T. COM. PARIS (5e ch.), 17 novembre 1995
CERCLAB/CRDP - FICHE N° 294
T. COM. PARIS (5e ch.), 17 novembre 1995 : RG n° 94/037050
(sur appel CA Paris (15e ch. sect. B), 15 janvier 1999)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 17 NOVEMBRE 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 94037050.
ENTRE :
LA SA EUROPE COMPUTER SYSTÈMES
dont le siège social est [adresse], PARTIE DEMANDERESSE, assistée de la SCP CALLANDREAU BOUILLON RONZEAU, Avocats au Barreau du Val d'Oise, comparant par Maître SEVELLEC (C267), Avocat.
ET :
LA SOREFI-PACA, CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE ALPES-CORSE
dont le siège social est [adresse], PARTIE DÉFENDERESSE, assistée de Maître Bernard JACQUIER, Avocat au barreau de MARSEILLE, comparant par Maître SAUTELET (E1344), Avocat.
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS :
La société EUROPE COMPUTER SYSTÈMES ci-après ECS a loué du matériel informatique à la SOREFI-PACA suivant contrat n° XX en date des 17 décembre 90 et 31 janvier 1991. Ce contrat a fait l'objet de divers avenants portant le montant du loyer mensuel Hors Taxes à 32.437 Francs.
Le 25 février 1993 la SOREFI informait ECS de son intention de résilier unilatéralement le contrat à la date du 31 mai 1993 (son échéance étant à fin avril 1994) la société ECS a repris le matériel.
ECS conformément à l'article 6 du contrat réclamait par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception du 9 septembre 1993. Le règlement de l'indemnité de résiliation anticipée ayant fait l'objet d'une facture YY du 1er septembre 1993. [N.B. : paragraphe conforme à la minute]
SOREFI ne regardant pas à cette demande c'est dans ces conditions qu’ECS s'adressait au tribunal et par assignation du 6 avril 1994 enrôlée le 19 avril 1994 demande au Tribunal de :
- condamner SOREFI PACA à lui payer :
* 413.950,77 Francs plus les Intérêts au Taux légal à compter du 9 septembre 1993 jusqu'à complet paiement
* 20.000 Francs à titre de Dommages et Intérêts pour résistance abusive
* 6.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
- ordonner l'Exécution Provisoire ; les dépens étant requis à l'encontre de SOREFI PACA.
SOREFI PACA dans le dernier état de ses écritures expose que :
1) - a) Clause 6 du contrat déterminé une indemnité [minute page 2] qui est fixée par ECS = sur équation X = RM + P - M - valeur du marché est fixée par les services d'ECS unilatéralement et arbitrairement ; qu'ainsi en application de l'article 1129 du Code Civil la clause est nulle car le prix n'est ni déterminé ni déterminable.
b) La référence au prix du marché est rejetée par la jurisprudence, en raison de la fongibilité insuffisante des matériels.
c) La commission des clauses abusives indique que lorsqu'une clause indemnitaire est fixée par un professionnel, en contrepartie le non professionnel doit bénéficier des mêmes dispositions en cas de résiliation unilatérale par le professionnel, ce qui n'est pas le cas d'espèce.
d) La variable R est indexée sur la PIBOR qui est un indice financier sans rattachement avec une activité financière, qui est donc nulle par application de l'article 79 alinéa 3 de l'ordonnance 58-1374 du 30 septembre [1958]. La base de référence devant être l'indice SYNTEC applicable en matière de contrats informatiques. Qu'ainsi la clause pour l'ensemble de ces raisons doit être déclarée nulle.
2) Subsidiairement la clause litigieuse a le caractère d'une clause pénale, elle peut être réduite par le juge conformément à l'article 1152 du Code Civil si elle est manifestement abusive.
ECS rétorque par conclusions des 8 septembre 1995 :
1) a) que la détermination du prix ne dépend pas exclusivement d’ECS puisque SOREFI PACA pouvait substituer au prix fixé par ECS le prix d'acquisition proposé par un autre acquéreur et qu'il serait aberrant de retenir une valeur inférieure au marché.
b) que la commission des clauses abusives n'a émis qu'une recommandation sans conséquence juridique.
c) que le rejet de la base de calcul PIBOR sur le fondement de l'absence de relation avec cette base du contrat n'est pas sérieuse. SOREFI PACA étant un établissement de crédit - au surplus l'objet social d’ECS comporte une clause de réalisation d'opération financière.
2) que l'indemnité réclamée s'élève à 413.950,77 Francs alors que le total des loyers à échoir s'élève à 423.170,08 Francs Toutes Taxes Comprises,
qu'il n'y a pas déséquilibre entre les parties ni abus de puissance économique d’ECS face à SOREFI PACA et établissement de crédit de premier rang,
que le litige ne porte pas sur l'objet du contrat, mais sur son inexécution par une des parties,
qu'ainsi la clause 6 n'est nullement abusive, mais au [minute page 3] contraire la cause du préjudice financier résultant de la résiliation unilatérale du contrat par SOREFI PACA.
ECS sollicite le débouté des demandes de SOREFI PACA et de lui adjuger le bénéfice de son exploit introductif d'instance.
Par conclusions en réplique enregistrée le 04 octobre1995 à l'audience du Juge Rapporteur et conclusion retenue comme note en délibéré SOREFI PACA expose :
1) que la clause 6 du contrat ne prévoit que SOREFI PACA puisse se substituer à ECS que si elle propose une valeur de rachat supérieure ; qu'ainsi il n'y avait aucune indépendance de SOREFI PACA, ou elle proposait une base d'indemnisation plus élevée ou elle restait soumise à l'ordonnance d' ECS. Les dispositions de l'article 1129 du Code Civil sont donc applicables.
2) que la recommandation de la commission sur les clauses abusives s'est codifiée article L. 132-1 du code de consommation et qu'elle a pour but de conseiller les magistrats dans l'analyse de l'équilibre des contrats.
3) qu' ECS n'est nullement un établissement de crédit code APE 7714 et que SOREFI PACA n'avait aucune activité bancaire et d'action sur le marché financier ; qu'il en résulte que la référence PIBOR est donc inapplicable, son objet social précisant à l'exclusion de toute activité propre aux établissement de crédit.
4) qu’ECS ne démontre pas l'ampleur du préjudice qu'elle aurait subie.
En conséquence, SOREFI PACA sollicite :
- de débouter ECS de son action en raison de la nullité de l'article 6 des conditions du contrat qui la liait à SOREFI PACA
Subsidiairement, de qualifier l'article 6 de ce contrat de clause pénale et de réduire à néant la somme sollicitée de 413.900,77 Francs
- condamner ECS à lui payer la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL :
Le Tribunal statuera en un seul jugement public contradictoire en premier ressort sur les demandes principales et reconventionnelles dans les termes suivants.
Sur la nullité de la clause n°6 du contrat :
Attendu que la clause 6 des conditions particulières dispose que M - valeur du marché est déterminée par le service Brokerage (sic) ECS, toutefois ECS acceptera de prendre en considération une valeur de marché supérieure si le [minute page 4] locataire présente un acheteur ferme offrant des garanties de solvabilité suffisante.
Attendu que la valeur du marché est déterminée par ECS et est laissé à sa seule volonté,
Attendu que le deuxième élément de détermination de M (valeur supérieure du marché) est fixé par un commun accord des parties,
Qu'il en résulte que la valeur M est indéterminée et qu'ainsi la clause n° 6 est nulle par application de l'article 1129 du Code Civil étant elle-même indéterminée.
Le Tribunal annulera la clause litigieuse, déboutera ECS de ses demandes et la condamnera à payer à SOREFI PACA la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens
Déboutera les parties de leurs autres demandes et conclusions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant en premier ressort, en un seul jugement public contradictoire :
Dit la clause n° 6 des conditions particulières du contrat n° XX conclu entre LA SOREFI-PACA, CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE ALPES-CORSE et LA SA EUROPE COMPUTER SYSTÈMES nulle pour indétermination du prix,
Déboute en conséquence LA SA EUROPE COMPUTER SYSTÈMES de ses demandes,
Déboute les parties de leurs autres demandes et conclusions,
Condamne LA SA EUROPE COMPUTER SYSTÈMES à payer à LA SOREFI-PACA, CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE ALPES-CORSE la somme de CINQ MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Ainsi qu'aux dépens, dont ceux à recouvrer par le GREFFE, liquidés à la somme de 360,90 Francs TTC (App. 5,25 + Aff. 63,00 + Émol. 231,00 + TVA 61,65).
Confié lors de l'audience du 8 septembre 1995, à Monsieur CHAUMETON en qualité de Juge Rapporteur,
Mis en délibéré le 4 octobre 1995,
Délibéré par Messieurs CHAUMETON, GERBAULT, Madame BENEZET et prononcé à l'Audience Publique où siégeaient Monsieur MACE, JUGE, Présidant l'audience, Messieurs CHAUMETON, MONNEY, MOLINIE, GERBAULT, Madame BENEZET, Monsieur FOHLEN-WEILL, JUGES, les parties en ayant été préalablement avisées.
La Minute du Jugement est signée par le Président du Délibéré et par Madame VASSEUR, Greffier.
Monsieur CHAUMETON
JUGE RAPPORTEUR