CA LYON (3e ch. civ. sect. A), 12 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3391
CA LYON (3e ch. civ. sect. A), 12 mars 2009 : RG n° 08/04979
Publication : Juris-Data n° 2009-001793
Extrait : « Attendu ensuite, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la Consommation, [.. .] ;
Qu'en l'espèce le 1er février 2007 Mme X., infirmière libérale, a apposé son cachet professionnel et sa signature sous la mention dactylographiée, aux termes de laquelle le client déclare que le matériel et les produits sont en rapport direct avec son activité, sur deux bons de commandes concernant pour le premier un concept LONGEVITAL avec option TOYOTA AYGO et pour le second, accessoire du premier, concernant la mise au disposition d'un véhicule TOYOTA AYGO afin de faire connaître le concept ;
Que le concept LONGEVITAL est destiné à permettre à une infirmière libérale d'exercer une activité complémentaire de diététique, d'esthétique et de remise en forme ; qu'une telle activité est conforme aux dispositions qui régissent la profession d'infirmier et qui prévoient que dans le cadre de son rôle propre ce professionnel intervient dans la surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire ; que la SARL LASER PRO commercialisait les produits diététiques auprès des patients ;
Qu'en toute hypothèse les deux conventions conclues le 1er février 2007 par Mme X. étaient destinées à lui permettre d'exercer dans le futur une activité professionnelle complémentaire ».
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 12 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/04979. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 17 juin 2008 - N° rôle : 2007j830.Nature du recours : Appel.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse], représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour, assistée de Maître Patrick ANTON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL LASER PRO
[adresse], représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour, assistée de Maître Simone TORRES FORET-DODELIN, avocat au barreau de GRASSE
Instruction clôturée le 2 décembre 2008
Audience publique du 30 janvier 2009
[minute page 2] LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Bernard CHAUVET, Président, Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller, Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DÉBATS : à l'audience publique du 30 janvier 2009, sur le rapport de Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, adjoint administratif faisant fonction de greffier
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement le 12 mars 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS ET LE JUGEMENT ENTREPRIS :
Le 1er février 2007 Mme X., infirmière libérale à [ville V.], a souscrit à son domicile de [ville S.] deux bons de commande que lui proposait un commercial de la SARL LASER PRO à savoir :
a) un bon de commande relatif à un concept LONGEVITAL d'un prix de 28.584,40 euros TTC comprenant :
* 1 logiciel de nutrition,
* 1 unité de diagnostic,
* 1 périphérique multisoins avec techniques esthétiques de confort et accessoires,
* 1 package marketing y compris 10 questionnaires diététiques et 10 bons de commande produits. Ce bon de commande comportait mention d'un acompte de 2.859,40 euros, le cachet professionnel de Mme X. et au dessus de sa signature un texte dactylographié ainsi libellé « le client déclare que le matériel et les produits sont en rapport direct avec son activité. Il déclare de plus avoir pris connaissance des conditions générales au verso, dont la clause de réserve de propriété ainsi que les conditions d'installation (puissance en watt, tension en volt, dimensions) et déclare les accepter dans toutes leur teneur ».
b) un bon de commande relatif à la mise à disposition pendant 5 ans d'un véhicule TOYOTA AYGO LONGEVITAL « carte grise au nom de X. [prénom] mensualités de 100 euros par mois pendant 5 ans ».
Le 3 février 2007 Mme X. qui se prévalait des dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation et d'un délai de réflexion de 7 jours, a annulé les deux bons de commande et sollicité la restitution du chèque de 2.859,40 euros.
Le 7 février 2007 la SARL LASER PRO lui a répondu que les contrats ayant été souscrits pour des matériels professionnels il n'existait pas de délai de rétractation.
[minute page 3] Par exploit du 13 mars 2007 Mme X. a fait citer la SARL LASER PRO devant le Tribunal de Commerce de LYON pour voir prononcer l'annulation des deux commandes passées le 1er février et obtenir la restitution de l'acompte versé
- à titre principal sur le fondement des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation
- à titre subsidiaire en raison de manœuvres dolosives.
La SARL LASER PRO a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de Commerce de LYON, l'inapplicabilité des dispositions du Code de la Consommation et sollicité la condamnation de la demanderesse à prendre possession du matériel LONGEVITAL et à lui en payer le solde du prix et la résiliation du second contrat relatif au véhicule.
Par jugement en date du 17 juin 2008 le Tribunal :
- s'est déclaré territorialement compétent
- a débouté Mme X. de ses demandes
- a condamné Mme X. à payer à la SARL LASER PRO la somme de 25.726 euros avec intérêts de droit à compter du jugement et à prendre possession du matériel
- a dit que la SARL LASER PRO devrait procéder à la livraison de ce matériel
- a prononcé la résiliation du contrat concernant la mise à disposition du véhicule TOYOTA
- a condamné Mme X. à payer une indemnité de procédure de 1.500 euros à la SARL LASER PRO et à supporter les dépens.
Par déclaration remise au greffe le 10 juillet 2008 Mme X. a interjeté appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.
LES PRÉTENTIONS ET LES MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions signifiées le 23 juillet 2008 Mme X. demande à la Cour :
- de rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SARL LASER PRO et de confirmer le jugement entrepris en ce que le Tribunal s'est déclaré compétent
- d'infirmer le jugement entrepris dans ses autres dispositions et
- à titre principal de prononcer la nullité des commandes en application des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, de condamner la SARL LASER PRO à lui rembourser l'acompte de 2.858,40 euros et à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts
- titre subsidiaire de dire qu'elle a été victime de manœuvres dolosives, de prononcer la nullité des commandes, de condamner la SARL LASER PRO à lui rembourser l'acompte de 2.858,40 euros et à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts
- dans tous les cas de condamner la SARL LASER PRO à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 euros.
D'abord l'appelante expose qu'elle a à juste titre saisi le Tribunal de LYON, juridiction du lieu où la livraison devait être effectuée.
Elle soutient que la convention principale et la convention accessoire qu'elle a conclues le 1er février 2007 sont soumises aux dispositions du Code de la Consommation alors que :
- le concept esthétique vendu n'a pas de rapport direct avec son activité professionnelle d'infirmière ;
- en toute hypothèse l'article R. 4312-18 du Code de la Santé Publique issu du décret du 29 juillet 2004 interdit aux infirmiers de participer à la distribution de médicaments, d'appareils et de produits ayant un rapport avec leur activité professionnelle ; sur ce point elle souligne que le concept LONGEVITAL comprend 10 bons de commandes de produits diététiques.
[minute page 4] Mme X. invoque aussi l'existence de manœuvres dolosives destinées à vicier son consentement. Elle expose que :
- la mention bon pour commande ferme et définitive apposée sur la première commande n'a pas été portée de sa main mais par le commercial LASER PRO afin que son attention ne soit pas attirée sur le caractère irrévocable de l'achat ;
- il s'agissait pour elle d'une opération en crédit-bail alors que le montant de loyers a été calculé par le commercial qui s'est rendu au cabinet de son expert comptable pour obtenir copie de sa déclaration 2035 de l'année 2006, un tel document ayant été inutile en cas d'acquisition au comptant ;
- la case comptant figurant sur le bon de commande n'a pas été remplie de sa main ;
- dans les procédures où elle est mise en cause la SARL LASER PRO s'est toujours vue opposer la conclusion de ventes à crédit ;
- il a été précisé par le commercial que personne n'exploitait le concept LONGEVITAL à [ville B.] où elle envisageait de s'installer alors qu'une autre infirmière était déjà propriétaire d'un tel concept depuis 2003.
L'appelante se prévaut des attestations établies par sa sœur et par son expert comptable.
Par conclusions signifiées le 29 octobre 2008 la SARL LASER PRO sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et une indemnité de procédure de 4.000 euros.
La SARL LASER PRO soutient que Mme X., infirmière libérale et donc professionnelle avertie, a souscrit une commande ferme et définitive portant sur du matériel professionnel en rapport direct avec son activité ainsi qu'elle l'a reconnu en apposant sa signature et son cachet sur le bon de commande ; que la surveillance de l'hygiène et du poids et l'équilibre alimentaire entent dans le rôle de l'infirmier ; que les activités comprenant des soins d'amaigrissement et de rajeunissement sont aussi compatibles avec la profession d'infirmier. Elle ajoute que le concept LONGEVITAL n'oblige pas l'utilisateur à vendre des produits que LASER PRO commercialise directement ; qu'il ne contrevient pas aux dispositions du décret du 29 juillet 2004. Elle estime donc que les dispositions du Code de la Consommation ne peuvent être en l'espèce appliquées.
L'intimée ajoute que Mme X. ne rapporte pas la preuve des manœuvres dolosives qu'elle invoque alors que le bon de commande qu'elle a signé précise bien que la vente a été conclue au comptant, que l'appelante a d'ailleurs versé un acompte ce qui exclut tout achat à crédit alors que les jurisprudences qu' elle invoque concernent d'autres sociétés commercialisant le même type d'appareil. Elle estime que l'attestation établie par la sœur de l'appelante ne peut être retenue ; elle relève que cette attestation fait état d'un crédit bail alors que l'achat s'est fait au comptant. Elle précise n'avoir sollicité la production de justificatifs fiscaux que pour s'assurer de la solvabilité de l'acquéreur.
Elle conteste aussi avoir annoncé une quelconque exclusivité à Mme X.
Une ordonnance en date du 2 décembre 2008 clôture la procédure.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] SUR CE LA COUR :
Attendu tout d'abord que les parties ne critiquent pas le jugement entrepris en ce que le Tribunal de Commerce de LYON a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL LASER PRO et s'est déclaré territorialement compétent ;
Attendu ensuite, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la Consommation, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les ventes, locations ou locations-ventes ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisane ou de toute autre profession ;
Qu'en l'espèce le 1er février 2007 Mme X., infirmière libérale, a apposé son cachet professionnel et sa signature sous la mention dactylographiée, aux termes de laquelle le client déclare que le matériel et les produits sont en rapport direct avec son activité, sur deux bons de commandes concernant pour le premier un concept LONGEVITAL avec option TOYOTA AYGO et pour le second, accessoire du premier, concernant la mise au disposition d'un véhicule TOYOTA AYGO afin de faire connaître le concept ;
Que le concept LONGEVITAL est destiné à permettre à une infirmière libérale d'exercer une activité complémentaire de diététique, d'esthétique et de remise en forme ; qu'une telle activité est conforme aux dispositions qui régissent la profession d'infirmier et qui prévoient que dans le cadre de son rôle propre ce professionnel intervient dans la surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire ; que la SARL LASER PRO commercialisait les produits diététiques auprès des patients ;
Qu'en toute hypothèse les deux conventions conclues le 1er février 2007 par Mme X. étaient destinées à lui permettre d'exercer dans le futur une activité professionnelle complémentaire ;
Que dans ses conditions les premiers juges ont à juste titre estimé que Mme X. ne pouvait invoquer les dispositions du Code de la Consommation et bénéficier d'un délai de rétractation ;
Attendu que Mme X. a apposé sa signature sur le bon de commande d'un concept LONGEVITAL d'un prix de 28.584,40 euros TTC, qui mentionne le versement d'un acompte de 2.858,40 euros par chèque BANQUE POPULAIRE et sur lequel seule est cochée la case « comptant » alors qu'il était prévu quatre modalités à savoir : comptant, location financière, crédit et autre ; qu'il sera observé que sur l'exemplaire du bon de commande conservé par l'appelante seule la case comptant est aussi cochée de sorte que cette case a nécessairement été renseignée avant que Mme X. ne signe ce document ;
Que par la production des attestations de sa sœur Y. et de sa comptable Z., Mme X. ne peut combattre les mentions du bon de commande qu'elle a signé le 1er février 2007 aux termes desquelles le prix du concept LONGEVITAL devait être acquitté comptant par l'acquéreur ;
Qu'aucune conclusion ne peut être tirée du fait que :
- le commercial de la SARL LASER PRO a lui-même porté de sa main la mention « bon pour commande ferme et définitive » et que la SARL LASER PRO a tardé à convenir de ce que son préposé était l'auteur de cette mention ;
- d'autres plaideurs à l'occasion de litiges avec leur fournisseur ont opposé qu'il leur avait été indiqué que les ventes d'appareils de même type que celui objet de l'instance étaient conclues à crédit ;
Que le contrat ne concédait à l'acquéreur aucune exclusivité d'exploitation d'un matériel LONGEVITAL dans un secteur territorial ; qu'au contraire l'article 11 des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande conservé par l'appelante stipule à l'article 11 intitulé « EXPLOITATION DU MATÉRIEL- EXCLUSIVITÉ
« L'acheteur reconnaît qu'il ne peut prétendre à aucune exclusivité territoriale et que le bien ayant [minute page 6] été acquis à prix ferme et définitif, celui-ci ne pourra être rendu ou retourné à LASER PRO pour quelque raison que ce soit. » ;
Qu'ainsi l'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de manœuvres dolosives de la SARL LASER PRO qui le 1er février 2007 l'auraient déterminée à conclure les bons de commandes litigieux ;
Qu'en conséquence les premiers juges ont à juste titre :
- débouté Mme X. de toutes ses demandes ;
- condamné Mme X. à payer à la SARL LASER PRO la somme de 25.726 euros avec intérêts de droit à compter du jugement et à prendre possession du matériel LONGEVITAL ;
- dit que la SARL LASER PRO devrait procéder à la livraison de ce matériel ;
- prononcé la résiliation du contrat concernant la mise à disposition du véhicule TOYOTA ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ces points ;
Attendu que la SARL LASER PRO ne caractérise pas d'abus dans l'exercice du droit d'appel ; que sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif sera donc rejetée ;
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SARL LASER PRO les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à la SARL LASER PRO une indemnité de procédure ;
Que les dépens incombent à Mme X. dont les demandes ont été rejetées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu le 17 juin 2008 par le Tribunal de Commerce de LYON sauf en ce qu'il a condamné Mme X. à payer une indemnité de procédure de 1.500 euros à la SARL LASER PRO ;
L'infirmant de ce seul chef, statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la SARL LASER PRO ;
Déboute la SARL LASER PRO de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne Mme X. aux dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
L'adjoint administratif faisant fonction de greffier LE PRÉSIDENT
Patricia LE FLOCH Bernard CHAUVET
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5915 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : matériels médicaux ou paramédicaux