CA RENNES (1re ch. B), 14 octobre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1782
CA RENNES (1re ch. B), 14 octobre 2005 : RG n° 04/07665 ; arrêt n° 611
Publication : Juris-Data n° 292142
Extraits : 1/ « Considérant que l'appelant prétend tout d'abord à la nullité du contrat en raison du déséquilibre contractuel qui résulterait de certaines de ses clauses ; Que c'est par des motifs pertinents cependant que la Cour fait siens que le premier juge a souligné qu'une clause léonine incluse dans un contrat n'entraîne pas la nullité dudit contrat ».
2/ « Que de surcroît les clauses dénoncées - qui au demeurant ne sont pas celles en vertu desquelles la société LIXXBAIL fonde ses demandes et qui résultent de l'inexécution du contrat - concernent la renonciation à certains recours contre le bailleur du fait du matériel ; que ces clauses outre qu'elles sont inhérentes au contrat de crédit-bail, ne sont pas sans contrepartie puisque le crédit-preneur en sa qualité de mandataire du crédit-bailleur se trouve subrogé, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, dans les droits et actions que celui-ci détiendrait à l'encontre du fournisseur du matériel, en particulier pour le paiement des indemnités que le crédit-preneur serait amené à devoir au crédit-bailleur du fait d'une défaillance du fournisseur ».
3/ « Qu'enfin, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables lorsque comme c'est le cas, le contrat est conclu en rapport avec l'activité professionnelle du co-contractant puisque Monsieur X. est agriculteur et que le crédit porte sur une moissonneuse-batteuse ».
4/ « Que c'est vainement que ce dernier soutient qu'il appartiendrait au juge, au visa de l'article 1134 du code civil, selon lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi et à qui est reconnu un pouvoir d'appréciation, de sanctionner ce qu'il estime être le déséquilibre contractuel et de déclarer ainsi le contrat nul dans son ensemble, confondant pouvoir d'interprétation qui ne peut, en tout état de cause, conduire à dénaturer le contrat lorsque, comme en l'espèce, les termes en sont clairs et pouvoir de modération dont le juge ne dispose qu'en présence d'une clause pénale ».
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/07665. Arrêt n° 611.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président, Madame Ghislaine SILLARD, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller.
GREFFIER : Nadine DHOLLANDE, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : À l’audience publique du 15 septembre 2005 devant Madame Ghislaine SILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président, à l’audience publique du 14 octobre 2005, date indiquée à l’issue des débats.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES et LUC BOURGES, avoués, assisté de Maître CONTANT, avocat
INTIMÉE :
SA LIXXBAIL
[adresse], représentée par la SCP Y. CHAUDET - J. BREBION - J.D. CHAUDET, avoués, assistée de Maître DURAND, avocat
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Le 7 juillet 2000, Monsieur X., régularisait avec la société SLIBAIL un contrat de crédit-bail portant financement de l'acquisition d'une moissonneuse batteuse au prix de 1.279.720 francs TTC moyennant 29 loyers trimestriels.
Le matériel a été réceptionné le 7 juillet 2000 auprès du fournisseur la société MOTOCULTURE BLANCHARD et réglé par le crédit-bailleur suivant facture du 25 septembre 2000.
Les loyers des 7 octobre 2002 et 7 janvier 2003 étant restés impayés, la société de crédit-bail a mis en demeure Monsieur X. le 20 mars 2003 de régulariser sa situation, puis par courrier du 20 mai 2003 de régler la somme de 196.529,29 euros. Monsieur X. a alors versé une somme de 5.600 euros.
Par ordonnance du 22 juillet 2003, le juge de l'exécution a enjoint à Monsieur X., de restituer à la société LIXXBAIL, venant aux droits de la société SLIBAIL, le matériel et les pièces administratives.
Signifiée le 16 septembre 2003, cette ordonnance a fait l'objet d'une opposition.
Par exploit du 21 octobre 2003, la société LIXXBAIL a assigné Monsieur X. devant le Tribunal de Grande Instance de DINAN aux fins notamment de voir déclarée mal fondée l'opposition de Monsieur X. et de dire que l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution devra être exécutée et de condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 190.929,28 euros.
Par jugement du 7 septembre 2004, le tribunal a
* déclaré l'action de la société LIXXBAIL recevable,
* déclaré mal fondée l'opposition de Monsieur X.,
* validé la décision du 22 juillet 2003 en ce qu'elle a ordonné à Monsieur X., de restituer le matériel appartenant à la société LIXXBAIL, venant aux droits de la société SLIBAIL, ainsi que ses accessoires tels qu'ils résultent de la facture d'achat,
* condamné Monsieur X. à payer à la société LIXXBAIL la somme de 190.929,28 euros, outre les intérêts conventionnels à compter du 20 [minute page 3] mars 2003 sur le principal de 32.329.92 euros, à compter du 26 mai 2003 pour le surplus,
* ordonné l'exécution provisoire du jugement,
* condamné Monsieur X. à payer à la société LIXXBAIL la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre aux dépens.
Monsieur X. a relevé appel et aux termes de ses dernières conclusions du 4 juillet 2005, auxquelles il est renvoyé s'agissant des moyens et arguments développés à l'appui de ses prétentions, demande à la Cour :
* de réformer le jugement,
* à titre principal, d'annuler le contrat de crédit-bail et en conséquence de débouter la société LIXXBAIL de toutes ses demandes,
* à titre subsidiaire, vu la perte de la chose louée, de constater la résiliation du contrat de crédit-bail et en conséquence de débouter la société LIXXBAIL, de toutes ses demandes en paiement postérieures au mois d’octobre 2004 et de sa demande en paiement d'indemnité d'éviction,
* à titre infiniment subsidiaire, de limiter le montant de l'indemnité de résiliation devant revenir à la société LIXXBAIL à titre de dommages et intérêts à la somme de 68.500 euros HT,
* de condamner la société LIXXBAIL à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre aux entiers dépens lesquels seront recouvrés selon l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La société LIXXBAIL, aux termes de ses dernières conclusions du 26 août 2005, auxquelles il est renvoyé s'agissant des moyens et arguments développés à l'appui de ses prétentions, demande à la Cour :
*de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à déduire, en tant que de besoin, du montant de la créance l'indemnité de 54.780 euros réglée par l'assureur de Monsieur X. après sinistre et la somme de 14.000 euros correspondant au prix de revente de l'épave,
* [minute page 4] de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre aux entiers dépens recouvrés selon l'article 699 du même code.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que l'appelant prétend tout d'abord à la nullité du contrat en raison du déséquilibre contractuel qui résulterait de certaines de ses clauses ;
Que c'est par des motifs pertinents cependant que la Cour fait siens que le premier juge a souligné qu'une clause léonine incluse dans un contrat n'entraîne pas la nullité dudit contrat ;
Que de surcroît les clauses dénoncées - qui au demeurant ne sont pas celles en vertu desquelles la société LIXXBAIL fonde ses demandes et qui résultent de l'inexécution du contrat - concernent la renonciation à certains recours contre le bailleur du fait du matériel ; que ces clauses outre qu'elles sont inhérentes au contrat de crédit-bail, ne sont pas sans contrepartie puisque le crédit-preneur en sa qualité de mandataire du crédit-bailleur se trouve subrogé, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, dans les droits et actions que celui-ci détiendrait à l'encontre du fournisseur du matériel, en particulier pour le paiement des indemnités que le crédit-preneur serait amené à devoir au crédit-bailleur du fait d'une défaillance du fournisseur ;
Qu'enfin, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables lorsque comme c'est le cas, le contrat est conclu en rapport avec l'activité professionnelle du co-contractant puisque Monsieur X. est agriculteur et que le crédit porte sur une moissonneuse-batteuse ;
Que c'est vainement que ce dernier soutient qu'il appartiendrait au juge, au visa de l'article 1134 du code civil, selon lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi et à qui est reconnu un pouvoir d'appréciation, de sanctionner ce qu'il estime être le déséquilibre contractuel et de déclarer ainsi le contrat nul dans son ensemble, confondant pouvoir d'interprétation qui ne peut, en tout état de cause, conduire à dénaturer le contrat lorsque, comme en l'espèce, les termes en sont clairs et pouvoir de modération dont le juge ne dispose qu'en présence d'une clause pénale ;
[minute page 5] Considérant que l'appelant prétend encore à la résiliation du contrat de crédit-bail aux motifs que l'engin a été détruit par un incendie de sorte qu'en vertu de la règle « res perit debitori », le bail serait résilié de plein droit et s'agissant d'une règle d'ordre public, toute clause contraire étant réputée non écrite, il ne saurait être débiteur d'une indemnité d'éviction ;
Considérant cependant que le sinistre est intervenu après le prononcé du jugement déféré du 7 septembre 2004 qui, s'il n'était pas définitif, était assorti de l'exécution provisoire et alors que le contrat était déjà résilié selon lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2003 pour défaut de paiement des loyers, résiliation qu'il n'a jamais contesté préalablement ;
Considérant que si l'article 1722 du code civil met, en matière de louage d'ouvrage, les risques du contrat à la charge du débiteur, cette règle n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger, ce qui est le cas en l'espèce, aux termes de l'article 9.1 du contrat de crédit-bail qui transfère les risques au locataire aussi longtemps que le matériel sera la propriété du bailleur et qu'il ne lui aura pas été restitué, restitution qui aurait dû intervenir conventionnellement dans les cinq jours de la résiliation ; qu'en outre, pour se prévaloir de ladite règle, il lui appartenait de rapporter la preuve que la chose a péri par cas fortuit ou force majeure à l'exclusion de toute faute de sa part, ce qu'il ne peut soutenir dans la mesure où la seule utilisation du matériel postérieurement à la résiliation du contrat est constitutif d'une faute ;
Considérant enfin, que l'appelant demande à titre subsidiaire la limitation de l'indemnité de résiliation à la somme de 68.500 euros HT correspondant à l'indemnisation versée par son assureur ;
Qu'il a été condamné par le premier juge à payer à ce titre le montant total de tous les termes échus à la date de résiliation, majoré de la valeur résiduelle prévue aux conditions particulières du contrat et condamné en outre au paiement d'une peine pour inexécution correspondant à 10 % des loyers échus impayés et à échoir ;
Qu'il est constant que constitue une clause pénale, réductible en vertu de l'article 1152 alinéa 2 du code civil, en cas d'excès, la majoration des charges financières pesant sur le débiteur de loyers d'un matériel acquis en crédit-bail, résultant de l'anticipation de l'exigibilité des redevances dès la date de résiliation éventuelle du contrat, stipulée à la fois comme un moyen de contraindre à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit-bailleur du fait de l'accroissement de ses frais ou risques à cause de l'interruption des règlements prévus ;
[minute page 6] Que le juge dispose donc d'un pouvoir de modération, auquel Monsieur X. fait appel contestant la valeur résiduelle de 9.754,60 euros et la peine pour inexécution de 16.831,60 euros, et demandant que l'indemnité de résiliation soit arrêtée à la somme de 68.500 euros HT correspondant à l'indemnisation versée par son assureur ;
Considérant cependant qu'il lui appartient de démontrer, dans la mesure où la rentabilité d'une opération de crédit-bail suppose que le contrat puisse être mené à son terme, le caractère manifestement excessif de cette indemnité tant en ce qui concerne ses éléments constitutifs que de son montant total, ce qu'il ne fait pas, et qui ne peut être utilement déduit des circonstances de l'espèce puisqu'il s'est opposé à la demande de restitution de l'engin, finalement détruit par un incendie et déclaré économiquement irréparable, sans qu'il n'apporte aucune information sur l'origine et les causes du sinistre que la société LIXXBAIL attribue pour sa part à une exploitation intensive ;
Que Monsieur X. sera débouté de sa demande formée de ces chefs ; qu'il sera tenu compte toutefois dans le montant de la condamnation prononcée à hauteur de 190.929,28 euros, de la somme de 54.780 euros reçue par la société LIXXBAIL de l'assureur de Monsieur X. et de la somme de 14.000 euros HT ou 16.744 euros TTC correspondant à la valeur de revente de l'épave de sorte que Monsieur X. sera condamné au paiement de la somme de 119.405,28 euros outre les intérêts conventionnels à compter du 20 mars 2003 sur le principal de 32 329,92 euros et à compter du 26 mai 2003 pour le surplus ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
RÉFORMANT le jugement déféré ;
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la société LIXXBAIL la somme de 119.405,28 euros, outre les intérêts conventionnels à compter du 20 mars 2003 sur le principal de 32.329,92 euros et à compter du 26 mai 2003 pour le surplus ;
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la société LIXXBAIL la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
LE CONDAMNE aux entiers dépens dont ceux d'appel seront recouvrés selon l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.
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