CA RENNES (5e ch. prud'h.), 12 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3020
CA RENNES (5e ch. prud'h.), 12 avril 2011 : RG n° 09/08613 ; arrêt n° 206
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, l'assurance de groupe souscrite par les employeurs et dont monsieur X. bénéficiait de manière obligatoire par l'effet de son contrat de travail n'a pas été souscrite par lui-même, mais par des sociétés qui ne peuvent se prévaloir de la qualité de consommateurs au sens du code de la consommation en ses articles L. 132-1 et R. 132-6. Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient monsieur X., ces dispositions relatives aux clauses abusives ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
CINQUIÈME CHAMBRE PRUD’HOMMALE
ARRÊT DU 12 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 09/08613. Arrêt n° 206.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller, magistrat rédacteur, Monsieur Patrice LABEY, Conseiller,
GREFFIER : Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 1er février 2011, devant Madame Marie-Hélène MOY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 12 avril 2011 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTES :
Société AXA FRANCE IARD SA
représentée par Maître Jean Luc AMOUR, avocat au barreau de NANTES
Société AXA FRANCE VIE
représentée par Maître Jean Luc AMOUR, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur X.
représenté par Maître Daniel LE FUR, avocat au barreau de BREST.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X. a été embauché par la société d'assurances UAP en qualité de responsable clientèle le 11 janvier 1993. Son contrat a été transféré à compter du 1er avril 1998 dans l'entreprise AXA CONSEIL, ses deux employeurs conjoints étant AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE.
A compter du 1er janvier 2002, il a demandé à bénéficier de la pension d'invalidité totale prévue au régime de prévoyance du personnel des sociétés d'assurances, après son classement en invalidité 2ème catégorie par la sécurité Sociale, ce qui fut accepté.
Monsieur X. a atteint l'âge de 60 ans le 13 septembre 2008 et la CRAM de Bretagne a remplacé la pension d'invalidité par une pension de retraite.
Ses employeurs lui ont alors notifié par courrier du 5 septembre 2008, la cessation des prestations servies par le régime de prévoyance du personnel des sociétés d'assurance et par le contrat collectif 702.142.
Monsieur X. a saisi le conseil de prud'hommes de Brest, lequel dans une décision du 10 novembre 2009 a :
- Ordonné la jonction des dossiers connexes référencés F 09/061 et F 09/062
- Condamné solidairement les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE à verser à monsieur X. à compter du 1er octobre 2008 et jusqu'à l'âge de 65 ans sous réserve de revalorisation, les sommes suivantes :
* 1.247,26 euros par mois au titre du régime professionnel de prévoyance,
* 316,72euros par mois au titre du contrat 702.142,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné solidairement les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE à payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,
- Débouté les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE de leurs demandes reconventionnelles,
- Condamné solidairement les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE aux dépens.
Par déclaration du 10 décembre 2009 enregistrée le 11 décembre suivant, les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE ont régulièrement interjeté appel.
Par conclusions visées au greffe le 17 janvier 2010, les appelantes demandent à la Cour de :
- Réformer en totalité la décision déférée et en invoquant l'annulation,
- Débouter monsieur X. de l'ensemble de ses demandes,
- Ordonner la restitution de la totalité des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, à savoir :
* Celle de 42.052,02 euros arrêtée au mois de décembre 2010,
* Les sommes versées depuis janvier 2011,
- Dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, avec application des dispositions de l’article 1154 du code civil.
- Condamner monsieur X. au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à chacune d'entre elles et aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse visées au greffe le 1er février 2011, monsieur X. :
- Sollicite au contraire la confirmation de la décision dont appel,
- La condamnation solidaire des sociétés AXA FRANCE IARD et AXA FRANCE VIE à lui payer la somme mensuelle de 1.247,26 euros d'une part, celle de 316,72 euros d'autre part, à compter du 1er octobre 2008, jusqu'à son âge de 65 ans sous réserve de revalorisation
- La condamnation solidaire des appelantes au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures sus-visées, régulièrement notifiées et oralement développées lors de l'audience.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il résulte des énonciations de la décision déférée, des écritures des parties et des documents produits, que :
Dans le cadre de son emploi, monsieur X. bénéficiait de deux régimes de prévoyance complémentaire en cas d'invalidité, l'un au niveau de la branche professionnelle, l'autre au niveau de l'entreprise :
** Le premier de ces régimes est issu de l'article 19 du régime de prévoyance du personnel des sociétés d'assurance :
« Le personnel, quel que soit son traitement, qui après avoir interrompu son travail depuis un an pour cause de maladie ou d'accident... est réputé atteint d'invalidité totale.
Dans ce cadre, il a droit à compter de la date anniversaire de l'interruption de travail et pendant la durée de cette invalidité, mais au plus tard jusqu'à l'entrée en jouissance de la retraite acquise au titre du régime de retraite professionnel du personnel des sociétés d'assurance et au maximum jusqu'à 65 ans, à une pension annuelle...
Cette pension est servie tant que dure l'état d'invalidité totale et que le personnel reçoit de la sécurité sociale, soit des indemnités journalières, soit une pension d'invalidité de deuxième catégorie au minimum.
Elle cesse d'être versée :
- Lorsque les conditions ci-dessus ne sont plus remplies,
- En cas d'attribution de la pension vieillesse de la sécurité sociale au titre de l'inaptitude au travail...
A la date d'entrée en jouissance de la pension RPP
En tout état de cause au plus tard à la fin du mois où l'intéressé atteint l'âge de 65 ans » ;
** Le second : Issu du protocole d'accord du 8 décembre 1988 portant harmonisation des régimes de prévoyance des personnels salariés de base et échelons intermédiaires des services extérieurs de production de la compagnie d'assurances UAP, notamment en son article 3.6.
Il prévoit une rente, dont les modalités de calcul sont précisées ainsi :
« Du 25ème mois au jour de la liquidation des droits à la retraite de la sécurité sociale : 80 %
L'article 4.3 du règlement prévoit que :
« La rente annuelle est payable par quart, trimestriellement, à terme échu. Elle prend effet dès le classement de l'assuré par la sécurité sociale dans l'une des catégories d'invalides.
Le service de la rente cesse :
A la date à laquelle prend fin le service de la rente de la Sécurité Sociale
Au dernier jour du trimestre civil qui suit le 60ème anniversaire de l'assuré.
La rente est servie à l'assuré tant que dure le contrat de travail, à l'assuré lui-même après rupture du contrat »
Sur la nullité du jugement :
Les sociétés appelantes qui sollicitent l'application intégrale des dispositions des articles sus-visés, demandent à la Cour d'annuler la décision déférée. Elles exposent que :
Pour faire droit à la demande, le conseil de prud'hommes a invoqué d'office, sans avoir invité les parties à s'en expliquer préalablement, les dispositions de la convention collective des échelons intermédiaires, et notamment le protocole d'accord du 21 décembre 1978.
Il n'est pas contesté en cause d'appel que ce protocole d'une part n'est plus applicable, et que d'autre part, il a été invoqué sans débat préalable, et sans que les parties aient été mises en mesure de s'en expliquer.
Il s'ensuit que par application des dispositions des articles 7, 8, 12, 16 du code de procédure civile, la décision déférée est entachée de nullité.
Les parties ayant conclu au fond, la Cour usera de son pouvoir d'évocation.
Sur le fond :
L'intimé qui ne reprend pas en cause d'appel l'argumentation fondée sur le texte litigieux sus-visé, invoque le caractère abusif de la clause qui lui est opposée.
Il soutient que les contrats de groupe souscrits par ses employeurs sont soumis au code des assurances, et en tant que tels soumis au code de la consommation qui prohibe les clauses abusives.
Il se réfère à un avis 06/01de la commission des clauses abusives, ainsi libellé :
« Aucune prise en charge ne pourra intervenir dès la fin du mois où survient l'événement suivant :
- liquidation de toute pension de retraite
- Départ ou mise à la retraite
- Cessation d'activité professionnelle ».
Il est à préciser que cet avis concernait une assurance de groupe souscrite comme accessoire à un contrat de prêt à la consommation d'un particulier.
En l'espèce, l'assurance de groupe souscrite par les employeurs et dont monsieur X. bénéficiait de manière obligatoire par l'effet de son contrat de travail n'a pas été souscrite par lui-même, mais par des sociétés qui ne peuvent se prévaloir de la qualité de consommateurs au sens du code de la consommation en ses articles L. 132-1 et R. 132-6. Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient monsieur X., ces dispositions relatives aux clauses abusives ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.
Il convient dès lors de se référer aux clauses claires et précises des contrats d'assurance de groupe, tels que reproduites ci-dessus, qui prévoient de manière explicite la cessation du versement des prestations dès lors que le bénéficiaire perçoit une pension de vieillesse pour cause d'invalidité.
Il résulte des documents versés aux débats que monsieur X. a reçu à une date non précisée, un courrier de la CPAM l'avertissant de ce que sa pension d'invalidité allait être remplacée par une pension de retraite lorsqu'il aurait atteint l'âge de 60 ans. Il lui était encore précisé que :
« Si vous exercez une activité salariée, il vous est possible de surseoir à la liquidation de votre pension de retraite ».
Monsieur X., n'a pas sollicité de sursis, et la pension a été liquidée à compter du 1er octobre 2008.
Ayant sollicité de la part de son employeur que celui-ci le place en situation de retraite, il lui a été répondu que cette demande devait être effectuée par ses soins, aux fins de lui permettre de percevoir les mensualités de retraite complémentaire. Il n'a pas donné suite à cette démarche.
Cependant, en vertu des termes clairs et précis, qui ne nécessitent pas d'interprétation, des clauses des contrats sus-évoqués, il ne disposait plus depuis le mois d'octobre 2008, de droits à percevoir les indemnités complémentaires des régimes de prévoyance, et il lui appartient de solliciter auprès de l'organisme compétent les prestations de retraite complémentaire auxquelles il ouvre droit de par sa situation de retraité de la CNAV.
Sur le remboursement des sommes perçues en exécution du jugement :
Il est de droit en cas d'infirmation et n'a pas besoin d'être spécifiquement ordonné.
Les sommes dues produiront intérêts à compter du présent arrêt.
La capitalisation sollicitée sera ordonnée dès lors que les intérêts seront dus depuis plus d'une année par application des dispositions de l’article 1154 du code civil.
Sur les frais et dépens :
Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles, monsieur X. succombant étant condamné aux dépens éventuels de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant par arrêt contradictoire :
ANNULE la décision déférée et statuant sur le fond :
DEBOUTE Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes
DIT que les sommes dues en exécution du présent arrêt produiront intérêts au taux légal à compter de celui-ci
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière par application des dispositions de l’article 1154 du code civil
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens éventuels de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
G. DANIELLOU A. POUMAREDE
- 5840 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Régime général
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat