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T. COM. PARIS (ch. spéciale), 16 mars 1994

Nature : Décision
Titre : T. COM. PARIS (ch. spéciale), 16 mars 1994
Pays : France
Juridiction : TCom Paris. ch. spéciale
Demande : 92/006514
Date : 16/03/1994
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 14/09/1993
Décision antérieure : CA PARIS (15e ch. sect. B), 30 mai 1997
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 CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 281

T. COM. PARIS (ch. spéciale), 16 mars 1994 : RG n° 92/006514

(sur appel CA Paris (15e ch. B), 30 mai 1997 : RG n° 95/09522)

 

Extrait : « Attendu que CMV ne saurait être tenue pour responsable du non versement des recettes de publicité puisqu'elle n'a pris aucun engagement de résultat à cet égard et qu'il n'existe aucun lien entre les loyers et les recettes de publicité, Attendu qu'il n'y a pas identité entre les redevances à payer par DCM puis PHARMINAGE et les loyers puisque ces redevances sont égales à 60 % des recettes de publicité et que en acceptant ce pourcentage les pharmaciens ont pris un risque commercial analogue au risque de mévente des produits pharmaceutiques ou parapharmaceutiques qu'ils ont accepté en achetant leurs officines, Attendu que le passage qui a été opéré du centre serveur DCM au centre serveur PHARMINAGE montre qu'il est possible de passer d'un centre serveur à un autre et que le matériel n'était pas lié à un centre serveur unique, Attendu par conséquent qu'il ne peut être soutenu que les contrats de publicité et les contrats de financement étaient liés. »

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

CHAMBRE SPÉCIALE

JUGEMENT DU 16 MARS 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 92/006514.

 

ENTRE :

1) M. X.

exerçant une activité sous l'enseigne « PHARMACIE SOLEL » [adresse]

2) Mme. Y.

exerçant une activité sous l'enseigne « PHARMACIE DE Z. » [adresse]

DEMANDEURS, assistés de Maître LALLEMENT, comparant par Maître DUFFOUR LUCET, Avocat B242

 

ET :

1) La SARL DESIGN CRÉATION MARKETING dite DCM

dont le siège social est [adresse], DÉFENDERESSE, assistée de Maître DUMAND et comparant par la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD Avocats (P240)

2) La SCA PHARMINAGE

dont le siège social est [adresse], DÉFENDERESSE, non comparante.

3) La SA CMV FINANCEMENT

dont le siège social est [adresse], DÉFENDERESSE, assistée de Maître DIEBOLT et comparant par la SCP TOUMIEUX - DEBETZ (P146)

 

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES FAITS :

M. X. et Mme. Y. pharmaciens ont été démarchés par DCM pour que soit installé dans leur pharmacie un magazine vidéo, vidéo graphique PHARMEDIA, édité et diffusé par DCM par l'intermédiaire d'un matériel téléinformatique.

Le contrat prévoyait une durée de 48 mois, que les pharmaciens devaient acquérir une installation technique comportant une console télématique double sortie, des écrans couleurs et un ensemble de logiciels images. Les frais de fonctionnement et d'exploitation de ce matériel étant supportés par DCM. Le locataire confiait à DCM la régie exclusive de l'espace publicitaire contenu dans le magazine diffusé sur le réseau Pharmédia et sur son terminal. En contrepartie le locataire percevait 60 % des recettes de publicité enregistrées et réglées à DCM. L'article 4 du contrat disposait « le pharmacien doit souscrire pour l'ensemble du système installé dans son établissement un contrat de location des matériels permettant la diffusion d'un magazine auprès d'un organisme de financement locatif ».

Les pharmaciens ont conclu avec la société CMV un contrat de location pour quatre ans.

[minute page 2] DCM n'a pas été en mesure d'honorer ses engagements dès le premier trimestre 1991. Par une lettre circulaire des 26 avril 1991, DCM indiquait aux pharmaciens qu'une nouvelle structure était mise en place avec la société SPIE EUROPE et que les contrats de diffusion du magazine seraient gérés à l'année par la société PHARMINAGE.

Un nouveau contrat était proposé avec deux options pour les pharmaciens :

- soit définir directement avec les annonceurs la rémunération éventuelle de la diffusion de leurs annonces et verser à PHARMINAGE 200 francs par demande d'images sélectionnées,

- soit confier à PHARMINAGE la régie exclusive de l'espace publicitaire.

La rémunération étant passée à 60 % des recettes de publicité enregistrées.

Il était précisé que l'ancien contrat devenait caduc.

Par jugement du 25 novembre 1991 le Tribunal de Commerce de Corbeil a prononcé la liquidation judiciaire de DCM, Maître SOUCHON étant nommé liquidateur.

Compte tenu des difficultés de paiement de DCM et PHARMINAGE, les pharmaciens ont suspendu les prélèvements automatiques. Les pharmaciens ont cessé de payer les loyers à CMV financement.

 

PROCÉDURE :

1°/ Par assignation des 14 et 17 septembre 1993, M. X., pharmacien au [adresse] et Mme. Y. au [adresse] demandent au Tribunal de :

- prononcer la résolution du contrat publicitaire liant les pharmaciens requérants à PHARMINAGE :

- prononcer la résolution du contrat de location d'équipement télématique liant les pharmaciens avec CMV,

- donner acte aux pharmaciens de ce qu'ils tiennent l'ensemble télématique à la disposition de PHARMINAGE,

- dire que cette société devra procéder à l'enlèvement et au transport de l'ensemble télématique et à la remise en état des lieux dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.500,00 francs par mois,

- dire que PHARMINAGE prendra en charge l'ensemble des coûts relatifs à ces opérations d'enlèvement et de transport de l'ensemble télématique ainsi que de la remise en état des lieux,

- dire qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la clause du contrat CMV relative à la résiliation qui ne prenait les conséquences de la résiliation que dans le cas où elle intervenait aux torts des locataires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[minute page 3] A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité du contrat avec CMV

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter CMV de ses demandes en condamnation des pharmaciens des pénalités prévues au contrat.

- condamner PHARMINAGE et CMV à payer 15.000,00 francs au titre de l'article 700 NCPC.

2°/ Par conclusion du 24 mars 1993 CMV demande au Tribunal de :

- débouter M. X. et Mme. Y. de leurs demandes en ce qu'elles lui font grief,

- condamne M. X. à payer à CMV les loyers mensuels de 1.899,12 francs à compter de l'échéance du 5 février 1992 avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance impayée,

- condamne Mme. Y. à payer à CMV les loyers mensuels de 1.935,54 francs à compter de l'échéance du 5 mars 1992 avec intérêts au taux conventionnel de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance impayée,

- condamne M. X. et Mme. Y. à exécuter les conventions jusqu'à leur terme,

- condamne M. X .à payer à CMV la somme de 6.000,00 francs au titre de l'article 700 NCPC,

- condamne Mme. Y. à payer 6.000 Francs à CMV au titre de l'article 700 NCPC,

- les condamne aux dépens - Ordonnance l'exécution provisoire. [N.B. conforme à la minute]

3°/ Par conclusion du 13 octobre 1993 :

- M. X. et Mme. Y. retirent leurs demandes.

4°/ Par conclusion du 17 novembre 1993 :

- CMV demande au Tribunal de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes conclusions.

- DCM et PHARMINAGE ne concluent pas.

5°/ A l'ordonnance des 19 janvier 1994 :

- les parties ne se sont pas opposées à l'envoi de l'affaire au rapport d'un magistrat qui a reçu les dossiers respectifs et n'a pas usé de la faculté d'entendre plus avant les parties.

 

DISCUSSION :

1°) Demande concernant PHARMINAGE :

Les pharmaciens font valoir que ni DCM, ni PHARMINAGE n'ont jamais adressé le décompte des recettes de publicité enregistrées et réglées.

Privé d'accès aux banques de données, le matériel est demeuré inutilisable. Les Pharmaciens demandent la restitution des contrats avec PHARMINAGE.

[minute page 4]

Sur quoi :

Attendu qu'il n'est pas contesté que PHARMINAGE n'a pas rempli ses obligations à l'égard des pharmaciens,

Le Tribunal prononcera la résolution des contrats publicitaires conclus par M. X. et Mme. Y. avec PHARMINAGE aux torts de cette dernière.

Attendu que M. X. et Mme. Y. demandent :

- qu'il leur soit donné acte qu'ils tiennent le matériel à la disposition de PHARMINAGE et de dire que cette société devra procéder à son enlèvement à ses frais et remettre les lieux en état,

- que le matériel n'est pas la propriété de PHARMINAGE mais de CMV FINANCEMENT,

Le Tribunal dira M. X. et Mme. Y. mal fondés en leurs demandes concernant le matériel et les en déboutera.

 

2°) Demandes à l'égard de CMV FINANCEMENT :

Les pharmaciens soutiennent pour chacun d'eux que le contrat conclu avec DCM puis PHARMINAGE d'une part et celui conclu avec CMV constituent un contrat économique global avec des obligations réciproques et qu'ils sont fondés à se prévaloir à l'égard de CMV d'une exception d'inexécution.

Ils relèvent que les deux contrats leur ont été présentés par le même démarcheur agissant d'après eux tant pour DCM que pour CMV. Ils soutiennent que le principal argument utilisé à leur égard a été l'équilibre financier du montage, les recettes de publicité couvrant les loyers.

Ils ajoutent que le matériel loué ne pouvait fonctionner sur le raccordement au centre serveur de DCM pour PHARMINAGE. Le fait que le centre serveur ait cessé de fonctionner à entraîné l'impossibilité pour le locataire de jouir du matériel et donc pour le loueur l'impossibilité d'assurer son obligation de mise à disposition. Juridiquement, financièrement et technologiquement, il y aurait donc interdépendance du contrat publicitaire et des contrats de financement.

CMV rétorque qu’il est inexact que le démarcheur de DCM agissait en qualité de mandataire de CMV puisque les deux contrats précisent expressément dans leurs conditions particulières que le préposé de DCM ne l'est pas de CMV. Il est inexact également que le matériel ne peut fonctionner sans le raccordement au centre serveur DCM de PHARMINAGE puisqu'il est passé de l'un à l'autre, on pourrait aussi bien passer à un troisième. Le loueur a rempli ses obligations puisque l'article 1719 du Code Civil impose au loueur de délivrer au preneur la chose louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur (ni le loué ni le contrat n'imposent à CMV que les matériels diffusent effectivement des images).

[minute page 5] Les conditions particulières précisent expressément que le locataire restera tenu de régler les loyers jusqu'au terme de la convention même au cas où le contrat d'exploitation ne serait pas exécuté ou serait résilié.

CMV demande au Tribunal de débouter M. X. et Mme. Y. de leurs demandes et des les condamner à exécuter les obligations que leur imposent les contrats signés avec elle.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur quoi :

Attendu que CMV ne saurait être tenue pour responsable du non versement des recettes de publicité puisqu'elle n'a pris aucun engagement de résultat à cet égard et qu'il n'existe aucun lien entre les loyers et les recettes de publicité,

Attendu qu'il n'y a pas identité entre les redevances à payer par DCM puis PHARMINAGE et les loyers puisque ces redevances sont égales à 60 % des recettes de publicité et que en acceptant ce pourcentage les pharmaciens ont pris un risque commercial analogue au risque de mévente des produits pharmaceutiques ou parapharmaceutiques qu'ils ont accepté en achetant leurs officines,

Attendu que le passage qui a été opéré du centre serveur DCM au centre serveur PHARMINAGE montre qu'il est possible de passer d'un centre serveur à un autre et que le matériel n'était pas lié à un centre serveur unique,

Attendu par conséquent qu'il ne peut être soutenu que les contrats de publicité et les contrats de financement étaient liés.

Attendu que M. X. et Mme. Y. ont signé les contrats avec DCM dans lesquels figuraient clairement une clause selon laquelle ils resteront tenus de payer les loyers à DCM même si le contrat de publicité n'était pas exécuté ou était résilié,

Attendu que les demandes de CMV sont conformes aux dispositions des contrats de financement,

Le Tribunal dire M. X. et Mme. Y. mal fondés en leur demande concernant CMV et les déboutera.

Il les condamnera à exécuter les obligations résultant des contrats de financement.

 

Sur l'article 700 du NCPC sollicité par [M. X. et Mme Y.] :

Attendu que ceux-ci succombant en leur demande en principal, ils ne sauraient prospérer en ce chef de demande.

 

Sur la somme de 6.000,00 francs sollicitée par CMV à l'encontre de M. X. au titre de l'article 700 :

Attendu qu'il parait inéquitable de laisser à la charge du défendeur les frais irrécouvrables qu'il a dû exposer pour soutenir sa défense face à une demande qui s'est avérée irrecevable ou mal fondée,

[minute page 6] Que le Tribunal dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour estimer justifiée sa demande en application de l'article 700.

 

Sur la somme de 6.000,00 francs sollicitée par CMV à l'encontre de Mme Y. au titre de l'article 700 :

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge du défendeur les frais irrécouvrables qu'il a dû exposer pour soutenir sa défense, face à une demande qui s'est avérée irrecevable ou mal fondée,

Que le Tribunal dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour estimer justifiée sa demande en application de l'article 700.

 

Sur l'exécution provisoire :

Attendu que le Tribunal l'estime nécessaire, compte tenu de l'ancienneté de l'affaire, il y a lieu de l'ordonner dans les termes ci-après.

 

Sur les dépens :

Dit que ceux-ci seront à la charge solidairement de M. X. et de Mme. Y.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Constate la résiliation des contrats publicitaires liant PHARMINAGE à M. X. et à Mme. Y.

Dit M. X. et Mme. Y. mal fondés en leurs demandes contre CMV les en déboute.

Condamne M. X. à payer à CMV les loyers mensuels de MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DIX NEUF FRANCS ET DOUZE CENTIMES à compter de l'échéance du 5 février 1992 avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance impayée.

Condamne Mme Y. à payer à CMV les loyers mensuels de MILLE NEUF CENT TRENTE CINQ FRANCS ET CINQUANTE QUATRE CENTIMES à compter de l'échéance du 5 mai 1992 avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance impayée.

Condamne M. X. et Mme. Y. à exécuter les conventions les liant à CMV jusqu'à leur terme.

Condamne M. X. à payer à CMV SIX MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC.

Condamne Mme. Y. à payer à CMV SIX MILLE FRANCS au titre de l'article 700 NCPC.

Ordonne l'exécution provisoire.

Dit les parties mal fondées en le surplus de leurs demandes et les en déboute.

[minute page 7] Condamne M. X. et Mme. Y. aux dépens, chacun pour la moitié, lesdits dépens à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 195,51 francs TTC (App. 5,25 + Aff. 21,00 + Elik. 138,60 F + TVA 30,66)

Mis au rapport de M. METTAS lors de l'audience publique du 19 janvier 1994.

Délibéré par Monsieur BOURGERIE, Messieurs METTAS et POCQUET du HAUT-JUSSE, et prononcé à l'audience publique spéciale où siégeaient Monsieur BOURGERIE Juge-Président, Messieurs METTAS et POCQUET du HAUT-JUSSE, assistés de Mademoiselle LEROUX-COCHERIL - Greffier.

La minute du jugement est signée par Monsieur BOURGERIE, Président du délibéré et par le Greffier.

Monsieur METTAS

Juge-Rapporteur.