CA PARIS (25e ch. sect. A), 27 octobre 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 2682
CA PARIS (25e ch. sect. A), 27 octobre 2006 : RG n° 04/20821
Extrait : « Considérant qu'il convient en conséquence, confirmant en cela le jugement déféré, de constater que la CCIP par son laboratoire français de gemmologie, a failli dans l'exercice de son obligation de dépositaire et qu'elle en doit réparation aux époux X. ;
Considérant que pour s'opposer à la demande d'indemnisation formulée par les époux X. à hauteur de 41.500 €, la CCIP soutient qu'elle n'est redevable à leur égard d'aucune somme, dès lors que les époux X. ont indiqué sur le bulletin de dépôt signé le 17 juin 2002 de la seule Mme Y. que la valeur d'assurance du diamant déposé était égale à zéro euros ; qu'il en conclu que, parfaitement informée par la reproduction sur ce bulletin des dispositions de l'article 10 du règlement du service, c'était en toute connaissance de cause qu'elle avait porté cette indication sur ce document ; qu'ainsi, la responsabilité de la CCIP ne pouvait être recherchée par les époux X. dès lors que par application de cette clause, le montant de leur réclamation était réduit à une valeur nulle ;
Considérant que c'est de façon pertinente et par des motifs exacts adoptés par la cour que le premier juge a estimé valable la clause de limitation de responsabilité insérée dans le règlement du service du laboratoire français de gemmologie et reproduite sur le bulletin de dépôt dès lors qu'elle n'était pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que c'est tout aussi pertinemment, qu'il a relevé que le bénéfice de cette clause ne pouvait être acquis à la CCIP qu'à la condition de pouvoir justifier de la réalisation préalable et effective de son devoir de conseil à l'égard du déposant ;
Considérant sur ce point, que s'il ne peut être déduit, comme le font les époux X., que la preuve du manquement par la CCIP à son devoir de conseil est suffisamment rapportée par la constatation que la valeur d'assurance du diamant déposé, figurant sur le bulletin de dépôt est égale à zéro euros et que seule cette valeur pouvait être portée sur ce document au regard de l'absence de réponse apportée aux exigences de son assureur, force est bien cependant de relever, que la CCIP ne peut valablement prétendre qu'elle a satisfait à son devoir de conseil par la production aux débats de preuves qu'elle s'est faite à elle-même, au travers des attestations de deux préposés du laboratoire français de gemmologie : Mme Z. et M. A. ;
Qu'ainsi, en l'absence de preuve dûment rapportée de l'impérieuse obligation qui s'imposait à elle de devoir tout particulièrement attirer l'attention du déposant sur l'importance revêtue par la déclaration de valeur de l'objet déposé et précisément sur les conséquences qu'emportait une déclaration de valeur nulle pour un diamant pesant 2,93 carats, la CCIP ne peut se prévaloir de la clause de limitation de responsabilité qu'elle a insérée dans le bulletin de dépôt remis aux parties et signé par elles ;
Qu'en conséquence le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il condamné la CCIP à indemniser les époux X. du préjudice qu'ils subissent du fait de la privation du diamant qu'ils ont déposé au laboratoire français de gemmologie en vue de son authentification ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT-CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/20821. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 septembre 2004 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 03/1287.
APPELANTE :
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
agissant en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour, assistée de Maître Antoine GENTY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 182
INTIMÉS :
- Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assisté de Maître MORANGE DE LAMBERTYE MICHÈLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E890
- Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assistée de Maître MORANGE DE LAMBERTYE MICHÈLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E890
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Paul BETCH, Président, Mme Odile BLUM, Conseiller, Monsieur Jean-Claude SEPTE, Conseiller, qui en ont délibéré [minute page 2]
Greffier, lors des débats : Mme Marie-José MARTEYN
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur Jean-Paul BETCH, Président, signé par Monsieur Jean-Paul BETCH, président et par Mme GOUGÉ greffière présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS, ultérieurement la CCIP, a régulièrement interjeté appel le 1er octobre 2004 d'un jugement contradictoire rendu le 2 septembre 2004 par le tribunal de grande instance de Paris, qui a notamment, déclaré qu'elle avait failli à son obligation de conseil à l'égard de Mme Y. future épouse de M. X., lors du dépôt auprès du laboratoire français de gemmologie pour examen et authentification d'un diamant appartenant à M. X. et l'a condamnée, du fait du laboratoire français de gemmologie, à verser aux époux X. la somme de 41.500 € représentant la valeur du diamant déposé dans ce service pour expertise.
Cette décision a été rendue dans un litige opposant les parties à la suite de l'impossibilité pour la CCIP de restituer aux époux X., le diamant que Mme Y., alors fiancée à M. X., avait déposé le 17 juin 2002 auprès du laboratoire français de gemmologie, service public dépendant de la CCIP, en raison du cambriolage dont ce service avait été victime quelques jours après le dépôt de cette pierre, qui avait disparu avec plusieurs autres qui leur avaient été aussi confiées. Les époux X. n'ayant pu obtenir aimablement l'indemnisation de leur préjudice ont fait assigner le laboratoire français de gemmologie en paiement de dommages et intérêts pour être indemnisés de leur préjudice, et la CCIP est intervenu volontairement à l'instance, dès lors que le laboratoire français de gemmologie est dépourvu de toute personnalité morale et exerce son activité sous la tutelle de la CCIP.
Au soutien de son recours et par ses dernières conclusions signifiées le 8 juin 2006 auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé, la CCIP expose qu'elle n'a pas failli à son obligation de moyen renforcée à laquelle elle est tenue en sa qualité de dépositaire des pierres précieuses qui lui sont confiées par des particuliers ou des professionnels, lorsque la chose déposée a disparu et dont elle peut s'exonérer en prouvant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de son obligation ou qu'elle est étrangère à la perte de la chose. Elle considère par ailleurs, que la clause limitative de sa responsabilité, en cas d'impossibilité de restitution, est parfaitement régulière et ne peut être considérée comme une clause abusive et qu'elle a rempli son obligation de conseil auprès des époux X. qui ont volontairement et en parfaite connaissance de cause, déclaré une valeur de leur bijoux nulle, sachant qu'ils étaient assurés par ailleurs en cas de perte ou de vol.
[minute page 3] Elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que la CCIP pour le laboratoire français de gemmologie, avait failli à son obligation de conseil et en ce qu'il était entré en conséquence en voie de condamnation à son encontre et à sa confirmation en ce qu'il avait débouté les époux X. de leur demande en paiement de dommages et intérêts. Elle demande à la cour, statuant à nouveau de débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions
Dans ses dernières conclusions signifiées le 31 mai 2006 auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé, les époux X. répliquent que la CCIP a failli à son obligation de moyen renforcée de dépositaire lui imposant en cas d'impossibilité de restituer matériellement la chose confiée, d'en indemniser le déposant de sa valeur. Ils ajoutent que la clause limitative de responsabilité dont se prévaut la CCIP constitue une clause abusive qui doit être considérée comme non écrite à leur égard, et qu'en tout état de cause, la CCIP par le laboratoire français de gemmologie, a manqué à son devoir de conseil, en ne leur représentant pas le risque qu'ils encouraient en laissant indiquer dans l'acte de dépôt que la pierre confiée était totalement dépourvue de valeur. Ils demandent en outre à la cour de condamner la CCIP à les indemniser du préjudice résultant de la résistance abusive qu'elle leur a opposé tout au long de la procédure.
Ils concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la CCIP du fait des agissements de son service le laboratoire français de gemmologie, à leur payer la somme de 41.500 € représentant la valeur du diamant déposé et non restitué, et demandent à la cour d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2002, date de la mise en demeure et d'en prononcer la capitalisation. Ils sollicitent en outre la condamnation de la CCIP à leur payer la somme de 3.000 € à chacun à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusive.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant qu'il est constant que les époux X. ont déposé auprès du laboratoire français de gemmologie le 17 juin 2002 un diamant d'un poids voisin de 2,93 carats en vue de son authentification et que sa restitution n'a pu s'effectuer en raison de sa disparition au cours d'un cambriolage survenu quelques jours après ;
Considérant qu'en présence de l'impossibilité de restituer la chose déposée, le dépositaire ne peut s'exonérer du manquement à l'obligation essentielle de restitution qui lui incombe, qu'à la condition d'établir qu'il n'a commis strictement aucune faute dans la garde de la chose déposée et qu'il est étranger à sa disparition ;
Considérant que tel n'est pas le cas, lorsqu'il résulte des documents produits par la CCIP que dès 1995, son assureur, avait préconisé, sous réserve de déchéance de l'assurance, la mise en œuvre dans un délai de trois mois de divers systèmes de surveillance et de sécurité, propres à diminuer le risque encouru, et qu'elle ne fournit pour en justifier qu'un seul devis établi par la société ADT prévoyant la mise en place d'un système de télésurveillance qui n'a jamais été réalisé ;
Qu'ainsi, en s'étant abstenue de satisfaire aux exigences de son assureur, la CCIP n'a pas apporté à la conservation des choses déposées, les mêmes soins qu'elle aurait apporté à celle des choses qui lui auraient appartenues, violant ainsi l'article 1927 du code civil et a engagé sa responsabilité envers les époux X. auxquels elle n'a pas été en mesure de restituer le diamant qu'ils lui avait confié ;
[minute page 4] Considérant que c'est vainement que la CCIP soutient que le cambriolage dont elle a été victime aurait constitué un cas de force majeure l'exonérant de sa responsabilité à l'égard des époux X., dès lors qu'ainsi que l'a retenu de façon pertinente le premier juge, elle ne saurait valablement soutenir, au regard notamment de son impéritie en matière de sécurité, qu'il a constitué un événement imprévisible ;
Considérant qu'il convient en conséquence, confirmant en cela le jugement déféré, de constater que la CCIP par son laboratoire français de gemmologie, a failli dans l'exercice de son obligation de dépositaire et qu'elle en doit réparation aux époux X. ;
Considérant que pour s'opposer à la demande d'indemnisation formulée par les époux X. à hauteur de 41.500 €, la CCIP soutient qu'elle n'est redevable à leur égard d'aucune somme, dès lors que les époux X. ont indiqué sur le bulletin de dépôt signé le 17 juin 2002 de la seule Mme Y. que la valeur d'assurance du diamant déposé était égale à zéro euros ; qu'il en conclu que, parfaitement informée par la reproduction sur ce bulletin des dispositions de l'article 10 du règlement du service, c'était en toute connaissance de cause qu'elle avait porté cette indication sur ce document ; qu'ainsi, la responsabilité de la CCIP ne pouvait être recherchée par les époux X. dès lors que par application de cette clause, le montant de leur réclamation était réduit à une valeur nulle ;
Considérant que c'est de façon pertinente et par des motifs exacts adoptés par la cour que le premier juge a estimé valable la clause de limitation de responsabilité insérée dans le règlement du service du laboratoire français de gemmologie et reproduite sur le bulletin de dépôt dès lors qu'elle n'était pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que c'est tout aussi pertinemment, qu'il a relevé que le bénéfice de cette clause ne pouvait être acquis à la CCIP qu'à la condition de pouvoir justifier de la réalisation préalable et effective de son devoir de conseil à l'égard du déposant ;
Considérant sur ce point, que s'il ne peut être déduit, comme le font les époux X., que la preuve du manquement par la CCIP à son devoir de conseil est suffisamment rapportée par la constatation que la valeur d'assurance du diamant déposé, figurant sur le bulletin de dépôt est égale à zéro euros et que seule cette valeur pouvait être portée sur ce document au regard de l'absence de réponse apportée aux exigences de son assureur, force est bien cependant de relever, que la CCIP ne peut valablement prétendre qu'elle a satisfait à son devoir de conseil par la production aux débats de preuves qu'elle s'est faite à elle-même, au travers des attestations de deux préposés du laboratoire français de gemmologie : Mme Z. et M. A. ;
Qu'ainsi, en l'absence de preuve dûment rapportée de l'impérieuse obligation qui s'imposait à elle de devoir tout particulièrement attirer l'attention du déposant sur l'importance revêtue par la déclaration de valeur de l'objet déposé et précisément sur les conséquences qu'emportait une déclaration de valeur nulle pour un diamant pesant 2,93 carats, la CCIP ne peut se prévaloir de la clause de limitation de responsabilité qu'elle a insérée dans le bulletin de dépôt remis aux parties et signé par elles ;
Qu'en conséquence le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il condamné la CCIP à indemniser les époux X. du préjudice qu'ils subissent du fait de la privation du diamant qu'ils ont déposé au laboratoire français de gemmologie en vue de son authentification ;
Considérant cependant qu'au regard d'une part, de la description du diamant litigieux faite par le laboratoire français de gemmologie, qui relève la qualité véritablement médiocre de cette pierre de taille ancienne, de couleur teintée, à fluorescence faible contenant de petites inclusions imposant sa classification dans la catégorie SII par suite d'ébréchures et d'égrisures marquées, dont le poli est passable et la symétrie médiocre et [minute page 5] d'autre part, de l'important écart d' estimation de sa valeur suivant qu'elle provient de l'une ou l'autre des parties, il convient de réduire très sensiblement le montant de l'indemnisation allouée par le premier juge, à la somme de 9.000 €, somme au paiement de laquelle la CCIP sera condamnée à titre de dommages et intérêts, au profit des époux X. ;
Sur la demande en indemnisation pour résistance abusive :
Considérant que les époux X. ne fournissent pas en cause d'appel d'éléments nouveaux ou complémentaires de nature à établir le préjudice qu'ils allèguent résultant de la procédure abusive intentée à leur égard par la CCIP ; que le jugement attaqué sera également confirmé de ce chef ;
Sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que si l'équité a conduit à l'attribution aux époux X. d'une somme de 1.000 € pour les frais hors dépens exposés en première instance, elle ne dicte pas l'allocation à l'une des parties d'une quelconque somme en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative au montant de l'indemnisation du préjudice subi par les époux X. ;
L'infirme sur ce point ;
Statuant à nouveau de ce seul chef ;
Condamne la CCIP à payer aux époux X., la somme de 9.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la CCIP aux entiers dépens de première instance et d'appel avec admission de l'avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
- 5836 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Forme du contrat
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- 6309 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Dépôt pur et garde-meubles
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- 6492 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’immeuble à construire (1) - Présentation générale