CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 16 décembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 16 décembre 2010
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 1re ch. B
Demande : 10/05150
Décision : 2010/778
Date : 16/12/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/03/2010
Décision antérieure : TGI MARSEILLE (3e ch. civ.), 4 mars 2010
Numéro de la décision : 778
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 2876

CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. B), 16 décembre 2010 : RG n° 10/05150 ; arrêt n° 2010/778

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le Code de la consommation étend parfois la protection du consommateur à des personnes morales, lorsqu'elles agissent en dehors de leur activité professionnelle. C'est le cas, par exemple L. 132-1 sur les clauses abusives, ou de l'article L. 133-2, relatif à l'interprétation et à la forme des contrats, mais ces textes utilisent alors une autre terminologie et visent les « non professionnels », qui constituent ainsi une catégorie différente de personnes protégées. D'autres textes encore, visent les personnes physiques en tant que telles (article L. 121-21 du Code de la consommation relatif au démarchage à domicile, L. 132-5-1 du Code des assurances, ou 10 de la loi du 6 janvier 1989, en matière de baux d'habitation), mais alors, il n'y a plus à s'interroger sur la question de savoir si ces personnes physiques sont ou non des consommateurs.

Les critères communs qui peuvent être dégagés de ces différents textes, auxquels il faut encore ajouter les articles L. 111-1 sur l'information du consommateur, L. 311-3 et L. 312-3 relatifs aux contrats de crédit, conduisent à constater que le Code de la consommation s'efforce de rétablir un déséquilibre entre :

- d'une part le non professionnel, et le professionnel, auquel sa compétence procure un avantage technique,

- le particulier face à l'entreprise commerciale qui bénéficie d'une puissance économique et qui est structurée pour défendre efficacement ses intérêts.

Bien que l'activité d'un syndicat de copropriétaires ne soit pas « professionnelle » au sens strict du terme, les copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X. n'entrent dans aucun de ces deux cas de figure, étant organisé pour la défense de ses intérêts et rompu à la gestion de son patrimoine, pour laquelle il est représenté par un syndic professionnel. Il ne peut donc revendiquer cette protection, et ne constitue pas un consommateur au sens de l’article L. 136-1 du Code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/05150. Arrêt n° 2010/778. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 4 mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/06005.

 

APPELANT :

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES ENSEMBLE IMMOBILIER LES X.,

agissant en la personne de son syndic en exercice CABINET THINOT dont le siège est au Cabinet THINOT [adresse], représenté par la SCP BOTTAI - GEREUX - BOULAN, avoués à la Cour, assisté de Maître Fabien KHAYAT, avocat au barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉ :

SARL LA GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS,

dont le siège est [adresse], représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, assistée de Maître Serge TAVITIAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 novembre 2010 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur François GROSJEAN, Président, Monsieur Michel NAGET, Conseiller, Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mademoiselle Ludivine BERTHON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2010.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2010, signé par Monsieur François GROSJEAN, président et Madame Mademoiselle BERTHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant acte sous seing privé du 28 mars 2003, le syndicat de la copropriété LES X., représenté par son syndic, le Cabinet THINO a conclu, avec la SARL LA GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS, une convention d'entretien des pelouses et plantations du lotissement LES X., pour une durée « de un an commençant à courir le premier avril 2003 », jusqu'au 31 mars 2004, moyennant un forfait annuel révisable de 10.290,38 euros. Il était par ailleurs prévu par l'article 6 du contrat :

« Toutefois, à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties sous le délai de deux mois précédant cette échéance, il sera reconduit pour une nouvelle période déterminée de un an, aux conditions antérieurs, sauf le droit pour LA GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS de répercuter sur le prix annuel, le taux d'inflation des douze mois écoulés ».

Par lettre recommandée datée du 30 janvier 2008, mais postée le 5 février 2008, le syndic de la copropriété a exprimé le désir de résilier ce contrat « à sa prochaine date anniversaire ». La société GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS lui a alors répondu, par un autre courrier du 13 février 2008, que le délai de préavis de deux mois prévu par la convention n'avait pas été respecté, et que par conséquent « le présent contrat se ... « trouvait » reconduit pour une nouvelle durée de un an ». Elle n'a pas précisé, tant la chose lui paraissait évidente, que la lettre de préavis avait été postée trop tard, pour que le marché prît fin à la date du 31 mars 2008. Mais c'est bien ainsi qu'il fallait aussi comprendre la lettre de résiliation qui, elle non plus, ne précisait aucune date, et aurait pu avoir pour objet de mettre fin à la convention au 31 mars 2009, si telle était la « prochaine date anniversaire » utile.

Suivant assignation en date du 26 mai 2008, la société GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, une demande qui tendait à la condamnation du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X., en payement de la somme de 10.920,24 euros, à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de la convention, outre celle de 2.500,00 euros réclamée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 4 mars 2010, le Tribunal a accédé à cette demande, dans son principe, mais a limité à 2.000,00 euros le montant des dommages-intérêts alloués, et à 1.000,00 euros le montant de l'indemnité allouée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X. a relevé appel de cette décision, suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour le 16 mars 2010.

Par conclusions du 27 avril 2010, il en demande la réformation, et conclut au rejet complet des prétentions due la société GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS à laquelle il réclame la somme de 3.500,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

De son côté, cette dernière a relevé appel incident et repris sa demande de première instance en payement de la somme de 10.290,38 euros TTC « correspondant aux sommes restant à venir jusqu'au terme du contrat ... conformément à ... (son) ... article 9... ». Elle sollicite également la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 4.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

A l'appui de son appel, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X. fait valoir que le jugement entrepris aurait interprété de façon erronée l'article 6 de la convention liant les parties, pour une année seulement, à compter de la date indiquée pour son expiration, qui était celle du 31 mars 2004. Autrement dit, il fait plaider que le renouvellement, pour une nouvelle période de un an, « aux conditions antérieures », ... « à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties sous le délai de deux mois », n'était possible qu'une fois seulement, du premier avril 2004 au 31 mars 2005, après quoi, le contrat serait passé sous un régime de tacite reconduction, les dispositions de l'article 6 cessant alors de s'appliquer.

En second lieu, le syndicat des copropriétaires invoque à son profit le bénéfice des dispositions de l’article L. 136-1 du Code de la consommation, qui oblige le professionnel prestataire de services à informer le consommateur, par écrit, trois mois à l'avance, de l'arrivée du terme de la période à l'issue de laquelle celui-ci ne pourra plus s'opposer à la reconduction d'un tel contrat, étant précisé qu'à défaut d'un tel avertissement ce texte prévoit la possibilité de mettre fin à la convention à tout moment, sans contrepartie.

Sur le premier point, la seule interprétation à donner au contrat est celle admise par le Tribunal, selon laquelle les parties ont conclu une convention renouvelable d'année en année, et à laquelle les parties ont la possibilité de mettre fin par un préavis donné deux mois avant la date anniversaire de son expiration. Du reste, la lettre recommandée adressée le 5 février 2008, par le Cabinet THIRO à la société GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS, pour résilier le contrat 'à sa prochaine date anniversaire', montre que c'est bien ainsi que l'appelant avait lui-même interprété la convention.

Sur le second point, le Tribunal a écarté l'application de l'article L. 136-1 du Code de la consommation, en énonçant que ce texte « qui s'applique exclusivement au consommateur, ne concerne que les personnes physiques, et ne peut donc trouver à s'appliquer pour un syndicat de copropriété, personne morale ». Ce faisant, le premier juge a adopté une définition de la notion de consommateur conforme à la directive européenne n° 93/13/CEE, selon laquelle, le terme « consommateur » vise exclusivement les personnes physiques.

L'appelant, quant à lui, fait valoir que l'article L. 136-1 du Code de la consommation ne comporte aucune précision de cette nature, et que le terme de « consommateur » peut s'appliquer aussi bien à une personne physique que morale.

Le Code de la consommation étend parfois la protection du consommateur à des personnes morales, lorsqu'elles agissent en dehors de leur activité professionnelle. C'est le cas, par exemple L. 132-1 sur les clauses abusives, ou de l'article L. 133-2, relatif à l'interprétation et à la forme des contrats, mais ces textes utilisent alors une autre terminologie et visent les 'non professionnels', qui constituent ainsi une catégorie différente de personnes protégées. D'autres textes encore, visent les personnes physiques en tant que telles (article L. 121-21 du Code de la consommation relatif au démarchage à domicile, L 132-5-1 du Code des assurances, ou 10 de la loi du 6 janvier 1989, en matière de baux d'habitation), mais alors, il n'y a plus à s'interroger sur la question de savoir si ces personnes physiques sont ou non des consommateurs.

Les critères communs qui peuvent être dégagés de ces différents textes, auxquels il faut encore ajouter les articles L. 111-1 sur l'information du consommateur, L. 311-3 et L. 312-3 relatifs aux contrats de crédit, conduisent à constater que le Code de la consommation s'efforce de rétablir un déséquilibre entre :

- d'une part le non professionnel, et le professionnel, auquel sa compétence procure un avantage technique,

- le particulier face à l'entreprise commerciale qui bénéficie d'une puissance économique et qui est structurée pour défendre efficacement ses intérêts.

Bien que l'activité d'un syndicat de copropriétaires ne soit pas « professionnelle » au sens strict du terme, les copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X. n'entrent dans aucun de ces deux cas de figure, étant organisé pour la défense de ses intérêts et rompu à la gestion de son patrimoine, pour laquelle il est représenté par un syndic professionnel. Il ne peut donc revendiquer cette protection, et ne constitue pas un consommateur au sens de l’article L. 136-1 du Code de la consommation.

Enfin, l'article 9 du contrat prévoyait qu' « en cas de brusque rupture, sans que celle-ci soit justifiée, il (serait) dû contractuellement à la partie lésée, la somme restant à venir jusqu'au terme du contrat ». La société GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS se fonde sur cette disposition pour solliciter la réformation du jugement, qui ne lui a accordé que la somme de 2.000,00 euros, à laquelle le Tribunal a estimé son manque à gagner, alors que le contrat lui permettait de prétendre au payement de la totalité du montant forfaire restant à percevoir jusqu'à la fin du contrat, c'est-à-dire, en fait, jusqu'au 31 mars 2008.

Cependant, la somme à laquelle aboutit l'application de cette pénalité contractuelle s'élève ainsi à 10.290,38 euros, sans aucune contrepartie, ce qui est manifestement excessif. Il y a donc lieu à application de l'alinéa 2 de l’article 1152 du Code civil. Ce moyen n'ayant pas été relevé d'office par le premier juge, ni évoqué dans les conclusions des parties, il convient de procéder à la réouverture des débats, afin qu'elles puissent s'en expliquer si elles le désirent.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LES X. recevable en son appel du jugement rendu le 4 mars 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille.

Dit que le contrat liant les parties était renouvelable d'année en année, pour une nouvelle durée de un an.

Dit que le syndicat des copropriétaires appelant n'est pas un consommateur au sens de l’article L. 136-1 du Code de la consommation .

Confirme en conséquence le jugement entrepris sur ces différents points.

Et avant plus amplement faire droit, sur le montant des réparations auxquelles la SARL GÉNÉRALE D'ESPACES VERTS peut prétendre,

Ordonne la réouverture des débats et renvoie la cause et les parties à l'audience du 24 février 2011 à 14h30, avec clôture le 24 février 2011 avant débats.

Invite les parties à faire valoir leurs observations, si elles le désirent, sur le moyen relevé d'office tiré de l'application au litige de l’article 1152 du Code civil, seulement sur cette question.

Réserve les dépens.

LE GREFFIER             LE PRÉSIDENT