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CA NANCY (2e ch. civ.), 5 septembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 5 septembre 2011
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 09/01317
Date : 5/09/2011
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TI ÉPINAL, 23 avril 2009
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3322

CA NANCY (2e ch. civ.), 5 septembre 2011 : RG n° 09/01317

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les conditions générales du contrat prévoient que « dès après le 5ème arrêté des comptes mensuels suivant l'ouverture du crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé » qui est fixé à 8.000 euros. Toutefois, cette clause constitue, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non-écrite. En effet, l'absence d'information, notamment quant aux nouvelles charges de remboursement résultant du dépassement du crédit initialement choisi par l'emprunteur, et l'absence de toute faculté de rétractation sont de nature à créer un déséquilibre économique significatif au détriment de l'emprunteur non professionnel, ainsi que l'a justement relevé le premier juge.

Or, suivant l'historique des écritures passées au compte, le plafond du crédit disponible, soit 3.000 euros, a été dépassé dès le 1er avril 2005 pour ne plus jamais être restauré. En assignant en paiement Monsieur X.. seulement le 20 juillet 2007, la SA COFIDIS n'a pas agi dans le délai de deux ans et sa demande doit être déclarée forclose. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 SEPTEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/01317. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance d'ÉPINAL, R.G. n° 11-07-000225, minute n° 181, en date du 23 avril 2009.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP M.-L. ET F., avoués à la Cour, assistée de Maître Elisabeth L., avocat au barreau d'ÉPINAL, substituée à l'audience par Maître Muriel L.-R., avocat au barreau d'EPINAL (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

 

INTIMÉS :

SA COFIDIS

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE V. Barbara, avoués à la Cour, assistée de Maître Danielle C., avocat au barreau de NANCY

Monsieur Y.

demeurant [adresse],représenté par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE M. B.-W. F.-S., avoués à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 6 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 5 septembre 2011, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 5 septembre 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant l'offre préalable acceptée le 5 septembre 1995, la SA COFIDIS a accordé aux époux Y. et X. un crédit permanent utilisable par fractions au moyen d'une carte « 4 étoiles », dans la limite d'un découvert de base autorisé à hauteur de 4.000 francs.

Suivant une deuxième offre préalable, acceptée le 16 avril 2004, la SA COFIDIS a accordé auxdits époux un second crédit permanent utilisable par fractions au moyen d'une carte « Libravou », portant sur un montant disponible de 3.000 euros.

Enfin, suivant l'offre préalable acceptée le 11 février 2006, la SA COFIDIS leur a octroyé un prêt classique de 20.000 euros remboursable en 60 mensualités.

Plusieurs mensualités étant restées impayées, la SA COFIDIS a prononcé la déchéance du terme des crédits puis, par actes d'huissier des 19 et 20 juillet 2007, les a fait assigner en paiement devant le tribunal d'instance d'ÉPINAL.

Monsieur Y. n'a pas contesté sa dette, tandis que Madame X. a demandé à être mise hors de cause, faisant valoir qu'elle n'avait jamais signé ces contrats de crédit.

 

Par jugement rendu le 23 avril 2009, le tribunal d'instance d'EPINAL a condamné solidairement Monsieur Y. et Madame X. à payer à la SA COFIDIS les sommes de :

- 235,64 euros en principal avec intérêts au taux de 19,30 % à compter du 20 juillet 2007 au titre du crédit « 4 étoiles »,

- 18.690,53 euros avec intérêts au taux de 7,41 % à compter du 16 avril 2007 sur un montant de 16.282,43 euros, au titre du prêt personnel.

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la SA COFIDIS au titre du crédit « Libravou » et l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Le premier juge a considéré que Madame X. était bien la signataire des trois contrats de crédit, sans qu'il soit utile de recourir à une expertise en écriture, mais que la demande du prêteur était forclose en ce qui concerne le crédit « Libravou », car le montant du crédit autorisé était dépassé depuis plus de deux ans lorsque l'action en paiement a été introduite.

Madame X. a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 25 mai 2009. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de déclarer nuls à son égard les contrats de crédit, subsidiairement, d'ordonner une expertise graphologique et, plus subsidiairement encore, de condamner la SA COFIDIS à lui payer des dommages et intérêts équivalents au montant des sommes restant dues. En tout état de cause, elle sollicite le bénéfice de délais de paiement.

Elle soutient :

- qu'elle n'a pas signé les contrats de crédit litigieux, ce que la comparaison avec les échantillons de sa signature suffit à démontrer,

- que le prêteur a commis une faute en accordant à son foyer des crédits qui dépassaient sa capacité de remboursement, sans la mettre en garde, cette faute justifiant l'octroi des dommages et intérêts sollicités,

- qu'eu égard à la faiblesse de ses revenus et à sa situation de surendettement, des délais de paiement doivent lui être accordés.

 

La SA COFIDIS conclut à la confirmation de la décision du premier juge, sauf en ce qui concerne le crédit « Libravou », et au rejet de toutes les demandes de Madame X. Elle sollicite en outre la condamnation solidaire de Monsieur Y. et Madame X. à lui payer les sommes de :

- 8.987,66 euros avec intérêts à compter du 23 avril 2007 au titre du contrat « Libravou »,

- 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La société de crédit fait valoir :

- que la signature qui figure sur le contrat de prêt est bien celle de Madame X., que les fonds ont d'ailleurs été versés sur le compte commun des deux débiteurs ce qui implique qu'elle ait implicitement mais nécessairement ratifié l'emprunt contracté sous son nom ; qu'elle a déclaré cette dette dans sa demande de règlement de son surendettement, ce qui implique également qu'elle reconnaît qu'elle lui est opposable,

- que la forclusion n'est pas encourue pour le crédit « Libravou », car le montant maximum du découvert autorisé, soit 8.000 euros, n'a été dépassé qu'à compter du 22 avril 2006 (la somme due en capital étant elle-même inférieure à 8.000 euros).

 

Bien qu'ayant constitué avoué, Monsieur Y. n'a pas conclu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les dernières écritures déposées le 10 mai 2011 par la SA COFIDIS et le 24 mai 2011 par Madame X.,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 mai 2011.

 

Sur l'opposabilité des contrats à Madame X. :

Dans le cas où une partie à qui l'on oppose un acte sous seing privé en dénie l'écriture ou la signature, il appartient au juge de procéder lui-même à l'examen de l'écrit litigieux.

En l'espèce, quatre spécimens de la signature de Madame X. sont produits aux débats à titre de pièces de comparaison : celui de sa carte d'identité (en date du 24 février 2003), celui de sa carte d'électeur (en date du 8 mars 2007), celui qui figure sur une requête en divorce (en date du 25 avril 2007) et un autre effectué pour les besoins de la procédure. Il ressort nettement de l'ensemble de ces quatre spécimens que sa signature revêt un profil relativement constant.

Or, les signatures apposées sur les trois contrats de crédit COFIDIS ne correspondent pas à ce profil. Notamment en ce que la boucle ovale qui accompagne le nom de la signataire des contrats de crédit n'a pas l'ampleur qu'elle présente sur les pièces de comparaison : sur celles-ci l'ovale entoure littéralement le nom (Y.), passant très nettement au-dessus des lettres, alors que sur les trois contrats litigieux, le trait souligne le nom plus qu'il ne l'entoure. En outre, sur les contrats de crédit, l'axe vertical du Y. majuscule est penché vers la droite alors qu'il l'est vers gauche dans sa signature véritable. De plus, la boucle du « h » s'arrête très au-dessus du jambage de cette lettre dans sa signature véritable, alors que sur les contrats de crédit, la boucle se poursuit jusqu'au jambage (le jambage disparaît même complètement dans le contrat « 4 étoiles »). Par ailleurs, le « c » n'est jamais attaché au « h » dans les spécimens de sa signature, alors qu'il l'est dans la signature qui lui est attribuée sur les contrats de crédit. Enfin, l'axe de la signature est très nettement ascendant sur les deux contrats alors qu'il est quasiment plat (ou très légèrement ascendant) sur les spécimens de sa véritable signature.

Les différences entre la signature de Madame X. et celles qui lui sont attribuées sur les contrats de crédit COFIDIS apparaissent ainsi manifestes.

Par conséquent, Madame X. ne peut être considérée comme la signataire desdits contrats.

Le fait que les fonds aient été versés sur un compte commun aux deux débiteurs ne suffit pas à prouver que Madame X. a eu connaissance de l'existence de ces crédits avant l'engagement des poursuites. En effet, elle a expliqué en première instance que ce n'est qu'une fois les poursuites engagées par les créanciers, postérieurement à sa séparation avec Monsieur Y., qu'elle a découvert les manœuvres de celui-ci. Il convient de relever à cet égard, que Monsieur Y., représenté en première instance, n'a pas infirmé les déclarations de son ex-épouse, alors même qu'elles portaient atteinte à sa loyauté et à son honnêteté, mais qu'il s'est borné à se reconnaître débiteur de ces crédits, sans revendiquer le bénéfice d'aucune solidarité.

De même, le fait qu'en décembre 2009, Madame X. ait déclaré à la commission de surendettement les créances de la SA COFIDIS, telles qu'elles résultaient du jugement déféré, ne constituait pas renonciation à en contester l'exigibilité devant la Cour d'appel, mais découlait du caractère exécutoire de ce jugement.

Aussi, le jugement déféré sera-t-il infirmé en ce qu'il a condamné Madame X. au titre de ces trois crédits.

 

Sur les sommes dues par Monsieur Y. :

1°/ Le crédit « Libravou » :

L'article L. 311-37 du code de la consommation dispose que « les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ».

Dans le cas d'une ouverture de crédit utilisable sous forme de découvert en compte, le dépassement du découvert autorisé, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion.

En l'espèce, le contrat de crédit stipule que l'emprunteur a choisi de fixer le « montant disponible » de son crédit à la somme de 3.000 euros, soit des mensualités de remboursement de 90 euros.

Les conditions générales du contrat prévoient que « dès après le 5ème arrêté des comptes mensuels suivant l'ouverture du crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé » qui est fixé à 8.000 euros. Toutefois, cette clause constitue, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non-écrite. En effet, l'absence d'information, notamment quant aux nouvelles charges de remboursement résultant du dépassement du crédit initialement choisi par l'emprunteur, et l'absence de toute faculté de rétractation sont de nature à créer un déséquilibre économique significatif au détriment de l'emprunteur non professionnel, ainsi que l'a justement relevé le premier juge.

Or, suivant l'historique des écritures passées au compte, le plafond du crédit disponible, soit 3.000 euros, a été dépassé dès le 1er avril 2005 pour ne plus jamais être restauré. En assignant en paiement Monsieur Y. seulement le 20 juillet 2007, la SA COFIDIS n'a pas agi dans le délai de deux ans et sa demande doit être déclarée forclose.

Le jugement déféré sera confirmé à cet égard.

 

2°/ Le crédit « 4 étoiles » et le prêt personnel

Le premier juge a fixé la créance de la SA COFIDIS à hauteur des sommes de :

- 235,64 euros en principal avec intérêts au taux de 19,30 % à compter du 20 juillet 2007 au titre du crédit « 4 étoiles »,

- 18.690,53 euros avec intérêts au taux de 7,41 % à compter du 16 avril 2007 sur un montant de 16.282,43 euros, au titre du prêt personnel.

Le calcul effectué par le premier juge pour aboutir à ces deux sommes est conforme aux règles édictées par l’article 311-30 du code de la consommation.

La SA COFIDIS demande la confirmation de ces évaluations et Monsieur Y. avait en première instance reconnu sa dette au titre de ces deux crédits.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur Y. au paiement de ces deux sommes.

 

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La SA COFIDIS, qui est la partie perdante à hauteur d'appel, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En revanche, il est équitable que Monsieur Y. soit condamné à payer les dépens de première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau :

DÉBOUTE la SA COFIDIS de ses demandes en paiement au titre des trois contrats de crédit de 1995, 2004 et 2006 en ce qu'elles sont dirigées contre Madame X. ;

LAISSE à Monsieur Y. seul la charge des dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE la SA COFIDIS de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SA COFIDIS aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,

Minute en sept pages.