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6057 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur – Principes et Discriminations

Nature : Synthèse
Titre : 6057 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur – Principes et Discriminations
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6057 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - RESPECT DES DROITS ET LIBERTÉS DU CONSOMMATEUR - PRINCIPES ET REFUS DES DISCRIMINATIONS

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. Les stipulations imposées par le professionnel peuvent parfois concerner les droit et libertés de consommateur ou des non-professionnels. Ces droits et libertés sont bien évidemment protégés contre les atteintes non consenties commises par des tiers. En revanche, la liberté individuelle et la liberté contractuelle peuvent autoriser leur titulaire à les restreindre. Lorsque le titulaire de la liberté a librement consenti à une telle restriction, la protection classique peut s’avérer parfois inopérante.

Lorsque le contrat entre dans le domaine de l’art. L. 212-1 C. consom. anciennement l’art. 132-1 C. consom., la stipulation imposant une atteinte disproportionnée à un droit ou une liberté du consommateur, sans justification nécessaire pour l’exécution du contrat, peut être considérée comme étant à l’origine d’un déséquilibre significatif, comme l’illustrent certaines des décisions consultées. En la matière, la protection contre les clauses abusives peut contribuer à une meilleure protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles, contre des atteintes apparemment volontaires, mais en réalité imposées.

Comp. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I [L. 442-1-I] C. com., le retour en arrière sur la sanction des discriminations, Cerclab n° 6184.

Discrimination des consommateurs en raison de leur localisation géographique. Est abusive la clause imposant que la carte bancaire ou/et le compte bancaire soient domiciliés en France métropolitaine dès lors, notamment, qu’elle est discriminatoire pour les français vivant outre-mer à qui elle impose de posséder un compte en France métropolitaine. TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (clause également contraire à la Directive européenne relative à la liberté de circulation des marchandises au sein de l’espace européen ; même solution pour la clause exigeant en cours de contrat l’accord préalable et écrit du fournisseur pour le transfert des prélèvements sur un autre compte bancaire devant aussi être domicilié en France métropolitaine), sur appel CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 (clause plus discutée en appel).

Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 avril 2011 : RG n° 08/21750 ; arrêt n° 102 ; Cerclab n° 3007 (clause de résiliation ad nutum d’un diffuseur de presse avec préavis de 48 heures, alors que le diffuseur ne peut résilier que pour des motifs limitatifs ; cette clause du contrat-type est manifestement abusive, notamment au regard de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] et 5° [L. 442-1-II] C. com., même si il est indiqué que l'abus peut donner droit à une indemnité, ce qui n'est qu'un rappel du droit commun, dès lors qu'elles ont pour effet de rendre le distributeur autre que parisien, sans que cette discrimination soit justifiée, totalement dépendant sans contrepartie clairement identifiable), sur appel de T. com. Paris, 27 octobre 2008 : RG n° 2006/033534 ; Dnd.

Discrimination des consommateurs en fonction de leur âge. La Commission des clauses abusives recommande d’éliminer les clauses opérant une discrimination permettant au professionnel de résoudre le contrat pour des motifs fondés sur l’âge des occupants. Recomm. 94-04/B-1° : Cerclab n° 2162. (considérant n° 3 ; hypothèse visée : clauses permettent au professionnel de résoudre le contrat, après sa conclusion, lorsque les locataires sont des « groupes de jeunes » ; clauses manifestement illicites).

Caractère abusif de la clause relative aux nuisances occasionnées par certains occupants, ne respectant par le principe de non-discrimination en prenant en considération l’âge des locataires (« les jeunes »), mais absence de caractère abusif de la clause rectifiée qui, en ne désignant plus que les occupants, rétablit une prescription acceptable, qui constitue un simple rappel, adapté aux circonstances, dans le cadre d’une résidence de vacances, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. [L. 212-1 nouveau], des règles générales énoncées à l’art. 1728-1 C. civ. TGI Grenoble (4e ch. civ.), 17 novembre 2003 : RG n° 2002/04936 ; jugt n° 242 ; Site CCA ; Cerclab n° 3174. § V. aussi : TI Roubaix 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000681 ; site CCA ; Cerclab n° 4112 (crédit renouvelable ; clause abusive : la clause de résiliation lorsque l’emprunteur atteint l’âge de 75 ans constitue une discrimination fondée sur l’âge ou sur l’état de santé qui est contraire au principe d’égalité des consommateurs devant la loi, le jugement écartant l’argument tiré de la perte éventuelle de la couverture par l’assurance).

Pour des décisions plus conciliantes : absence de caractère abusif de la clause exigeant que le locataire dispose du permis depuis au moins un an et qu’il soit âgé de plus de 21 ans. CA Grenoble (1re ch. civ.), 11 juin 2001 : RG n° 99/04486 ; arrêt n° 403 ; Cerclab n° 3116 ; Juris-Data n° 2001-171268 (location de voitures ; clause protégeant les jeunes conducteurs et les intérêts financiers du loueur, compte tenu de la fréquence des accidents et du coût des assurances), confirmant partiellement TGI Grenoble (6e ch.), 16 septembre 1999 : RG 98/00991 ; jugt n° 343 ; Cerclab n° 3159 (critère objectif pour la durée du permis, mais insuffisamment justifié pour l’âge, le caractère abusif de la clause n’étant pas couvert par l’octroi de dérogation appréciée unilatéralement par le loueur).

Autres illustrations de clauses instituant abusivement une discrimination. V. par exemple : TI Rennes, 27 juin 2000 : RG n° 99/001247 ; Cerclab n° 1768 ; Banque et droit novembre-décembre 2001. 46, obs. Guillot (clause abusive ; liquidation judiciaire, déconfiture ou cession de l’entreprise dans le cadre d’une procédure collective de l’emprunteur, le co-emprunteur ou la caution ; arg. clause créant une discrimination entre les consommateurs selon leur activité professionnelle) - TI Niort, 7 octobre 1998 : RG n° 11-98-000709 ; jugt n° 811 ; Cerclab n° 3093 (ouverture de crédit ; clause abusive de résiliation en cas de mise sous régime d'incapacité à moins que son conjoint ou ses héritiers directs ou un ou plusieurs d'entre eux ne s'engagent, après accord du prêteur à continuer le présent prêt dans les mêmes conditions que leur auteur placé sous régime d`incapacité ; arguments retenus parmi d’autres : la mesure d’incapacité étant la conséquence d'une affectation de santé, un tel cas de résiliation apparaît comme discriminatoire).

Rappr. pour une rédaction offrant un droit discrétionnaire de sélection au professionnel, pouvant dissimuler une discrimination ou un refus de contracter : caractère abusif des clauses permettant au professionnel de refuser toute adhésion qui lui paraîtrait contraire à ses intérêts. Recomm. n° 2002-01/B-8 : Cerclab n° 2197 (vente de listes ; considérant n° 8-B ; clause abusive en ce qu’elle accorde au professionnel un pouvoir discrétionnaire de refuser ses services, confinant ainsi au refus de prestations, en dissuadant le consommateur de se plaindre).

Pour une condamnation de l’argument par la Cour de cassation : CA Amiens (1re ch. civ.), 1er octobre 2015 : RG n° 14/02128 ; Cerclab n° 6690 ; Juris-Data n° 2015-025601 (arrêt retenant que cette clause était discriminatoire en ce qu’elle prévoit une situation plus défavorable pour les colocataires par rapport aux couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, pour lesquels aucune sanction n’est prévue en cas de congé donné par l’un des deux au bailleur), cassé par Cass. civ. 3e, 12 janvier 2017 : pourvoi n° 16-10324 ; arrêt n° 37 ; Cerclab n° 6688 (la stipulation de solidarité, qui n’est pas illimitée dans le temps, ne crée pas au détriment du preneur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat).

Utilisation inversée : clause assurant un traitement égalitaire. Adoption des motifs des premiers juges qui ont retenu qu'au regard de la définition de la prestation hébergement donnée par l’art. R. 314-159 CASF, lequel ne fait pas de distinction entre les personnes âgées selon qu’elles sont dépendantes ou non dépendantes, seule la prestation restauration est susceptible d'individualisation et donc de déduction du tarif hébergement. CA Grenoble (1re ch. civ.), 14 octobre 2013 : RG n° 11/01878 ; Cerclab n° 4561 (clause stipulant qu’« en cas de décès, la facturation du tarif hébergement, minorée des charges relatives à la restauration prévue dans le cadre III des conditions particulières au contrat séjour, continue de courir jusqu'à la libération complète de la chambre et sa remise en état »), sur appel de TGI Grenoble, 21 février 2011 : RG n° 09/03439 ; Dnd. § V. aussi pour une solution similaire, condamnée en appel : TGI Grenoble, 5 novembre 2012 : RG n° 09/03438 ; Dnd (clause conforme au règlement départemental d'aide sociale, alors qu'aucun motif ne justifie un traitement différent entre les personnes bénéficiaires de l'aide sociale et les autres), infirmé par CA Grenoble (1re ch. civ.), 16 juin 2015 : RG n° 12/05633 ; Cerclab n° 5248 (la circonstance qu’une clause d’un contrat d’hébergement de personnes âgées qui impose le paiement de la chambre pendant les trois jours suivant la libération effective de la chambre est insérée au règlement départemental d'aide sociale n'est pas en soi de nature à exclure son caractère abusif).

V. aussi, tirant un argument en faveur de l’absence de caractère abusif du fait que la clause est la même pour tous les contractants du professionnel : TGI Amiens (1re ch.), 18 janvier 2006 : RG n° 05/00395 ; Cerclab n° 3809 (absence de caractère abusif de la clause définissant l’invalidité permanente et absolue comme, cumulativement, plaçant l’assuré dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée, avec l’obligation de recourir de façon constante à l’assistance totale d’une tierce personne pour l’ensemble des actes ordinaires de la vie et dans la limite de 65 ans, dès lors que cette clause, qui apparaît dans tous les contrats de cet assureur, recouvre une situation réelle dans laquelle peuvent se trouver des personnes malades ou accidentée), confirmé pour d’autres motifs par CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 22 mars 2007 : RG n° 06/00593 ; Cerclab n° 2228 (impossibilité d’examiner le caractère abusif d’une clause définissant l’objet principal du contrat).

V. aussi pour l’argument d’un constructeur automobile indiquant qu’il met à la disposition de son réseau de concessionnaires des conditions générales de vente qu'il a lui-même rédigées et fait imprimer dans un souci d'harmonisation au profit des consommateurs et pour éviter toute discrimination. TGI Grenoble (6e ch.), 6 septembre 2001 : RG n° 2000/552 ; jugt n° 239 ; Cerclab n° 3165 (vente de voiture).

Discrimination entre professionnels. Manque en fait le moyen tiré de ce que les dispositions du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique, contrat approuvé par le décret du 6 avril 1999, ne seraient applicables qu’aux entreprises du secteur public et introduiraient en conséquence une distorsion de concurrence à leur profit, alors que ce décret d’appliquer aux transports publics définis par l’art. 5 de la loi du 30 décembre 1982 comme « les transports de personnes ou de marchandises, à l’exception des transports qu’organisent pour leur propre compte des personnes publiques ou privées ». CE (10e et 9e sous-sect. réun.), 6 juillet 2005 : requête n° 261991 ; Cerclab n° 3349.

Clauses instaurant une égalité ou une inégalité entre les clients du professionnel. Les clauses qui précèdent instituent une différence de traitement entre les clients pouvant constituer des discriminations illégales. La situation peut être rapprochée des stipulations qui ne concernent que la clientèle du professionnel, soit pour justifier leur égalité de traitement, soit pour au contraire instituer des règles différentes. V. sur ce point Cerclab n° 6038.

Égalité des usagers devant le service public. Rappr. dans le cadre d’une situation unilatérale et réglementaire, rappelant le principe d’égalité des usagers, avant d’en faire une application restrictive lors de l’évolution dans le temps d’une tarification dans les contrats d’abonnement autoroutier : CE, 28 juillet 1995 : req. n° 126484 ; Cerclab n° 5203 (si le cahier des charges, annexé à la concession passée entre l’État et la société exploitante, subordonne la faculté d’offrir aux usagers des abonnements par carte à la seule condition que les modalités d’accès auxdits abonnements soient égales pour tous, les usagers, qui sont dans une situation unilatérale et réglementaire à l’égard de la société chargée de l’exploitation de l’autoroute, n’ont aucun droit acquis au maintien de la situation antérieure et la société est en droit de refuser la prorogation d’un ancien système, auquel elle a mis fin pour l’ensemble des usagers ; N.B. l’arrêt note aussi que, même moins avantageux, le nouveau tarif reste inférieur au tarif plein), annulant TA Nice, 26 mars 1991 : Dnd - CAA Nancy (1re ch.), 13 janvier 2005 : req. n° 00NC01130 ; Cerclab n° 5204 (une société concessionnaire d’autoroute a toujours la faculté d’offrir à ses usagers des formules d’abonnement, à la condition que les modalités d’accès auxdits abonnements soient les mêmes pour tous ; toutefois, les usagers de l’autoroute n’ont aucun droit à bénéficier d’un système d’abonnement qui n’est plus en vigueur à la date à laquelle ils en font la demande), sur appel de TA Châlons-en-Champagne, 30 mai 2000 : req. n° 99-435 ; Dnd.