CA PAU (2e ch. sect. 1), 12 juillet 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3507
CA PAU (2e ch. sect. 1), 12 juillet 2011 : RG n° 10/03497 ; arrêt n° 3223/11
Publication : Jurica
Extrait : « Il est constant en vertu des articles L. 311-9 et L. 311-10 du Code de la consommation, que toute augmentation du crédit initialement consenti doit donner lieu à l'établissement d'une nouvelle offre du crédit.
La clause contractuelle précitée qui prévoit que le crédit utilisable à l'ouverture du compte pourra être augmenté de manière importante, en l'espèce de 4.000 euros à 10.000 euros, doit être considérée comme abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, et donc réputée non écrite, puisqu'elle crée un avantage excessif au profit du prêteur. Elle permet, en effet, d'augmenter le montant du crédit sans faire bénéficier l'emprunteur des dispositions protectrices du code de la consommation et en faisant obstacle à ce qu'il soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du prêt et des charges liées à son remboursement, sans également lui permettre de bénéficier de la faculté de rétractation, et sans que l'aggravation de sa situation soit compensée par l'avantage tiré de la mise à disposition d'une somme plus importante.
Ainsi, le crédit utilisable à l'ouverture ne saurait constituer une première fraction du crédit autorisé, alors que selon la clause précitée, l'augmentation de ce disponible ne peut intervenir que sur demande spécifique de l'emprunteur, ce qui démontre que le dépassement de ce crédit utilisable est bien assimilé à une modification du découvert initialement consenti.
[…] La SA FINAREF ayant fait délivrer assignation à la date du 30 octobre 2009, passé le délai biennal prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que l'action était atteinte par la forclusion. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 12 JUILLET 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/03497. Arrêt n° 3223/11. Nature affaire : Prêt - Demande en remboursement du prêt.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 juillet 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 9 juin 2011, devant : Madame POELEMANS, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame SAYOUS, greffier, présent à l'appel des causes,
Madame POELEMANS, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur BERTRAND, Président, Madame POELEMANS, Conseiller, Monsieur SCOTET, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 17 décembre 2010, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA CA CONSUMER FINANCE venant aux droits de la SA FINAREF
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP DE GINESTET/DUALE/LIGNEY, avoués à la Cour, assistée de la SCP MAXWELL - MAXWELL-BERTIN, avocats au barreau de BRODEAUX
INTIMÉE :
Madame X.
assignée et réassignée
sur appel de la décision en date du 15 AVRIL 2010 rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE TARBES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Objet succinct du litige - Prétentions et arguments des parties :
Vu l'appel interjeté le 3 septembre 2010 par la SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la SA FINAREF, d'un jugement du Tribunal d'instance de Tarbes en date du 15 avril 2010,
Vu les conclusions de la SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la SA FINAREF, du 3 janvier 2011,
Vu l'acte d'assignation de Madame X. en date du 14 mars 2011 et l'acte de réassignation délivré le 1er avril 2011,
Vu l'ordonnance de clôture du 27 avril 2011, l'affaire étant fixée à l'audience du 9 juin 2011.
* * *
Suivant offre préalable acceptée le 27 avril 2006, la SA FINAREF a consenti à Madame X. une ouverture de crédit par découvert utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit « Mistral » d'un montant de crédit utilisable à l'ouverture du compte de 4.000 euros et d'un montant maximum de crédit autorisé de 10.000 euros ouvrant droit à la perception pour la société de crédit d'intérêts au taux effectif global compris entre 17,37 % et 19,50 %.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la SA FINAREF a provoqué la déchéance du terme le 14 février 2009, après mise en demeure de payer les sommes dues infructueuses, et a fait citer le 30 octobre 2009 Madame X. en paiement de la somme de 10.306,71 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 19,14 % sur la somme de 8.426,55 euros à compter du 13 février 2009, outre une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement avant dire droit du 19 janvier 2010, le tribunal d'instance de Tarbes a :
- ordonné la réouverture des débats pour permettre à la SA FINAREF de produire tous justificatifs antérieurs au 17 janvier 2007 démontrant l'accord des parties portant sur l'augmentation du découvert autorisé par le « compte Mistral » d'un montant de 1.000 euros ouvert le 27 avril 2006 à l'égard de Madame X.,
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,
- réservé le sort des dépens.
Par le jugement réputé contradictoire du 15 avril 2010, le tribunal d'instance de Tarbes a constaté la forclusion de l'action engagée, et rejeté les demandes de la SA FINAREF, en la condamnant aux dépens.
* * *
La SA CA CONSUMER FINANCE demande à la Cour de :
- réformer le jugement déféré,
- dire que la concluante n'est pas atteinte par la forclusion de l’article L. 311-37 du code de la consommation,
- condamner Madame X. à lui payer la somme de 10.306,71 euros en principal, sur le fondement de l’article L. 311-10 du code de la consommation, avec intérêts au taux de 19,14 % sur la somme de 8.426,55 euros à compter du 13 février 2009, date de la déchéance du terme et au taux légal pour le surplus,
- condamner la même au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
La partie appelante critique le jugement déféré, le montant du crédit utilisable dès l'ouverture du compte étant de 4.000 euros et non de 1.000 euros, et le montant maximum autorisé de 10.000 euros.
La déchéance du terme ayant été prononcée dès le 13 février 2009, la forclusion n'est pas encourue puisque le montant du crédit utilisable de 4.000 euros n'était pas atteint au 14 février 2007.
Elle fait également grief au premier juge d'avoir considéré que le dépassement de ce crédit utilisable constituait le premier incident de paiement alors que cette somme correspondait à la première fraction débloquée par l'emprunteur sur le montant maximum autorisé de 10.000 euros.
La distinction fraction immédiatement disponible et découvert maximum du crédit consenti était d'ailleurs précisée dans l'offre de prêt, et il était prévu qu'à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture du contrat, le montant maximal de ce crédit pourrait évoluer par fractions successives dans la limite de ce montant.
Ainsi, antérieurement à ce dépassement, le solde n'était pas exigible et le délai de forclusion n'avait pas commencé à courir.
LA SA CA CONSUMER FINANCE se prévaut également d'une information régulièrement donnée à l'emprunteur, trois mois avant la date d'échéance du prêt, par l'envoi d'un relevé de compte sur lequel figuraient les conditions de renouvellement.
Assignée, puis réassignée en personne, par actes d'huissiers des 14 mars et 1er avril 2011, Madame X. n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la forclusion de l'action :
L'offre préalable de crédit mentionne que le montant maximum du découvert autorisé est de 10.000 euros et que le montant du crédit utilisable à l'ouverture du compte est de 4.000 euros.
L'article 2.2 des conditions générales relatif à « l'utilisation et fonctionnement de votre compte » contient la clause selon laquelle « à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture de votre contrat, le montant maximum du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition de FINAREF, dans la limite du montant maximum du crédit autorisé (*) et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visée à l'article 8 ci-après. Toute utilisation de votre compte au-delà du montant du crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit consenti » ;
« (*) NB : il ne pourra donc pas vous être accordé d'augmentation de votre montant maximum de crédit autorisé dans le cadre du présent contrat, toute augmentation de ce montant devant être consenti dans les termes d'une nouvelle offre préalable et soumise à l'agrément de la FINAREF ».
Il est constant en vertu des articles L. 311-9 et L. 311-10 du Code de la consommation, que toute augmentation du crédit initialement consenti doit donner lieu à l'établissement d'une nouvelle offre du crédit.
La clause contractuelle précitée qui prévoit que le crédit utilisable à l'ouverture du compte pourra être augmenté de manière importante, en l'espèce de 4.000 euros à 10.000 euros, doit être considérée comme abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, et donc réputée non écrite, puisqu'elle crée un avantage excessif au profit du prêteur.
Elle permet, en effet, d'augmenter le montant du crédit sans faire bénéficier l'emprunteur des dispositions protectrices du code de la consommation et en faisant obstacle à ce qu'il soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du prêt et des charges liées à son remboursement, sans également lui permettre de bénéficier de la faculté de rétractation, et sans que l'aggravation de sa situation soit compensée par l'avantage tiré de la mise à disposition d'une somme plus importante.
Ainsi, le crédit utilisable à l'ouverture ne saurait constituer une première fraction du crédit autorisé, alors que selon la clause précitée, l'augmentation de ce disponible ne peut intervenir que sur demande spécifique de l'emprunteur, ce qui démontre que le dépassement de ce crédit utilisable est bien assimilé à une modification du découvert initialement consenti.
Il s'ensuit que la clause litigieuse ne peut être considérée comme ayant été stipulée dans l’intérêt de l'emprunteur, mais permet au contraire au prêteur de limiter l'octroi du crédit si l'emprunteur se trouve dans un des cas visés à l'article 8 des conditions générales du crédit.
En l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du crédit utilisable à l'ouverture, le dépassement de ce montant, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur, comme l'a à bon droit relevé le premier juge.
En l'espèce, l'examen de l'historique de compte révèle que les sommes de 200 euros et de 500 euros en juin 2006, de 1.000 euros et de 100 euros en août 2006, de 750 euros, de 250 euros et de 800 euros en septembre 2006, de 250 euros et de 339 euros en novembre 2006 et enfin de 200 euros le 8 mars 2007 ont été mises à disposition de l'emprunteur atteignant le maximum du crédit utilisable de 4.000 euros.
Et le dépassement de ce crédit utilisable à l'ouverture est donc intervenu dès le 14 mars 2007 (solde de 4.012,28 euros), ce qui constitue le premier incident de paiement non régularisé et ce, jusqu'à la date de déchéance du terme (solde de 10.306,71 euros).
La SA FINAREF ayant fait délivrer assignation à la date du 30 octobre 2009, passé le délai biennal prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que l'action était atteinte par la forclusion.
La SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la S.A FINAREF, sera donc déboutée de son appel, le jugement entrepris étant confirmé.
Sur les demandes annexes :
La SA CA CONSUMER FINANCE, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, et sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Société CA CONSUMER FINANCE aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Monsieur Philippe BERTRAND, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit