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CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 15 septembre 2010

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 15 septembre 2010
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 08/19070
Date : 15/09/2010
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI SENS, 12 septembre 2008
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2988

CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 15 septembre 2010 : RG n° 08/19070

Publication : Jurica

 

Extrait : Considérant que les conditions générales au verso sont imprimées en très petits caractères, ce qui rend leur lecture difficile ; que l'article 3 de ces conditions générales stipule que les dégâts occasionnés au véhicule resteront à la charge du preneur lorsqu'ils résultent d'une violation caractérisée du Code de la route ou d'une négligence du preneur dans l'utilisation générale du véhicule ; que cependant, l'article 8 mentionne que le preneur bénéficie d'une assurance responsabilité aux tiers illimité et que, pour les dégâts au véhicule en cas d'accident, il est responsable des dégâts dans la limite d'une « responsabilité financière maximale » mais que, s'il souscrit un complément d'assurance désigné sous les initiales CDW, il n'est responsable qu'à concurrence d'un montant plus faible dit « Franchise non rachetable accident » ;

Considérant que l'article 8 ne fait aucune référence à l'absence d'assurance des parties hautes du véhicule et ne précise pas que la responsabilité du locataire pourra être engagée par application de l'article 3 même s'il a payé une indemnité de rachat de franchise ; qu'au regard de ces éléments, c'est à juste raison que l'appelant soutient qu'il a pu légitimement penser qu'il était garanti pour les dommages causés aux personnes et au véhicule loué compte tenu de la garantie souscrite ;

Considérant que dans sa Recommandation n° 96-02 du 14 juin 1996 relative aux locations de véhicules automobiles, la Commission des clauses abusives a recommandé que les contrats soient rédigés de manière lisible, ce qui suppose une impression contrastée et selon une typographie d'au moins corps 8, et que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou effet, notamment, de :

« 34° Laisser à la charge du locataire, même s'il a souscrit un rachat de franchise, le coût des dommages relevés sur la partie supérieure du véhicule sans préciser cette limitation dans la clause particulière du rachat de franchise ni préciser que la limitation n'interviendra qu'en cas de mauvaise appréciation du gabarit par le locataire ;

35° Prévoir que la responsabilité du locataire sera engagée, même s'il a payé une indemnité de suppression de franchise sans que cela soit rappelé dans la clause particulière de rachat de franchise et soit limitée au caractère intentionnel de la faute du locataire ; »

Considérant, en l'espèce, que l'article 3 des conditions générales, auquel l'article 8 ne fait aucune référence, a pour objet ou effet de créer au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que cette clause présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Considérant que seule cette clause étant annulée et non l'entier contrat, il n'y a pas lieu de rechercher la responsabilité de l'appelant, comme le demande subsidiairement l'intimée, par application des règles du contrat de louage et de l'article 1732 du Code civil ; que c'est en vain que l'intimée allègue que l'appelant aurait commis une faute lourde à l'occasion de la conduite du véhicule qui le priverait du bénéfice d'une clause de non responsabilité, une telle faute n'étant aucunement caractérisée ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/19070. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 06/01498.

 

APPELANT :

Monsieur X.,

représenté par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour, assisté (e) du cabinet Rémy LE BONNOIS avocat, toque L299

 

INTIMÉ :

SAS MASSOUTRE LOCATIONS,

prise en la personne de ses représentants légaux, représenté par Maître Nadine CORDEAU, avoué à la Cour, assisté (e) de Maître SOLIN Christophe avocat plaidant, barreau de Rouen

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 MAI 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie Pascale GIROUD présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie Pascale GIROUD Présidente, Madame Odile BLUM conseillère, Monsieur Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président pour compléter la chambre

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS : Madame Marie-Claude GOUGE

ARRÊT : Contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Madame Marie-Claude GOUGE, greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement rendu le 12 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Sens qui a :

- dit que M. X. est responsable des dommages causés au véhicule utilitaire immatriculé XX,

- avant dire doit, ordonné une expertise afin de décrire les dommages et chiffrer le coût des réparations,

- dit que l'affaire sera rappelée devant le juge de la mise en état à la première audience utile du mois de mars 2009,

- sursis à statuer sur la demande au titre de l article 700 du Code de procédure civile,

- réservé les dépens ;

Vu l'appel relevé par M. X. et ses dernières conclusions du 30 avril 2010 par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil :

- in limine litis, d'enjoindre à la société Massoutre locations de produire en original la pièce n° 21,

- à titre principal, d'infirmer le jugement, de débouter la société Massoutre locations de toutes ses demandes à son encontre, dire n'y avoir lieu à expertise judiciaire, et condamner la société Massoutre locations à lui payer la somme de 10.000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive, ainsi que la somme de 3.000 par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, si la cour estimait qu'il doit prendre en charge les dégâts sur le véhicule utilitaire, dire que la société Massoutre locations doit apporter tous les éléments de preuve des désordres invoqués et produire la facture de réparation du véhicule,

- en tout état de cause, condamner la société Massoutre locations à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 mai 2010 par la société Massoutre locations qui demande à la cour :

- à titre principal, de débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 13.077,64 euros avec intérêts de droit à compter du 7 décembre 2004,

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement, renvoyer l'affaire devant le tribunal pour qu'il statue sur le préjudice après dépôt du rapport d'expertise,

- de condamner M. X. au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que suivant contrat de location du 7 août 2004 la société Massoutre locations a loué à M. X. un véhicule utilitaire de marque Volkswagen immatriculé XX ; que le même jour, ce véhicule a été endommagé, son conducteur s'étant engagé sous un pont dont la hauteur était inférieure à celle du véhicule ; que M.X. a signé un constat amiable qui localise le point de choc sur le haut du véhicule et, sous la rubrique dégâts apparents, porte la mention « Cellule HS » ; que la société Massoutre locations a mis un autre véhicule utilitaire de marque Iveco à la disposition de M X. ;

Considérant que la société Massoutre locations, par lettre du 7 décembre 2004, a demandé à M. X. paiement de la somme de 13.077,64 euros pour remise en état du véhicule endommagé ; que n'obtenant pas satisfaction, elle a saisi le tribunal de grande instance de Sens qui, par le jugement déféré, a dit M. X. responsable des dommages causés au véhicule et, avant dire droit, ordonné une expertise pour décrire les dommages et chiffrer le coût des réparations ;

Considérant que la demande de M. X., appelant, tendant à obtenir communication en original de la pièce n° 21 versée aux débats par la société Massoutre locations n'a plus d'objet, l'original de cette pièce ayant été communiqué ;

Considérant que l'appelant soutient que la société Massoutre locations n'apporte pas la preuve de l'existence de la mention « Attention Parties hautes non assurées » sur le contrat de location ; qu'il fait valoir qu'à la signature du contrat il a légitimement estimé qu'il était couvert pour tous dommages survenant aux personnes et au véhicule loué, sous déduction d'une franchise qu'il a réglée pour la location du second véhicule compte tenu de la souscription de la garantie CDW ; qu'il reproche à la société Massoutre locations d'avoir manqué à son obligation d'information en sa qualité de professionnelle à l'égard de son locataire, profane-consommateur, en n'attirant pas son attention sur le gabarit du véhicule loué ; qu'il en déduit que sa responsabilité ne peut être engagée à aucun titre dès lors qu'il a prouvé son absence de faute ou de négligence dans la survenance du dommage ; qu'il soutient encore que l'article 3 du contrat constitue une clause abusive au sens de la Recommandation n° 96-02 rendue par la Commission des clauses abusives et qu'il doit être réputé nul et non écrit par application de l'article L. 132-1 du Code d e la consommation ; qu'il conclut, en conséquence, au rejet de toutes les demandes de la société Massoutre locations ;

Considérant que l'intimée, se fondant sur les dispositions de l'article 3 des conditions générales du contrat, fait valoir que M. X., qui s'est engagé sous un pont signalé à une hauteur inférieure à celle du véhicule loué, a commis une faute constitutive d'une violation caractérisée du Code de la route et d'une négligence ; qu'elle invoque l’avis n° 95-03 de la Commission des clause abusives qui a dit que n'était pas abusive la clause suivant laquelle les dégâts occasionnés au véhicule étaient intégralement à la charge du preneur lorsqu'ils résultaient d'une violation caractérisée du Code de la route ou d'une négligence du preneur dans la conduite, le stationnement ou l'utilisation générale du véhicule ;

 

Considérant que l'original du contrat de location du véhicule Volkwagen mentionne au recto, en lettres rouges : « Attention ! Parties hautes non assurées » ; qu'au recto de ce contrat, l'appelant a apposé ses initiales à côté du paragraphe ainsi libellé : « Le preneur certifie connaître et accepter les conditions générales de location au verso du contrat de location et notamment les articles 1, 2, 3, 4, 5, 8, 9 concernant les frais de réparation et d'immobilisation du véhicule. » ; que lors de la signature du contrat, M. X. a souscrit une garantie suppression de franchise, dite CDW ;

Considérant que les conditions générales au verso sont imprimées en très petits caractères, ce qui rend leur lecture difficile ; que l'article 3 de ces conditions générales stipule que les dégâts occasionnés au véhicule resteront à la charge du preneur lorsqu'ils résultent d'une violation caractérisée du Code de la route ou d'une négligence du preneur dans l'utilisation générale du véhicule ; que cependant, l'article 8 mentionne que le preneur bénéficie d'une assurance responsabilité aux tiers illimité et que, pour les dégâts au véhicule en cas d'accident, il est responsable des dégâts dans la limite d'une « responsabilité financière maximale » mais que, s'il souscrit un complément d'assurance désigné sous les initiales CDW, il n'est responsable qu'à concurrence d'un montant plus faible dit « Franchise non rachetable accident » ;

Considérant que l'article 8 ne fait aucune référence à l'absence d'assurance des parties hautes du véhicule et ne précise pas que la responsabilité du locataire pourra être engagée par application de l'article 3 même s'il a payé une indemnité de rachat de franchise ; qu'au regard de ces éléments, c'est à juste raison que l'appelant soutient qu'il a pu légitimement penser qu'il était garanti pour les dommages causés aux personnes et au véhicule loué compte tenu de la garantie souscrite ;

Considérant que dans sa Recommandation n° 96-02 du 14 juin 1996 relative aux locations de véhicules automobiles, la Commission des clauses abusives a recommandé que les contrats soient rédigés de manière lisible, ce qui suppose une impression contrastée et selon une typographie d'au moins corps 8, et que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou effet, notamment, de :

« 34° Laisser à la charge du locataire, même s'il a souscrit un rachat de franchise, le coût des dommages relevés sur la partie supérieure du véhicule sans préciser cette limitation dans la clause particulière du rachat de franchise ni préciser que la limitation n'interviendra qu'en cas de mauvaise appréciation du gabarit par le locataire ;

35° Prévoir que la responsabilité du locataire sera engagée, même s'il a payé une indemnité de suppression de franchise sans que cela soit rappelé dans la clause particulière de rachat de franchise et soit limitée au caractère intentionnel de la faute du locataire ; »

Considérant, en l'espèce, que l'article 3 des conditions générales, auquel l'article 8 ne fait aucune référence, a pour objet ou effet de créer au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que cette clause présente un caractère abusif et doit être réputée non écrite par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Considérant que seule cette clause étant annulée et non l'entier contrat, il n'y a pas lieu de rechercher la responsabilité de l'appelant, comme le demande subsidiairement l'intimée, par application des règles du contrat de louage et de l'article 1732 du Code civil ; que c'est en vain que l'intimée allègue que l'appelant aurait commis une faute lourde à l'occasion de la conduite du véhicule qui le priverait du bénéfice d'une clause de non responsabilité, une telle faute n'étant aucunement caractérisée ;

Considérant, en conséquence, que le jugement doit être infirmé et la société Massoutre locations déboutée de ses demandes ;

Considérant que la société Massoutre locations n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'appelant sera débouté de sa demande en dommages-intérêts ;

Considérant, vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'alloue la somme de 2.000 euros à l'appelant et de rejeter la demande de ce chef de l'intimée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement et, statuant à nouveau :

Déboute la société Massoutre locations de toutes ses demandes,

Déboute M. X. de sa demande en dommages-intérêts,

Condamne la société Massoutre locations à payer la somme de 2.000 euros à M. Le Maktobi par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société Massoutre locations aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile ;

La Greffière              Le Président