer que la table où il prenait son repas n'avait pas été apprêtée avec toute l'application désirable par le personnel du restaurant, elle n'établit pas pour autant la responsabilité de RLD 2 dans ce manque de soin ;
Considérant que le procès-verbal de constat d'huissier versé au débat par LE RAMPONNEAU a été dressé le 7 octobre 2005, soit plus de trois mois après que RLD 2 eut cessé d'intervenir au Pavillon N. ; qu'il n'est donc pas de nature à établir la mauvaise qualité de la prestation en mai et juin 2005 alléguée par LE RAMPONNEAU ;
Considérant, tout au contraire, le linge ayant finalement été restitué à RLD 2 le 18 octobre 2006, que, sur l'inventaire contradictoire établi à cette occasion, sur un stock de 3.016 articles, seules 16 serviettes sont mentionnées comme « abîmées » ;
Considérant, en synthèse, que LE RAMPONNEAU ne rapporte pas la preuve que RLD 2 aurait manqué à ses obligations contractuelles de fourniture et d'entretien du linge ; que les éléments précédemment examinés établissent au contraire la mauvaise foi de LE RAMPONNEAU s'efforçant d'imputer à RLD 2 une mauvaise qualité de sa prestation pour tenter de justifier sa propre décision de ne plus exécuter le contrat ;
Considérant, dans ce contexte, que le débat sur la validité des clauses de variation de stock ou d'exclusivité contenues dans les articles 5-2 et 6 du contrat n'est pas déterminant de la solution du litige ; que la nullité de ces clauses serait en effet impuissante à légitimer la rupture du contrat manifestée par l'interdiction faite au préposé de RLD 2 d'effectuer la prestation contractuelle et l'arrêt du paiement des factures ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur le principe de la résiliation du contrat aux torts de LE RAMPONNEAU ;
Considérant que les parties s'accordent à reconnaître la nature de clause pénale, au sens de l'article 1226 du Code civil, susceptible d'être modérée ou augmentée par le juge par application de l'article 1152, alinéa 2, du même code, à la disposition contenue dans l'article 11 du contrat selon laquelle « le client dont le contrat aura été résilié devra payer une indemnité forfaitaire égale au montant des sommes qui auraient été facturées au titre de l’abonnement-service jusqu'à l'échéance du contrat » ;
[minute page 4] Considérant que LE RAMPONNEAU, en professionnel de la restauration rompu à la négociation de contrats pour les besoins de l'exploitation de son commerce, ne peut être admis à se prévaloir de la notion de clause abusive prévue par la législation relative à la protection des consommateurs non-professionnels pour soutenir que cette disposition du contrat serait illicite ;
Mais considérant que le contrat ne prévoit pas la transmission de la propriété du linge après paiement de l'indemnité bien que le prix d'acquisition de celui-ci y soit inclus ; que cette indemnité est dès lors manifestement excessive en ce que le bailleur n'a pas soutenu que le linge n'était plus utilisable ; que, en fonction des éléments du dossier, la Cour confirmera la réduction opérée par le tribunal ;
Considérant que LE RAMPONNEAU ne s'oppose à la demande de paiement de la facture de juin 2005 présentée par RLD 2 qu'en faisant valoir que la prestation aurait été défectueuse, ce qui, ainsi qu'il a déjà été dit, n'est pas démontré ; que la demande de RLD 2 tendant à la condamnation de LE RAMPONNEAU de ce chef à lui payer 3.596,83 € TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2005, sera donc accueillie ;
Considérant que LE RAMPONNEAU ne conteste pas qu'il lui reste du linge qu'elle doit restituer à RLD 2 représentant une valeur de 1.330,67 € TTC ; qu'il sera fait droit à la demande de RLD 2 sur ce point ;
Considérant, compte tenu du sens de cet arrêt, que LE RAMPONNEAU doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant de la condamnation prononcée contre la SARL LE RAMPONNEAU au profit de la SASU RLD 2 au titre de la facture impayée et sur le prix du linge à restituer,
STATUANT à nouveau sur ces montants,
CONDAMNE la SARL LE RAMPONNEAU à payer à la SASU RLD 2 :
- 3.596,83 € TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2005, au titre de la facture de juin 2005,
CONDAMNE la SARL LE RAMPONNEAU à restituer à la SASU RLD 2 le linge dont celle-ci est propriétaire dans les 8 jours de la signification de l'arrêt ou, à défaut, à lui en payer le prix, soit 1.330,67 € TTC,
DÉBOUTE la SARL LE RAMPONNEAU de toutes ses demandes contraires à la motivation,
CONDAMNE la SARL LE RAMPONNEAU aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 4.500 € à la SASU RLD 2.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT
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