CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 17 mars 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2925
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 17 mars 2011 : RG n° 10/07888
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que s'il est exact que les consorts X.-Y. s'étaient limités à contester en première instance les prélèvements opérés par la banque sur leur compte courant au titre de mensualités échues mais demeurées impayées, prélèvements qu'ils qualifiaient d'indus sans pour autant faire référence à la clause aujourd'hui contestée, il n'est pas douteux qu'ils entendaient déjà reprocher à la banque de procéder à des prélèvements à des dates distinctes de celle reprises au tableau d'amortissement et pour des sommes ne correspondant pas systématiquement aux montants inscrits sur ce document ; Qu'ainsi, la circonstance que ces deux prétentions reposent assurément sur des fondements juridiques distincts et présentent un objet différent (prononcé d'une astreinte et qualification d'une clause d'abusive) n'autorise pas pour autant à les considérer comme tendant à des fins différentes, la visée des appelants aux termes de l'une ou l'autre de leurs prétentions tendant bien à neutraliser l'action de l'établissement bancaire qu'ils qualifient d' « anarchique » ; Qu'ainsi, en application des dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile, la prétention des appelants tendant à voir déclarer abusive et donc réputée non écrite la clause de remboursement permanent n'est pas nouvelle, ce moyen des demandeurs étant recevable devant la cour ».
2/ « Attendu que, comme l'a fait observer le premier juge, chacun des deux contrats de prêts contractés par Monsieur X. et Madame Y. auprès du Crédit Agricole contient une clause ainsi libellée : « L'emprunteur autorise le prêteur à débiter, de façon permanente, tout compte dont il peut ou pourra être titulaire ou co-titulaire du montant des sommes exigibles en vertu du prêt » ; Que s'il n'est pas sérieusement discutable que l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause querellée relève d'un débat touchant au fond du litige qu'il n'appartient pas au juge des référés de connaître, … ».
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 17 MARS 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/07888. Ordonnance de référé (N° 09/1968) rendu le 18 février 2010 par le Tribunal d'Instance de VALENCIENNES.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant : [adresse]. Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, Assisté de la SELARL BLIN & DELAUZUN, avocats au barreau de VALENCIENNES
Madame Y.
née le [date] à [ville], demeurant : [adresse]. Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, Assistée de la SELARL BLIN et DELAUZUN, avocats au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉES :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE
ayant son siège social : [adresse], Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour, Assistée de Maître DEBACKER, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS à l'audience publique du 1er février 2011 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Monsieur X. et Madame Y. ont contracté auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE (ci-après le Crédit Agricole) deux crédits personnels :
- le premier le 16 mai 2008 pour la somme de 22.000 euros remboursable en 72 mensualités de 378,83 euros chacune,
- le second le 27 décembre 2008 pour la somme de 3.500 euros remboursable en 60 mensualités de 70,37 euros chacune.
Contestant les prélèvements opérés par le prêteur sur son compte courant, Monsieur X. a fait assigner le 26 novembre 2009 la banque devant le juge des référés au tribunal d'instance de VALENCIENNES aux fins de voir prononcer contre la banque une astreinte de 500 euros pour toute nouvelle mensualité indûment prélevée et condamner le prêteur au paiement des sommes prélevées sans respect des conditions de prêts, outre des dommages et intérêts pour 7.000 euros ainsi qu'une indemnité de procédure de 1.000 euros. Madame Y. s'est jointe à l'action de Monsieur X.
Par ordonnance du 18 février 2010, le magistrat des référés au tribunal d'instance de VALENCIENNES a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions et mis à leur charge une indemnité de procédure de 75 euros.
Ces derniers ont interjeté appel de cette décision. Ils demandent à la cour de :
- dire que la clause insérée dans les crédits à la consommation acceptés les 16 mai et 27 décembre 2008 et prévoyant que le prêteur pourra débiter de façon permanente le montant des sommes exigibles en vertu des prêts crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
- en conséquence, dire cette clause abusive et la réputer non écrite,
- ordonner sous astreinte de 500 euros par contravention constatée la cessation des prélèvements mensuellement autorisés, outre remboursement des sommes indûment prélevées sur le compte de Monsieur X., soit :
* 1.977,90 euros pour le prêt n° 99XX84,
* 326,98 euros pour le prêt n° 99XX09,
- condamner le Crédit Agricole au paiement de la somme de 7.000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts, outre une indemnité au profit de la SELARL BLIN-DELAUZIN de 1.500 euros HT sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Les appelants font d'abord valoir que leur demande tendant à voir déclarer abusive et non écrite la clause du prêt justifiant les prélèvements anarchiques opérés par la banque est bien recevable dans la mesure où elle a la même visée que la demande dont le magistrat des référés a été initialement saisi.
Par ailleurs, la contestation sérieuse opposée par la banque et reprise par le premier juge est indifférente dans la mesure où ils ont agi sur le fondement de l’article 849 du Code de procédure civile. Ils maintiennent que les prélèvements opérés par le Crédit Agricole ne correspondent ni aux dates mentionnées au tableau d'amortissement ni moins encore aux montants repris dans ce document.
La clause alléguée par la banque qui l'autorise à prélever de manière permanente de tout compte des sommes exigibles crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat de prêt. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite. En effet, les prélèvements de la banque sont imprévisibles et rendent impossible la gestion d'un budget, notamment par le maintien sur le compte courant d'un solde minimal.
* * *
Le Crédit Agricole pour sa part sollicite de la cour qu'elle :
- confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée,
- constate l'existence de difficultés sérieuses faisant obstacle à la compétence du juge des référés,
- déboute les consorts X.-Y. de toutes leurs prétentions,
Y ajoutant,
- déclare irrecevable leur demande tendant à voir déclarer abusive et réputée non écrite la clause insérée dans les contrats de prêts selon laquelle le prêteur pourra débiter de façon permanente le montant des sommes exigibles en vertu des prêts,
- condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 euros.
L'établissement bancaire soulève en premier lieu une fin de non-recevoir au visa de l’article 564 du Code de procédure civile en ce que la demande des appelants tendant à voir déclarer abusive une clause des contrats de prêts caractérise de fait une demande nouvelle et autonome dont ils n'avaient pas saisi le premier juge.
En toute hypothèse, la banque rappelle qu'il ne revient pas au juge des référés de statuer sur le caractère prétendument abusif d'une clause du contrat, ce qui ne pourrait relever que d'un débat au fond. De surcroît, les consorts X.-Y. ne justifient d'aucun trouble manifestement illicite ni d'un péril imminent dont la cessation doit être ordonnée. La clause querellée a bien été acceptée par les parties d'un commun accord et elle évite à l'emprunteur de se voir notifier la déchéance du terme, ce qui de fait lui est favorable.
Aucun prélèvement opéré par le Crédit Agricole ne saurait être utilement qualifié d'indu puisque la somme prélevée est bien exigible. En outre, aucun texte ne prévoit de laisser sur le compte sur lequel des sommes sont prélevées un quelconque minimum vital.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le prêteur :
Attendu que le Crédit Agricole oppose à Monsieur X. et Madame Y. la circonstance selon laquelle leur demande aux fins de voir déclarer abusive et par voie de conséquence réputer non écrite la clause de remboursement permanent contenue dans chaque contrat de prêt caractérise de fait une prétention nouvelle en cause d'appel, ce que contestent les appelants ;
Que la lecture des termes du jugement querellé confirme que les consorts X.-Y. ont saisi le juge des référés en première instance d'une demande de prononcé d'astreinte pour chaque prélèvement opéré indûment par la banque, outre une demande de condamnation à paiement de dommages et intérêts ainsi que d'une indemnité de procédure ;
Que s'ils renouvellent ces premières prétentions en cause d'appel, ils demandent également à la cour de déclarer abusive et donc non écrite une clause contenue dans chaque contrat de prêt, clause qui décrit le mécanisme du remboursement permanent vivement querellé par les appelants ;
Attendu que s'il est exact que les consorts X.-Y. s'étaient limités à contester en première instance les prélèvements opérés par la banque sur leur compte courant au titre de mensualités échues mais demeurées impayées, prélèvements qu'ils qualifiaient d'indus sans pour autant faire référence à la clause aujourd'hui contestée, il n'est pas douteux qu'ils entendaient déjà reprocher à la banque de procéder à des prélèvements à des dates distinctes de celle reprises au tableau d'amortissement et pour des sommes ne correspondant pas systématiquement aux montants inscrits sur ce document ;
Qu'ainsi, la circonstance que ces deux prétentions reposent assurément sur des fondements juridiques distincts et présentent un objet différent (prononcé d'une astreinte et qualification d'une clause d'abusive) n'autorise pas pour autant à les considérer comme tendant à des fins différentes, la visée des appelants aux termes de l'une ou l'autre de leurs prétentions tendant bien à neutraliser l'action de l'établissement bancaire qu'ils qualifient d' « anarchique » ;
Qu'ainsi, en application des dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile, la prétention des appelants tendant à voir déclarer abusive et donc réputée non écrite la clause de remboursement permanent n'est pas nouvelle, ce moyen des demandeurs étant recevable devant la cour ;
Sur la nature des prélèvements opérés par la banque et les demandes d'astreinte et de remboursement des emprunteurs :
Attendu que, comme l'a fait observer le premier juge, chacun des deux contrats de prêts contractés par Monsieur X. et Madame Y. auprès du Crédit Agricole contient une clause ainsi libellée : « L'emprunteur autorise le prêteur à débiter, de façon permanente, tout compte dont il peut ou pourra être titulaire ou co-titulaire du montant des sommes exigibles en vertu du prêt » ;
Que s'il n'est pas sérieusement discutable que l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause querellée relève d'un débat touchant au fond du litige qu'il n'appartient pas au juge des référés de connaître, il ne peut être négligé qu'une astreinte, simple mesure destinée à contraindre le justiciable à s'acquitter volontairement de ses obligations, ne constitue nullement une mesure conservatoire ou de remise en état au sens de l'article 849 § 1 du code de procédure civile, ce qui justifie que le premier juge n'y ait pas fait droit ;
Que la demande des consorts X.-Y., en ce qu'elle tend au remboursement en même temps qu'à la prévention d'un trop versé, relève de l'application des articles 848 et 849 §2 qui impliquent l'absence d'une contestation sérieuse ;
Qu'en outre, si la demande en remboursement des sommes prélevées sur le compte courant participe de la notion de restauration des droits des débiteurs, il n'est toutefois aucunement démontré par les consorts X.-Y. que les prélèvements querellés soient indus compte tenu de la clause de remboursement permanent explicitement reprise dans chaque contrat de prêt et que la totalité de ces prélèvements excèderaient les mensualités exigibles, c'est-à-dire dûment échues mais restées impayées ;
Que c'est ainsi pertinemment que le magistrat des référés en première instance a débouté les emprunteurs de leur demande de prononcé d'astreinte et de restitution d'un trop-perçu, l'ordonnance déférée devant ainsi être confirmée ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Attendu qu'en considération de ce qui précède, il n'est aucunement démontré à l'encontre du Crédit Agricole qu'en prélevant en exécution des termes des contrats de prêts sur le compte courant des emprunteurs les sommes contestées, il ait commis la moindre faute de sorte que la responsabilité du prêteur ne peut être engagée à ce titre ;
Qu'il importe donc de confirmer également de ce chef la décision entreprise ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que l'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure arrêtée par le premier juge et de fixer en cause d'appel en faveur de la banque une nouvelle indemnité dont le montant ne pourra toutefois excéder 500 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Ecarte la fin de non-recevoir soulevée par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE tendant à voir qualifier de nouvelle la prétention des appelants relative au caractère abusif de la clause de remboursement permanent comprise dans chaque contrat de prêt souscrit par eux courant mai et décembre 2008 ;
Constate que la demande des consorts X.-Y. aux fins de qualification d'abusive de ladite clause relève du fond du litige qu'il n'appartient pas au juge des référés de connaître ;
Déboute Monsieur X. et Madame Y. de leurs plus amples prétentions et confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer en cause d'appel à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE une indemnité de procédure de 500 euros ;
Condamne sous la même solidarité Monsieur X. et Madame Y. en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. d'avoués THERY-LAURENT.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
- 3529 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : principe
- 3530 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : conséquences
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel