TI PARIS (15e ardt), 3 mai 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3407
TI PARIS (15e arrdt), 3 mai 2007 : RG n° 11-07-49 ; jugt 07-524
(sur appel CA Paris (pôle 4 ch. 9), 17 septembre 2009 : RG n° 07/08345)
Extraits : 1/ « Attendu que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise qui est différencié du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement de marchandises ; que les règles spéciales concernant la livraison et la prescription dans le contrat de transport tirées des articles L. 133-6 à L. 133-6- du Code de Commerce ne s'appliquent pas ;
Attendu qu'en effet la loi de 2002 de lutte contre la violence routière susvisée, ainsi que le révèle le rapporteur du Sénat, n'a eu pour objet que d'éviter que les entreprises de déménagement échappent à la réglementation des transports et « n'a pas eu pour objet de se prononcer sur la qualification juridique et le régime applicable aux contrats de déménagements » ; Attendu qu'elle ne peut être donc invoquée dans les rapports avec le consommateur, la nature du contrat qui les lie restant un contrat d'entreprise, de sorte que les dispositions spécifiques du Code de Commerce susvisées restent donc inapplicables ».
2/ « Attendu que l'article 2220 du Code Civil qui est d'ordre public de protection n'interdit pas de déroger conventionnellement à une prescription légale, mais seulement la renonciation à un droit acquis ;
Attendu que la commission des clauses abusives a recommandé que les conditions générales reproduisent lisiblement que l'action doit être intentée dans un délai de un an, qu'il n'est pas contesté que ce soit le cas en l'espèce ; Attendu que la clause litigieuse laisse au consommateur un délai raisonnable pour agir, qu'elle ne supprime pas ou n'entrave pas son action en justice, qu'elle n'est donc pas abusive, mais lui impose seulement de ne pas être négligent ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PARIS
15e ARRONDISSEMENT
JUGEMENT DU 3 MAI 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-07-49. Jugement n° 07-524.
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 3 mai 2007 ; Sous la Présidence de Sabine LEBLANC, Vice Présidente, Juge d'Instance, assisté de Françoise MEGNIEN, faisant fonction de Greffier ; Après débats à l'audience du 22 mars 2007, le jugement suivant a été rendu,
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Madame X. née Y.
[adresse], représenté(e) par Maître SULTAN FUENTES Martine, avocat du barreau de PARIS
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Société QUALIDEM, SARL « Les déménageurs bretons »
[adresse], représenté(e) par Maître RENAUDIN Fabrice, avocat du barreau de MARSEILLE -13
AVERO BELGIUM INSURANCE, Société d'Assurance
[adresse], représenté(e) par Maître RENAUDIN Fabrice, avocat du barreau de MARSEILLE -13
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par lettre de voiture du 28 octobre 2005, Mme X. a confié à la SARL QUALIDEM, assurée auprès de AVERO BELGIUM INSURANCE, son déménagement de [ville S.] à [ville C.]. Les meubles ont été déchargés le 29 octobre 2005.
Mme X. a émis des réserves pour trois meubles sur la lettre de voiture, a retenu la somme de 928 € sur la facture de 1.678,04 € et a adressé le 2 novembre 2005 une lettre recommandée à la SARL QUALIDEM pour lui déclarer qu'une bibliothèque, une armoire-penderie, des enceintes, un corail et une table basse avaient été détériorés.
Par fax du 27 juillet 2006, la société QUALIDEM a fait parvenir à Mme X. une proposition d'indemnisation de l'assureur, que celle-ci a refusée.
Les 8 et 10 novembre 2006, Mme X. a fait assigner la SARL QUALIDEM et son assureur devant le Tribunal d'Instance de PARIS XVème, pour les voir condamner in solidum au paiement d'une somme de 4.050 € en réparation de son préjudice dont la société QUALIDEM est responsable, outre celle de 1.000 € pour résistance abusive et celle de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL QUALIDEM et la société AVERO BELGIUM INSURANCE soulèvent la prescription annale de l'article 19 des conditions générales du contrat de déménagement, conforme aux conditions générales type de la norme AFNOR et invoquent l'article 1134 du Code Civil, faisant valoir que la requérante a librement accepté la clause qui figure sur tous les documents contractuels de sorte que la prescription est acquise depuis le 29 octobre 2006. La société QUALIDEM soutient que cette clause n'est pas abusive, car elle est conforme aux recommandations de la commission des clauses abusives n° 82-02 du 19 février 1992 et ne constitue pas un déséquilibre au détriment du consommateur, le délai d'un an pour agir étant raisonnable.
Elle prétend que l'article L. 133-6 du Code du Commerce qui prévoit un délai de prescription de un an, qui avait été jugé inapplicable aux déménagements par la cour de cassation, leur serait à nouveau applicable depuis la loi LOTI du 12 juin 2003 qui est une loi interprétative et qui assimile les entreprises de déménagement aux entreprises de transport.
Elle fait valoir que la prescription n'a pas été interrompue par un événement des articles 2244 et 2248 du Code Civil, que le fait d'avoir accusé réception de la réclamation de Mme X., d'avoir réclamé devis et factures pour le transmettre à l'assureur et d'avoir en retour adressé à la requérante la proposition de l'assureur ne vaut pas reconnaissance sans équivoque du droit de la requérante, ce que rappelle d'ailleurs la proposition de l'assureur.
Enfin, à titre subsidiaire, elle soulève la présomption de livraison conforme pour les meubles(le corail et la table basse) qui n'avaient pas fait l'objet de réserves et qui n'ont été invoqués que dans la lettre du 2 novembre 2005 et prétend donc que l'indemnisation ne peut être que de 3.300 €. Elle soutient que l'absence de protection des meubles notée comme réserve n'établit pas que ce soit la cause du dommage invoqué, dans ce cas l'assurance ne jouant pas.
La compagnie d'assurance ajoute que la requérante ne pourrait être indemnisée que pour les 3 meubles, objet des réserves et fait valoir que, selon la propre évaluation de la requérante, la bibliothèque ne peut être indemnisée au delà de 740 €, en application de l'article L. 121-5 du Code des assurances et que la franchise de 1.500 € est opposable à l'assurée c'est-à-dire que seule une somme de 690 € correspondant à l'offre refusée pourrait être due, s'il n'y avait pas prescription, le coût des devis constituant un préjudice indirect.
Enfin la société QUALIDEM sollicite le paiement du solde de sa facture, soit 928 €, aucune compensation n'étant possible, outre celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 3] Mme X. représentée par son conseil répond que sa demande est recevable, car la Cour de Cassation a jugé que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise et non un contrat de transport et que la loi de 2002 LOTI dont l'objet est de lutter contre la violence routière et de soumettre les entreprises de déménagement à la réglementation des transports n'a pas eu pour objet d'appliquer la prescription annale du code de commerce aux entreprises de déménagement. Elle invoque la nullité de la clause contractuelle qui contreviendrait à l'article 2220 du Code Civil qui prévoit qu'on ne peut d'avance renoncer à une prescription.
Elle prétend enfin que la clause de prescription abrégée est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
Elle invoque la responsabilité de la société QUALIDEM qui n'a pas chargé ni protégé correctement le meubles. Elle explique que le coût de la réparation de l'armoire est de 3.150 € plus 50 € de devis, qu'elle demande 850 € pour les enceintes qu'elle avait acquis 5.600 € et qu'elle demande en conséquence le paiement d 'une somme de 4.050 € avec intérêts de droit capitalisés depuis le 29 octobre 2005. Elle ajoute que le contrat d'assurance lie la société QUALIDEM et la compagnie d'assurance et que la franchise est inopposable aux tiers.
Enfin, elle fait valoir la mauvaise foi et la résistance abusive des défenderesses.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Vu l'article 1787 du Code Civil, l'article L. 133-3 à 133- 6 du Code de Commerce, l'article 26 de la loi du 12 juin 2003 qui modifie l'article 5 de la loi du 30 décembre 1982 ;
Attendu que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise qui est différencié du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement de marchandises ;
que les règles spéciales concernant la livraison et la prescription dans le contrat de transport tirées des articles L. 133-6 à L. 133-6- du Code de Commerce ne s'appliquent pas ;
Attendu qu'en effet la loi de 2002 de lutte contre la violence routière susvisée, ainsi que le révèle le rapporteur du Sénat, n'a eu pour objet que d'éviter que les entreprises de déménagement échappent à la réglementation des transports et « n'a pas eu pour objet de se prononcer sur la qualification juridique et le régime applicable aux contrats de déménagements » ;
Attendu qu'elle ne peut être donc invoquée dans les rapports avec le consommateur, la nature du contrat qui les lie restant un contrat d'entreprise, de sorte que les dispositions spécifiques du Code de Commerce susvisées restent donc inapplicables ;
Vu les articles 1134, 2220 du Code Civil et l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
Vu la recommandation n° 82-02 du 19 février 1982 de la commission des clauses abusives,
Attendu que l'article des conditions générales du contrat disposent « de convention expresse entre les parties, il est convenu que les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peuvent donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier » ;
[minute page 4] Attendu que l'article 2220 du Code Civil qui est d'ordre public de protection n'interdit pas de déroger conventionnellement à une prescription légale, mais seulement la renonciation à un droit acquis ;
Attendu que la commission des clauses abusives a recommandé que les conditions générales reproduisent lisiblement que l'action doit être intentée dans un délai de un an, qu'il n'est pas contesté que ce soit le cas en l'espèce ;
Attendu que la clause litigieuse laisse au consommateur un délai raisonnable pour agir, qu'elle ne supprime pas ou n'entrave pas son action en justice, qu'elle n'est donc pas abusive, mais lui impose seulement de ne pas être négligent ;
Attendu que la requérante qui invoquait à tort une prescription décennale, n'a pas prétendu que la prescription annale aurait été interrompue, qu'en effet aucun événement prévus par les articles 2244 et 2248 du Code Civil n'est invoqué par la requérante ;
Attendu qu'il y a lieu de constater que l'action n'a pas été exercée dans le délai de un an à compter du 29 octobre 2005, l’assignation ayant été délivrée les 8 et 10 novembre 2006 et que dès lors la prescription contractuelle est acquise et la demande irrecevable ainsi bien à l'égard du déménageur que de l'assureur ;
Attendu que la requérante ne conteste pas n'avoir pas réglé le solde de la facture, qu'elle sera donc condamnée à payer à la société QUALIDEM la somme de 928 € ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, eu égard aux situations des parties et aux circonstances ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Déclare irrecevables les demandes de la requérante.
Condamne Mme X. à payer à la société QUALIDEM une somme de 928 €, montant du solde de la facture.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Laisse les dépens à la charge requérante.
Le Greffier Le Juge
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