TGI DINAN, 7 septembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 356
TGI DINAN, 7 septembre 2004 : RG n° 03/00603 ; jugement n° 464/04
(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 14 octobre 2005 : RG n° 04/07665 ; arrêt n° 611)
Extrait : « À la lecture du contrat conclu entre les parties le 7 juillet 2000, il apparaît que le locataire renonce à certains recours contre le bailleur, du fait notamment du matériel. Cependant cet engagement n'est pas dépourvu de contrepartie puisque, le bailleur s'engage à faire bénéficier directement le locataire des garanties légales et contractuelles dont il bénéficie du fait de l'achat du matériel, de sorte que contrairement à ce que prétend le défendeur, il n'est pas dépourvu d'action en cas de dysfonctionnement de celui-ci. Par ailleurs, il est constant que le caractère léonin d'une clause affecte la seule validité de celle-ci sans s'étendre à l'intégralité du contrat. Par ailleurs, faute de démontrer ni même d'alléguer le caractère léonin des dispositions contractuelles dont la société LIXXBAIL sollicite l'application dans la présente procédure, l'argumentation de Monsieur X. ne peut prospérer. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DINAN
JUGEMENT DU 7 SEPTEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/00603. Jugement n° 464/04.
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats : Brigitte DELAPIERREGROSSE, Vice-Président siégeant en qualité de Juge rapporteur, sans opposition des avocats et qui a rendu compte au délibéré collégial.
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré : - Dominique MATHIEU, Président - Brigitte DELAPIERREGROSSE, Vice-Présidente - Alain FOUQUET, Juge placé
GREFFIER : Angèle RONCIERE, Adjoint administratif principal faisant fonction de greffier
Débats en audience publique le : 06 juillet 2004
JUGEMENT CONTRADICTOIRE - Prononcé par : Brigitte DELAPIERREGROSSE, Vice-Président à l'audience publique du : 07 septembre 2004, date indiquée à l'issue des débats.
[minute page 2]
ENTRE :
DEMANDERESSE :
SA SOCIETE LIXXBAIL
[adresse], représentée par Maître Michel DURAND, avocat au barreau de DINAN
ET :
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Patrice CONTANT, avocat au barreau de DINAN
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 7 juillet 2000, Monsieur X. a régularisé avec la société SLIBAIL un contrat de crédit bail portant financement de l'acquisition d'une moissonneuse batteuse au prix de 1.279.720 francs TTC, moyennant 29 loyers trimestriels. Le matériel a été réceptionné le 7 juillet 2000 auprès du fournisseur la société MOTOCULTURE BLANCHARD et réglé par l'organisme de crédit bail suivant facture le 25 septembre 2000.
Les loyers des 7 octobre 2002 et 7 janvier 2003 sont demeurés impayés en tout ou partie, de sorte que la société de crédit bail a adressé une mise en demeure à Monsieur X. le 20 mars 2003, de régulariser sous peine de résiliation du contrat. Faute de paiement, elle a informé Monsieur X. par courrier recommandé de résiliation de la convention, le mettant en demeure de régler cette fois une somme de 196.529,29 euros. Monsieur X. a versé une somme de 5.600 euros. Par ordonnance en date du 22 juillet 2003, le juge de l'exécution a enjoint Monsieur X. de restituer à la société LIXXBAIL venant aux droits de la société SLIBAIL le matériel et les pièces administratives.
Signifiée 16 septembre 2003, cette ordonnance a fait l'objet d'une opposition le 25 septembre 2003.
Par exploit en date du 21 octobre 2003, la société LIXXBAIL a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal de grande instance de Dinan afin de voir sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclarer mal fondée l'opposition de Monsieur X.,
- dire que l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution devra être exécutée, que Monsieur X. devra restituer le matériel ainsi que ses accessoires tels qu'ils résultent de la facture du 25 septembre 2000,
- [minute page 3] condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 190.929,28 euros, outre les intérêts contractuels à compter du 7 octobre 2003, et une indemnité de 2.500 euros par application de l'article 700 du NCPC.
Suivant conclusions récapitulatives signifiées le 25 février 2004, la société LIXXBAIL rappelle qu'elle vient aux droits de la société SLIBAIL, cocontractant de Monsieur X., société qui a fusionné avec la société LOXXIA-BAIL, la nouvelle entité ayant procédé à un changement de dénomination social pour adopter le nom LIXXBAIL, qu'elle est donc tout à fait recevable à agir contre Monsieur X.
Sur le fond, elle fait valoir que Monsieur X. est mal fondé à invoquer la nullité du contrat du fait du caractère léonin de certaines clauses, rappelant que si ce caractère léonin était démontré, la clause serait réputée non écrite, sans entraîner la nullité de l'intégralité de la convention. Elle conteste que les clauses en question puissent être considérées comme léonines dans la mesure où le crédit bailleur n'intervenant qu'en qualité de financeur a pris soin de subroger le crédit preneur dans ses droits contre le fournisseur du matériel en cas de défaillance de celui-ci. Enfin, elle relève que l'article L. 132-1 du code de la consommation est inapplicable s'agissant d'un contrat relatif à l'activité du cocontractant.
S'agissant du montant de la demande, elle indique appliquer purement et simplement les termes du contrat, précisant que la condamnation devra être prononcée en deniers ou quittances puisque la revente du matériel viendra au crédit du défendeur.
Monsieur X. conclut à l'irrecevabilité de la société LIXXBAIL. Il rappelle qu'il a contacté avec la société SLIBAIL, que les pièces communiquées ne permettent pas de vérifier la réalité de la fusion absorption alléguée, ni du changement de dénomination.
Sur le fond, il soutient que le contrat est nul comme comportant des clauses manifestement léonines, le bailleur n'étant jamais pénalisable, notamment en cas de défaillance du matériel loué au preneur.
S'agissant de la somme qui lui est demandée, il ne conteste pas être redevable des loyers impayés, ni des intérêts. Par contre, il conteste le montant de l'indemnité de résiliation faisant observer que s'agissant de dommages et intérêts, ils ne peuvent être accordés qu'après démonstration d'un préjudice, qu'il n'est pas établi que le préjudice supporté soit égal à la somme demandée, que la condamnation ne saurait allée au delà d'un euro ; qu'il en est de même pour la peine pour inexécution.
Monsieur X. sollicite reconventionnellement une indemnité de 2.500 euros par application de l'article 700 du NCPC.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2004.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] MOTIFS :
- Sur la recevabilité de l'action de la société LIXXBAIL :
Il est constant que le contrat de crédit bail conclu par Monsieur X. concerne la société SLIBAIL. Cependant, il est justifié par les pièces versées aux débats que cette société a procédé à une fusion absorption avec la société LOXXIA BAIL, en décembre 2000 que dans un premier temps elle a pris la dénomination LOXXIABAIL-SLIBAIL, puis dans un second temps, celle de LIXXBAIL. Dès lors, cette société venant effectivement aux droits de SLIBAIL, son action doit être déclarée recevable.
- Sur la demande au fond :
Le défendeur invoque un déséquilibre du contrat à son détriment au soutien de sa demande de nullité.
À la lecture du contrat conclu entre les parties le 7 juillet 2000, il apparaît que le locataire renonce à certains recours contre le bailleur, du fait notamment du matériel. Cependant cet engagement n'est pas dépourvu de contrepartie puisque, le bailleur s'engage à faire bénéficier directement le locataire des garanties légales et contractuelles dont il bénéficie du fait de l'achat du matériel, de sorte que contrairement à ce que prétend le défendeur, il n'est pas dépourvu d'action en cas de dysfonctionnement de celui-ci.
Par ailleurs, il est constant que le caractère léonin d'une clause affecte la seule validité de celle-ci sans s'étendre à l'intégralité du contrat. Par ailleurs, faute de démontrer ni même d'alléguer le caractère léonin des dispositions contractuelles dont la société LIXXBAIL sollicite l'application dans la présente procédure, l'argumentation de Monsieur X. ne peut prospérer.
Il n'est pas contesté que les loyers d'octobre 2002 et de janvier 2003 n’ont pas été totalement honorés. En application de l'article 10.2 du contrat, ce défaut de paiement autorise la résiliation à l'initiative du bailleur sans mise en demeure préalable. En conséquence la société de crédit-bail était fondée à résilier le contrat.
L'article 10.3 de cette même convention régularisée par le défendeur stipule que la résiliation entraîne pour le locataire la restitution du matériel ainsi que le paiement de certaines sommes à titre de dommages et intérêts et de peine pour inexécution. S'agissant des dommages et intérêts, ils s'élèvent au montant total HT de tous les termes du loyer non encore arrivés à échéance à la date de résiliation, majorée de la valeur résiduelle prévue aux conditions particulières, ce qui constitue effectivement le préjudice supporté par la société du fait de la cessation anticipée du contrat suite au manquement du locataire, ce préjudice ne pouvant être compensé par la récupération du matériel, qui accuse nécessairement une perte de valeur et dont les possibilités de revente sont aléatoires. Dès lors la demande de LIXXBAIL sur ce point est fondée.
[minute page 5] S'agissant de la peine pour inexécution fixée à 10 % du montant total des loyers échus mais demeurant impayés et des loyers HT à échoir à la date de résiliation, assimilable à une clause pénale, il convient d'observer que si Monsieur X. en sollicite la réduction, il ne démontre pas en quoi son montant serait manifestement excessif. Son argumentation ne peut être suivie.
En conséquence, il convient de déclarer l'opposition de Monsieur X. mal fondée, de valider l'ordonnance du 22 juillet 2003 relative à la restitution du matériel et des accessoires, de condamner le défendeur au paiement de la somme de 190.929,28 euros en deniers ou quittances compte tenu du fait que le matériel devra être restitué et vendu.
L'obligation de Monsieur X. n'étant pas sérieusement contestable, il apparaît opportun d'ordonner l'exécution provisoire du jugement pour éviter tout recours dilatoire.
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du NCPC dans l'intérêt de la demanderesse à hauteur de 1.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Déclare l'action de la société LIXXBAIL recevable,
Déclare mal fondée l'opposition de Monsieur X.,
Valide la décision du 22 juillet 2003 en ce qu'elle a ordonné à Monsieur X. de restituer le matériel appartenant à la société LIXXBAIL, ainsi que ses accessoires, tels qu'ils résultent de la facture d'achat, soit :
- une moissonneuse batteuse NEW HOLLAND TX 68 FS,
- un broyeur de paille-éparpilleur menu paille,
- pont AR moteur,
- coupe 6 m 09 N° XX,
- faisceau pour lame verticale réf. YY,
- 3ème vérin réf. ZZ
Condamne Monsieur X. à verser à la société LIXXBAIL la somme de 190.929,28 euros, outre les intérêts conventionnels à compter du 20 mars 2003 sur un principal de 32.329,92 euros, à compter du 26 mai 2003 pour le surplus,
Ordonne l'exécution provisoire du jugement,
Condamne Monsieur X. à verser à la société LIXXBAIL la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du NCPC,
[minute page 6] Condamne Monsieur X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président et l'adjoint administratif principal faisant fonction de greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT