CA AGEN (1re ch. civ.), 25 novembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3629
CA AGEN (1re ch. civ.), 25 novembre 2009 : RG n° 09/00038 ; arrêt n° 1078/09
(sur pourvoi Cass. com. 8 mars 2011 : pourvoi n°10-30287)
Extrait : « Que la clause exonératoire de responsabilité insérée à l'acte de cession ne saurait trouver application en l'absence de tout élément établissant la connaissance précise donnée à la SARL ID de la portée de cette clause et alors qu'elle tend à exonérer un professionnel de la faute par lui commise envers un non professionnel, M. X. étant un professionnel du droit et alors que rien n'indique les compétences du gérant de la SARL ID en la matière ».
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00038. Arrêt n° 1078/09. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l’article 450 et 453 du Code de procédure civile le vingt cinq novembre deux mille neuf, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle BURY, Greffier, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Maître X., Mandataire Judiciaire
Domicilié [adresse], représenté par la SCP J. et E. VIMONT, avoués, assisté de Maître Jean-Pierre FABRE membre de l'Association FABRE GUEUGNOT SAVARY, avocats, APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 14 novembre 2008, D'une part,
ET :
SARL ID,
prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués, assistée de Maître Jean-David GUEDJ, avocat, INTIMÉE, D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en audience publique, le 14 octobre 2009, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), Dominique NOLET, Conseiller et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés d'Isabelle BURY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 14 novembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de CAHORS décidait que M. X., agissant en qualité de liquidateur de la SARL L'ECHO DU MALPAS, avait engagé sa responsabilité professionnelle sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil à l'égard de la SARL ID, et lui avait causé un préjudice financier dont il devait réparation. Il était ainsi condamné à payer à la SARL ID les sommes de
53.321,94 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, 5.000 euros pour résistance abusive et 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile .
Par déclaration du 9 janvier 2009, M. X. relevait appel de cette décision. Le magistrat chargé de la mise en état, dans une ordonnance du 13 mai 2009, assortissait ce jugement de l'exécution provisoire moyennant constitution d'une garantie.
Dans ses dernières conclusions déposées le 27 avril 2009, M. X. soutient que la preuve d'une faute par lui commise n'est pas rapportée, la SARL ID étant seule à l'origine du préjudice par elle invoqué. Il conclut à la réformation du jugement et au débouté des demandes. Il forme une demande reconventionnelle et sollicite la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral et professionnel. Il réclame encore la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile .
* * *
La SARL ID, dans ses dernières écritures déposées le 22 juillet 2009 estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce. Elle sollicite donc la confirmation du jugement entrepris en son principe mais, par appel incident, demande l'augmentation des sommes allouées. Elle réclame encore la somme de 12.867,09 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.
Le Ministère Public a visé la procédure le 7 octobre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI,
Attendu que les pièces régulièrement communiquées établissent que la SARL L'ECHO DU MALPAS exploitait un camping sur un terrain appartenant pour partie à la SCI et pour partie aux consorts A. auxquels un loyer était payé ; que par jugement rendu le 19 décembre 2002 par le Tribunal de Commerce de TULLE, la SARL L'ECHO DU MALPAS était déclarée en liquidation judiciaire, M. X. étant nommé liquidateur ; que cette même juridiction déclarait la SCI en liquidation judiciaire le 20 février 2003, M. X. étant également nommé liquidateur ;
Que dans deux ordonnances rendues le 18 décembre 2003, le juge commissaire autorisait la cession à la SARL ID des éléments corporels et incorporels constitutifs du fonds de commerce de la SARL L'ECHO DU MALPAS ainsi que la cession du terrain appartenant à la SCI L'ECHO DU MALPAS contiguë au terrain loué ; que ces deux décisions devenaient définitive à la suite d'un arrêt rendu le 1er juillet 2004 par la Cour d'Appel de LIMOGES ;
Que le 25 février 2004, les consorts A. délivraient à la SARL ID un congé avec refus de renouvellement du bail et offre d'une indemnité d'éviction ; que le 28 décembre 2004, ils sommaient M. X., ès qualités de prendre partie sur la poursuite du bail en application de l’article L. 621-28 du Code de Commerce : que la vente des biens de la SARL L'ECHO DU MALPAS était réalisée selon acte notarié du 26 février 2005 ;
Que M. X. n'ayant pas répondu à la demande du 28 décembre 2004, les consorts A. l'assignaient en résiliation du bail et expulsion ; qu'une ordonnance de référé du 13 septembre 2005 confirmée par arrêt de la Cour d'Appel de LIMOGES du 9 novembre 2005 faisait droit à cette demande ;
Qu'au cours d'une nouvelle procédure engagée par la SARL ID en maintien dans les lieux, un protocole d'accord était signé entre la SARL ID et les consorts A. dans le cadre d'une médiation organisée par le président du Tribunal de Grande Instance de TULLE aux termes duquel la SARL ID réglait aux consorts A. une indemnité d'occupation de 6.750 euros pour les années 2005 à 2007 et une somme forfaitaire de 32.000 euros à titre d'indemnité transactionnelle ; que les parties concluaient un nouveau bail dont le loyer était porté à 3.000 euros l'an :
Que la SARL ID assignait alors M. X. en responsabilité et indemnisation de son préjudice sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil et que le jugement déféré était alors rendu ;
Attendu qu'au soutien de son appel M. X. explique qu'en considération de l’article L. 621-28 du Code de Commerce, il ne pouvait opter pour la poursuite du bail que s'il déposait des fonds nécessaires ; qu'en l'espèce, la liquidation judiciaire de la SARL L'ECHO DU MALPAS ne possédait pas de fonds puisqu'il n'avait pas pu rembourser le FNGS ; qu'en outre, seuls les créanciers de la liquidation pourraient lui faire le reproche de l'absence de réponse et non la SARL ID, tiers à la procédure ;
Mais attendu que le texte susvisé, s'il laisse le choix à l'administrateur ou au liquidateur, lui fait obligation d'exercer ce choix dans le mois, sauf à solliciter un délai supplémentaire pour prendre partie, faute de quoi le bail est résilié de plein droit ; que M. X. ne pouvait pas ignorer que son absence de réponse entraînait ipso facto la résiliation du bail qui était d'ailleurs constatée dans deux décision judiciaires ;
Que l'absence de fonds invoquée en cause d'appel est établie, la somme de 15.300 euros consignée n'étant pas destinée à couvrir les loyers mais étant le dépôt de garantie concernant les acquisitions futures, il n'en demeure pas mois que M. X., informé depuis 2003 de la cession autorisée à la SARL ID tant du fonds de commerce que du terrain, devait assurer l'exécution de bonne foi de ces ventes ; qu'il ne peut valablement invoquer la caducité des ordonnances alors que diverses procédures se sont succédées sur ces bases sans que cette caducité soit jamais invoquée ;
Qu'enfin, il ne pouvait ignorer que ce terrain était indispensable à l'exploitation du camping et que son bail faisait partie des éléments d'actif de la SARL L'ECHO DU MALPAS vendu à la SARL ID selon ordonnance du 18 septembre 2003 confirmée en appel ; que la SARL ID a ainsi qualité et justifie d'un intérêt à critiquer l'abstention fautive de M. X. ;
Qu'en outre, le 11janvier 2005, soit avant l'expiration du délai de un mois suivant la mise en demeure d'exercer l'option, le juge commissaire reprenait les conditions de la vente et fixait un nouveau délai pour y parvenir sans que M. X. fasse état d'une difficulté ;
Qu'il appartenait ainsi à M. X. d'obtenir du juge commissaire la prorogation du délai pour prendre partie et ainsi conclure une vente de bonne foi, comportant l'ensemble des biens vendus, ce qui aurait paralysé la demande de consorts A. quant à la résiliation du bail ;
Que ces éléments établissent le faute commise par le liquidateur et que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Attendu sur le préjudice et le lien de causalité que M. X. fait valoir qu'il est étranger au non paiement des loyers ainsi qu'à la procédure engagée par les consorts A. en résiliation du bail ; que l'acte de cession a été signé devant notaire par la SARL ID en toute connaissance de cause des difficultés subsistantes ; qu'il en déduit que si la SARL ID a subi un préjudice, il est sans lien de causalité avec la faute qui lui est reprochée ;
Mais attendu que si le tribunal relevait que M. X. avait attrait la SARL ID dans la procédure intentée par les consorts A. en résiliation du bail et si l'acte de vente incluait une clause quant à l'existence de la procédure, il relevait aussi à bon droit le caractère sans valeur de cette clause, le fait que la SARL ID avait consigné le montant des loyers impayés et adressé aux consorts A. un chèque de 2.439,18 euros ainsi que l'absence de mise en garde précise de SARL ID quant aux conséquences de la procédure de résiliation du bail en cours ;
Qu'en outre, force est de constater que l'assignation en intervention forcée délivrée par M. X. à la SARL ID intervenait le 23 février 2005 et que l'acte de cession se déroulait le 26 février 2005 ce qui laissait à la société cessionnaire un délai insuffisant pour mesurer la portée de cette assignation alors qu'elle ne reproduisait pas le motifs de la résiliation recherchée, fondée non seulement sur le non paiement des loyers mais aussi sur l'absence de réponse du liquidateur ans le délai légal ;
Que la clause exonératoire de responsabilité insérée à l'acte de cession ne saurait trouver application en l'absence de tout élément établissant la connaissance précise donnée à la SARL ID de la portée de cette clause et alors qu'elle tend à exonérer un professionnel de la faute par lui commise envers un non professionnel, M. X. étant un professionnel du droit et alors que rien n'indique les compétences du gérant de la SARL ID en la matière ;
Attendu ainsi que le jugement sera confirmé en ce qu'il reconnaissait l'existence d'un préjudice subi par le SARL ID en lien de causalité avec la faute de M. X. ;
Attendu sur le montant du préjudice subi par la SARL ID que l'appelant ne saurait sérieusement soutenir que celui-ci est inexistant en raison des clauses du bail quant au montant de l'indemnité d'occupation ou à l'augmentation des loyers alors que c'est par sa faute exclusive que le bail s'est trouvé résilié avec pour corollaire la nécessité de conclure un nouveau bail ; que l'indemnité transactionnelle est le fruit d'une transaction où chaque partie fait des concessions réciproques et que son montant ne peut pas être explicité en raison des multiples procédure engagées ;
Qu'ainsi le jugement sera confirmé quant au montant du préjudice subi par la SARL ID qui a été justement analysé ;
Que par appel incident, la SARL ID demande que le montant des frais et honoraires alloués soit porté de 5.000 euros à 18.817 euros HT selon les pièces qu'elle fournit ; que cette demande est justifiée par les factures émises par la cabinet d'avocat ayant assisté la SARL ID au cours des diverses procédures rappelées ci-dessus, les honoraires d'huissier et le montant des dépens ; que, par réformation du jugement, c'est une somme de 67.139,94 euros que M. X. sera condamné à payer à la SARL ID au titre de son préjudice financier ; que les autres sommes mises à sa charge, faute d'élément probant, ne seront pas augmentées.
Attendu que M. X., qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens ;
Que, tenu aux dépens, il devra payer à la SARL ID la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Au fond, réforme le jugement rendu le 14 novembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en ce qu'il condamnait M. X. à payer à la SARL ID la somme de 53.321,94 euros en réparation du préjudice subi,
Statuant à nouveau,
Condamne M. X. à payer à la SARL ID la somme de 67.139,94 euros en réparation de son préjudice financier,
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M. X. à payer à la SARL ID la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne M. X. aux dépens et autorise la SCP d'avoués TESTON-LLAMAS à les recouvrer conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile .
Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Isabelle BURY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,