CA RENNES (1re ch. B), 15 octobre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3014
CA RENNES (1re ch. B), 15 octobre 2010 : RG n° 08/09024 ; arrêt n° 562
Publication : Jurica
Extrait : « Que les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de celui qui se prévaut de ce texte ; que Madame X. est pharmacienne et a pris en location l'appareil d'épilation pour développer l'activité de son officine ; que le matériel avait en conséquence un lien direct avec son activité professionnelle ; Que son moyen tendant à voir déclarer la clause relative à la durée du contrat comme non écrite par application de l'article L. 132-1 est mal fondé ».
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 08/09024. Arrêt n° 562.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,
GREFFIER : Madame Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats, et Mme Christine NOSLAND, lors du prononcé,
DÉBATS : A l'audience publique du 10 septembre 2010 devant Madame Françoise SIMONNOT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 15 octobre 2010 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Madame X.,
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués, assistée de Maître Christine PERSON, avocat
INTIMÉE :
FRANFINANCE LOCATION SA,
représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués, assistée de la SELARL LARZUL BUFFET ET ASSOCIES, avocats
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant contrat du 30 juin 2006, la société Profilease a donné en location à Madame X., pharmacienne, un appareil d'épilation, pendant une durée de 62 mois.
Le matériel a été livré à Madame X. le 3 juillet suivant.
La société Profilease ayant cédé le contrat à la société Franfinance Location, Madame X., insatisfaite, a d'abord, le 13 juillet 2006, fait opposition au paiement des prélèvements automatiques émis par la société Franfinance Location, puis, le 25 juillet suivant, retourné le matériel à la société BME qui le lui avait livré.
C'est dans ce contexte que, par acte du 30 mai 2007, la société Franfinance Location a fait assigner Madame X. en paiement devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Par jugement contradictoire du 12 novembre 2008, le tribunal a :
- débouté Madame X. de sa demande de sursis à statuer,
- condamné Madame X. à payer à la société Franfinance :
* 5.346,20 euros au titre des loyers échus impayés,
* 48.948,35 euros au titre de l'indemnité de résiliation, majorée des intérêts prévus à l'article 11-2 du contrat du 1er février 2007 jusqu'au parfait paiement,
* 920,32 euros TTC au titre des frais de transport,
- débouté la société Franfinance de sa demande de dommages-intérêts,
- débouté Madame X. de sa demande de délais de paiement,
- condamné Madame X. à payer à la société Franfinance 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,
- débouté la société Franfinance de sa demande d'exécution provisoire,
- condamné Madame X. aux dépens.
Madame X. a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 3 août 2010, elle conclut à son infirmation et demande à la cour :
- à titre principal, de dire bien fondée la résiliation du contrat par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, à effet au 25 juillet 2006,
- à titre subsidiaire, de réduire à un euros l'indemnité de résiliation et de fixer au plus à 105 euros HT les frais de gardiennage,
- en tout état de cause, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Franfinance Location de sa demande de dommages-intérêts et de condamner cette société à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait d'abord valoir que l'article 11-1 du contrat qui fixe irrévocablement sa durée à 62 mois est une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et doit être réputée non-écrite. Elle soutient que la résiliation à son initiative était justifiée dans la mesure où l'utilisation de l'appareil, contrairement à ce qui lui avait été indiqué, nécessitait une présence constante auprès de l'utilisateur.
Elle allègue ensuite que l'article 11-2 du contrat constitue une clause pénale qui est excessive et doit être réduite.
Elle conteste devoir payer l'intégralité des frais de transports du matériel dans les locaux de la société Franfinance Location, sa facture incluant des frais de gardiennage qui auraient pu être moindres si elle avait sollicité la restitution dès la résiliation du contrat.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 20 août 2010, la société Franfinance Location conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame X. à lui payer 2.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle considère que les dispositions du Code de la consommation ne peuvent pas être invoqués par Madame X. qui a souscrit le contrat de location dans le cadre de son activité professionnelle.
Elle soutient que, compte tenu de la clause de subrogation insérée au contrat, Madame X. ne peut lui opposer aucun moyen relatif aux conditions d'utilisation du matériel ou à d'éventuels dysfonctionnements.
Elle expose qu'en l'absence de paiement de loyers dans les huit jours suivants la mise en demeure du 31 janvier 2007, la résiliation est acquise.
Elle fait valoir que la clause prévoyant le paiement des loyers échus ne constitue pas une clause pénale et conteste que l'indemnité de résiliation puisse être considérée comme une clause pénale ; elle ajoute que le montant de cette indemnité ne présente aucun excès.
Elle déclare que ce n'est que très tardivement qu'elle a appris que la machine avait été restituée à la société BME. Elle précise ne pas avoir pu revendre le matériel qu'elle n'a pas encore récupéré en l'état du refus de Madame X. de payer les frais.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 10 septembre 2010.
MOTIF (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION :
Que l'article 11.1 des conditions générales du contrat de location stipule:
« Le contrat est conclu et accepté irrévocablement par les parties dès sa signature pour la durée prévue aux conditions particulières » ;
Que la durée prévue aux dites conditions particulières est de 62 mois ;
Que les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de celui qui se prévaut de ce texte ; que Madame X. est pharmacienne et a pris en location l'appareil d'épilation pour développer l'activité de son officine ; que le matériel avait en conséquence un lien direct avec son activité professionnelle ;
Que son moyen tendant à voir déclarer la clause relative à la durée du contrat comme non écrite par application de l'article L. 132-1 est mal fondé ;
Que, selon l'article 3.4 des conditions générales, le bailleur subroge le locataire dans tous les droits et actions contre le fournisseur ; que le locataire reste tenu d'exécuter toutes ses obligations contractuelles pendant toute la durée de la procédure qui l'opposerait au fournisseur et s'oblige à appeler en cause le bailleur ;
Que l'article 6.3 prévoit que le locataire bénéficie de la garantie du fabricant, qu'il bénéficie également d'une stipulation pour autrui pour intervenir directement auprès du fabricant et qu'il peut agir en nullité ou résolution du contrat de vente contre le fabricant ; qu'il est prévu qu'en contrepartie des droits et garanties qui lui sont accordés, le locataire renonce expressément à exercer contre le loueur quelque recours que ce soit pour obtenir résolution du contrat de location et s'engage à ne pas différer, ni interrompre le paiement des loyers si, sans faute du loueur, le matériel était défectueux, ou atteint de vices et renonce à mettre en jeu la garantie du loueur;
Que Madame X., qui n'a pas agi en justice contre son fournisseur, ne peut se prévaloir de manquements dudit fournisseur pour solliciter la résiliation du contrat de location aux torts du loueur ;
Que, selon l'article 11-2 des conditions générales, le contrat pourra être résilié de plein droit par le bailleur huit jours après mise en demeure en cas de non paiement à échéance d'un seul terme de loyer, même partiel ; qu'en cas de résiliation, le locataire doit verser au bailleur une indemnité, outre les loyers échus TTC impayés, égale à la totalité des loyers hors taxes restant à courir, majorée des intérêts de retard égale à une fois et demi le taux d'intérêt légal à dater du jour de la résiliation, majorée d'une somme forfaitaire de trois mois de loyers ;
Que, par lettre recommandée avec avis de réception du 31 janvier 2007, la société Franfinance Location a mis en demeure Madame X. de lui payer l'arriéré de loyers de 5.487,81 euros dans les huit jours, faute de quoi la résiliation serait acquise ;
Que Madame X. n'ayant pas donné suite à ce courrier, le contrat est résilié à ses torts ;
Qu'elle est débitrice des loyers échus et impayés à la date de résiliation ;
Que les dispositions du jugement fixant à 5.346,20 euros le montant des loyers échus et impayés n'étant pas remises en cause devant la cour, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame X. à payer cette somme au titre des loyers échus et impayés ;
Que l'indemnité de résiliation imposant au locataire de verser, en cas de résiliation unilatérale anticipée du contrat, outre les loyers échus demeurés impayés, une somme calculée notamment en considération du montant des loyers HT restant à échoir est stipulée comme un moyen de contraindre le débiteur à l'exécution et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques à cause de l'interruption des paiements prévus ;
Que, par conséquent, l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale, comme telle réductible en cas d'excès ;
Qu'en l'espèce, elle apparaît manifestement excessive par rapport au préjudice subi par la société Franfinance Location qui bénéficie d'intérêts contractuels à un taux conséquent et qui pourra revendre le matériel ;
Qu'infirmant sur ce point le jugement, l'indemnité de résiliation sera ramenée à 35.000 euros ;
Que Madame X. devait restituer le matériel à la société Franfinance Location qui en était propriétaire et non à la société qui le lui avait livré ; que la société Franfinance Location n'ayant été informée que pendant le cours de la première instance de la restitution du matériel entre les mains de la société BME, Madame X. doit payer à la société Franfinance Location des frais de gardiennage et de transports se montant à 920,32 euros, le jugement étant confirmé sur ce chef ;
Que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile dans l’instance d’appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré, à l'exception de ses dispositions relatives au montant de l'indemnité de résiliation ;
Et statuant à nouveau de ce chef :
Condamne Madame X. à payer à la société Franfinance Location 35.000 euros, outre intérêts prévues à l'article 11-2 du contrat à partir du 1er février 2007 ;
Et y ajoutant :
Laisse à la charge de la société Franfinance Location ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Madame X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la scp Gautier-Lhermitte, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
Le greffier, Le président,
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5915 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : matériels médicaux ou paramédicaux