TGI GRENOBLE (6e ch.), 14 novembre 2002

CERCLAB - DOCUMENT N° 3168
TGI GRENOBLE (6e ch.), 14 novembre 2002 : RG n° 2001/01608 ; jugement n° 199
(sur appel Grenoble (1re ch. civ.), 25 octobre 2004 : RG n° 03/00760 ; arrêt n° 633)
Publication : Site CCAB
Extrait : « Par application de l’article 12 des statuts, intitulé « cession de parts », M. X., qui est titulaire de deux groupes de parts, peut céder lesdites parts soit à des tiers étrangers à la Société avec le consentement préalable de la gérance, soit librement à un associé. Contrairement à ses allégations, M. X. peut donc parfaitement sortir de la société en trouvant un acquéreur et il n’est donc pas soumis à un engagement perpétuel. En revanche, M. X. ne dispose pas statutairement de la possibilité de se retirer de la Société. En effet, l’article 33 des statuts précise que le retrait d’un associé n’est possible qu’à la condition expresse que celui-ci soit titulaire de « l’ensemble des parts donnant droit à la jouissance pendant toute l’année, d’au moins une unité d’habitation composant les biens sociaux ». Cet article ne saurait être qualifié d’abusif puisque l’article L. 132-1 du Code de la Consommation est inapplicable à l’espèce, la SC CHAMROUSSE avec laquelle M. X. a contracté étant une société civile et non commerciale, qui n’existe qu’à travers l’ensemble des associés ayant mis en commun des biens et leur gestion et qui est régie par les articles 1832 et suivants du Code Civil. Au surplus, le fait que la loi 98-566 du 8 juillet 1998, relative à la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers, ait été codifiée dans le code de la consommation, ne rend pas l’ensemble des articles de ce code applicable au cas d’espèce, qui n’est nullement concerné par la loi du 8 juillet 1998 instaurant l’obligation d’information de l’acquéreur, la publicité de l’offre et un délai de rétractation »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
SIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 14 NOVEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 200101608. Jugement n° 299.
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Représenté par Maître ROBERT, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D’UNE PART
ET :
DÉFENDEUR(S) :
SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la Société MULTIGESTION SA, ayant son siège [adresse], Représentée et plaidant par Maître BAGRAMOFF, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D’AUTRE PART
[minute page 2]
LE TRIBUNAL : À l’audience publique du 10 octobre 2002, tenue par Madame N. VIGNY, Juge Rapporteur, assistée par C. SEIGLE-BUYAT, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l’affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 14 novembre 2002.
Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l’article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : Ph. GREINER, Vice-Président, N. VIGNY, Juge, B. DEMARCHE, Juge, assistés par F. COLLIOUD, Greffier.
Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
M. et Mme X. ont acquis dans la SOCIÉTÉ CIVILE CLUBHOTEL CHAMROUSSE, devenue SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE :
* le 9 novembre 1973, 8 parts sociales, catégorie 18, correspondant à la période d’occupation du mois d’août d’un local référencé S424, pour le prix de 7.500 Francs,
* le 17 février 1979, 8 autres parts sociales, correspondant également à une occupation au mois d’août, pour un prix de 12.000 Francs.
Par courrier du 4 janvier 1996, M. X. a indiqué à la SA MULTIGESTION, gérante de la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE, son intention de céder ses parts et a confié à cette fin un mandat de vente à la Société gérante.
Aucune cession n’ayant pu se réaliser, M. X. a informé la Société gérante, par lettre recommandée du 25 août 1999, de sa décision de retrait de la Société Civile à titre gratuit par abandon de ses parts.
Par courrier du 30 décembre 1999, la Société gérante lui a indiqué que conformément à l’article 33 des statuts, le retrait n’est possible que si l’associé est propriétaire de l’ensemble des parts de l’appartement sur toute l’année et que sa demande ne pouvait être acceptée puisqu’il n’est propriétaire que d’une seule période sur 19.
C’est dans ces conditions que par acte d’huissier du 21 mars 2001, M. X. a fait assigner la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE aux fins [minute page 3] de voir dire et juger avec exécution provisoire :
- que les clauses statutaires (articles 12 et 33) de la SOCIÉTÉ CIVILE CLUBHOTEL CHAMROUSSE s’apparentent à un engagement perpétuel et sont donc illicites,
- que l’article 33 des statuts constitue une clause abusive réputée non écrite,
- que la demande aux fins de retrait de la Société Civile est valable,
- que le jugement à intervenir vaudra vente à compter du 25 août 1999,
- que les charges postérieures au 25 août 1999, soit 15.681,90 Francs ne sont pas dues.
M. X. sollicite en outre la condamnation de la défenderesse aux dépens et à lui payer 15.000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOYENS DES PARTIES :
M. X. fait essentiellement valoir :
- que ne pouvant vendre ses parts depuis 1996, ni les céder, ni se retirer de la Société Civile par application des articles 12 et 33 des statuts, il est confronté à un engagement perpétuel sanctionné en droit par la nullité absolue de l’engagement ;
- que l’article 1869 du Code Civil a vocation à s’appliquer aux termes de l’article 1er de la loi du 6 janvier 1986 relative aux Sociétés d’attribution d’immeuble en jouissance à temps partagé et que l’impossibilité de se retirer de la Société Civile, de céder ou de vendre ses parts en raison de la situation conjoncturelle constituent de justes motifs pour qu’il soit autorisé par jugement à se retirer de la société,
- que subsidiairement, l’article 33 des statuts doit être qualifié de clause abusive par application de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE ayant en réalité une activité commerciale et pouvant être considérée comme un professionnel, le droit de la consommation étant au surplus applicable aux acquéreurs de l’utilisation à temps partiel de biens immobiliers selon la loi 98-566 du 8 juillet 1998, codifiée dans le Code de la Consommation ;
- qu’il a solennellement fait part de son retrait le 25 août 1999 et qu’en conséquence les charges correspondant aux périodes postérieures à cette date ne sont pas dues.
[minute page 4]
LA SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE, représentée par son gérant la SOCIÉTÉ MULTIGESTION, conclut au débouté des demandes et sollicite reconventionnellement le paiement de 2.391 euros au titre des appels de fonds de l’exercice 1998/1999 ainsi que le paiement de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La défenderesse fait valoir :
- qu’en sa qualité d’associé, M. X. est soumis aux statuts de la SC qui font la loi entre les parties et que si par application de l’article 33 desdits statuts il ne peut se retirer de la société, il peut parfaitement en sortir en cédant le groupe de parts dont il est propriétaire par application de l’article 12 des mêmes statuts ; qu’en conséquence, il n’est pas lié par un engagement perpétuel ;
- que la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE, régie par les articles 1832 et suivants du Code Civil, n’exerce aucun métier et n’existe qu’à travers l’ensemble de ses associés qui ont décidé de mettre en commun des biens en vue de profiter de l’économie qui pourrait en résulter ; qu’en conséquence le droit de la consommation est inapplicable aux rapport ; entre les associés et la Société, la loi du 8 juillet 1998 relative à l’information et à la protection des acquéreurs, ne concernant pas le cas d’espèce et M. X. ayant adhéré à des statuts auxquels il doit se soumettre par application de l’article 1134 alinéa 1er du Code Civil ;
- qu’enfin la Cour de Cassation a déjà tranché le litige dans une espèce similaire en retenant que le retrait des associés est impossible, de sorte que M. X. ne peut invoquer l’article 1869 du Code Civil pour tenter un retrait unilatéral ;
- que M. X., toujours détenteur de parts, est redevable des appels de fonds émis par la société.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
M. X. a acquis en 1973 et 1979 des parts de la SOCIÉTÉ CIVILE CLUBHOTEL CHAMROUSSE devenue SC CHAMROUSSE lui donnant des droits d’occupation et de jouissance pendant la période d’août sur le local S 424 et le local S 413. Par cette acquisition, il est devenu associé de la Société Civile et a adhéré à ses statuts qui font la loi des parties.
Par application de l’article 12 des statuts, intitulé « cession de parts », M. X., qui est titulaire de deux groupes de parts, peut céder lesdites parts soit à des tiers étrangers à la Société avec le consentement préalable de la gérance, soit librement à un associé.
Contrairement à ses allégations, M. X. peut donc parfaitement sortir de la société en trouvant un acquéreur et il n’est donc pas soumis à un [minute page 5] engagement perpétuel.
En revanche, M. X. ne dispose pas statutairement de la possibilité de se retirer de la Société. En effet, l’article 33 des statuts précise que le retrait d’un associé n’est possible qu’à la condition expresse que celui-ci soit titulaire de « l’ensemble des parts donnant droit à la jouissance pendant toute l’année, d’au moins une unité d’habitation composant les biens sociaux ».
Cet article ne saurait être qualifié d’abusif puisque l’article L. 132-1 du Code de la Consommation est inapplicable à l’espèce, la SC CHAMROUSSE avec laquelle M. X. a contracté étant une société civile et non commerciale, qui n’existe qu’à travers l’ensemble des associés ayant mis en commun des biens et leur gestion et qui est régie par les articles 1832 et suivants du Code Civil.
Au surplus, le fait que la loi 98-566 du 8 juillet 1998, relative à la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers, ait été codifiée dans le code de la consommation, ne rend pas l’ensemble des articles de ce code applicable au cas d’espèce, qui n’est nullement concerné par la loi du 8 juillet 1998 instaurant l’obligation d’information de l’acquéreur, la publicité de l’offre et un délai de rétractation.
Enfin et surtout, M. X. ne peut invoquer les dispositions de l’article 1869 du Code Civil pour tenter un retrait unilatéral, seul l’article L. 212-9 du Code de la Construction et de l’Habitation concernant les sociétés d’attributions étant applicable à l’espèce dès lors qu’aucune des dispositions de la loi du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagés n’y déroge.
Or, aux termes de l’alinéa 9 de l’article L. 212-9 du Code de la Construction et de l’habitation, le retrait d’un associé n’est pas possible si les statuts de la société ne prévoient que des attributions en jouissance.
Par voie de conséquence et conformément à la jurisprudence en la matière, M. X. ne peut se retirer de la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE.
M. X. étant toujours détenteur de parts sociales, il est redevable, conformément aux statuts et à l’article 3 de la loi du 6 janvier 1986 des appels de fonds émis par la SOCIÉTÉ CIVILE CHAMROUSSE et nécessités par la réalisation de son objet social s’élevant à 2.391 euros au titre de l’exercice 1998/1999.
En raison de la nature du litige, il n’est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
DÉBOUTE Monsieur X. de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la SC CHAMROUSSE la somme de 2.391 euros (deux mille trois cent quatre vingt onze euros) au titre des appels de fonds de l’exercice 1998/1999 ;
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.
Le présent jugement a été rédigé par N. VIGNY, Juge, et prononcé par P. GREINER, Président, qui a signé avec F. COLLIOUD, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
F. COLLIOUD Ph. GREINER
- 5840 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Clauses abusives - Régime général
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6132 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée indéterminée