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CA LIMOGES (ch. civ.), 16 février 2012

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. civ.), 16 février 2012
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. civ.
Demande : 11/00207
Date : 16/02/2012
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3639

CA LIMOGES (ch. civ.), 16 février 2012 : RG n° 11/00207

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu toutefois, en premier lieu, que le premier juge a exactement énoncé que la législation protectrice du droit de la consommation (article L. 132-1 du Code de la Consommation) n'était pas applicable en l'espèce dès lors qu'elle ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ; qu'aucun texte n'autorise en effet le juge, comme l'a exactement considéré le tribunal, à annuler une stipulation contractuelle en dehors du cas prévu par les dispositions susvisées au seul motif qu'elle est abusive, la cour observant que les époux X. ne contestent nullement que les contrats de prêt conclus par M. X., en ce qu'ils visaient à lui permettre de développer son activité professionnelle, sont, à ce titre, conclus non par un consommateur mais par un professionnel ».

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG N° : 11/00207

Le SEIZE FEVRIER DEUX MILLE DOUZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

 

ENTRE :

Monsieur X.

de nationalité Française, né le [date] à [ville], Profession : Exploitant agricole, demeurant [adresse], représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocats au barreau de LIMOGES

Madame Y. épouse X.

de nationalité Française, née le [date] à [ville], Profession : Employée, demeurant [adresse], représentée par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocats au barreau de LIMOGES

APPELANTS d'un jugement rendu le 12 NOVEMBRE 2010 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE

 

ET :

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE FRANCE

Société coopérative à capital et personnel variables, régie par le Livre V du Code Rural, représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. Dont le siège social est [adresse], représentée par Maître DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES et par Me Patrick PAGES, avocat au barreau de CORREZE, INTIMÉE

 

L'affaire a été fixée à l'audience du 3 janvier 2012 par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Madame Martine JEAN, Président a été entendue en son rapport oral, Maître PAGES, avocat a été entendu en sa plaidoirie, la SELARL DAURIAC-CIBOT-COUDAMY, avocat, ayant déposé son dossier.

Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 février 2012 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR :

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE (le CRÉDIT AGRICOLE) a consenti divers prêts à M. X. ainsi qu'à celui-ci et son épouse Mme Y.

Invoquant la déchéance du terme, le CRÉDIT AGRICOLE a fait assigner ses débiteurs devant le tribunal de Grande Instance de Brive La Gaillarde en paiement des sommes demeurant dues au titre de ces prêts.

Selon jugement du 12 novembre 2010, le tribunal a notamment :

- débouté les époux X.-Y. de leur demande aux fins de voir déclarer abusive la clause de déchéance du terme « par contagion » contenue dans le contrat de prêt du 14 mars 2007,

- dit justifiés les contrats de prêts suivants :

* prêt de 21.650 euros souscrit le 26 février 2004 d'une durée de 84 mois moyennant des échéances annuelles de 3.653 euros,

* prêt de 12.120 euros en date du 28 mars 2005 d'une durée de 60 mois moyennant des échéances annuelles de 2.693 euros,

* prêt de 1987 euros souscrit le 31 octobre 2006 d'une durée de 60 mois moyennant des échéances annuelles de 458,92 euros,

* prêt de 6.750 euros souscrit le 31 octobre 2006 sur une durée de 60 mois moyennant des échéances annuelles de 1.558,65 euros,

* prêt de 12.000 euros souscrit le 20 décembre 2007 d'une durée de 60 mois moyennant des échéances annuelles de 4.431,30 euros,

* prêt souscrit par M. et Mme X.-Y. de 4.512 euros sur une durée de 48 mois moyennant des échéances annuelles de 1.214,72 euros,

- constaté l'abandon par le CRÉDIT AGRICOLE de ses demandes en paiement du prêt de 30.489,80 euros du 25 octobre 1997 et du solde débiteur de l'ouverture de crédit en compte courant n° XX par suite du paiement des sommes dues en cours d'instance,

- condamné les époux X.-Y. à payer au CRÉDIT AGRICOLE la somme de 2.549,67 euros au titre du prêt de 4.512 euros du 10 novembre 2006 avec intérêts au taux contractuel à compter du 15 décembre 2009,

- condamné M. X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE :

* au titre du prêt de 21.650 euros en date du 6 février 2004 : 7.067,28 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2009,

* au titre du prêt de 12.120 euros en date du 28 mars 2005 : 2.700,06 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2009,

* au titre du prêt de 1.987 euros en date du 31 octobre 2006 : 1.382,60 euros outre les intérêts contractuels à compter du 16 décembre 2009,

* au titre du prêt de 6.750 euros du 31 octobre 2006 : 4.696,84 euros outre les intérêts au taux contractuels à compter du 16 décembre 2009,

* au titre du prêt de 4.970 euros en date du 14 mars 2007 : 4.288,14 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2009,

* au titre du prêt de 12.000 euros en date du 20 décembre 2007 : 13.292,98 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2009,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné les époux X.-Y. à payer au CRÉDIT AGRICOLE la somme de 1.200 euros en vertu des dispositions de l'article sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens en ceux les frais de saisie conservatoire du 10 août 2009.

Les dernières écritures des parties, auxquelles la Cour renvoie pour plus ample information sur leurs demandes et moyens, ont été déposées les 23 novembre 2011 par les époux X.-Y. et 5 décembre 2011 par LE CRÉDIT AGRICOLE.

Les époux X.-Y. demandent à la cour de :

- juger que la clause relative à la déchéance du terme stipulée dans le contrat du 14 mars 2007 (selon laquelle la survenance d'un des cas d'exigibilité entraînera de plein droit l'exigibilité des prêts consentis tant antérieurement que postérieurement au présent prêt) est abusive,

- dire en conséquence n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du terme des prêts souscrits les 26 février 2004, 28 mars 2005, 31 octobre 2006, 20 décembre 2007, 10 novembre 2006 ( prêt souscrit par les deux époux)

- concernant le prêt du 14 mars 2007, débouter le CRÉDIT AGRICOLE de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle,

- de débouter le CRÉDIT AGRICOLE de ses demandes au titre des autres prêts et chiffrer la créance du CRÉDIT AGRICOLE pour ceux-ci à :

* 7.200,86 euros au titre du prêt souscrit le 26 mars 2004,

* 2.691,97 euros au titre du prêt souscrit le 28 mai 2005,

* 917,64 euros au titre du prêt souscrit le 31 octobre 2006,

* 3.117,30 euros au titre d'un autre prêt souscrit le 31 octobre 2006,

* 5.067,30 euros au titre du prêt souscrit le 20 décembre 2007,

* 2.429,44 euros au titre du prêt souscrit le 10 novembre 2006,

- de leur accorder les plus larges délais de paiement,

- de condamner enfin le CRÉDIT AGRICOLE à leur payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.

Les époux X.-Y. reprochent au tribunal de les avoir déboutés de leur demande tendant à voir juger abusive la clause contenue dans le prêt du 14 mars 2007 au motif que l'article L. 132-1 du Code de la consommation n'était pas applicable aux prêts à caractère professionnel ; ils soutiennent à cet égard que le juge peut, sur le fondement d'un défaut de cause, annuler une clause qui rompt l'équilibre du contrat et font observer que la clause litigieuse est au surplus contenue dans un contrat que l'on peut qualifier d'adhésion.

Ils ajoutent que la déchéance de tous leurs prêts a été prononcée alors que deux échéances seulement étaient demeurées impayées, ce qui démontre encore le caractère abusif de la clause contenue dans le contrat du 14 mars 2007.

Ils estiment enfin que le CRÉDIT AGRICOLE, en ce qu'il a opéré des prélèvements sur leur compte au titre des échéances des prêts postérieurement à la déchéance, a renoncé à se prévaloir de celle-ci malgré la notification qui leur en avait été faite.

Le CRÉDIT AGRICOLE conclut à la confirmation et, subsidiairement, à la condamnation de :

- M. X. à lui payer les sommes de :

* 7.847,24 euros au titre du prêt du 26 octobre 2004,

* 3.021,64 euros au titre du prêt du 28 mars 2005,

* 1.24,17 euros au titre du prêt du 31 octobre 2006,

* 3.475,55 euros au titre du prêt du 31 octobre 2006,

* 2.972,23 euros au titre du prêt du 14 mars 2007,

* 5.508,93 euros au titre du prêt du 20 décembre 2007,

outre intérêts au taux contractuels à compter du 7 novembre 2011,

- les époux X. solidairement à lui payer la somme de 2.645,99 euros au titre du prêt du 10 novembre 2006 avec intérêts au taux contractuel à compter du 7 novembre 2011.

Il demande dans tous les cas de débouter les époux X.-Y. de leur demande de délais de paiement et de les condamner à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le CRÉDIT AGRICOLE considère que les jurisprudences auxquelles se réfèrent les époux X.-Y. sur l'absence de cause ne sont pas transposables en l'espèce dès lors que la déchéance du terme repose sur une disposition contractuelle et ajoute qu'il était en tout état de cause contractuellement autorisé à se prévaloir de la déchéance du terme en cas d'insolvabilité du débiteur révélée par tous actes de poursuites dont il fait l'objet, ce qui est le cas en l'espèce dans la mesure où il a été destinataire, selon acte du 10 juin 2009, d'une dénonciation à créancier inscrit d'un commandement de saisie immobilière à la requête d'un créancier de Mme X. pour avoir paiement d'une somme de 58.000 euros.

Il observe par ailleurs que si des échéances ont été prélevées postérieurement à la déchéance du terme, il ressort des décomptes que les sommes ainsi prélevées ont été qualifiées d'acomptes à valoir sur la créance consécutive à la déchéance du terme.

Il estime enfin que l'indemnité de 7 % incluse dans le prêt du 14 mars 2007 ne présente pas de caractère excessif.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que pour prononcer la déchéance du terme au titre des divers contrats souscrits soit par M. X. seul soit par les époux X.-Y., le CRÉDIT AGRICOLE s'est fondé sur une clause contenue dans les contrats de prêt, dont le premier juge a exactement rappelé la teneur ; que, pour dénier au CRÉDIT AGRICOLE le droit de faire jouer la déchéance du terme pour l'ensemble des crédits par eux contractés, les époux X., reprenant devant la cour l'argumentation qu'ils avaient soulevée devant le tribunal, estime abusive la clause contenue notamment dans le contrat du 14 mars 2007 selon laquelle la survenance d'un des cas d'exigibilité entraînera de plein droit l'exigibilité des prêts consentis tant antérieurement que postérieurement au présent prêt ; qu'ils demandent en conséquence à la cour de la considérer comme nulle et de nul effet ; qu'ils considèrent qu'en tout cas la banque a renoncé à se prévaloir de la déchéance ;

Attendu toutefois, en premier lieu, que le premier juge a exactement énoncé que la législation protectrice du droit de la consommation (article L. 132-1 du Code de la Consommation) n'était pas applicable en l'espèce dès lors qu'elle ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ; qu'aucun texte n'autorise en effet le juge, comme l'a exactement considéré le tribunal, à annuler une stipulation contractuelle en dehors du cas prévu par les dispositions susvisées au seul motif qu'elle est abusive, la cour observant que les époux X. ne contestent nullement que les contrats de prêt conclus par M. X., en ce qu'ils visaient à lui permettre de développer son activité professionnelle, sont, à ce titre, conclus non par un consommateur mais par un professionnel ;

Attendu, en second lieu, que si les époux X.-Y. soutiennent encore que la nullité de la clause devrait en tout cas être prononcée au seul motif qu'elle rompt l'équilibre du contrat en procurant un avantage à la banque si excessif que le contrat se trouve de fait dépourvu de contrepartie, force est de constater qu'ils ne font aucunement la démonstration de ce que l'insertion de la clause litigieuse dans le contrat du 14 mars 2007, devrait-il être admis qu'il est d'adhésion, a pour conséquence nécessaire de priver le contrat de sa cause ; que la cause du contrat de prêt réside en effet dans la seule remise des fonds prêtés par l'organisme bancaire, laquelle remise n'est pas affectée par les clauses du contrat tendant à assurer, après remise des fonds, le remboursement des sommes qui en ont été l'objet ;

Attendu en outre que s'il est constant que la banque a, dans les conditions exactement rappelées par le premier juge, prélevé des échéances postérieurement à la notification aux époux X. de la déchéance du terme, il ne résulte pas de ce seul élément la preuve d'une volonté non équivoque du CRÉDIT AGRICOLE de renoncer à se prévaloir de la déchéance du terme ;

Attendu enfin que c'est à bon droit que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a écarté la demande des époux X. tendant à la suppression de la clause pénale prévue au contrat de prêt du 14 mars 2007 en relevant principalement que la preuve de son caractère excessif n'était pas apportée par les époux X. ;

Attendu en définitive que le jugement mérite entière confirmation ; que les époux X. ne justifiant pas être en mesure de s'acquitter des sommes dues dans les délais prévus par l'article 1244 alinéa 1 du Code Civil, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de délais de paiement ;

Attendu que les époux X., qui succombe en leur appel, seront condamnés aux dépens de cette procédure ; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'allouer au CRÉDIT AGRICOLE une indemnité supplémentaire au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; que la condamnation prononcée par le premier juge est en effet suffisante à l'indemniser des frais non inclus dans les dépens engagés par lui tant au titre de l'instance que de l'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré,

DIT n'y avoir lieu à octroyer aux époux X.-Y. des délais de paiement,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE les époux X.-Y. aux dépens de leur appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,                                LE PRÉSIDENT,

Marie-Christine MANAUD.            Martine JEAN.