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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 juin 2010

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 juin 2010
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 2
Demande : 08/18349
Date : 8/06/2010
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2984

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 juin 2010 : RG n° 08/18349

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que Madame X. de prévaut, très subsidiairement, des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, arguant du fait que les questionnaires de santé qui leur ont été soumis et qu'ils ont signés revêtent le caractère de clauses abusives ; Qu'elle estime que ces questionnaires, au libellé trompeur et équivoque, sont de nature à lier le professionnel et le consommateur en ce qu'ils prévoient un engagement ferme et définitif de l'assuré alors que l'exécution des prestations dépend de la seule volonté de l'assureur ou en ce qu'ils confèrent à ce dernier le droit d'interpréter une quelconque clause du contrat ;

Que cette analyse méconnaît les dispositions de l’article L. 113-2 du Code des assurances relatif aux obligations de l'assuré, au stade pré-contractuel ; qu'à travers les déclarations que la loi lui impose de fournir sincèrement, l'assuré précise les contours du risque contre lequel il demande à être assuré ; que l'assureur se borne à y répondre en faisant une proposition d'assurance moyennant le paiement d'une prime en adéquation avec le risque qu'il lui est demandé d'assurer ;

Que Madame X. ne peut donc valablement se prévaloir de la création d'un déséquilibre significatif à ce stade de la formation du contrat et dans le cadre d'un simple échange d'informations que la loi exige, en sorte que ce nouveau moyen sera rejeté »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE DEUX CINQUIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 8 JUIN 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/18349. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 juin 2008 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - R.G. n° 07/03781.

 

APPELANTE :

SA CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE ASSURANCES,

agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'administration, Représenté par Maître BETTINGER, avoué, assisté de Maître Isabelle NOACHOWITCH, avocat plaidant pour la SCP FLOQUET & NOACHOWITCH

 

INTIMÉE :

Madame Y. épouse X.,

AJ 100 % n° 2008/XX du [date], représenté par Maître CORDEAU, avoué, assisté de Maître Zhora PRIMARD, avocat de la SELARL PRIMARD BECQUET à Evry

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Madame Sylvie NÉROT, conseiller, siégeant en application de l’article 786 du Code de procédure civile à laquelle les avocats ne se sont pas opposés.

Lors du délibéré : Madame S. GARBAN, président, Madame Janick TOUZERY-CHAMPION et Madame Sylvie NÉROT, conseillers

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Dominique BONHOMME-AUCLERE

DÉBATS : A l'audience publique du 14 avril 2010. Rapport fait par Madame Sylvie NEROT en application de l’article 785 du CPC

ARRÊT : Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile. Signé par Madame S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

En garantie du remboursement d'un prêt bancaire, Monsieur et Madame X. ont adhéré, en juin 2003, à un contrat d'assurance - groupe souscrit auprès de la société Caisse Nationale de Prévoyance - CNP Assurances garantissant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité temporaire totale.

Monsieur X. s'est trouvé en arrêt de travail à compter du 18 août 2004 mais s'est vu opposer, au titre du risque incapacité de travail, un refus de garantie, la société CNP Assurances se prévalant de la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration sur son état de santé à la date de la souscription.

Monsieur X. est décédé le 10 décembre 2005 et la société CNP Assurances a refusé la prise en charge du remboursement du prêt, au titre du risque décès, du fait de la nullité du contrat, en sorte que Madame Y. veuve X. l'a assignée devant la juridiction de fond.

Par jugement rendu le 27 juin 2008, le tribunal de grande instance d'Evry, statuant sur la nullité du contrat, sur l'exécution du contrat et sur la faute de l'assureur, a, au visa de l’article 1147 du Code civil et avec exécution provisoire :

- constaté qu'en ne versant pas l'indemnité d'assurance due au titre du contrat litigieux à la suite de l'arrêt de travail du 18 août 2004 puis du décès de Monsieur X., la CNP a manqué à ses obligations conventionnelles,

- débouté la CNP de ses demandes aux fins de nullité du contrat, de paiement entre les mains du prêteur et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Madame Y. de sa demande de remboursement de la prime payée entre le 1er février 2005 et le 27 juin 2006,

- condamné la CNP à verser à Madame Y. les sommes de :

* 42.058,19 euros en réparation de son préjudice financier,

* 300 euros en réparation de son préjudice moral,

* 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile

et à supporter les dépens

 

La société anonyme Caisse Nationale de Prévoyance - CNP Assurances a relevé appel de ce jugement et, par dernières conclusions signifiées le 5 mars 2010, elle demande à la cour :

- au visa de l'article L. 114-1 du Code des assurances, de son refus de prise en charge du 1er février 2005, de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 et de l'assignation du 14 mars 2007, de lui donner acte de ce qu'elle renonce à sa fin de non-recevoir tirée de la prescription au regard du document tardivement communiqué le 17 février 2010 par l'intimée,

- au visa de l’article L. 113-8 du Code des assurances :

* principalement, de faire droit à la demande d'annulation du contrat d'assurances et de débouter, en conséquence, Madame X. de ses demandes,

* subsidiairement, de dire qu'elle ne peut être tenue que dans les termes de son contrat à l'égard du bénéficiaire,

* dans tous les cas, de rejeter l'ensemble des prétentions, fins et conclusions autres ou contraires à ses propres prétentions,

- de condamner Madame X. à lui verser la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

 

Par dernières conclusions signifiées le 17 février 2010, Madame Y. veuve X. demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1142 du Code civil, L. 113-8 du Code des assurances et L. 132-1 du Code de la consommation :

- au principal, confirmant le jugement déféré, de dire que Monsieur X. n'a pas fait de fausse déclaration, que le contrat souscrit n'est frappé d'aucune nullité, que la CNP Assurances doit sa garantie en déboutant cette dernière de l'ensemble de ses moyens et demandes,

- à titre subsidiaire, de dire qu'en continuant à prélever des primes sur le compte joint des époux X. durant 17 mois suivant la dénonciation de la nullité du contrat d'assurance et en contestant tardivement sa garantie par rapport à la date du sinistre, l'appelante avait sans équivoque renoncé à opposer aux époux X. la nullité du contrat d'assurance,

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que les questionnaires proposés par la CNP, remplis et signés par eux, revêtent le caractère de clauses abusives au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et de les déclarer, par conséquent, nuls et sans effet sur l'exécution du contrat d'assurance,

- en tout état de cause, de condamner la CNP Assurances à lui verser les sommes suivantes :

* 42.058,19 euros en réparation de son préjudice financier,

* 153,70 euros en remboursement des primes indûment versées,

* 10.000 euros pour résistance abusive,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

et à supporter les entiers dépens.

 

MOTIF (justification de la décision)                                    (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant qu'il convient de relever, liminairement, qu'il n'est plus débattu en cause d'appel de la prescription de l'action, l'assureur tardivement destinataire de documents relatifs à l'admission de Madame X. à l'aide juridictionnelle déclarant renoncer à la fin de non-recevoir qu'elle lui opposait, eu égard aux dispositions de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 ;

Considérant que la société CNP Assurances fonde son appel sur les dispositions de l’article L. 113-8 du Code des assurances qui sanctionne par la nullité du contrat la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré au moment de la souscription ;

Qu'elle reproche au tribunal qui, bien qu'ayant considéré que, répondant par la négative aux questions numéros 7 et 8 qui lui étaient posées dans le questionnaire de santé daté du 17 mars 2003, Monsieur X., qui avait souffert d'une lombosciatique ayant entraîné en 1992 et 1993 un arrêt de travail de plus de sept mois, a fourni une réponse inexacte, de n'en avoir pas moins estimé qu'il n'avait pas fait une fausse déclaration intentionnelle et d'avoir, pour ce faire, dénaturé ce questionnaire de santé ;

Qu'il résulte de l'examen de ce questionnaire de santé qu'il comporte dix questions auxquelles il pouvait être répondu par l'affirmative ou par la négative ; qu'il se présente comme suit :

° êtes-vous titulaire d'une rente ou d'une pension d'invalidité,

° avez-vous été exonéré du ticket modérateur pour raison de santé,

° avez-vous subi un test de dépistage de séropositivité VIH,

° avez-vous eu une infection conséquence d'une immunodéficience acquise,

° avez-vous, durant les cinq dernières années, interrompu votre travail pour raison de santé sur une période de quarante jours consécutifs ou non consécutifs (question n° 5),

° avez-vous été hospitalisé,

° avez-vous subi :

- une intervention chirurgicale,

- un traitement par radiations, colbalt ou chimiothérapie,

- un traitement pour maladie rhumatismale, lumbago ou sciatique,

- un traitement pour troubles nerveux, dépression nerveuse,

- un traitement pour troubles cardiaques ou vasculaires, hypertension artérielle,

- autres traitements de plus d'un mois (question n°7),

° êtes-vous atteint(e) ou avez-vous été atteint(e) d'une maladie chronique, d'une infirmité, d'affections récidivantes ou de séquelles d'accident ou de maladie (question n° 8),

° êtes-vous sous surveillance médicale,

° êtes-vous en cours de traitement médical,

° allez-vous, dans les prochains mois :

- subir des examens de laboratoire ou d'autres examens à l'exception de la médecine du travail,

- être hospitalisé(e), traité(e) ou opéré(e).

Que cet examen permet de considérer que les questions insérées dans un tableau sont claires, précises et dépourvues d'ambiguïté ; que, séparées les unes des autres par un trait horizontal marqué, elles se caractérisent par leur autonomie ;

Que c'est, par conséquent, à bon droit que l'assureur critique le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la question n° 5, enserrée dans la période temporelle de cinq années, pouvait faire l'objet d'une déclinaison applicable aux questions suivantes et qu'en conséquence Monsieur X. pouvait de bonne foi comprendre - le bon sens voulant, selon le tribunal, qu'on ne remonte pas indéfiniment dans sa propre vie - que le traitement subi pour des lombalgies ou la maladie qui étaient visés aux questions 7 et 8 ne concernaient que des événements intervenus dans les cinq années précédant la date à laquelle il répondait à ce questionnaire de santé ;

Que c'est, par ailleurs, à juste titre que l'assureur - à qui Madame X. oppose la circonstance qu'il connaissait cette affection lomboscitatique pour avoir eu à garantir, du fait de sa survenance et après examen médical, le remboursement d'un précédent prêt, en 1993 - se prévaut du fait qu'il ne lui est pas fait obligation de vérifier l'exactitude de déclarations qui se doivent d'être sincères pas plus que de procéder à des rapprochements avec d'autres contrats précédemment souscrits ;

Que si Madame X. soutient, par ailleurs, que n'est pas administrée la preuve de l'intention frauduleuse de son époux, force est de relever que ce dernier ne pouvait avoir oublié cette pathologie lourde puisqu'elle avait entraîné un arrêt de travail de plusieurs mois ;

Que, de plus, en apposant sa signature au dessous de la formule : « je reconnais avoir été averti que toute déclaration inexacte qui pourrait gêner la CNP dans l'appréciation du risque à garantir entraînerait la nullité ou la réduction du contrat. », Monsieur X. ne pouvait, de bonne foi, apporter la réponse qui a été la sienne aux questions numéros 7 et 8 posées ;

Que, s'agissant de la modification, pour l'assureur, de l'opinion du risque également requise par l’article L. 113-8 du Code civil pour que puisse être accueillie une demande de nullité du contrat, que la société CNP Assurances, explicitant sa méthode de tarification dans le cadre d'un contrat de groupe, précise qu'elle a établi des conditions de tarification pour tous les candidats en bonne santé et qu'en cas d'antécédents, elle stipule généralement des exclusions sans modification de prime en sorte qu'en cas de dissimulation du risque, qui atteint l'entier contrat, la tarification est inadaptée ;

Qu'à cet égard, Madame X. n'est pas fondée à se prévaloir, au visa de l’article 1134 du Code civil, de l'absence d'incidence de la pathologie omise sur l'événement aléatoire que l'assureur aurait dû garantir puisqu'il est constant que la corrélation entre la circonstance litigieuse et l'opinion du risque ne doit pas être appréciée par référence aux circonstances du sinistre ;

Qu'il s'induit de l'ensemble de ces éléments que la société CNP Assurances est fondée à se prévaloir de la fausse déclaration intentionnelle de Monsieur X. et du fait que celle-ci a modifié l'opinion qu'elle pouvait se faire du risque ;

Considérant que Madame X. soutient subsidiairement que la société CNP Assurances a renoncé de manière implicite mais non équivoque à invoquer la nullité du contrat ;

Qu'elle invoque l'écoulement d'un délai de trois mois entre la demande de prise en charge du sinistre déclaré en novembre 2004 et le refus opposé par l'assureur du fait de la fausse déclaration puis la poursuite de la perception de primes par cet assureur, sur le compte joint dont son époux et elle-même étaient titulaires, jusqu'au 27 juin 2006, soit durant une période de 17 mois suivant la dénonciation du contrat ;

Que, toutefois, dans un contexte contractuel de solidarité des emprunteurs envers un organisme bancaire qui avait la seule maîtrise du recouvrement des primes d'assurance incluses dans le montant des échéances du prêt, l'appel de prime ne peut être considéré comme un acte de volonté non équivoque de l'assureur de se prévaloir de la nullité, d'autant que les courriers adressés par l'assureur aux époux X. manifestaient sa volonté de refuser sa garantie ;

Que ce moyen subsidiaire est donc inopérant ;

Qu'il y sera ajouté, s'agissant de la demande de remboursement de prime formée par Madame X., qu'aux termes de l’article L. 113-8 alinéa 2 du Code des assurances et lorsque est démontrée la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré, les primes payées demeurent acquises à l'assureur qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que Madame X. de prévaut, très subsidiairement, des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, arguant du fait que les questionnaires de santé qui leur ont été soumis et qu'ils ont signés revêtent le caractère de clauses abusives ;

Qu'elle estime que ces questionnaires, au libellé trompeur et équivoque, sont de nature à lier le professionnel et le consommateur en ce qu'ils prévoient un engagement ferme et définitif de l'assuré alors que l'exécution des prestations dépend de la seule volonté de l'assureur ou en ce qu'ils confèrent à ce dernier le droit d'interpréter une quelconque clause du contrat ;

Que cette analyse méconnaît les dispositions de l'article L. 113-2 du Code des assurances relatif aux obligations de l'assuré, au stade pré-contractuel ; qu'à travers les déclarations que la loi lui impose de fournir sincèrement, l'assuré précise les contours du risque contre lequel il demande à être assuré ; que l'assureur se borne à y répondre en faisant une proposition d'assurance moyennant le paiement d'une prime en adéquation avec le risque qu'il lui est demandé d'assurer ;

Que Madame X. ne peut donc valablement se prévaloir de la création d'un déséquilibre significatif à ce stade de la formation du contrat et dans le cadre d'un simple échange d'informations que la loi exige, en sorte que ce nouveau moyen sera rejeté ;

Qu'ainsi, il convient de considérer que la CNP Assurances est fondée à opposer à Madame X. la nullité du contrat souscrit et à demander à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes d'indemnité présentées par Madame X. ;

Considérant, sur les demandes accessoires, que la demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires ne peut être accueillie, en l'absence de démonstration d'une faute imputable à l'assureur ;

Que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties au litige ;

Que Madame X. sera, en revanche, condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau ;

Déboute Madame Y. veuve X. de ses entières prétentions ;

Déclare nul et de nul effet le contrat d'adhésion des époux X. au contrat d'assurance groupe souscrit auprès de la CNP Assurances ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame Y. veuve X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier,               Le Président,