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CA MONTPELLIER (2e ch.), 16 novembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch.), 16 novembre 2010
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch.
Demande : 09/06859
Date : 16/11/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/10/2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2945

CA MONTPELLIER (2e ch.), 16 novembre 2010 : RG n° 09/06859

Publication : Jurica

 

Extrait : « En dépit du terme « location d'emplacement » utilisé, force est donc de constater que la surveillance effective du bateau en hivernage, ne pouvait être effectuée que par la société Polymer elle-même, en sorte que le contrat liant les parties doit être regardé comme un contrat de dépôt salarié, accessoire à un contrat d'entreprise englobant les diverses prestations de transport, de manutention et d'entretien du bateau.

La clause de l'article 10.7 des conditions générales selon laquelle les bateaux laissés en stationnement, comprenant à la fois les bateaux en hivernage et ceux confiés aux fins de réparation ou de vente, ne sont pas garantis (par le professionnel) contre l'incendie ou le vol, n'a pas pour effet d'exclure la qualification de dépôt salarié, puisque une telle clause, qui conduit, en l'occurrence, à faire bénéficier le professionnel d'une présomption de non responsabilité en cas d'incendie ou de vol, peut être librement convenue entre les parties à un contrat de dépôt ;

ladite clause ne peut, non plus, être considérée comme étant une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors qu'elle ne conduit pas à exclure la responsabilité du dépositaire, mais seulement à mettre à la charge du propriétaire du bateau, déposant, la preuve du manquement de celui-ci à son obligation de garde et de conservation, lorsque le sinistre provient d'un incendie ou d'un vol. […]

Tenu, selon les articles 1927 et 1933 du code civil, d'une obligation de moyens, relativement à la garde et à la conservation de la chose qui lui a été confiée, le dépositaire doit, sauf clause contraire, établir qu'il n'a pas commis de faute à l'origine de la perte de la chose ; aux termes de l'article 1929, il n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/06859. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 SEPTEMBRE 2009 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE BÉZIERS - R.G. n° 2007/5987.

 

APPELANT :

Monsieur X.,

représenté par la SCP SALVIGNOL - GUILHEM, avoués à la Cour, assisté de Maître ROCCHESANI avocat au barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉES :

SARL POLYMER,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social, représentée par la SCP JOUGLA - JOUGLA, avoués à la Cour, assistée de Maître JONQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD,

prises en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social, représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE, AUCHE, avoués à la Cour, assistée de Maître Jean Rémy DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 octobre 2010 RÉVOQUÉE AVANT OUVERTURE DES DÉBATS PAR UNE NOUVELLE ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 octobre 2010

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 OCTOBRE 2010, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Sylvie SABATON

ARRÊT : contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE - MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. X. a fait l'acquisition, selon bon de commande du 8 janvier 2005, d'un bateau à moteur neuf, de marque Capelli, type Cap 27, auprès de la société Polymer, société ayant pour activité la vente, l'entretien et la réparation de bateaux de plaisance, ainsi que la location d'emplacements durant la période hivernale.

Le bateau a été facturé le 14 juin 2005 pour un montant total TTC de 77.122,09 euros et effectivement livré.

Durant l'hiver 2006-2007, monsieur X. a confié son bateau à la société Polymer, selon un contrat qualifié de « contrat de stockage », comprenant la location d'un emplacement pour la saison d'hiver, ainsi que l'ensemble des prestations d'entretien et d'hivernage du bateau, comme sa mise à terre, son transport, la manutention pour la mise sur cales et le transport pour la mise à l'eau.

Dans la nuit du dimanche 28 janvier 2007 au lundi 29 janvier 2007, un incendie d'origine criminelle a ravagé le hangar de la société Polymer dans lequel le bateau de monsieur X. se trouvait entreposé ; celui-ci a été entièrement détruit dans l'incendie, de même qu'une soixantaine d'autres bateaux en hivernage.

Par acte du 8 août 2007, monsieur X. a fait assigner la société Polymer devant le tribunal de commerce de Béziers en responsabilité et indemnisation de son préjudice ; la société les Mutuelles du Mans Assurances « IARD » est intervenue volontairement à l'instance.

Le tribunal, par un premier jugement du 5 mai 2008, a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours, une information judiciaire contre X du chef de destruction volontaire de biens mobiliers par l'effet de l'incendie ayant, en effet, été ouverte, sur réquisition du procureur de la république près le tribunal de grande instance de Béziers.

Cette instruction a été clôturée par une ordonnance de non-lieu rendue le 3 décembre 2008 par le juge d'instruction.

En l'état, la juridiction consulaire a, par jugement du 7 septembre 2009, débouté monsieur X. de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Polymer et prononcé la mise hors de cause des Mutuelles du Mans.

Par déclaration reçue le 12 octobre 2009 au greffe de la cour, monsieur X. a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Dans les conclusions qu'il a déposées, il demande à la cour de condamner la société Polymer, garantie par la société d'assurance les Mutuelles du Mans, à lui payer la somme de 111.783,37 euros en réparation de son préjudice, assortie des intérêts à compter de l'assignation.

Il sollicite, en outre, le paiement de la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice de jouissance, avec intérêts à compter de l'assignation, la capitalisation des intérêts échus et l'allocation de la somme accessoire de 2.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait essentiellement valoir que :

- contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, qui a appliqué au litige les règles édictées à l’article 1733 du Code civil, le contrat liant les parties doit être regardé comme un contrat d'entreprise, emportant une obligation de garde, dès lors que la fourniture d'un emplacement est manifestement accessoire par rapport aux prestations d'entretien et de réparation du bateau à la charge de la société Polymer,

- en toute hypothèse, le contrat s'analyse, non en une location, mais en un dépôt salarié, imposant à la société Polymer une obligation de restitution du bateau à elle confié, puisque aucun emplacement précis ne lui avait été affecté et qu'il n'avait pas librement accès au hangar,

- la clause du contrat, qui oblige le « client » à souscrire une assurance garantissant sa responsabilité en cas d'incendie et indique qu'il restera responsable en cas de sinistre, n'est applicable qu'aux bateaux laissés à la vente ou en stationnement extérieur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et doit d'ailleurs être considérée comme abusive, conformément aux dispositions de l’article L. 132-2 du Code de la consommation, en ce qu'elle tend à exclure toute indemnisation en cas d'inexécution défectueuse par le professionnel de ses obligations contractuelles,

- la société Polymer, qui a manqué à son obligation de restitution du bateau, ne peut valablement invoquer la force majeure, ni le fait qu'elle n'a pas commis de faute,

- elle a, au contraire, fait preuve d'une négligence fautive dans le cadre de l'exécution du contrat de dépôt en ce qui concerne les mesures de sécurité propres à assurer la conservation de la chose, puisque le site n'offrait pas de vis-à-vis sur ses façades avant et arrière, qu'il était dépourvu de clôture, que le hangar était seulement composé de plaques de bardage aisément démontables et était démuni de toute alarme feu et intrusion, que les bateaux entreposés étaient particulièrement inflammables et qu'elle exerçait son activité dans un climat d'hostilité, dont elle avait pleinement conscience,

- son préjudice, qui correspond à la valeur du bateau et de ses équipements, n'a pas à subir l'application d'un coefficient de vétusté, qui serait contraire au principe de la réparation intégrale.

La société Polymer conclut à la confirmation du jugement et demande subsidiairement que la société d'assurance les Mutuelles du Mans soit condamnée à la relever et garantir des condamnations pouvant être mises à sa charge ; elle sollicite, en toute hypothèse l'allocation de la somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose en substance que :

- malgré l'existence de prestations annexes, la location d'un emplacement pour la saison d'hiver est la prestation caractéristique du contrat liant les parties lequel, s'agissant d'un bateau transporté à terre, doit être soumis au régime du louage de chose, hors toute dénaturation,

- il en résulte qu'en cas d'incendie, le locataire ne dispose d'aucun recours contre le bailleur sauf à démontrer, conformément à l’article 1733 du Code civil, l'existence d'un vice de construction en rapport avec le sinistre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- si la qualification de contrat de louage est écartée, devra alors être appliqué le régime de la communication d'incendie découlant de l'article 1384, alinéa 2, du Code civil, mais en ce cas, tenant le caractère irrésistible du sinistre dû à un incendie d'origine criminelle, aucune faute ne peut être retenue à son encontre,

- à supposer que la qualification de contrat de dépôt soit retenue et écarté le régime de la communication d'incendie, il ne peut lui être reproché, eu égard aux circonstances, un défaut de précaution, conduisant à exclure le cas de force majeure, exonératoire de responsabilité, auquel est assimilé l'incendie criminel,

- en toute hypothèse, la clause élusive de responsabilité en cas d'incendie, prévue au contrat, qui a pour corollaire l'obligation mise à la charge du propriétaire de souscrire une assurance de dommages, n'a pas pour effet de lui procurer un avantage excessif et ne peut ainsi être regardée comme une clause abusive,

- les polices d'assurance souscrites auprès de la société d'assurance les Mutuelles du Mans couvrent le risque incendie, notamment au titre du recours des tiers sur le fondement de l'article 1384, alinéa 2, relatif à la communication d'incendie, applicable en cas de dépôt,

- s'il était jugé que le contrat d'assurance « Multipro » n° 954XX ne couvre pas la responsabilité de l'assuré à l'égard des tiers, y compris les cocontractants et les assureurs de dommages, la responsabilité de la société d'assurance les Mutuelles du Mans serait alors engagée pour manquement à son obligation de conseil,

- le préjudice de monsieur X. ne peut être évalué à une somme supérieure à 55.000,00 euros, correspondant à la valeur « argus » du navire au jour du sinistre, la preuve d'un préjudice de jouissance n'étant pas rapportée.

La société d'assurance les Mutuelles du Mans conclut également à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de monsieur X., subsidiairement, de la société Polymer à lui payer la somme de 6000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

Concernant sa garantie, elle soutient que :

- au titre du contrat « Mosaïque » n° 220XX, le risque d'incendie ne figure pas au nombre des risques couverts ou se trouve formellement exclu pour les dommages causés aux bateaux,

- la garantie des dommages causés aux biens mobiliers assurés au titre du contrat « Multipro » n° 95416487ZX ne s'applique pas aux bateaux et la garantie de la responsabilité civile de l'assuré au titre du recours des voisins et des tiers, prévue par ce même contrat, concerne la responsabilité de l'assuré découlant des articles 1382 à 1384 du Code civil, et non celle ayant, comme en l'espèce, un fondement contractuel,

- il ne peut lui être reproché, dans ses rapports avec la société Polymer, d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil dans la mesure où celle-ci avait parfaitement conscience de ne pas assurer les bateaux, qui lui étaient confiés, contre l'incendie.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

Il appartient au juge de rechercher l'intention des parties au contrat, sans s'arrêter à la dénomination qu'elles ont pu en donner, à la lumière tant des termes employés par elles dans le contrat que des rapports qu'elles ont entretenus postérieurement à sa conclusion, de nature à la caractériser.

Au cas d'espèce, monsieur X. a signé avec la société Polymer un contrat qualifié de « contrat de stockage », englobant diverses prestations liées à « l'immobilisation » de son bateau au cours de la saison hivernale 2006-2007, à savoir la mise à terre, le transport et la manutention du bateau en vue de sa mise sur cales, les opérations de stockage du moteur avec vidange de l'huile et remplacement du filtre à huile et du carburant, le nettoyage de la carène et des éléments de propulsion, le dessalage de l'ensemble extérieur du bateau, la location d'un emplacement pour la saison d'hiver, l'application de « l'antifouling » avant la mise à flot, la remise en service du moteur, le lavage extérieur de l'ensemble, la manutention et le transport du bateau pour sa remise à l'eau.

La facture éditée le 31 décembre 2006 par la société Polymer au titre de ce contrat, d'un montant HT de 1.398,39 euros, comprend le transport et la manutention du bateau pour sa mise à terre et sa mise à l'eau, diverses prestations d'entretien et d'hivernage, ainsi que la location d'un emplacement pour 282,94 euros HT.

Le contrat dit « de stockage » renvoie aux conditions générales de vente de la société Polymer et stipule que la bonne exécution des prestations est garantie, seuls les risques d'incendie et de vol par effraction devant être couverts par l'assurance du propriétaire.

L'article 6 « responsabilité du client » des conditions générales de vente, de réparation et de services des négociations et « shipchandler's » de la navigation de plaisance, auxquelles se réfère le contrat, dispose que le client reste responsable de l'état de son bateau lorsqu'il est laissé en stationnement extérieur ou à la vente, s'agissant d'une location d'emplacement sans prestation, et qu'il s'engage à souscrire une assurance garantissant notamment sa responsabilité civile vol et incendie.

A l'article 10.7 des mêmes conditions générales, traitant des « dispositions particulières aux réparations et services », il est stipulé que les bateaux laissés à la vente ou en stationnement ne seront pas garanties contre l'incendie ou le vol, que cette garantie devra être couverte par l'assurance du propriétaire, que s'agissant d'une location d'emplacement, le professionnel ne garantie pas les dégradations dues aux faits imprévisibles ou aux intempéries qui pourraient endommager le matériel à l'extérieur et que l'accès à la zone de stationnement étant libre, il appartient au propriétaire de surveiller régulièrement son matériel et de demander au professionnel des travaux d'entretien ou des interventions de sauvegarde.

Certes, le contrat liant les parties, comme les conditions générales auxquelles il renvoie, mentionnent « la location d'un emplacement » et prévoient que le propriétaire du bateau en stationnement doit souscrire une assurance couvrant les risques d'incendie et de vol, que le professionnel ne garantit pas, et qu'il doit également assurer la surveillance de son matériel dans la zone de stationnement, libre d'accès.

La qualification de contrat de location ne peut cependant être retenue que dans la mesure où monsieur X. a eu effectivement la libre disposition d'un emplacement déterminé, lui permettant d'exercer une surveillance réelle sur son bateau en stationnement durant la période hivernale ; l'essence d'un tel contrat, selon l’article 1709 du Code civil, est, en effet, de procurer au locataire, pendant un certain temps, la jouissance d'une chose, en contrepartie d'un loyer qu'il s'engage à payer ; celui-ci est d'ailleurs présumé responsable des dégradations et des pertes, ainsi que de l'incendie, conformément aux articles 1732 et 1733, en raison précisément du fait que ces évènements se produisent pendant sa jouissance.

Or, le bateau de monsieur X., qui se trouvait amarré dans le port de Marseillan (34), a été mis à terre au début de l'hiver, puis a été transporté et mis sur cales, non dans un local ou sur un emplacement déterminé auquel celui-ci aurait eu accès, mais dans un hangar servant le lieu de stockage, dont la société Polymer avait seule les clés, et à un emplacement choisi par elle ; monsieur X., qui ne pouvait accéder au hangar hors la présence de la société Polymer, n'avait donc pas, en pratique, la libre disposition de l'emplacement où se trouvait stationné son bateau, dont il avait d'ailleurs remis les clés à celle-ci.

En dépit du terme « location d'emplacement » utilisé, force est donc de constater que la surveillance effective du bateau en hivernage, ne pouvait être effectuée que par la société Polymer elle-même, en sorte que le contrat liant les parties doit être regardé comme un contrat de dépôt salarié, accessoire à un contrat d'entreprise englobant les diverses prestations de transport, de manutention et d'entretien du bateau.

La clause de l'article 10.7 des conditions générales selon laquelle les bateaux laissés en stationnement, comprenant à la fois les bateaux en hivernage et ceux confiés aux fins de réparation ou de vente, ne sont pas garantis (par le professionnel) contre l'incendie ou le vol, n'a pas pour effet d'exclure la qualification de dépôt salarié, puisque une telle clause, qui conduit, en l'occurrence, à faire bénéficier le professionnel d'une présomption de non responsabilité en cas d'incendie ou de vol, peut être librement convenue entre les parties à un contrat de dépôt ; ladite clause ne peut, non plus, être considérée comme étant une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors qu'elle ne conduit pas à exclure la responsabilité du dépositaire, mais seulement à mettre à la charge du propriétaire du bateau, déposant, la preuve du manquement de celui-ci à son obligation de garde et de conservation, lorsque le sinistre provient d'un incendie ou d'un vol

Par ailleurs, la société Polymer, propriétaire du hangar dans lequel a pris naissance l'incendie à l'origine de la destruction du bateau de monsieur X., n'est pas un tiers par rapport à celui-ci, avec lequel elle était liée par un contrat de dépôt, et ne saurait ainsi invoquer les dispositions de l'article 1384, alinéa 2, alors que sa responsabilité est recherchée sur un fondement contractuel, en raison de manquements commis dans l'exécution d'une obligation née de la convention.

Tenu, selon les articles 1927 et 1933 du Code civil, d'une obligation de moyens, relativement à la garde et à la conservation de la chose qui lui a été confiée, le dépositaire doit, sauf clause contraire, établir qu'il n'a pas commis de faute à l'origine de la perte de la chose ; aux termes de l'article 1929, il n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.

En l'occurrence, les investigations menées dans le cadre de l'information judiciaire ouverte sur réquisition du parquet de Béziers ont mis en évidence l'origine criminelle de l'incendie ayant ravagé, dans la nuit du 28 au 29 janvier 2007, le hangar dans lequel se trouvait entreposé le bateau de monsieur X., une effraction par dévissage des plaques ayant ainsi été localisée sur le bardage métallique du hangar, mais ces investigations n'ont pas permis d'identifier le ou les auteurs de l'incendie, conduisant le juge d'instruction à rendre, le 3 décembre 2008, une ordonnance de non-lieu.

Il résulte également des éléments recueillis par l'expert (M. V.) mandaté par la société d'assurance les Mutuelles du Mans, que le hangar, servant au stockage d'une soixantaine de bateaux, était dépourvu d'un système de détection d'incendie et d'installation électrique, seul un groupe électrogène étant utilisé pour ouvrir ou fermer les deux rideaux métalliques, qu'au niveau des moyens de lutte contre l'incendie, des extincteurs mobiles y avaient été installés et qu'il était équipé d'une alarme de détection d'intrusion, destinée à la surveillance des deux rideaux, alimentée par une batterie (9V) chargée par un panneau solaire.

Cet expert a situé le foyer de l'incendie dans l'angle sud-ouest du bâtiment où étaient stockés des bateaux en coque polyester contenant du carburant ; au terme de ses investigations, il a exclu l'hypothèse d'un incendie consécutif à une anomalie électrique du fait de l'absence de toute installation électrique dans le hangar et du débranchement des batteries des bateaux et confirmé que l'incendie, survenu en pleine nuit, ne pouvait avoir qu'une origine criminelle, tenant les traces d'effraction relevées en façade ouest du bâtiment et la présence d'essence partiellement brûlée, en quantité importante dans quatre prélèvements effectués dans une zone où étaient stockés des bateaux équipés de moteurs diesel.

La société Polymer a communiqué le pré rapport d'expertise, déposé le 12 octobre 2010 par monsieur M., désigné en référé à la demande de sept autres propriétaires de bateaux, qui relève notamment que le hangar n'était assujetti à aucune réglementation, préconisant des mesures spécifiques de protection contre l'incendie, et que le système de détection d'intrusion avait été vérifié le 6 septembre 2006, soit cinq mois avant le sinistre.

Concernant la localisation du site et ses conditions d'accès, il est acquis aux débats que le terrain sur lequel avait été édifié le hangar se situe dans une zone d'activité économique à [ville S.] (34), qui était en cours d'aménagement à la date du sinistre, qu'il n'était pas clôturé du fait la non réalisation par l'aménageur des ouvrages de VRD, impliquant la cession gratuite d'une bande de 380 m² sur son emprise en limite nord, et qu'il n'avait pas de vis-à-vis en limites nord et est, mais seulement en limite sud, se trouvant implanté dans un secteur relativement reculé, accessible par le chemin de la mer, qui est une contre-allée du CD XX reliant [ville S.] à [ville V.].

En outre, il est constant que le gérant de la société Polymer, monsieur N., était domicilié à proximité du site, à 300 mètres environ.

Eu égard aux circonstances, la société Polymer, qui avait entreposé le bateau de monsieur X. dans un hangar fermé, situé à proximité du domicile de son gérant, équipé d'extincteurs et muni d'une alarme de détection d'intrusion, a donc pris les précautions utiles à la conservation de la chose et, en raison de son caractère criminel, l'incendie dans lequel le bateau a été détruit, doit être regardé comme un cas de force majeure ; la situation du hangar dans une ZAC en cours d'aménagement, son mode de construction en plaques de bardage métallique, le nombre de bateaux y étant entreposés, qu'a priori le ou les auteurs de l'incendie ne pouvaient connaître, et l'absence de clôture du terrain due à la non réalisation des ouvrages de VRD, ne sauraient être considérés comme des facteurs, qui ont rendu l'incendie prévisible ; il en est de même du soi-disant climat d'hostilité dans lequel la société Polymer exerçait son activité en raison de la spéculation, dont les terrains compris dans la ZAC était l'objet.

Aucun manquement de la société Polymer à son obligation de moyens n'est dès lors caractérisé de nature à renverser la présomption de non responsabilité, dont elle bénéficie, relativement au sinistre provenant de l'incendie survenu dans la nuit du 26 au 27 janvier 2007, qui revêt d'ailleurs les caractères de la force majeure, tenant son origine criminelle ; il convient d'ajouter que l'attention de monsieur X. avait été particulièrement attiré sur l'absence de garantie du professionnel en cas d'incendie et sur son obligation de souscrire une assurance couvrant un tel risque.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté monsieur X. de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Polymer et prononcé la mise hors de cause de la société d'assurance les Mutuelles du Mans.

Succombant sur son appel, monsieur X. doit être condamné aux dépens, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de la société Polymer et de la société d'assurance les Mutuelles du Mans, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 7 septembre 2009,

Condamne monsieur X. aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de la société Polymer et de la société d'assurance les Mutuelles du Mans, des dispositions de l'article 700 du même Code,

Le Greffier,                           Le Président,