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CA PARIS (2e ch. sect. B), 23 novembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (2e ch. sect. B), 23 novembre 2006
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 2e ch. civ. sect. B
Demande : 05/23203
Décision : 06/330
Date : 23/11/2006
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Lexbase
Décision antérieure : TGI PARIS (2e ch. 2e sect.), 13 octobre 2005, CASS. CIV. 1re, 3 juillet 2008
Numéro de la décision : 330
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3341

CA PARIS (2e ch. sect. B), 23 novembre 2006 : RG n° 05/23203 ; arrêt n° 330

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 3 juillet 2008 : pourvoi n° 06-21877)

Publication : Lexbase

 

Extrait : « Qu'il ressort de ces éléments des présomptions concordantes que la société Cédric-vie s'est déplacée au domicile de Mme X. pour estimer le logement et se charger éventuellement de sa vente en viager, et qu'une fois sur place, cette société a décidé d'acquérir le bien pour elle-même ; Qu'il en résulte que l'opération de vente immobilière a été conclue à la suite d'un démarchage à domicile de sorte que le contrat, soumis aux formalités de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, aurait dû comporter un formulaire permettant l'exercice par le vendeur de la faculté de renonciation ; Qu'il y a lieu de déclarer la promesse de vente nulle, étant, en outre, précisé que, nonobstant l'absence de ce formulaire, Mme X. a valablement exercé sa faculté de renonciation ; que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 05/23203. Arrêt n° 330 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2005 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/1310.

 

APPELANTE :

Madame X.

[adresse], représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoués à la Cour, assistée de Maître Martine ABID, avocat au barreau de PARIS, toque : B 30

 

INTIMÉE :

SARL CEDRIC VIE

prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués à la Cour, assistée de Maître Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2306

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 octobre 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine BARBEROT, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire. Rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 2] Mme Christine BARBEROT a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Françoise KAMARA, Président, Mme Dominique DOS REIS, Conseiller, Mme Christine BARBEROT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Marie-France MEGNIEN

ARRÊT : - contradictoire, - prononcé publiquement par Mme Françoise KAMARA, Président, signé par Mme Françoise KAMARA, Président, et par Mme Marie-France MEGNIEN, Greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant acte sous seing privé du 18 septembre 2003, enregistré le 19 septembre 2003, signé à son domicile, Mme X., née le [date], a promis de vendre son appartement, dépendant d'un immeuble en copropriété situé à Paris 5e, [adresse], à la SARL Cédric-vie moyennant :

- le prix de 30.000 € payable au plus tard le jour de l'acte authentique,

- le service d'une rente viagère annuelle de 5.400 € payable en douze mensualités égales, la promettante conservant sa vie entière un droit exclusif d'usage et d'habitation sur le bien. La promesse était consentie pour une durée devant expirer le 18 novembre 2003.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 septembre 2003 adressée à la société Cédric-Vie, Mme X. déclarait renoncer à la vente « n'ayant eu aucune connaissance de la promesse de vente que j'ai signée trop rapidement ». Puis, aux termes d'une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception du 23 septembre 2003, Mme X. réitérait sa correspondance précédente, expliquant à la société Cédric-Vie que celle-ci était venue chez elle pour une estimation, qu'elle n'avait signé ni une estimation, ni un mandat de vente, mais une promesse unilatérale et qu'elle estimait avoir été trompée.

Selon un pli recommandé avec avis de réception du 26 septembre 2003, la société Cédric-vie indiquait à Mme X. qu'elle n'avait pas « la [minute page 3] possibilité de renier son engagement », puis, par lettre du 13 novembre 2003, lui confirmait le rendez-vous de signature du 18 novembre 2003 chez le notaire.

Mme X. ne s'étant pas présentée à ce rendez-vous, la société Cédric-Vie lui a délivré, le 19 novembre 2003, sommation d'établir l'acte, puis l'a assignée pour faire juger la vente parfaite.

C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 13 octobre 2005, a :

- dit parfaite la vente conclue entre la société Cédric-Vie et Mme X. portant sur les lots n° 118 et 180 d'un ensemble immobilier situé [adresse] à Paris 5e,

- dit que la société Cédric-Vie devrait faire établir par le notaire de son choix un acte comportant les mentions exigées par la loi et, en particulier, la superficie de la partie privative des lots conformément aux dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965,

- dit que, faute pour la défenderesse de déférer à la sommation qui lui aurait été délivrée quinze jours auparavant, de signer cet acte, le jugement vaudrait vente dans les termes de cet acte,

- dit que l'acte et le jugement seraient publiés à la conservation des hypothèques de Paris,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné Mme X. à payer à la société Cédric-Vie une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 4 septembre 2006, Mme X., appelante, demande à la cour de :

- vu les articles L. 121-21, L. 121-23 et L. 121-25 du Code de la consommation,

- constater que la promesse unilatérale de vente qu'elle a signée le 18 septembre 2003 ne comprenait pas le rappel de la faculté de renonciation dans le délai de sept jours prévue par l'article L. 121-25 du Code de la consommation,

- constater, en conséquence, la nullité de la promesse unilatérale de vente signée à son domicile,

- constater qu'elle a usé par lettres recommandées, dans les sept jours, de la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-25 du Code de la consommation,

- déclarer, en conséquence, nulle la promesse unilatérale de vente qu'elle a signée,

- débouter la société Cédric-Vie de toutes ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 5.000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral et de celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[minute page 4] Par dernières conclusions du 31 mai 2007, la société Cédric-Vie demande à la cour de :

- dire les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation inapplicables,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- subsidiairement,

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 35.000 € à titre de dommages-intérêts,

- en toute hypothèse,

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dépens en sus.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 121-21, alinéa 1er, du Code de la consommation, est soumis à la réglementation sur le démarchage « quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services » ;

Considérant qu'en l'espèce, il est constant que la promesse unilatérale de vente du 18 septembre 2003 a été signée au domicile de Mme X. et que, précédemment, à une date que l'intimée fixe au 12 septembre 2003, suivant un document portant la signature de Mme X. et la date du 16 septembre 2003, mais que l'appelante affirme avoir signé le 17 septembre 2003, soutenant que le document a été antidaté, la société Cédric-vie, s'est rendue au domicile de Mme X. sur la demande de cette dernière ;

Que, dans sa lettre du 26 septembre 2003 adressée à Mme X., la société Cédric-Vie précise, elle-même, que c'est au cours de cette première entrevue qu'elle a formulé une proposition d'achat en viager de l'appartement, corroborant ainsi la thèse de Mme X. selon laquelle, en invitant cette société chez elle, elle avait répondu à une offre d'estimation publiée dans le « Journal du Ve » (n° 27 de septembre-octobre 2003) par laquelle « Y., société Cédric-vie », s'intitulant « spécialiste viager depuis 26 ans », promettait une expertise gratuite, son assistance et son conseil aux meilleures conditions ;

Que la démarche de Mme X. est attestée par M. Z., négociateur au sein du Cabinet Etudes et conseils, qui indique avoir rencontré Mme X. dans la semaine du 15 septembre 2003 en vue d'établir une estimation de son [minute page 5] appartement dans le cadre d'une vente en viager occupé et dans la perspective, si cette estimation convenait à Mme X., de « prendre son bien en vente suivant mandat » ;

Qu'il ressort de ces éléments des présomptions concordantes que la société Cédric-vie s'est déplacée au domicile de Mme X. pour estimer le logement et se charger éventuellement de sa vente en viager, et qu'une fois sur place, cette société a décidé d'acquérir le bien pour elle-même ;

Qu'il en résulte que l'opération de vente immobilière a été conclue à la suite d'un démarchage à domicile de sorte que le contrat, soumis aux formalités de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, aurait dû comporter un formulaire permettant l'exercice par le vendeur de la faculté de renonciation ;

Qu'il y a lieu de déclarer la promesse de vente nulle, étant, en outre, précisé que, nonobstant l'absence de ce formulaire, Mme X. a valablement exercé sa faculté de renonciation ; que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société Cédric-vie, professionnel de l'immobilier, ne peut prétendre à la réparation des préjudices nés de ses propres fautes ; que sa demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée ;

Considérant que la signature de cette promesse de vente illicite a causé à Mme X. un préjudice moral qui sera réparé par la somme de 4.000 € de dommages-intérêts ;

Considérant qu'eu égard à la considération d'équité, il sera fait droit à la demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Déclare nulle la promesse de vente du 18 septembre 2003 ;

Condamne la société Cédric-vie à payer à Mme X. la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la société Cédric-vie de toutes ses demandes ;

[minute page 6] Rejette les prétentions pour le surplus ;

Condamne la société Cédric-vie, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer à Mme X. la somme de 2.000 € ;

Condamne la société Cédric-vie aux dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,