CASS. CIV. 2e, 1er juin 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3439
CASS. CIV. 2e, 1er juin 2011 : pourvois n° 09-72552 et n° 10-10843
Publication Bull. civ.
Extrait : « Qu’en interprétant ainsi la clause litigieuse ambiguë alors qu’une autre interprétation plus favorable à l’assurée était soutenue et avait été retenue par les premiers juges, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er JUIN 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Pourvois n° 09-72552 et n° 10-10843.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Axa France IARD aux droit de Société UAP
M. Loriferne (président), président. SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Joint les pourvois nos X 09-72.552 et T 10-10.843 ;
Sur le premier moyen identique des pourvois, pris en sa seconde branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 133-2 du code de la consommation ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon ce texte applicable en la cause, que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X. (l’assurée) a souscrit auprès de la société UAP aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (l’assureur) deux contrats d’assurance « Réponse Santé » et « Prévoyance » garantissant le versement d’indemnités journalières et d’une rente sous certaines conditions tenant, entre autres, à l’incapacité ou l’invalidité de l’assurée ; que la clause « Invalidité » du contrat « Prévoyance » prévoit qu’« une rente d’invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l’indemnité quotidienne dès constatation médicale de l’usure prématurée de l’invalide, telle que définie aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la sécurité sociale, et au plus tard trois ans après le début de l’arrêt de travail » ; qu’à la suite de l’accident de la circulation dont Mme X. a été victime le 28 août 1998 l’assureur lui a versé des indemnités journalières pendant des périodes d’incapacité ; que la consolidation des blessures ayant été fixée au 22 mars 2003, Mme X. a assigné l’assureur en paiement d’un complément d’indemnités journalières et d’une rente d’invalidité ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter Mme X. de sa demande tendant à la condamnation de l’assureur à lui verser la rente d’invalidité stipulée au contrat « Prévoyance », l’arrêt retient que la clause litigieuse énonce clairement que le contrat indemnise la victime pendant une durée maximale de trois ans après le début de son arrêt de travail par le versement d’indemnités journalières (1095 jours d’indemnités journalières) et que l’invalidité n’est indemnisée que si elle survient au plus tard trois ans après le début de l’arrêt de travail ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en interprétant ainsi la clause litigieuse ambiguë alors qu’une autre interprétation plus favorable à l’assurée était soutenue et avait été retenue par les premiers juges, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen et sur la première branche du premier moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes formées par Mme X. au titre des rentes d’invalidité et de dommages-intérêts et la condamnant à rembourser à la société Axa France IARD les sommes qui auraient pu être versées, par l’effet de l’exécution provisoire attachée au jugement au titre des rentes d’invalidité reconnues à son profit par le tribunal, l’arrêt rendu le 21 octobre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande la société Axa France IARD ; la condamne à payer à Mme X. la somme de 2.500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt : Moyens identiques produits aux pourvois nos X 09-72.552 et T 10-10.843 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme X.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X. de sa demande tendant à la condamnation de l’assureur à lui verser la rente d’invalidité stipulée au contrat « Prévoyance» ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « les dispositions contractuelles revendiquées également par les parties sur ce chef du litige stipulent qu’« une rente d’invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l’indemnité quotidienne dès constatation médicale de l’usure prématurée de l’invalide, telle que définie aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du Code de la sécurité sociale, et au plus tard 3 ans après le début de l’arrêt de travail » ;
Le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES a écarté comme « vicieuse » l’interprétation faite par la compagnie d’assurances AXA, interprétation qui aboutirait selon le Tribunal et selon Madame X. à écarter du paiement des prestations d’invalidité permanente les assurés qui subiraient la plus longue incapacité totale temporaire et a retenu l’interprétation avancée par Madame X., selon laquelle cette stipulation ne signifie pas que passé un délai de trois ans, la rente invalidité ne doit plus être versée mais indique au contraire que l’assureur doit mettre tout en œuvre pour verser cette rente au plus tard trois ans après le début de l’arrêt de travail et qu’il ne peut être considéré que l’assuré serait déchu de ses droits si la substitution n’est pas intervenue dans ce délai ;
Que pour nécessiter une interprétation par le juge devant l’appliquer, une clause doit être imprécise et ambiguë ou encore contradictoire par rapport aux autres dispositions du contrat ;
Que tel n’est pas le cas en l’espèce des conventions liant les parties par des dispositions contractuelles indépendantes des règles applicables en droit commun pour l’indemnisation des accidents ;
Que la clause litigieuse énonce clairement que le contrat indemnise la victime pendant une durée maximale de 3 ans après le début de son arrêt de travail par le versement d’indemnité journalières (1095 jours d’indemnités journalières) et que l’invalidité n’est indemnisée que si elle survient au plus tard trois ans après le début de l’arrêt de travail ;
Madame X. ne peut s’emparer du rapport amiable effectué à la demande de son assureur le 5 mars 2001 pour prétendre que dès lors qu’une première consolidation de son état avait justifié une nouvelle période d’ITT à compter du 21 septembre 2000, le point de départ du délai de 3 ans devrait être repoussé à compter de cette date, ce document incomplet ne prenant pas en compte la totalité de l’évolution de sa situation et n’étant pas de nature à contredire les conclusions de l’expert judiciaire que d’ailleurs elle n’a pas critiquées» ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’il résultait des stipulations claires et précises du contrat d’assurance, aux termes duquel « une rente d’invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l’indemnité quotidienne dès constatation médicale de l’usure prématurée de l’invalide, telle que définie aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du Code de la sécurité sociale, et au plus tard 3 ans après le début de l’arrêt de travail », que la rente invalidité devait être servie à la victime qui se trouvait en état d’incapacité temporaire de travail prolongée au plus tard 3 ans après le début de l’arrêt de travail ; qu’en jugeant que « l’invalidité n’est indemnisée que si elle survient au plus tard trois ans après le début de l’arrêt de travail » la Cour d’appel a dénaturé le contrat d’assurance et a violé l’article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU’en toute hypothèse, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu’en présence d’une clause ambiguë, aux termes de laquelle « une rente d’invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l’indemnité quotidienne dès constatation médicale de l’usure prématurée de l’invalide, telle que définie aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du Code de la sécurité sociale, et au plus tard 3 ans après le début de l’arrêt de travail », la Cour d’appel devait interpréter le contrat dans le sens le plus favorable à l’assuré ; qu’en s’en abstenant, et déduisant d’une clause ambiguë que l’assureur ne devait pas sa garantie, la Cour d’appel a violé l’article L. 133-2 du Code de la consommation.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X. de sa demande tendant à la condamnation de l’assureur à lui verser une indemnité correspondant au montant de la rente d’invalidité qui aurait dû lui être versée en raison du manquement qu’il avait commis à ses obligations de renseignements et de conseil ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Madame X., dans ses dernières écritures d’appel, a encore soutenu plus subsidiairement que cette clause était mal rédigée et que son attention n’avait pas été attirée par son cocontractant sur la déchéance ou la non assurance découlant si son état de santé n’était pas consolidé dans un certain délai, ce dont elle a déduit que la compagnie d’assurances avait manqué à ses obligations de renseignements ou de conseil et qu’il lui était dû une indemnité correspondant au montant de la rente d’invalidité qui aurait dû être versée ;
Qu’elle ne rapporte pas, par cette seule affirmation, la preuve du manquement allégué, alors que cette clause, dont la Cour a déjà estimé qu’elle était claire et dépourvue de toute ambiguïté figure immédiatement après le titre du paragraphe «Invalidité permanente» avec cette conséquence que Madame X., qui au demeurant demande l’application des autres dispositions contractuelles sans prétendre qu’elle n’a pas été suffisamment éclairée n’a pu se méprendre sur la portée de cette obligation » (arrêt p. 9 al. 5 et 6) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE l’assureur est tenu d’une obligation d’information et de conseil vis-à-vis de son client ; qu’en dédouanant l’assureur de cette obligation au motif que la clause d’où il aurait résulté que l’assuré perdait le bénéfice de la rente invalidité si son état de santé n’était pas consolidé dans un certain délai, rédigée comme suit « une rente d’invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l’indemnité quotidienne dès constatation médicale de l’usure prématurée de l’invalide, telle que définie aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du Code de la sécurité sociale, et au plus tard 3 ans après le début de l’arrêt de travail», aurait été « claire et dépourvue de toute ambiguïté » (arrêt p. 9, al. 6), la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU’en retenant, pour écarter la responsabilité de l’assureur pour manquement à son obligation d’information et de conseil, que l’exposante n’aurait pu se méprendre sur la portée d’une clause au motif inopérant qu’elle aurait sollicité l’application d’« autres dispositions contractuelles sans prétendre qu’elle n’a pas été suffisamment éclairée» la Cour d’appel a privé sa décision de motifs et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil.
- 6006 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 2, C. consom.) - Présentation
- 6007 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Illustrations