CA NANCY (2e ch. civ.), 9 juin 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3237
CA NANCY (2e ch. civ.), 9 juin 2011 : RG n° 08/00946
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu sur le moyen tiré de la déchéance des intérêts, qu'il est constant que la Sa Cofidis, en portant le crédit utilisable sous forme de découvert disponible à hauteur de 2.000 euros par unavenant du 17 octobre 2003 qui prévoit par ailleurs que le montant maximum du découvert autorisé est de 8.000 euros et que « dès après le 5e arrêté de compte mensuel suivant l'ouverture de crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé », s'est dispensée par avance de proposer une nouvelle offre de crédit à son client en cas de dépassement du découvert de 2.000 euros initialement choisi par ce dernier, le privant ainsi, notamment, de la faculté, qui est d'ordre public, de rétracter son acceptation ; Qu'une telle clause qui crée un avantage excessif au profit du prêteur est abusive et doit être tenue pour non écrite ;
Or attendu, qu'aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à 13 dudit code est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 JUIN 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/00946. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de NANCY, R.G. n° 685/2007, en date du 5 mars 2008.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP MILLOT-LOGIER ET FONTAINE, avoués à la Cour, assisté de Maître Patrice BUISSON, avocat au barreau de NANCY, substitué à l'audience par Maître Maggy RICHARD, avocat au barreau de NANCY (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 08/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
INTIMÉE :
SA COFIDIS
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP Barbara VASSEUR, avoués à la Cour, assistée de Maître Béatrice DUGRAVOT, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 avril 2011, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, qui a fait le rapport, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 9 juin 2011, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 9 juin 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Christian MAGNIN, le Président de chambre empêché, et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable acceptée le 23 juin 1998, la Sa Cofidis a consenti à M. X. une ouverture de crédit utilisable par fractions pour un montant de 5.000 F. soit 762,25 euros remboursable par échéances mensuelles.
Le 12 janvier 2007, à la requête de la Sa Cofidis, a été délivrée une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de M. X., portant sur la somme de 3.297,16 euros due au titre de l'ouverture de crédit consentie le 23 juin 1998.
M. X. a formé opposition à cette ordonnance et soulevé la forclusion de l'action, le premier incident de paiement non régularisé remontant à la fin de l'année 1999.
La Sa Cofidis a sollicité la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 3.521,89 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,40 % à compter du 17 février 2006, ainsi qu'une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 5 mars 2008, le tribunal d'instance de Nancy a déclaré recevable l'opposition à l'injonction de payer et condamné M. X. à payer à la Sa Cofidis la somme de 3.297,15 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,40 % à compter du 17 février 2006, débouté la demanderesse du surplus de ses prétentions et condamné le défendeur aux dépens.
Le premier juge a relevé qu'il résulte des relevés de compte produits, que M. X. a versé à la Sa Cofidis la somme de 3.025,50 euros de sorte que par comparaison avec le total dû par périodes mensuelles, le dernier incident de paiement non régularisé se situe au 5 août 2005, date à laquelle la dette s'élevait à 3.058,18 euros ; qu'il n'y a pas lieu dès lors à la forclusion de l'article L. 311-37 du code de la consommation.
Sur les montants, le tribunal a supprimé l'indemnité contractuelle de 8 %, manifestement excessive au regard du taux d'intérêts pratiqué.
Suivant déclaration reçue le 10 avril 2008, M. X. a régulièrement relevé appel de ce jugement dont il a sollicité l'infirmation, demandant à la cour de :
- rejeter l'ensemble des demandes de la Sa Cofidis,
- déclarer l'action de la Sa Cofidis forclose,
- à titre subsidiaire, prononcer la déchéance des intérêts,
- condamner la Sa Cofidis au paiement d'une amende de 1.500 euros,
- lui octroyer un report de paiement de 24 mois conformément à l'article 1244-1 du code civil,
- condamner la Sa Cofidis aux dépens.
Il a exposé au soutien de son appel :
- que conformément à l'article L. 311-9 du code de la consommation, lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit offrant à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée du montant du crédit consenti, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial ou toute augmentation de crédit consenti ; qu'il appartient par ailleurs à l'organisme de crédit d'informer l'emprunteur trois mois avant l'échéance du contrat limité à un an renouvelable, des conditions de reconduction,
- qu'en l'espèce, s'il apparaît que le crédit a fait l'objet d'un remboursement en totalité en avril 2002, la société Cofidis lui a accordé en juin 2002 un nouveau crédit portant sur la somme de 762,25 euros qui n'a cessé d'augmenter ; que la société Cofidis se prévaut d'un avenant intervenu au mois d'octobre 2003 lui accordant un crédit supplémentaire de 500 euros soit un montant maximum de 1.262,25 euros ; qu'en réalité, il s'agit d'une nouvelle offre portant sur un maximum de 2.000 euros qui ne devait pas être dépassé ; qu'or, le financement accordé par l'organisme de crédit a atteint 4.000 euros sans nouvelle offre préalable,
- que la clause du contrat suivant laquelle le montant du crédit peut être augmenté sans émission d'une nouvelle offre constitue, par application de l'article L. 132-1, une clause abusive qui doit être tenue pour non écrite,
- que par ailleurs suivant la jurisprudence constante, s'agissant d'une ouverture de crédit reconstituable d'un montant déterminé remboursable à échéance convenues, le dépassement de la fraction disponible choisie par l'emprunteur caractérise sa défaillance et fait partir le point de départ du délai de forclusion, lequel doit être fixé en l'espèce en novembre 2003 de sorte que l'assignation du juin 2006 est manifestement tardive,
- qu'il y a lieu, à titre subsidiaire, à déchéance des intérêts, soit la somme de 907,11 euros, sauf à parfaire,
- qu'il est fondé à solliciter enfin, compte tenu de sa situation financière précaire, par application de l'article 1244-1 du code civil, le report à 24 mois des sommes dues.
La Sa Cofidis a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a répliqué :
- que suivantavenant du 17 octobre 2003, elle a consenti un crédit de 8.000 euros dont un montant disponible de 2.000 euros ; que la somme de 8.000 euros n'a jamais été dépassée ; que le dépassement de la fraction disponible ne constitue pas un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur faisant courir le délai de forclusion,
- que par application de l'article L. 311-9 du code de la consommation, il n'y a pas lieu à nouvelle offre de crédit dès lors que le débiteur a utilisé le crédit fractionné dans la limite du crédit consenti ; que contrairement à ce que soutient l'appelant, la clause prévoyant la possibilité d'une augmentation de crédit dans la limite du découvert maximum autorisé, sans nouvelle offre de crédit n'est pas une clause abusive et qu'il n'y a pas lieu à déchéance des intérêts,
- que l'indemnité de résiliation prévue contractuellement n'est pas manifestement excessive contrairement à ce qu'a estimé le premier juge,
- qu'il ne saurait être fait droit à la demande de délais de M. X. qui n'a plus effectué aucun versement depuis avril 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures déposées le 10 février 2011 par M. X. et le 16 mars 2011 par la Sa Cofidis, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Attendu suivant l'article L. 311-37 du code de la consommation que « les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion » ;
Que ce délai court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assorti d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du découvert correspondant à la fraction disponible choisie par l'emprunteur a été dépassé, cette situation constituant, en l'absence de régularisation, un incident de paiement qui caractérise la défaillance de celui-ci ;
Attendu en l'espèce, qu'il résulte des pièces versées aux débats, que suivant offre préalable acceptée le 23 juin 1998, la Sa Cofidis a consenti à M. X. une ouverture de crédit utilisable par fractions pour un montant de 5.000 F. soit 762,25 euros remboursable par échéances mensuelles de 200 F. ;
Qu'un avenant signé le 17 octobre 2003 a porté l'ouverture de crédit à la somme de 2.000 euros remboursable par mensualités de 80 euros avec un découvert maximum autorisé de 8.000 euros ;
Attendu que l'historique des opérations de crédit fait apparaître que le montant de 762,25 euros a été dépassé une première fois le 5 février 2003 (770,42 euros) mais régularisé dès le mois suivant, puis une seconde fois le 5 octobre 2003 (775,65 euros) régularisé par l' avenant du 17 octobre 2003 portant le crédit disponible à 2.000 euros ; que ce montant de 2.000 euros n'a été dépassé qu'à compter du 18 février 2005, sans régularisation ultérieure, le découvert ne faisant que s'accroître pour atteindre 3.307,39 euros en décembre 2005 ;
Attendu que l'action diligentée par la Sa Cofidis en janvier 2007 (l'ordonnance d'injonction de payer étant datée du 12 janvier 2007) soit dans le délai de deux ans à compter du premier incident de paiement en date du 18 février 2005, est dès lors parfaitement recevable et qu'il échet de rejeter le moyen opposé par M. X. tiré de la forclusion ;
Attendu sur le moyen tiré de la déchéance des intérêts, qu'il est constant que la Sa Cofidis, en portant le crédit utilisable sous forme de découvert disponible à hauteur de 2.000 euros par unavenant du 17 octobre 2003 qui prévoit par ailleurs que le montant maximum du découvert autorisé est de 8.000 euros et que « dès après le 5e arrêté de compte mensuel suivant l'ouverture de crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé », s'est dispensée par avance de proposer une nouvelle offre de crédit à son client en cas de dépassement du découvert de 2.000 euros initialement choisi par ce dernier, le privant ainsi, notamment, de la faculté, qui est d'ordre public, de rétracter son acceptation ;
Qu'une telle clause qui crée un avantage excessif au profit du prêteur est abusive et doit être tenue pour non écrite ;
Or attendu, qu'aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à 13 dudit code est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital ;
Qu'il échet d'appliquer cette sanction à compter du dépassement de la fraction disponible de 2.000 euros, soit à compter du 18 février 2005 et de fixer la créance de la Sa Cofidis comme suit :
- montant dû au 18 février 2005 : 2.540 euros,
- financements accordés postérieurement à cette date : 659,16 euros,
- à déduire versements opérés après cette même date : 447 euros,
soit la somme de 2.752,16 euros ;
Attendu que la Sa Cofidis sollicite par ailleurs une indemnité de 8 % sur le capital dû, conformément aux conditions générales de l'offre préalable et aux articles L. 311-30 et R. 311-11 du code de la consommation ; que cette indemnité apparaît toutefois excessive au regard du préjudice subi par l'organisme de crédit qui n'a pas satisfait à ses obligations, et doit être réduite à un montant de 100 euros ;
Attendu que la somme de 2.852,16 euros portera intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer conformément aux dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du code civil ;
Attendu que M. X. qui sollicite un report de sa dette à 24 mois par application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil, ne verse aux débats aucun document justifiant de ses revenus et charges actuels ; que s'il résulte de la décision d'admission à l'aide juridictionnelle, qu'il percevait en 2008 le RMI, il ne démontre pas que sa situation soit inchangée à ce jour ;
Attendu qu'il échet de rejeter la demande de M. X. tendant au paiement d'une amende civile, l'action de la Sa Cofidis à laquelle il est fait droit pour une très large part, ne revêtant pas un caractère abusif ou dilatoire ;
Attendu que l'équité ne commande pas, compte tenu de la situation économique de M. X., qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'organisme de crédit ;
Attendu que chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, supportera la charge de ses propres dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit M. X. en son appel contre le jugement rendu le 5 mars 2008 par le tribunal d'instance de Nancy ;
Confirme ce jugement en ce qu'il a rejeté le moyen soulevé par M. X. tiré de la forclusion de l'action en paiement ;
L'infirme sur le montant de la créance et statuant à nouveau ;
Condamne M. X. à payer à la Sa Cofidis la somme de DEUX MILLE HUIT CENT CINQUANTE DEUX EUROS ET SEIZE CENTIMES (2.852,16 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller à la Cour d'Appel de NANCY, le Président de chambre empêché, et par Madame HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives