TI STRASBOURG, 11 mars 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3408
TI STRASBOURG, 11 mars 2008 : RG n° 11-07-000577
(sur appel CA Colmar (3e ch. civ. sect. A), 28 septembre 2009 : RG n° 08/02113 ; arrêt n° 09/0999)
Extrait : « Attendu qu'en effet, le contrat de déménagement litigieux stipule en son article 19 que les actions en justice pour avarie, perte ou retard, auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement, doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier ;
Que cette disposition ne révèle aucun déséquilibre significatif entre les parties contractantes dans la mesure où le délai d'un an laissé pour introduire une action en justice au titre des pertes et avaries à compter de la livraison du mobilier apparaît raisonnable et suffisant, s'agissant de constats qui peuvent être réalisés dès la livraison du mobilier ;
Attendu au surplus que l'article L. 133-6 du Code de commerce est applicable dès lors que la loi du 12 juin 2003 a conféré au contrat de déménagement la nature juridique d'un contrat de transport de marchandises ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE STRASBOURG
JUGEMENT DU 11 MARS 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-07-000577/1C.
PARTIE DEMANDERESSE :
SARL DÉMÉNAGEMENTS BULOT
[adresse], représenté(e) par Maître RENAUDIN Patrick (Marseille), avocat du barreau de Marseille
PARTIE DÉFENDERESSE :
Monsieur X.
[adresse], représenté(e) par Maître JEAN PIMOR Philippe - PARIS, avocat du barreau de PARIS
Nature de l'affaire : Demande en paiement du prix du transport
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Juge Madame Nathalie RECK, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 7 janvier 2008
JUGEMENT : mixte, contradictoire, prononcé par mise à disposition au Greffe, par Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Juge et signé par Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Juge et Madame Nathalie RECK, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par ordonnance n° 0241 du 25 janvier 2007, Monsieur le Président du Tribunal d'instance de Strasbourg a enjoint à Monsieur X de payer la somme de 7.017,09 €, outre les intérêts et les frais à la Société Déménagements Bulot « les Déménageurs Bretons » SARL.
Cette ordonnance a été signifiée à la partie défenderesse selon acte d'huissier de justice déposé son étude le 30 janvier 2007.
Monsieur X a formé opposition contre cette ordonnance par courrier reçu au greffe le 7 février 2007.
Selon acte en date du 13 février 2007, la Société FRAIKIN ASSETS est intervenue volontairement à la présente procédure.
Selon écritures intitulées « conclusions n° 3 » déposées le 7 janvier 2008, la SARL Déménagements Bulot « les Déménageurs Bretons » demande au tribunal de :
- débouter M. X de ses demandes,
- subsidiairement, limiter la réclamation de M. X à la somme de 1.414,90 €,
- rejeter l'intervention volontaire de la Société FRAIKIN ASSETS,
- condamner M. X au paiement de la somme de 7.017,09 € au titre du prix du déménagement, outre intérêts de retard sur la base d'une fois et demi le taux d'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 26 octobre 2006,
- condamner M. X au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de sa position elle indique qu'elle a exécuté le déménagement du mobilier de M. X de [ville] (21) à [ville] (67) selon devis accepté et lettre de voiture, que des dommages ont été constatés sur huit meubles lors de la livraison le 29 juin 2006, que par courrier du 4 juillet 2007 M. X a fait état de dommages concernant dix meubles supplémentaires, que son assureur était dans l'attente de la production des pièces justificatives pour former une proposition transactionnelle, qu'elle a sollicité le paiement du solde du prix du déménagement, qu'après règlement partiel, elle a déposé une requête en injonction de payer pour le solde restant dû.
Elle fait valoir qu'en application de l'article 19 des conditions générales du contrat de déménagement la demande reconventionnelle pour mauvaise exécution de la prestation est prescrite depuis le 29 juin 2007. Elle précise que cette disposition des conditions générales du contrat n'est pas abusive selon une première recommandation de la commission des clauses abusives, en l'absence de déséquilibre significatif créé entre les droits et obligations des parties au contrat, et ce même si la commission des clauses abusives a rendu un nouvel avis considérant cette disposition comme abusive.
[minute page 3] Elle soutient également que la demande reconventionnelle est prescrite sur le fondement de l'article L. 133-6 du Code de commerce et de l'article 26 de la loi du 12 juin 2003 selon lequel sont considérés comme des transports de marchandises les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement.
Elle prétend que le délai de prescription n'a été interrompu ni par l'opposition à injonction de payer, ni par la reconnaissance du droit du réclamant en relevant que la lettre de M. X en date du 5 février 2007 ne vaut pas citation en justice, que les conclusions des défendeurs portant demande reconventionnelle lui ont été adressées par télécopie du 10 juillet 2007 et qu'elle n'a jamais reconnu le droit du réclamant. Elle précise que la transmission du dossier à l'assureur après avoir sollicité factures d'achat et devis de réparation s'analyse comme une mesure conservatoire exigée par la police d'assurance.
Elle s'oppose à l'appel en garantie de son assureur en relevant que l'action de M. X étant prescrite au 29 juin 2007, l'action directe contre son assureur serait irrecevable.
Subsidiairement, elle fait valoir que la réclamation de M. X ne peut prospérer que pour les huit meubles qui ont fait l'objet de réserves mentionnées sur la lettre de voiture et que pour le surplus, sa réclamation se heurte à la présomption de livraison conforme, ainsi qu'à l'article 14 des conditions générales de vente attirant l'attention du client à émettre des réserves écrites dès la livraison en présence des représentants de l'entreprise. Elle prétend que le défendeur avait le devoir de procéder au contrôle de son mobilier dès la livraison et de façon aussi complète que nécessaire. Enfin elle conteste le montant de l'indemnité mise en compte.
Elle soutient encore que la retenue pratiquée par le défendeur sur le solde du prix est illégale, à défaut de pouvoir procéder à une compensation, nul ne pouvant se faire justice à lui-même et la créance n'étant pas certaine, liquide ni exigible.
In fine, elle s'oppose à l'intervention volontaire de la Société FRAIKIN en relevant qu'elle est un tiers au contrat la liant à M. X, qu'elle ne justifie pas du contrat à l'origine de la facture du 31 juillet 2001 dont elle réclame le paiement, et que s'agissant de deux commerçants le litige relève de la juridiction consulaire.
Selon écritures intitulée « conclusions d'incident n° 1 », la société demanderesse conclut au débouté de M. X et de la société FRAIKIN de leurs demandes de sursis à statuer, de communication des polices d'assurance et d'astreinte. Elle sollicite le paiement d'une indemnité de 1.000 € au titre des frais irrépétibles de l'incident.
Pour leur part, selon écritures en date du 7 janvier 2008, Monsieur X et la Société FRAIKIN ASSETS demandent au Tribunal de :
- dire et juger que M. X est recevable et bien fondé en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 25 juillet 2006,
- débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes,
- réputer non écrite comme abusive la clause de l'article 19 des conditions générales du contrat de déménagement du 12 mai 2006 en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
- [minute page 4] donner acte à M. X de ce qu'il entend mettre en cause les compagnies d'assurance de la société demanderesse, qu'il entend assigner par exploit parallèle,
- condamner solidairement la société demanderesse, la compagnie MARSH et la seconde compagnie d'assurance dont les coordonnées sont sollicitée à lui payer la somme de 5.600,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- ordonner l'éventuelle compensation entre la créance et la société demanderesse à l'égard de la Société FRAIKIN ASSETS prenant en charge le coût des prestations de déménagement pour son salarié et la créance de la Société FRAIKIN ASSETS à l'égard de la Société BULOT DÉMÉNAGEMENTS.
- condamner les mêmes à payer à la Société FRAIKIN ASSETS, aux droits de la société LOCAMION, la somme de 859,00 € avec intérêts de retard à compter du 19 janvier 2007, date de mise en demeure de payer,
- condamner la société demanderesse à payer respectivement aux défendeurs la somme de 1.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- assortir la décision de l'exécution provisoire,
- condamner la société demanderesse aux dépens.
A l'appui de leur position, ils indiquent que les prestations de transport ont été réalisées dans le cadre d'un déménagement professionnel, que la Société FRAIKIN ASSETS, intervenante volontaire, demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend être seule tenue au paiement de ces prestations réalisée au profit de son salarié M. X et que celui-ci devra être mis hors de cause.
La Société FRAIKIN ASSETS sollicite le débouté des demandes en paiement au motif que la société demanderesse n'a entrepris aucune démarche auprès de sa compagnie d'assurance pour obtenir l'indemnisation de M. X au titre des dégradations subies à hauteur de 5.626,50 € et ce en dépit de plusieurs lettres de mise en demeure.
M. X demande quant à lui, l'indemnisation du préjudice subi tenant aux dégradations dont ont été affectés les meubles transportés en application des articles 1142 et 1147 du Code civil, pour un montant de 5.600,00 €.
Par ailleurs, la Société LOCAMION, aux droits de laquelle se trouve dorénavant la Société FRAIKIN ASSETS sollicite le paiement de la somme de 859,00 € au titre du solde d'une facture du 31 juillet 2001 relative à la location de deux véhicules, resté impayé malgré rappels et sommations.
En réponse à la prescription invoquée par la demanderesse, elle conteste l'application de l'article L. 133-6 du Code de commerce en relevant qu'il ressort de la jurisprudence que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise qui est différencié du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement du mobilier.
Par ailleurs, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation elle conclut à la nullité de la clause de l'article 19 des conditions générales du déménagement comme abusive, au motif qu'elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les parties au contrat.
[minute page 5] A titre subsidiaire, les parties défenderesses font valoir que la prescription annale invoquée a été interrompue par l'opposition formée par lettre recommandée avec accusé réception du 5 février 2007 indiquant entendre former d'importantes demandes reconventionnelles à titre de dommages et intérêts à la suite du déménagement litigieux.
Quant à la présomption de livraison conforme développée par la demanderesse, les parties défenderesses répondent que le déménageur ne bénéficie pas de la présomption de livraison conforme énoncée par l'article L. 133-6 du Code de commerce, le contrat de déménagement étant un contrat d'entreprise et non un contrat de transport, et que le preuve des avaries est rapportée.
In fine elles concluent à la recevabilité de l'intervention volontaire de la Société FRAIKIN AS SETS, au motif qu'il existe un lien suffisant entre les prétentions de la société intervenante et celles de la demanderesse initialement dirigées contre M. X.
Par conclusions d'incident en date du 7 janvier 2008, les parties défenderesses demandent au tribunal de :
- surseoir à statuer
et, par jugement avant-dire droit de :
- condamner sous astreinte de 200,00 € par jour de retard la société demanderesse à leur communiquer une copie des polices d'assurances souscrites, en particulier, auprès de la compagnie AVERO BELGIUM INSURANCE, ainsi que les coordonnées de cette compagnie d'assurance ou de tous autres assureurs du sinistre subi par M. X,
- condamner la demanderesse à leur payer la somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans le cadre du présent incident de communication de pièces.
Les parties défenderesses indiquent que l'action qu'elles intentent n'est pas prescrite, et que l'action directe envisagée contre l'assureur est recevable sur le fondement de l'article L. 124-3 du Code des assurances.
Ils font valoir que si l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit en principe dans le même délai que l'action de la victime contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l'assureur tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré, soit deux années à compter de l'action de la victime selon l'article 114-1 du Code des assurances.
C'est dans ces conditions que l'affaire a été retenue à l'audience du 7 janvier 2008.
A cette date, les parties ont comparu par l'intermédiaire de leurs conseils, qui se sont référés oralement à leurs conclusions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que selon l'article L. 114-1 du même code, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ;
Attendu que les parties défenderesses peuvent ainsi exercer une action directe contre les compagnies d'assurance de la société demanderesse aussi longtemps que la Société Déménagement Bulot peut agir contre celles-ci, soit dans un délai de deux ans à compter de l'action de la victime ;
Attendu cependant que l'action de la victime, engagée contre la Société Déménagement Bulot par la formalisation d'une demande reconventionnelle transmise à la partie demanderesse par télécopie du 10 juillet 2007 et au greffe du Tribunal par télécopie du 24 octobre 2007, se révèle prescrite ;
Attendu qu'en effet, le contrat de déménagement litigieux stipule en son article 19 que les actions en justice pour avarie, perte ou retard, auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement, doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier ;
Que cette disposition ne révèle aucun déséquilibre significatif entre les parties contractantes dans la mesure où le délai d'un an laissé pour introduire une action en justice au titre des pertes et avaries à compter de la livraison du mobilier apparaît raisonnable et suffisant, s'agissant de constats qui peuvent être réalisés dès la livraison du mobilier ;
Attendu au surplus que l'article L. 133-6 du Code de commerce est applicable dès lors que la loi du 12 juin 2003 a conféré au contrat de déménagement la nature juridique d'un contrat de transport de marchandises ;
Attendu que la livraison est intervenue le 29 juin 2006 ;
Que l'opposition à injonction de payer ne contient pas de demande permettant d'en déterminer le montant ou la nature et n'était pas accompagnée de documents justificatifs ; que cette opposition ne peut donc pas valoir citation en justice et n'est pas interruptive de prescription ;
Qu'il n'est pas établi que la demanderesse aurait expressément reconnu le droit de M. X à obtenir indemnisation des avaries constatées ;
Que la prescription annale n'a donc pas été interrompue ;
Que par suite, les assureurs ne sont pas exposés au recours de leur assuré ni à l'action directe de la victime ;
[minute page 7] Qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer en vue de mettre en cause les compagnies d'assurance de la société demanderesse ;
Attendu qu'il convient donc d'ordonner la réouverture des débats et de réserver les droits des parties et les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par jugement mixte mis à disposition au greffe,
CONSTATE la prescription de la demande reconventionnelle en dommages intérêts dirigée contre la Société Déménagement Bulot « Déménageurs Bretons » ;
REJETTE la demande de sursis à statuer ;
ORDONNE la réouverture des débats ;
RENVOIE la procédure à l'audience du 5 mai 2008 à 8h30 salle 100 ;
DIT que la notification du présent jugement vaut citation des parties à comparaître à l'audience susmentionnée ;
RÉSERVE les droits des parties et les dépens ;
Ainsi prononcé les jour, mois et an susdits et signé par le juge et le greffier.
LE GREFFIER LE JUGE