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TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 2 septembre 2004

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 2 septembre 2004
Pays : France
Juridiction : Paris (TGI)
Demande : 03/01287
Décision : 2004/12
Date : 2/09/2004
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 7/01/2003
Décision antérieure : CA PARIS (25e ch. sect. A), 27 octobre 2006
Numéro de la décision : 12
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3428

TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 2 septembre 2004 : RG n° 03/01287 ; jugt n° 12

(sur appel CA Paris (25e ch. A), 27 octobre 2006 : RG n° 04/20821)

 

Extrait : « La Chambre de Commerce et d'Industrie invoque par ailleurs une clause limitative de responsabilité pour prétendre s'exonérer de sa responsabilité, clause dont les demandeurs soutiennent le caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En effet, le bulletin de dépôt remis n° 2002/109XX remis à Mademoiselle X. le 17 juin 2002 comporte la clause suivante « Tout objet apporté au Service, pour examen, est assuré par celui-ci contre les risques de détérioration, perte, vol et incendie, mais seulement pour la valeur indiquée par le déposant : la signature du bulletin de dépôt par le déposant implique que la valeur d'assurance qui y est souscrite est bien celle déclarée par lui : en aucun cas, et quelle que soit la valeur intrinsèque de l'objet déposé, la responsabilité du service ne peut être engagée au-delà de la somme indiquée sur le bulletin de dépôt remis au déposant et signé par lui ». [...]. Il n'est en revanche pas sérieusement contestable que la deuxième partie de cette clause (« en aucun cas, et quelle que soit la valeur intrinsèque de l'objet déposé, la responsabilité du service ne peut être engagée au-delà de la somme indiquée sur le bulletin de dépôt remis au déposant et signé par lui ») s'analyse comme une clause limitative de responsabilité, ce qui résulte des termes mêmes de ladite clause.

Ces stipulations ne sauraient être considérées en elles-mêmes comme abusives. En effet, le principe de liberté contractuelle suppose que les parties puissent librement déterminer l'étendue de leurs obligations respectives. Or, l'obligation d'assurance du Laboratoire Français de Gemmologie, telle que définie dans cette clause, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle est simplement restreinte et non pas supprimée. La limitation de responsabilité n'est pas non plus abusive puisqu'elle est la conséquence directe et immédiate de la restriction de l'obligation du dépositaire et qu'elle lui est proportionnée.

Néanmoins, si cette clause n'est pas en elle même abusive, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris ne peut prétendre, sur le fondement de cette clause, limiter voir s'exonérer de toute responsabilité sans démontrer que le service du Laboratoire Français de Gemmologie s'est acquitté de l'obligation de conseil à laquelle il est tenu en qualité de professionnel assurant, selon les termes du bulletin de dépôt, le service public du contrôle des diamants, perles fines et pierres précieuses ; [...] ;

En l'espèce, il n'est pas établi que la défenderesse se soit acquittée de cette obligation dès lors qu'il a été indiqué par le préposé qui a rempli le bulletin de dépôt que Mme Y. n'a fait que signer, que la valeur d'assurance de la pierre déposée était de zéro euro alors même qu'il s'agissait d'un diamant pesant 2,93 carats et présentant toutes les caractéristiques extérieures d'un diamant, authenticité qui sera d'ailleurs confirmée par l'analyse qu'en fera le service avant que la pierre ne soit volée ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 2 SEPTEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/01287. Jugement n° 12.

 

DEMANDEURS :

Madame X. épouse Y.

[adresse], représentée par Maître Michèle MORANGE DE LAMBERTYE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E 890

Monsieur Y. époux de Madame X.

[adresse], représenté par Maître Michèle MORANGE DE LAMBERTYE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E 890

 

DÉFENDERESSE :

POUR LE LABORATOIRE FRANCAIS DE GEMMOLOGIE,

service public du contrôle des diamants, perles fines et pierres précieuses, [adresses], représentée par SCP BODIN - DE LYLLE, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire P182

[minute page 2]

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS dite CCIP

intervenante volontaire, [adresse], représentée par SCP BODIN - DE LYLLE, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire P182

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : par application des articles L. 311-10 du Code de l'Organisation Judiciaire et 801 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été attribuée au Juge unique. Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s'y sont pas opposés.

Marie-Andrée BAUMANN, Vice-Présidente, statuant en juge unique, assistée de Michael HUMBERT, auditeur de justice ayant siégé en surnombre et participé avec voix consultative au délibéré, assistée de Anne LOREAU, Greffière.

DÉBATS : A l'audience du 4 juin 2004 tenue publiquement.

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 17 juin 2002, Madame X., sur le point de se fiancer à Monsieur Y. et aujourd'hui son épouse, a déposé au LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE un diamant d'un poids de 2,93 carats afin d'examen complet.

[minute page 3] Le 24 juin 2002, le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE l'informait par lettre que ses locaux venaient d'être cambriolés.

Après une première lettre de réclamation laissée sans réponse, Monsieur Y. a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé-réception datée du 31 juillet 2002, le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE de lui restituer le diamant ou de lui en rembourser la valeur estimée à 42.000 euros.

Cette mise en demeure étant restée infructueuse, Madame X. et Monsieur Y. ont assigné, par acte d'huissier en date du 7 janvier 2003, le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE devant le Tribunal de Grande Instance pour obtenir notamment la restitution du diamant en nature ou en dommages-intérêts.

Par conclusions de constitution et d'intervention signifiées le 10 février 2003 devant le Tribunal, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS dite CCIP est intervenue spontanément dans la procédure, en précisant que le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE n'a pas de personnalité morale et qu'il était un simple service de la CCIP.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur et Madame Y. demandent au Tribunal, dans leurs dernières conclusions du 10 février 2004, de :

- condamner la CCIP, du fait du LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, à leur restituer l'équivalent du diamant déposé le 17 juin 2002, soit en nature, soit en dommages et intérêts, ceci dans les deux cas pour une valeur de 42.000 euros ;

- débouter la CCIP de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Dire nulle et de nul effet la clause de non responsabilité insérée dans le bulletin de dépôt remis par le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE à Madame X. le 17 juin 2002 ;

- Constater, à tout le moins, que le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, dépositaire professionnel, a gravement manqué à son devoir de conseil envers Madame X., déposant profane ;

- Condamner la CCIP, du fait du LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, à leur payer à chacun la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- [minute page 4] Condamner la CCIP, du fait du LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, à leur payer à chacun la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

Les époux Y. estiment d'abord que leur action est recevable car, en matière de dépôt, la preuve de la propriété d'un bien déposé n'est pas requise pour obtenir la restitution de celui-ci. Il considèrent au surplus qu'ils rapportent preuve suffisante de leur propriété du diamant et rappellent le principe de l'article 2279 du Code civil selon lequel « en fait de meubles possession vaut titre ».

Ils font ensuite valoir qu'il pèse sur le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, comme sur tout dépositaire, une obligation de restitution qui est une obligation de résultat. Ils considèrent que le LABORATOIRE FRANÇAIS ne peut se prévaloir d'aucune clause exonératoire de responsabilité et que le vol ayant eu lieu le 24 juin 2002 n'est pas un cas de force majeure.

Ils ajoutent que le laboratoire Français de Gemmologie professionnel de l'analyse et de l'évaluation des diamants, a failli à son obligation de conseil en ne conseillant pas Mme X., profane, sur la question de la valeur d' assurance de la pierre notée au bulletin de dépôt et en inscrivant que la valeur du diamant était de « 0 euro » alors même qu'elle avait simplement déclaré ne pas connaître la valeur de la pierre.

Les consorts Y. prétendent par ailleurs que la clause de non-responsabilité insérée dans le bulletin de dépôt remis à Madame X. en très petits caractères est particulièrement peu claire et constitue une clause abusive au sens du Code de la consommation qui ne peut donc leur être opposée.

Pour justifier de la valeur du diamant dérobé, Monsieur et Madame X. présentent enfin les attestations de deux professionnels ayant travaillé sur la pierre avant qu'elle ne soit confiée au LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE, Monsieur A. et la société M..

 

Dans ses écritures récapitulatives signifiées le 6 février 2004 , la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris dite CCIP, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité des demandes de Monsieur et Madame Y.

A titre subsidiaire, elle demande au Tribunal de les débouter de toutes leurs demandes.

[minute page 5] Dans les deux cas, la CCIP sollicite la condamnation de Monsieur et Madame Y. à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

La CCIP expose dans un premier temps que les consorts Y. n'ont pas qualité à agir dans la présente instance, faute pour eux de prouver qu'ils sont les légitimes propriétaires du diamant déposé.

Elle soutient ensuite que l'obligation de restitution du dépositaire n'est qu'une obligation de moyen renforcée et que le cambriolage dont le Laboratoire Français de Gemmologie a fait l'objet est un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; elle soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les précautions utiles pour empêcher ce sinistre.

Sur sa prétendue responsabilité, la CCIP fait valoir qu'il suffisait à Mme X. dont l'attention a été attirée lors du dépôt du diamant dont elle ne pouvait qu'avoir une idée de la valeur puisqu'elle avait montré la pierre à des professionnels, de déclarer une valeur d'assurance à hauteur de l'estimation qu'elle produit aujourd'hui et qu'il n'appartenait nullement au laboratoire d'évaluer au moment du dépôt la valeur de cette pierre avant même toute authentification ou de conseiller Mme X. sur le point particulier d'une déclaration d'assurance.

La CCIP explique par ailleurs que la clause contestée par les demandeurs ne peut être annulée cette clause étant particulièrement lisible et que cette clause qui n'est pas une clause limitative de responsabilité mais simplement une clause déterminant l'étendue des obligations contractuelles des parties, ne saurait être qualifiée d'abusive.

Elle en déduit que le Laboratoire Français de Gemmologie n'avait donc l'obligation d'assurer la pierre qu'à proportion de la valeur déclarée par les déposants et qu'il ne peut être tenu de rembourser le diamant, les déposants ayant déclaré une valeur de zéro euro.

La CCIP conteste enfin la valeur de la pierre disparue en se fondant sur les contradictions des attestations produites par les demandeurs et sur la différence de poids observé entre ces attestations (2,96 carats) et le poids retenu par le LABORATOIRE FRANCAIS DE GEMMOLOGIE (2,93 carats).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il doit au préalable être souligné que l'intervention de la Chambre de Commerce et d' Industrie de Paris qui a un intérêt à agir dès lors que le laboratoire Français de Gemmologie n'est pas une personne morale et dépend directement de la Chambre de Commerce, est recevable.

 

- Sur la recevabilité de l'action des demandeurs :

L'article 1915 Code civil définit le dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui à la charge de la garder et de la restituer en nature ».

L'article 1938 de ce même code précise que le dépositaire, lorsque la restitution de la chose confiée lui est demandée, « ne peut pas exiger de celui qui a fait le dépôt, la preuve qu'il était propriétaire de la chose déposée ».

Il en résulte, dès lors qu'il s'agit comme en l'espèce d'une action fondée sur l'obligation de restitution d'un dépositaire, que la qualité agir du demandeur ne repose pas sur sa qualité de propriétaire de la chose, déposée mais sur sa qualité de déposant.

Il n'est pas contesté que Madame X. a effectué le dépôt d'un diamant auprès du LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE,

Ce qui est d'ailleurs prouvé par le bulletin de dépôt versé aux débats et elle est ainsi recevable en son action.

Cette qualité pour agir doit également être reconnue à Monsieur Y. du fait du mariage intervenu entre Madame X. et lui, lequel mariage n'est pas contesté, et de la communauté d'intérêt de principe existant entre les époux.

Par conséquent, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens, il y a lieu de prononcer la recevabilité de l'action des époux Y.-X.

 

- Sur la demande principale des époux Y. X. :

Les articles 1915 et suivants du Code civil fixent l'obligation du dépositaire de rendre la chose même qui lui a été confiée par le déposant.

[minute page 7] Cette obligation de restitution s'analyse comme une obligation dont le dépositaire ne doit pouvoir s'exonérer que par la preuve d'une force majeure ou de l'absence de faute.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE a fait l'objet d'un cambriolage dans le courant du mois de juin 2002.

Mais il appartient à la Chambre de Commerce et d'Industrie de prouver que cet événement présente toutes les caractéristiques de la force majeure.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elle n'établit pas que tous les critères constitutifs de la force majeure, et notamment celui tenant à l'imprévisibilité de l'événement, sont réunis dès lors qu'il n'est pas produit aux débats d'éléments suffisants justifiant dans quelles circonstances le vol a eu lieu.

En s'abstenant en outre de fournir au Tribunal des éléments objectifs d'information lui permettant d'apprécier l'importance et la qualité des dispositifs de sécurité et d'alarme mis en place pour assurer la garde des pierres précieuses qui lui sont confiées, la défenderesse n'a pas plus chercher à démontrer l'absence de faute du service du Laboratoire Français de Gemmologie.

Elle ne saurait donc être dégagée de sa responsabilité contractuelle sur la seule foi de ses allégations portant sur la détermination des cambrioleurs ou la suffisance de ses dispositifs de sécurité dès lors qu'elle ne démontre suffisamment ni la force majeure ni son absence de faute.

La Chambre de Commerce et d'Industrie invoque par ailleurs une clause limitative de responsabilité pour prétendre s'exonérer de sa responsabilité, clause dont les demandeurs soutiennent le caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En effet, le bulletin de dépôt remis n° 2002/109XX remis à Mademoiselle X. le 17 juin 2002 comporte la clause suivante « Tout objet apporté au Service, pour examen, est assuré par celui-ci contre les risques de détérioration, perte, vol et incendie, mais seulement [minute page 8] pour la valeur indiquée par le déposant : la signature du bulletin de dépôt par le déposant implique que la valeur d'assurance qui y est souscrite est bien celle déclarée par lui : en aucun cas, et quelle que soit la valeur intrinsèque de l'objet déposé, la responsabilité du service ne peut être engagée au-delà de la somme indiquée sur le bulletin de dépôt remis au déposant et signé par lui ».

L'examen de cette clause conduit, à titre préliminaire, à distinguer deux parties. La première partie (« Tout objet apporté à u Service, pour examen, est assuré par celui-ci contre les risques de détérioration, perte, vol et incendie, mais seulement pour la valeur indiquée par le déposant ») circonscrit effectivement l'obligation du dépositaire d'assurer le bien dans la limite de la valeur déclarée par le déposant.

Il n'est en revanche pas sérieusement contestable que la deuxième partie de cette clause (« en aucun cas, et quelle que soit la valeur intrinsèque de l'objet déposé, la responsabilité du service ne peut être engagée au-delà de la somme indiquée sur le bulletin de dépôt remis au déposant et signé par lui ») s'analyse comme une clause limitative de responsabilité, ce qui résulte des termes mêmes de ladite clause.

Ces stipulations ne sauraient être considérées en elles-mêmes comme abusives. En effet, le principe de liberté contractuelle suppose que les parties puissent librement déterminer l'étendue de leurs obligations respectives. Or, l'obligation d'assurance du Laboratoire Français de Gemmologie, telle que définie dans cette clause, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle est simplement restreinte et non pas supprimée.

La limitation de responsabilité n'est pas non plus abusive puisqu'elle est la conséquence directe et immédiate de la restriction de l'obligation du dépositaire et qu'elle lui est proportionnée.

Néanmoins, si cette clause n'est pas en elle même abusive, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris ne peut prétendre, sur le fondement de cette clause, limiter voir s'exonérer de toute responsabilité sans démontrer que le service du Laboratoire Français de Gemmologie s'est acquitté de l'obligation de conseil à laquelle il est tenu en qualité de professionnel assurant, selon les termes du bulletin de dépôt, le service [minute page 9] public du contrôle des diamants, perles fines et pierres précieuses ; la défenderesse ne peut éluder cette obligation pour faciliter l'exonération ou la limitation de sa responsabilité en cas d'inexécution de son obligation essentielle qu'est la restitution des objets qui lui sont déposés. Les préposés de ce service doivent, au contraire de ce que soutient la défenderesse dans ses écritures, particulièrement attirer l'attention des déposants sur l'importance de la déclaration de valeur de l'objet déposé, élément essentiel pour que le déposant soit indemnisé en cas de perte ou de vol et sur les conséquences d'une déclaration de valeur d'assurance égale à zéro euro dès lors que le service du laboratoire de Gemmologie qui concentre son activité sur des pierres précieuses est particulièrement sensibilisé aux problèmes de «sécurité et de préservation des pierres qui lui sont confiées ».

En l'espèce, il n'est pas établi que la défenderesse se soit acquittée de cette obligation dès lors qu'il a été indiqué par le préposé qui a rempli le bulletin de dépôt que Mme Y. n'a fait que signer, que la valeur d'assurance de la pierre déposée était de zéro euro alors même qu'il s'agissait d'un diamant pesant 2,93 carats et présentant toutes les caractéristiques extérieures d'un diamant, authenticité qui sera d'ailleurs confirmée par l'analyse qu'en fera le service avant que la pierre ne soit volée.

Il était manifestement contraire aux intérêts de la déposante de déclarer une valeur d'assurance nulle qui lui interdisait en cas de perte ou de vol de l'objet toute indemnisation et le préposé qui connaissait particulièrement bien les effets de la clause limitative de responsabilité présente sur tous les formulaires n'a pas suffisamment attiré l'attention de Mme X., simple profane se présentant pour authentification d'un diamant, sur les conséquences de la déclaration d'une valeur nulle de l'objet déposé au vu des termes de cette clause dont la déposante prenait pour connaissance pour la première fois en signant le bulletin de dépôt.

Le service du Laboratoire de Gemmologie a manifestement failli à son obligation de conseil afin de s'assurer de l'application d'une clause qui limite l'étendue de son obligation de restitution au montant déclaré de la valeur d'assurance de l'objet.

[minute page 10] En conséquence, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris devra indemniser les requérants du préjudice qu'ils ont subi du fait de ce manquement à son obligation de conseil et devra être condamnée à verser aux demandeurs le montant de la valeur du diamant.

Pour justifier le montant de leur préjudice, les consorts Y. versent au dossier la déclaration de la société M., sertisseur de pierres précieuses, qui atteste que leur diamant présentait les caractéristiques suivantes : Poids, 2,96 carats ; Couleur K; Pureté VVS1. Dans cette attestation du 9 juillet 2002, la société M. estime la valeur du diamant litigieux à 42.000 euros.

Les époux Y. produisent également l'attestation de Monsieur A., tailleur de diamant, qui décrit le diamant de façon identique à celle de la société M., à l'exception toutefois de ta pureté qu'elle classe « VS ».

Ces deux attestations qui ne sont pas contradictoires, établissent que la pierre déposée au LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE par Mademoiselle X. était bien un diamant, ce qui est d'ailleurs confirmé par le compte rendu de l'analyse de la pierre opérée Palle laboratoire.

Ce compte rendu précise néanmoins que le poids du diamant était de 2,93 carats et non pas 2,96 carats comme il est. allégué par les demandeurs. Ces derniers admettent à cet égard dans leurs dernières conclusions que les instruments de mesure et les balances du LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE sont plus précis que ceux de la société M. ou de Monsieur A., ce qui a pu entraîner cette légère différence qui représente 0,006 grammes.

Si la défenderesse conteste la valeur du diamant dont il doit être souligné qu'elle a l'a bien authentifié comme étant un diamant de 2,93 carats en précisant sur son compte rendu d'analyse certaines spécificités de ce diamant, elle ne produit pas d'estimations chiffrées par des spécialistes qui justifieraient que l'estimation présentée par les demandeurs et qui émane de deux professionnels dont la compétence n'est pas contestée, serait erronée et devrait être fixée à un autre montant.

[minute page 11] A défaut, l'estimation de la société M. doit faire foi tout en étant ramenée à la somme de 41.500 euros pour tenir compte de la différence de poids soulignée par le LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE et admise par les demandeurs.

Par conséquent, la défenderesse, faute de pouvoir restituer le diamant confiée par la demanderesse, devra être condamnée à leur verser la somme de 41.500 euros représentant la valeur du diamant confié au Laboratoire Français de Gemmologie.

 

Sur les autres demandes :

Les demandeurs ne justifient d'aucun élément permettant au tribunal d'apprécier l'étendue du préjudice allégué qui résulterait de la résistance abusive qu'ils imputent à la défenderesse et ils devront donc être déboutés de leur demande de ce chef.

L'exécution sollicitée par les demandeurs ne s'impose pas au vu de la situation respective des parties et de la nature du litige; il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs la totalité des frais exposés dans la procédure et non compris dans les dépens ; la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris sera donc condamnée à leur verser à ce titre la somme totale de mille euros.

En application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris condamnée au principal supportera le coût des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Reçoit l'intervention volontaire de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris.

[minute page 12] Reçoit Madame X. épouse Y. et de Monsieur Y. en leur action.

Dit que le Laboratoire Français de Gemmologie, service dépendant de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, a failli à son obligation de conseil à l'égard de Mme Y., lors du dépôt du diamant confié pour examen et authentification.

Condamne la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, du fait du Laboratoire Français de Gemmologie à verser à M. et Mme Y. , la somme de 41.500 euros (quarante et un mille cinq cents euros) représentant la valeur du diamant déposé dans ce service pour expertise.

Condamne la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS à verser à M. et Mme Y. la somme totale de 1.000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Condamne la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 2 septembre 2004

La Greffière              La Présidente

Anne LOREAU         Marie-Andrée BAUMANN