TGI NANTES (4e ch.), 10 juillet 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3400
TGI NANTES (4e ch.), 10 juillet 2007 : RG n° 06/05211 ; jugement n° 173
(sur appel CA Rennes (7e ch.), 6 mai 2009 : RG n° 07/05969 ; arrêt n° 198)
Extrait : « Le bail prévoit dans son article 14 que dans tous les cas de résiliation la somme versée au bailleur à titre de dépôt de garantie demeurera acquise à ce dernier à titre d’indemnité. Monsieur X. soutient qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article L 132-1 du Code de la Consommation.
Cependant ces dispositions ne concernent que les relations entre un professionnel et un consommateur ou non professionnel de telle sorte qu'un contractant ne peut invoquer le bénéfice de cet article lorsque, comme en l'espèce, le contrat qu'il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 10 JUILLET 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/05211. Jugement n° 173.
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré : Mme Nelly POLIDES, Vice Président, statuant en Juge Unique, sans opposition des parties, et qui a prononcé le jugement en audience publique.
GREFFIER : Catherine PERRAULT
Débats à l'audience publique du 7 JUIN 2007.
Prononcé du jugement fixé au 10 JUILLET 2007
Jugement Contradictoire.
[minute page 2]
ENTRE :
Monsieur X.,
demeurant [adresse], Rep/assistant : Maître Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de NANTES, DEMANDEUR. D'UNE PART
ET :
EURL B. TRANSPORTS,
dont le siège social est sis [adresse], Rep/assistant : Maître Didier ROUSSEAU, avocat au barreau de NANTES
Monsieur B.,
intervenant volontaire, demeurant [adresse], Rep/assistant : Maître Didier ROUSSEAU, avocat au barreau de NANTES
Madame B.,
intervenante volontaire, demeurant [adresse], Rep/assistant : Maître Didier ROUSSEAU, avocat au barreau de NANTES
DÉFENDEURS. D'AUTRE PART
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 8 septembre 2003, L'EURL B. TRANSPORTS a donné à bail à Monsieur X. des locaux situés [adresse] afin d'exploiter un commerce de fabrication et vente de meubles jouxtant des locaux exploités par le bailleur.
Par acte d'huissier du 14 octobre 2005, l'EURL B. a saisi le juge des référés afin de voir constater la résiliation du bail en raison du défaut de paiement des loyers et charges et de production de l’attestation d’assurance dans le délai d’un mois suivant commandement délivré à cet effet.
Par ordonnance de référé du 2 mars 2006 : [minute page 3]
- la résiliation du bail a été constatée ;
- la demande d'expulsion a été déclarée sans objet, les lieux ayant été libérés par le preneur le 26 janvier 2006 ;
- Monsieur X. a été condamné à payer au bailleur la somme de 940,83 € à titre de provision sur la taxe foncière 2005, les sommes de 13 € et 104,03 € à titre de provision sur les clauses pénales et une indemnité provisionnelle d'occupation de 1.040,30 € par mois à compter de la résiliation jusqu'au 26 janvier 2006 date de la libération des lieux.
Par acte d'huissier en date du 17 août 2006, Monsieur X. a fait assigner L'EURL B. TRANSPORT.
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 23 avril 2007, Monsieur X. sollicite la condamnation de L'EURL B. TRANSPORT à lui payer la somme de 5.600 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance pendant la durée du bail. Il demande au tribunal de dire que l'article 14 du bail qui prévoit que le dépôt de garantie reste acquis au bailleur dans tous les cas de résiliation est une clause abusive. Subsidiairement, il demande que cette clause pénale soit réduite à 1 € symbolique. Il demande la somme de 2.520 € outre intérêts légaux à compter de l'assignation à titre de restitution du dépôt de garantie. Sont enfin sollicités l'exécution provisoire et une indemnité de procédure de 2.000 € et le bénéfice de la distraction des dépens.
A l'appui de ses demandes Monsieur X. expose :
- que le bailleur a manqué à son obligation d'entretien et de réparation, aucun travaux n'ayant été fait pour remédier aux fuites qui ne peuvent en aucun cas provenir de la pose d'un panneau publicitaire par le preneur ;
- que la SOCIÉTÉ B. TRANSPORT a commis des infractions au bail en encombrant la cour commune et en obstruant le couloir commun, en faisant stationner ses véhicules de façon gênante, en condamnant les WC communs.
Il s'oppose aux demandes reconventionnelles de L'EURL B. qui ne justifie pas des charges dont elle demande paiement.
Il souligne que la résiliation du bail a été constatée pour défaut d'assurances et explique que les difficultés qu'il a rencontrées pour s'assurer provenaient du fait que lors de la mise en place des garanties il avait déclaré un important défaut d'étanchéité de la toiture du local dont la réparation incombait au bailleur.
Par ailleurs, il considère la clause prévue à l’article 14 du bail comme abusive puisqu’elle n’est édictée qu’en cas de manquement du preneur à ses obligations sans contrepartie réciproque en cas de résiliation umputable au bailleur.
[minute page 4] Il estime que la demande de l'EURL B. est irrecevable. En toute hypothèse, les époux B. ne fournissent aucun élément permettant d'imputer leur état de stress aux difficultés relatives au bail.
Monsieur X. souligne que les manquements du bailleur l'ont contraint à cesser son activité dans les locaux à compter de janvier 2005 et que les objets qu'il a entreposés dans le jardin ont été dégradés par Monsieur B.
* * *
L'EURL B. résiste à ces prétentions et sollicite reconventionnellement :
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts ;
- 950 € au titre des charges ;
- que le dépôt de garantie lui reste acquis ;
- 2.500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ailleurs les époux B., intervenus volontairement à la procédure suivant conclusions du 10 mai 2006, sollicitent la somme de 8.000 € en réparation de leur préjudice moral.
A l'appui de leurs demandes, ils soutiennent que les locaux étaient en bon état quand Monsieur X. est entré dans les lieux et que L'EURL B. a fait remédier courant octobre 2004 aux petites fuites de gouttières. Les fuites ultérieures sont dues à la pose d'une enseigne par Monsieur X. lui-même. Ils estiment que les attestations de Monsieur W., ancien salarié licencié, ne sont nullement probantes.
L'EURL B. soutient que les sommes demandées au titre des charges sont justifiées par les pièces produites.
L'EURL B. conteste avoir une quelconque responsabilité en ce qui concerne le défaut d'assurance en soutenant qu'il n'y avait aucun empêchement à la conclusion d'un contrat d'assurance.
L'article 14 du bail ne peut s'analyser en une clause abusive dans la mesure où le contrat a été conclu entre deux professionnels. En outre, L'EURL B. s’estime fondée à retenir le dépôt de garantie compte tenu de l’état des locaux qui lui ont été restitués.
Elle conteste le trouble de jouissance qui n’est pas établi et soutient que c’est Monsieur X. qui n’a pas respecté les clauses du bail notamment en stockant du matériel dans les parties communes.
[minute page 5] A l'appui de leur demande reconventionnelle, L'EURL B. et les époux B. font valoir le comportement injurieux et menaçant de Monsieur X. et le fait que ce dernier bloquait l'accès à la cuve de gas-oil.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II - MOTIFS DE LA DÉCISION :
1°) SUR LA DEMANDE DE M. X. AU TITRE DE SON PRÉJUDICE DE JOUISSANCE :
a) Sur les manquements du bailleur à son obligation de réparation et d'entretien :
Il résulte des attestations des précédents preneurs des locaux loués à Monsieur X. et notamment de Monsieur G., locataire de mars à août 2003, que ceux-ci étaient en parfait état ; Monsieur N. atteste également avoir visité les locaux en août 2003 et avoir constaté qu'ils étaient sains et ne présentaient aucune trace d'humidité.
Monsieur X. invoque pour sa part les nombreuses attestations établies à son profit par Monsieur W. dans lesquelles il indique notamment que la SOCIETE B. devait étanchéifier les bâtiments loués. Cependant ces attestations ne seront pas considérées comme probantes par le tribunal dans la mesure où elles émanent d'un ancien salarié de la SOCIÉTÉ B., licencié en raison de son attitude de nature à envenimer la situation entre les bailleurs et leur preneur, puisqu'il lui était reproché de se stationner intentionnellement devant l'atelier de Monsieur X.
En outre, Monsieur X. n'a adressé pendant plus d'un an aucune demande de travaux à son bailleur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 septembre 2004 Monsieur B. a formulé plusieurs griefs à l'encontre de Monsieur X. et notamment d'avoir installé sans autorisation un panneau publicitaire sur le toit du local en fibrociment occasionnant ainsi l'apparition de fuites. Dans ce même courrier, Monsieur B. indiquait qu'il faisait réaliser un devis pour remédier aux fuites sans conséquences constatées lors de grosses pluies d'orage en raison de l'usure des gouttières.
Ce n'est que postérieurement à ce courrier que, par lettres recommandées en date des 7 et 14 octobre 2004, Monsieur X. a mis son bailleur en demeure de procéder aux travaux de nature à remédier aux fuites.
Il résulte de la facture de la SARL C. du 15 octobre 2004 que L'EURL B. a fait procéder à la réparation et au changement des gouttières sur le bâtiment loué ainsi qu’il s’y était engagé dans son courrier du 14 septembre 2004.
[minute page 6] Monsieur X. ne démontre pas que les autres fuites soient dues à la vétusté de la toiture et non à son intervention sur la toiture pour installer l'enseigne ainsi que le lui a reproché Monsieur B.
Dès lors Monsieur X. est mal fondé à invoquer un préjudice de jouissance à ce titre.
b) Sur les infractions aux règles du bail :
Monsieur X. invoque à cet égard l'encombrement de la cour commune par les camions de son bailleur et des autres parties communes.
Les attestations de Monsieur W., produites par Monsieur X., ne seront pas prises en compte ainsi qu'il a été précédemment exposé.
Monsieur X. s'appuie également sur deux constats de Maître S.-A., huissier de justice.
Le premier de ces constats en date du 11 octobre 2004 n'est nullement probant du grief formulé par Monsieur X. dans la mesure où l'huissier a constaté que « l'accès vers l'atelier du requérant est libre ».
Le second constat est apparemment affecté d'une erreur de date puisqu'il indique 19 juillet 2004 alors qu'il fait référence au constat du 11 octobre 2004 et que la note d'honoraire est du 19 juillet 2005. L'huissier relève la présence de trois véhicules dont la position ne permet pas l'accès à l'atelier. Il convient toutefois de souligner que ce constat ne permet pas d'apprécier la gêne subie par Monsieur X. dans la mesure où le procès-verbal ne précise ni l'heure du constat ni combien de temps l'huissier est resté pour faire son constat.
En outre, il résulte des pièces produites que Monsieur X. lui-même encombrait la cour commune en contravention avec les règles du bail, ce dont Monsieur B. lui avait fait grief par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2004.
Ainsi le constat d'huissier du 19 juillet 2005 établit qu'il stockait du matériel à l'extérieur de l'entrepôt dans la cour commune. Les attestations des salariés de l'EURL précisent également que la cour était régulièrement encombrée par les voitures de Monsieur X. de telle sorte que les salariés de L'EURL B. ne pouvaient circuler ou faire le plein de gas-oil.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, Monsieur X. est mal fondé à alléguer un trouble de jouissance du fait de son bailleur.
2°) SUR LA RESTITUTION DU DÉPÔT DE GARANTIE :
Le bail prévoit dans son article 14 que dans tous les cas de résiliation la somme versée au bailleur à titre de dépôt de garantie demeurera acquise à ce dernier à titre d’indemnité.
[minute page 7] Monsieur X. soutient qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
Cependant ces dispositions ne concernent que les relations entre un professionnel et un consommateur ou non professionnel de telle sorte qu'un contractant ne peut invoquer le bénéfice de cet article lorsque, comme en l'espèce, le contrat qu'il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle.
Dès lors, l'argument de Monsieur X. est inopérant.
La résiliation du bail a été constatée par ordonnance de référé du 2 mars 2006 en raison du défaut d'assurance locative par le preneur. Dès lors, la SARL B. est fondée à conserver le dépôt de garantie de 2.250 € d'autant que Monsieur X. ne justifie pas avoir restitué les lieux en bon état.
3°) SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE L'EURL B. ET DE MONSIEUR ET MADAME B. :
a) Sur la demande relative aux charges :
Le bail prévoit dans son article 5-4 que le preneur doit payer sa « consommation d'eau et d'électricité suivant les indications des compteurs décisionnaires s'il en existe ainsi que la location desdits compteurs ou à défaut selon facturation dressée par le bailleur ».
Il appartient cependant au bailleur de rapporter la preuve des charges dont il demande le remboursement. En l'espèce les seuls justificatifs produits par le bailleur à l'appui de sa demande en paiement d'une somme de 950 € (dans les motifs de ses conclusions) ou de 350 € (dans le dispositif des mêmes conclusions) sont des factures établies par lui-même et qui a elles seules ne sauraient faire preuve de la consommation d'électricité et d'eau à la charge du preneur. Ces considérations avaient d'ailleurs conduit le juge des référés à rejeter la demande de L'EURL B. à ce titre. Eu égard à l'absence de justificatif le Tribunal rejettera également la demande de L'EURL B.
b) Sur les dommages et intérêts :
Il résulte de l'attestation de Madame X., mère du preneur, du 2 décembre 2003, qu'elle a pu apprécier le comportement de Monsieur B. avec lequel elle entretenait des relations satisfaisantes.
En revanche les salariés de L'EURL B., Monsieur G. et Monsieur A. se sont plaints à leur employeur suivant courriers du 22 octobre 2004 et 25 octobre 2004 des agissements de Monsieur X. qui les empêchait de préparer leur camion et d’avoir accès à la pompe à gas-oil.
Des clients et relations de Monsieur et Madame B., Monsieur V., Mademoiselle BI. Et Madame M.-C. ont également attesté de l’attitude injurieuse et gênante de Monsieur X. à l’égard de ses bailleurs.
[minute page 8] Des anciennes employées de Monsieur X., Mademoiselle P. et A., ont confirmé l'attitude agressive de Monsieur X.
L'EURL B. est fondée, au regard de ces éléments, à solliciter une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que leur a causé le comportement perturbateur pour son activité de transporteur de Monsieur X. Les époux B. se verront quant à eux allouer une somme de 1.500 € chacun en réparation de leur préjudice moral.
4°) SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
L'EURL B. a dû exposer des frais irrépétibles. Monsieur X. qui succombe à l'action devra lui verser une indemnité de procédure de 1.200 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort.
- Déboute Monsieur X. de ses demandes.
- Dit que le dépôt de garantie de 2.250 € restera acquis au bailleur.
Condamne Monsieur X. à payer les sommes suivantes :
* à L'EURL B., 1.000 € à titre de dommages-intérêts et 1.200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
* à Monsieur et Madame B. : 1.500 € chacun à titre de dommages-intérêts.
- Déboute L'EURL B. pour le surplus de ses demandes.
Condamne Monsieur X. aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5912 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Démarrage d’une activité principale
- 5922 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats relatifs au local professionnel