CA NANCY (2e ch. civ.), 17 février 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3505
CA NANCY (2e ch. civ.), 17 février 2011 : RG n° 08/02331
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ce, au détriment du consommateur, et aboutit à une renonciation au dispositif protecteur du droit de la consommation édicté par le législateur ;
Qu'en conséquence, par application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause revêt un caractère abusif et est réputée non écrite ;
Que dès lors, le montant de l'ouverture de crédit à prendre en considération est celui qui correspond au montant du crédit initial ou découvert utile, souscrit lors de l'acceptation de l'offre préalable, soit en l'espèce, la somme de 6.000 euros, et ce, en l'absence de nouvelle offre de crédit permettant à l'emprunteur le dépassement du montant du crédit ou découvert initial choisi par lui lors de la souscription de l'offre du 10 juin 2003 ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02331. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de VERDUN, R.G. n° 11-07-000003, en date du 16 juin 2008.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP Leinster Wisniewski ET Mouton, avoués à la Cour, assistée de Maître Fabrice H., avocat au barreau de MEUSE, substituée à l'audience par Maître Christophe H., avocat au barreau de MEUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 08/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
INTIMÉS :
SA SOFICARTE
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par Maître Thierry Grétéré, avoué à la Cour, assistée de Maître Monique L. L., avocat au barreau de MEUSE, substituée à l'audience par Maître Gérard L., avocat au barreau de MEUSE
Monsieur Y.
demeurant [adresse], représenté par la SCP MILLOT, LOGIER & FONTAINE, avoués à la Cour, assisté de Maître Jean-Jacques L., avocat au barreau de MEUSE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 janvier 2011, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, qui a fait le rapport, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 17 février 2011, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 17 février 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 10 juin 2003, la société SOFICARTE a consenti à Monsieur et Madame Y. une ouverture de crédit par découvert en compte.
Le montant maximum du découvert autorisé était de 12.500 euros, et lors de la signature de l'offre, les époux Y. ont sollicité la mise à leur disposition de la somme de 6.000 euros.
Certaines échéances n'ayant pas été remboursées, la SA SOFICARTE s'est prévalue de la déchéance du terme intervenue le 17 novembre 2006.
Par exploit des 21 décembre 2006 et 18 janvier 2007, la SA SOFICARTE a fait assigner les époux Y. devant le Tribunal d'Instance de Verdun en paiement de la somme de 11.655,89 euros outre intérêts au taux de 16,71 % sur la somme de 11.13,78 euros à compter du 13 octobre 2006, et en paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Y. a contesté avoir signé l'offre préalable de crédit.
Par jugement avant dire droit du 28 janvier 2008, le Tribunal d'Instance de Verdun a statué ainsi :
- déclare l'assignation délivrée à Monsieur Y. valable,
- ordonne la vérification des écritures de Monsieur et Madame Y.,
- ordonne dès lors leur comparution personnelle à l'audience de renvoi,
- renvoie l'affaire à l'audience du 18 février 2008 à 16 heures,
- enjoint les défendeurs à produire au jour de l'audience de renvoi des documents datant de l'époque du contrat litigieux sur lesquels figurent leur écriture et leurs signatures afin de pouvoir comparer l'ensemble de ces éléments lors de la vérification d'écriture,
- sursoit à statuer sur les autres demandes,
- réserve les dépens.
La mesure de vérification d'écriture a été effectuée le 17 mars 2008.
Il en est ressorti que Monsieur Y. n'était pas le signataire de l'offre de crédit du 10 juin 2003.
Cependant Madame X. et la SA SOFICARTE ont demandé qu'il soit fait application en l'espèce des dispositions de l’article 220 du code civil.
Par jugement au fond du 16 juin 2008, le Tribunal d'Instance de Verdun a statué comme suit :
- condamne Madame Y. née X. à payer à la SA SOFICARTE la somme en principal de 9.848,18 euros outre intérêts au taux légal de 16,71% à compter du 12 octobre 2006,
- déboute Madame Y. née X. de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamne Madame Y. née X. aux dépens.
Le tribunal a écarté l'application de l’article 220 du code civil au motif que la falsification de la signature de Monsieur Y. par son épouse ne saurait créer aucun engagement contractuel valable à l'égard de Monsieur Y., et fait dès lors obstacle à la présomption de solidarité édictée par ce texte.
Madame X. épouse Y. a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour de :
- déclarer Madame X. divorcée Y. recevable en son appel et bien fondée,
- y faire droit,
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- vu l’article L. 311-9 du code de la consommation,
- vu l’article L. 311-37 du code de la consommation,
- déclarer la société SOFICARTE prescrite en sa demande,
- la débouter par suite de toutes demandes dirigées à l'encontre de Madame X. divorcée Y.,
- subsidiairement,
- vu l’article L. 311-9 du code de la consommation,
- vu l'absence de toute nouvelle offre préalable de crédit à la suite de l'augmentation du montant du crédit,
- vu le non-respect par SOFICARTE de l'information annuelle due à l'emprunteur,
- déclarer la société SOFICARTE déchue du droit aux intérêts contractuels,
- dire et juger n'y avoir lieu à paiement par Madame X. de la clause pénale,
- en conséquence en l'état débouter la société SOFICARTE de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- octroyer en tout état de cause à Madame X. divorcée Y. les plus larges délais de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil,
- dire et juger Monsieur Y. tenu à garantir Madame X. divorcée Y. de toute éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- débouter SOFICARTE de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la société SOFICARTE voire Monsieur Y. aux entiers dépens d'instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.
Pour sa part, la SA SOFICARTE conclut ainsi :
- déclarer l'appel de Madame X. recevable mais mal fondé,
- l'en débouter,
- confirmer la décision entreprise en toute la mesure utile à l'égard de Madame X.,
- l'infirmer à l'égard de Monsieur Y.,
- vu l’article 220 du code civil,
- condamner solidairement Monsieur et Madame Y. à payer la somme de 11.655,89 euros outre intérêts au taux contractuel de 16,71 % sur la somme de 11.123,78 euros à compter du 13 octobre 2006,
- condamner en outre Madame X. à payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- les débouter de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- les condamner aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés par Maître G., avoué aux offres de droit.
Monsieur Y. conclut quant à lui comme suit :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Madame X.,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire,
- déclarer la société SOFICARTE prescrite en sa demande,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires à l'encontre de Monsieur Y.,
- déclarer la société SOFICARTE déchue du droit aux intérêts contractuels,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle dit qu'il n'y a pas lieu à paiement de la clause pénale,
- condamner Madame X. au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens,
- autoriser la société civile professionnelle MILLOT, LOGIER & FONTAINE à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
1) Sur la forclusion de l'action en paiement de la SA SOFICARTE :
Attendu que l'offre préalable d'ouverture de crédit du 10 juin 2003 prévoit un montant maximum du découvert autorisé par le prêteur, fixé à la somme de 12.500 euros, et une fraction disponible du découvert choisi par l'emprunteur dans cette limite, fixé à la somme de 6.000 euros ;
Que cette offre prévoit donc, d'une part, un montant de crédit initial sous forme de découvert disponible de 6.000 euros, et, d'autre part, un montant maximum de découvert autorisé du crédit initial, moyennant l'accord du prêteur, et ce, dans la limite du découvert maximum autorisé soit 12.500 euros ;
Attendu qu'une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ce, au détriment du consommateur, et aboutit à une renonciation au dispositif protecteur du droit de la consommation édicté par le législateur ;
Qu'en conséquence, par application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause revêt un caractère abusif et est réputée non écrite ;
Que dès lors, le montant de l'ouverture de crédit à prendre en considération est celui qui correspond au montant du crédit initial ou découvert utile, souscrit lors de l'acceptation de l'offre préalable, soit en l'espèce, la somme de 6.000 euros, et ce, en l'absence de nouvelle offre de crédit permettant à l'emprunteur le dépassement du montant du crédit ou découvert initial choisi par lui lors de la souscription de l'offre du 10 juin 2003 ;
Attendu qu'aux termes de l’article L. 311-37 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010), les actions en paiement engagées par le prêteur contre l'emprunteur, en cas de défaillance de ce dernier, doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;
Que le point de départ de ce délai de forclusion se situe donc à la date à laquelle le dépassement du crédit ou découvert initial de 6.000 euros n'a pas été régularisé ;
Qu'en l'espèce, il ressort de l'examen du document intitulé « Reconstitution de compte permanent » que le montant du découvert initial disponible de 6.000 euros a été dépassé à partir du mois d'août 2003, pour ne plus jamais repasser en-deçà de ce montant, et pour atteindre la somme de 11.511,39 euros au 12 septembre 2006, date de déchéance du terme ;
Que ce dépassement, jamais régularisé, intervenu en août 2003, caractérise donc la défaillance des emprunteurs et constitue ainsi le point de départ du délai de forclusion ;
Qu'or, l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 18 janvier 2007, soit plus de deux ans après l'expiration du délai biennal de forclusion ;
Que l'action en paiement intentée par la SA SOFICARTE à l'encontre des consorts X.-Y. est donc forclose et doit en conséquence être déclarée irrecevable ;
Qu'il y a lieu dans ces conditions d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
* * *
Attendu que l'action en paiement de la SA SOFICARTE étant déclarée irrecevable comme forclose, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes formulées par les parties, ces demandes étant devenues sans objet ;
* * *
Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait en la cause application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur Y. ;
Qu'il y a lieu de la débouter de ce chef ;
Attendu que la SA SOFICARTE succombant en son action supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déclare recevable et bien fondé l'appel de Madame X. divorcée Y. ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
Déclare irrecevable comme étant forclose l'action en paiement de la SA SOFICARTE intentée à l'encontre de Madame X. et Monsieur Y. ;
Dit en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur tous autres chefs de demandes ;
Déboute Monsieur Y. de sa demande formée à l'encontre de Madame X. en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA SOFICARTE aux entiers dépens de première instance ;
Condamne la SA SOFICARTE aux entiers dépens d'appel et, pour ceux exposés par Madame X., dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle, et pour ceux exposés par Monsieur Y., autorise la société civile professionnelle d'avoués MILLOT, LOGIER & FONTAINE à les recouvrer directement, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en sept pages.
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit