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TI NIORT, 7 octobre 1998

Nature : Décision
Titre : TI NIORT, 7 octobre 1998
Pays : France
Juridiction : Niort (TI)
Demande : 11-98-000709
Date : 7/10/1998
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 28/08/1998
Numéro de la décision : 811
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3093

TI NIORT, 7 octobre 1998 : RG n° 11-98-000709 ; jugement n° 811

 

Extraits : 1/ « Attendu que conformément à l'article 12 du nouveau code de procédure civile, le Juge a pour mission de rechercher la règle de droit applicable, afin de vérifier le fondement juridique de la demande ; Que tel est le cas lorsque malgré l'absence de preuve de la régularité de l'offre le prêteur réclame les sommes prévues aux articles L. 311-29 et suivants du code de la consommation au lieu de celles déterminées par l'article L. 311-33 du même code ».

2/ « Attendu en outre que l'offre de crédit de 32.000,00 Francs aggrave nettement les prévisions du modèle-type au détriment de l'emprunteur en prévoyant notamment la résiliation du prêt dans les cas suivants : - non paiement des sommes échues tant au titre du présent crédit que de tout autre consenti par le prêteur qu'au titre de l'assurance souscrite en garantie, - dégradation importante et permanente de la situation de l'emprunteur notamment en cas d'impayés, d'interdiction bancaire ou inscription dans les fichiers tenus par la Banque de France, révélant des difficultés de paiement, - poursuites judiciaires mettant en péril, la créance ou les garanties de prêteur notamment saisies sur comptes, avis à tiers détenteur ... ou toutes autres formes de poursuites, - mise sous régime d'incapacité ; ... à moins que son conjoint ou ses héritiers directs ou un ou plusieurs d'entre eux ne s'engagent, après accord du prêteur à continuer le présent prêt dans les mêmes conditions que leur auteur placé sous régime d`incapacité ;

Attendu en effet que les trois premiers ces de résiliation cité ci-dessus, par leur très grande généralité, permettent au prêteur de se saisir de la moindre difficulté financière de l'emprunteur, fût-elle étrangère à l'exécution du prêt objet de l'offre préalable, voire même à l'ensemble des relations soumises entre les deux parties ; qu'en agissant ainsi, et alors que le prêt est honoré, la société de crédit peut provoquer la déchéance du terme quitte à entraîner la déconfiture de l'emprunteur ; qu'en effet, malgré les difficultés rencontrées, l'emprunteur peut éventuellement continuer à respecter certains engagements, ne fût-ce que pour prévenir une dégradation de sa situation ;

Attendu que la possibilité de résiliation en cas de mise sous régime d'incapacité de l'emprunteur, indépendamment de tout incident de paiement, n'a aucun lien avec l'exécution du contrat ; qu'en outre il est difficile de voir en quoi la mise sous tutelle ou sous curatelle est susceptible de menacer l'exécution du prêt, et ce d'autant plus que la mesure de protection adoptée par le juge des tutelles est justement destinée à garantir la bonne gestion du patrimoine de la personne protégée ; qu'en outre, la mesure d’incapacité étant la conséquence d'une affectation de santé, un tel cas de résiliation apparaît comme discriminatoire ;

Que ces clauses revêtant un caractère abusif qui aggrave manifestement la l'emprunteur par rapport au modèle-type n°1 applicable à l'espèce ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE NIORT

JUGEMENT DU 7 OCTOBRE 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-98-000709. Jugement n° 811.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 7 octobre 1998, Sous la Présidence de Monsieur Philippe FLORES, Juge d’Instance, assisté de Madame Gisèle SEMUR, Greffier ; Après débats à l'audience du 23 septembre 1998, le jugement suivant a été rendu ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

[Crédit Agricole de Charente-Maritime]

[adresse], représenté(e) par SCP WIEHN BESNARD DABIN, avocat du barreau de NIORT

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée, la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] a consenti à Mr X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 10.000,00 Francs ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts au taux effectif global de 14,50 % calculés sur les sommes utilisées.

Selon offre préalable acceptée, la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] a consenti à Mr X. un crédit de 32.000,00 Francs, remboursable en 36 mensualités de 1.008,67 F, incluant les intérêts au taux effectif global de 9,93 %.

Mr X. disposait également d'un compte de dépôt ouvert sous le n° XX.

Par acte du 28 août 1998, la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] a fait assigner Mr X. afin d'obtenir avec exécution provisoire, leur condamnation au paiement des sommes suivantes :

- 25.028,52 Francs pour solde du prêt personnel avec les intérêts à 8,4 % à compter du 15 août 1995 sur 19.635,26 Francs,

- 10.058,26 Francs pour solde de l'ouverture de crédit.

[minute page 2] Assigné à domicile, Mr X. n'a pas comparu.

Le Tribunal a interrogé les parties sur le moyen soulevé d'office, tiré du manquement aux articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Que la requérante s'en est remise à justice.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;

 

Sur la demande principale :

Attendu qu'il résulte de l'article L. 311-33 du code de la consommation, dont les dispositions sont d'ordre public en application de l'article L. 311-16 du même code, que la déchéance du droit aux intérêts encourue en cas d'inobservation des règles d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation, relatives à la forme de l'offre préalable, ne peuvent être couvertes par une renonciation même expresse ;

Attendu en effet, qu'il existe deux régimes de fixation de la créance du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur :

- les articles L. 311-29 à L. 311-31 et R. 311-6 et suivants du code de la consommation lorsque l'offre est conforme aux articles L. 311-8 et suivants ;

- l'article L. 311-33 du code de la consommation lorsque la preuve de la régularité de l'offre n'est pas rapportée ;

Que conformément à l'article 1315 du code civil il appartient au prêteur d'établir qu'il a satisfait aux formalités prescrites par les textes sus-visés (Civ 1ère, 10 avril 1996, D. 1996, II, p 527, note T. Hassler ; voir également en ce sens, H. C., argumentaire n° 9, Procédures, éditions du Jurisclasseur janvier 1997 ; Contrat conc. consom. 1996, comm. 115) ;

Attendu que conformément à l'article 12 du nouveau code de procédure civile, le Juge a pour mission de rechercher la règle de droit applicable, afin de vérifier le fondement juridique de la demande ;

Que tel est le cas lorsque malgré l'absence de preuve de la régularité de l'offre le prêteur réclame les sommes prévues aux articles L. 311-29 et suivants du code de la consommation au lieu de celles déterminées par l'article L. 311-33 du même code ;

Attendu qu'en l'espèce force est de constater que :

- l'article L. 311-37 du code de la consommation n'est pas reproduit intégralement, le texte n'étant pas conforme aux termes issus de la loi du 8 février 1995 entrée en vigueur le 1er août 1995 alors que la reproduction de ce texte est exigée par l'article L. 311-10 du code de la consommation (prêt de 32.000,00 Francs) ;

- [minute page 3] le pavé financier est incorrectement et incomplètement renseigné (mention exigée par les articles L. 311-10, L. 311-13 du code de la consommation et le modèle-type n° [1] applicable à l'espèce (prêt de 32.000,00 Francs) ;

- l'offre préalable a été imprimée partiellement au moyen de caractères d'imprimerie inférieure au corps 8, alors que l'article R. 311-6 al. 2 du code de la consommation fixe au corps 8 la taille minimale du graphisme (CA Lyon, 9 juillet 1992, Gaz. Pal. 23 et 26 novembre 1994, p. 40), (prêt de 32.000,00 Francs et ouverture de crédit de 10.000,00 Francs) ;

- le bordereau de rétractation n'indique pas la date d'expiration du délai de réflexion, alors que cette mention est exigée par l'article R. 311-6 du code de la consommation, ni qu'aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur figure au verso (Civ. 1ère, 8 juillet 1997 JCP 1997 éd. E n° 31-35), (prêt de 32.000,00 Francs et ouverture de crédit de 10.000.00 Francs) ;

Attendu en outre que l'offre de crédit de 32.000,00 Francs aggrave nettement les prévisions du modèle-type au détriment de l'emprunteur en prévoyant notamment la résiliation du prêt dans les cas suivants :

- non paiement des sommes échues tant au titre du présent crédit que de tout autre consenti par le prêteur qu'au titre de l'assurance souscrite en garantie,

- dégradation importante et permanente de la situation de l'emprunteur notamment en cas d'impayés, d'interdiction bancaire ou inscription dans les fichiers tenus par la Banque de France, révélant des difficultés de paiement,

- poursuites judiciaires mettant en péril, la créance ou les garanties de prêteur notamment saisies sur comptes, avis à tiers détenteur ... ou toutes autres formes de poursuites,

- mise sous régime d'incapacité ; ... à moins que son conjoint ou ses héritiers directs ou un ou plusieurs d'entre eux ne s'engagent, après accord du prêteur à continuer le présent prêt dans les mêmes conditions que leur auteur placé sous régime d`incapacité ;

Attendu en effet que les trois premiers ces de résiliation cité ci-dessus, par leur très grande généralité, permettent au prêteur de se saisir de la moindre difficulté financière de l'emprunteur, fût-elle étrangère à l'exécution du prêt objet de l'offre préalable, voire même à l'ensemble des relations soumises entre les deux parties ; qu'en agissant ainsi, et alors que le prêt est honoré, la société de crédit peut provoquer la déchéance du terme quitte à entraîner la déconfiture de l'emprunteur ; qu'en effet, malgré les difficultés rencontrées, l'emprunteur peut éventuellement continuer à respecter certains engagements, ne fût-ce que pour prévenir une dégradation de sa situation ;

Attendu que la possibilité de résiliation en cas de mise sous régime d'incapacité de l'emprunteur, indépendamment de tout incident de paiement, n'a aucun lien avec l'exécution du contrat ; qu'en outre il est difficile de voir en quoi la mise sous tutelle ou sous curatelle est susceptible de menacer l'exécution du prêt, et ce d'autant plus que la mesure de protection adoptée par le juge des tutelles est justement destinée à garantir la bonne gestion du patrimoine de la personne protégée ; qu'en outre, la mesure d’incapacité étant la conséquence d'une affectation de santé, un tel cas de résiliation apparaît comme discriminatoire ;

Que ces clauses revêtant un caractère abusif qui aggrave manifestement la l'emprunteur par rapport au modèle-type n°1 applicable à l'espèce ;

[minute page 4] Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris 27 octobre 1987, D. 87, IR, 249) ; qu'il s'agit d'une sanction automatique qui affecte la créance du prêteur dès la conclusion du contrat de crédit ;

Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant du, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass. avis, 8 octobre 1993, D. 1993, IR n° 48 ; Civ. 1ère 30 mars 1994, D. 94 IR p. 101 ; Civ. 1ère 10 avril 1996, note T. Hassler déjà citée) ;

Que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du code de la consommation et l'article 2 du décret du 17 mars 1978 ;

Que la créance du Crédit Agricole s'établit comme suit :

- pour l'ouverture de crédit :                 8.943,55 Francs

- pour le prêt de 32.000.00 Francs :               

* capital emprunté depuis l'origine :      32.000,00 Francs

* sous déduction des versements :        11.140,17 Francs

TOTAL                                              20. 859,83 Francs

Attendu que les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation sont applicables tant au crédit à titre onéreux qu'à titre gratuit, or ce dernier type de prêt n'ouvre droit qu'aux intérêts légaux à compter de son échéance ou de la déchéance du terme, de sorte que limiter la déchéance du droit aux intérêts aux seuls intérêts conventionnels, reviendrait à priver le crédit gratuit de la sanction prévue par l'article L. 311-3 du code de la consommation ;

Attendu par ailleurs, que dans la mesure où l'article L. 311-33 du code de la consommation ne distingue pas entre intérêts légaux ou conventionnels, il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux catégories d'intérêts ;

Que de surcroît, l'article L. 311-33 limite clairement l'obligation de l'emprunteur au seul remboursement du capital et déroge à l'article L. 311-30 du code de la consommation qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, les sommes restant dues produisent intérêts de retard au taux conventionnel, ledit texte constituant une des exceptions prévues par le 3ème alinéa de l'article 1153 du code civil ;

Qu'enfin, l'article 1153-1 du code civil est inapplicable puisque le jugement ne porte pas condamnation à indemnité ;

Qu'il en découle que la déchéance du droit aux intérêts est absolue et que la créance de la société de crédit ne produit aucun intérêt ;

 

Sur l'exécution provisoire :

Attendu qu'aucune circonstance particulière ne vient justifier l'exécution provisoire ;

[minute page 5] Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

Sur les dépens :

Attendu que la partie succombante doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en dernier ressort,

Constate que la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] est déchue du droit aux intérêts conventionnels ou légaux, en application des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation ;

Condamne Mr X. à payer à la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] la somme de 20.859,83 Francs du crédit de 31.000,00 Francs le tout sans intérêts ;

Et statuant en dernier ressort,

Condamne Mr X. payer la [Caisse du Crédit Agricole de Charentes-Maritimes] la somme de 8.943,55 Francs pour solde du prêt open ;

Déboute le Crédit Agricole du surplus de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du nouveau code Procédure civile

Condamne Mr X. à régler les entiers dépens ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

Le Greffier,               Le Juge d’Instance