CA POITIERS (2e ch. civ.), 28 février 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3654
CA POITIERS (2e ch. civ.), 28 février 2012 : RG n° 11/01574 ; arrêt n° 159
Publication : Jurica
Extraits : « Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui considère comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ne s'applique pas aux crédits consentis à titre professionnel et ne peut donc être utilement invoqué en l'espèce ;
Attendu que l'article R. 132-2 du même code est également invoqué à tort par Monsieur X., Madame Y. et la société Les Délices de J., dès lors que ce texte, aux termes duquel est présumée abusive la clause qui impose au non-professionnel qui n'exécute pas son obligation une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, ne s'applique pas aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de celui qui l'invoque, et, qu'en l'espèce, l'ouverture du compte courant, ainsi que les deux prêts litigieux, ont été consentis pour les besoins de l'activité professionnelle de la société Les Délices de Javerzay, et de leurs gérants, s'agissant pour le premier prêt de l'acquisition du fonds de commerce de pâtisserie boulangerie, et pour le second, d'un prêt de destiné au rachat du premier, afin d'alléger les charges de remboursement de la société emprunteuse ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G . n° 11/01574. Arrêt n°159. Décision déférée à la Cour : Jugements au fond des 28 juillet 2010 et 3 novembre 2010 rendus par le Tribunal de Commerce de NIORT.
APPELANTS :
Monsieur X.
Mademoiselle Y.
Selarl DUTOUR, mandataire judiciaire pris en sa qualité de mandataire à la procédure de redressement judiciaire de la SNC LES DELICES DE J.
SNC LES DELICES DE J.
ayant pour avocat postulant la SCP TAPON Eric MICHOT Yann, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Franck DAVID, avocat au barreau de NIORT
INTIMÉES :
SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG
Société BANQUE POPULAIRE CENTRE ATLANTIQUE
ayant pour avocat postulant la SCP MUSEREAU François MAZAUDON Bruno PROVOST-CUIF Stéphanie, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Paul MAILLARD, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 910 alinéa 1, 785 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2012, en audience publique, devant : Madame Nathalie PIGNON, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean CHAPRON, Président, Monsieur Guillaume DU ROSTU, Conseiller, Madame Nathalie PIGNON, Conseiller.
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean CHAPRON, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du tribunal de commerce de NIORT du 28 juillet 2010 ayant :
- ordonné la jonction des procédures numéros 09-339 et 10-64,
- condamné la société Les Délices de J. à payer à la Banque Populaire Centre Atlantique la somme de 14.796,37 euros,
- dit que cette somme serait payée en 24 mensualités égales, la première intervenant le 1er du mois « suivant la publication du jugement »,
- condamné la société Les Délices de J. au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens
- prononcé l'exécution provisoire,
- débouté les parties de toutes demandes ou conclusions contraires, différentes ou plus amples ;
Vu le second jugement du tribunal de commerce de NIORT du 3 novembre 2010, ayant, sur requête en rectification d'erreur matérielle et omission de statuer présentée par la Banque Populaire Centre Atlantique :
- dit qu'il n'y avait pas lieu à modifier le jugement en date du 28 juillet 2010,
- condamné la Banque Populaire Centre Atlantique aux entiers dépens
- rejeté comme inutiles et non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- dit qu'il n'y avait pas lieu à accorder une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes demandes ou conclusions contraires, différentes ou plus amples ;
Vu la déclaration d'appel du 20 juin 2011 de la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. à l'encontre des jugements du 28 juillet 2010 et du 3 novembre 2010 ;
Vu les déclarations d'appel des 13 avril 2011 et 20 juin 2011 de la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, à l'encontre des mêmes jugements ;
Vu les ordonnances de jonction des procédures 11-03019, 11-03094 et 11-1574 du conseiller de la mise en état en date du 17 août 2011 ;
Vu le redressement judiciaire de la société Les Délices de J. prononcé par jugement du tribunal de commerce de NIORT du 29 juillet 2011, l'intervention volontaire à l'instance de la SELARL DUTOUR, ès qualités de mandataire judiciaire, et ses conclusions du 13 octobre 2011 aux termes desquelles elle sollicite qu'il soit constaté qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre la société Les Délices de J. ;
Vu les conclusions de Monsieur X., Madame Y., et de la société Les Délices de J., signifiées le 13 octobre 2011, demandant à la cour de :
- réformer le jugement en date du 28 juillet 2010 en certaines de ses dispositions, notamment en ce que le tribunal de commerce de NIORT a condamné la SNC à payer la somme de 14.796,37 euros à la Banque Populaire Centre Atlantique en 21 mensualités, au lieu de donner quittance à la SNC qu'elle avait fait l'objet de frais bancaires exorbitants et indus de la part de la Banque Populaire Centre Atlantique,
- débouter la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
- condamner in solidum la Banque Populaire Centre Atlantique et, en tant que de besoin, la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, à rembourser à la SNC « Les Délices de J. » la somme de 14.137,44 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal en vigueur,
- condamner in solidum la Banque Populaire Centre Atlantique et, en tant que de besoin, la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, à apurer les comptes ou, à défaut, à échelonner la dette de la SNC « Les Délices de J. »,
- ordonner, le cas échéant, la capitalisation des intérêts,
- condamner in solidum la Banque Populaire Centre Atlantique et, en tant que de besoin, la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, à payer à la SNC « Les Délices de J. » la somme de 30.000 euros aux motifs de défaut de conseil et d'information, défaut de vigilance et de diligence, exploitation abusive de position dominante, aggravation des difficultés financières et risque de faillite de la SNC,
- condamner in solidum la Banque Populaire Centre Atlantique et la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la Banque Populaire Centre Atlantique, à payer à la SNC « Les Délices de J. », Monsieur X. et Madame Y. 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
Vu les conclusions de la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE (société INTRUM JUSTITIA) du 28 décembre 2011 sollicitant que la cour :
- statuant tant sur l'appel formé par la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. contre le jugement du 28 juillet 2010 que sur l'appel formé par elle contre le jugement du 3 novembre 2010,
- confirmant et réformant les jugements entrepris dans la mesure utile,
- fixe sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Les Délices de J. à la somme de 14.796,37 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 9 décembre 2009 et jusqu'à parfait paiement, outre les sommes de 500 euros au titre de l'indemnité accordée par le jugement entrepris au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la somme de 707,74 euros au titre des frais d'huissier,
- condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à lui payer la somme de 14.796,37 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 9 décembre 2009 et jusqu'à parfait paiement,
- juge n'y avoir lieu d'accorder des délais de paiement à la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y.,
- déboute la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. de toutes leurs demandes dirigées contre la BPCA et contre la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE, venant aux droits de la BPCA,
- condamne solidairement la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. à payer à la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE et à la Banque Populaire Centre Atlantique la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 janvier 2012 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que, par acte sous seing privé du 18 juin 1999, la Banque Populaire Centre Atlantique a consenti à la société Les Délices de J. un prêt professionnel destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie exploité au [...], d'un montant de 720.000 francs en principal, remboursable en 84 mensualités, au taux nominal de 4,85 % ( TEG : 6,64 %) ; que, par acte sous seing privé du 1er août 2003, la BPCA lui a consenti un second prêt d'un montant de 68.000 euros destiné au rachat du premier, remboursable en 60 mensualités au taux nominal de 5,5 % (TEG : 7,187 %) ; que Monsieur X. et Madame Y. se sont portés cautions personnelles et solidaires du remboursement de ce prêt, à hauteur de la somme de 85.000 euros, « couvrant le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires » ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 2009, la Banque Populaire Centre Atlantique a notifié à la société Les Délices de J. la cessation des autorisations de crédit, à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de la notification, le niveau maximum de découvert pendant la période de préavis étant fixé à la somme de 13.000 euros ; que, par courrier en date du 28 mai 2009, la société Les Délices de J. a demandé un étalement de sa dette sous forme de prêt amortissable ou de plan d'apurement, ainsi que la communication des conditions bancaires de 2007, 2008, 2009, et des informations concernant les frais prélevés depuis 3 ans à hauteur de 15.000 euros ; que, parallèlement, la société a saisi le médiateur de la Banque Populaire Centre Atlantique qui a répondu le 8 juin 2009 que, la réclamation portant sur un compte de société, elle ne rentrait pas dans son champ d'intervention, mais qu'il faisait suivre le courrier de la société au service qualité de la banque ; que par lettre du 18 juin 2009, les gérants de la société Les Délices de J. ont sollicité un étalement de la dette de la société auprès du service qualité de la Banque Populaire Centre Atlantique ; que, par courriers recommandés avec accusés de réception en date des 18 et 19 août 2009, la Banque Populaire Centre Atlantique a mis en demeure la société Les Délices de J. ainsi que Madame Y. et Monsieur X., associés de la société et cautions des engagements pris par cette société, de rembourser le solde du prêt ainsi que le solde du compte courant, soit la somme de 14.135,99 euros ; que le tribunal de commerce de NIORT a ensuite été saisi, d'une part, par la société, Monsieur X. et Madame Y. d'une action en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la banque, et d'autre part, par la Banque Populaire Centre Atlantique, d'une action en remboursement des sommes prêtées ; que ces deux instances ont été jointes et ont donné lieu aux décisions contestées ;
Attendu que Monsieur X., Madame Y. et la société Les Délices de J. s'estiment victimes de défaut d'information et de conseil, « notamment en ce que la Banque s'est sciemment abstenue de prévenir la situation de grave endettement qu'elle entend aujourd'hui reprocher à la SNC, et lui rendre seule imputable » ; qu'ils font valoir, notamment :
- l'article R. 132-2 du Code de la consommation, aux termes duquel est présumée abusive la clause qui impose au non-professionnel qui n'exécute pas son obligation, une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, la Banque Populaire ayant, selon eux, utilisé sa position dominante pour imposer à sa cliente, la SNC, réputée partie « non professionnelle » au contrat de prêt, des conditions financières manifestement disproportionnées ;
- les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code du Commerce, en reprochant à la Banque Populaire Centre Atlantique un abus de position dominante et une exploitation abusive de cette position dominante, le fait de conduire la SNC à contracter un nouvel emprunt après le premier, alors même que la banque connaissait les difficultés de la boulangerie, relevant de la notion de « vente liée » ;
- le défaut de conseil et d'information de la banque, qui ne pouvait décemment ignorer, compte tenu des résultats de la boulangerie, que le second emprunt ne parviendrait pas à endiguer le déficit du premier, et le manquement à son devoir de mise en garde, en ayant omis de rechercher si les emprunteurs ont été avertis ou non des risques inhérents à l'emprunt selon leurs capacités financières et des risques de surendettement en cas d'octroi du prêt ;
- l'article L. 533-11 du Code monétaire et financier qui fait obligation aux banques de préserver l'intérêt supérieur du client, et qui aurait été violé par la Banque Populaire Centre Atlantique, laquelle ne pouvait selon eux ignorer l'état de grande fragilité économique des gérants, dont elle a obtenu qu'ils se portent caution personnelle de la SNC, la banque n'ayant consenti au prêt que dans des conditions particulièrement désavantageuses pour les gérants, qui engageaient leurs biens personnels ;
Attendu que les appelants concluent enfin que « les abus commis par la Banque Populaire, profitant de l'état d'ignorance des deux gérants en matière de crédit et de rentabilité de leur société, doivent réputer l'acte de caution caduque, du moins pour la part concernant les frais de banque » ;
Attendu que la société INTRUM JUSTITIA soutient pour sa part :
- sur les frais et agios en eux-mêmes, que la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. ne produisent aucun décompte qui permettrait l'apprécier le bien fondé de leur demande, pas plus qu'ils n'expliquent en quoi les frais et agios ne seraient pas dus au regard des dispositions contractuelles en vigueur entre les parties ;
- que les prétendues clauses abusives dont il est demandé à la Cour d'écarter application ne sont même pas désignées, et qu'il n'est pas dit non plus en quoi les frais et agios seraient « manifestement disproportionnés » ;
- sur le prétendu abus de position dominante, que la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. ne démontrent pas en quoi la Banque Populaire Centre Atlantique aurait exercé une position dominante au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce sur le marché du crédit aux entreprises dans les DEUX-SÈVRES, la notion de vente liée ne s'appliquant pas en outre aux relations contractuelles des parties, la sanction d'un abus de position dominante étant en tout état de cause la nullité du contrat, et non l'engagement de la responsabilité de la banque comme il est sollicité par la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. ;
- sur le devoir de conseil et d'information, que la banque n'est tenue d'aucune obligation de mise en garde à l'égard d'un client professionnel, que la société Les Délices de J. ne peut être assimilée à un client profane, alors qu'à la date de renégociation de son second prêt (le 30 juillet 2003), elle exploitait son fonds de commerce depuis plus de 4 ans, qu'aucun manquement ne peut être reproché à la BPCA dans l'octroi du second prêt, qui avait justement pour objet de rééchelonner le premier concours bancaire et de soulager la trésorerie de la société ; que la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. ne justifient enfin ni de l'existence et de l'étendue du préjudice qu'ils allèguent, ni de lien de causalité qui pourrait exister entre ce prétendu préjudice et les prétendus manquements qu'ils reprochent à la Banque Populaire Centre Atlantique ;
* Sur l'article R. 132-2 du Code de la consommation :
Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui considère comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ne s'applique pas aux crédits consentis à titre professionnel et ne peut donc être utilement invoqué en l'espèce ;
Attendu que l'article R. 132-2 du même code est également invoqué à tort par Monsieur X., Madame Y. et la société Les Délices de J., dès lors que ce texte, aux termes duquel est présumée abusive la clause qui impose au non-professionnel qui n'exécute pas son obligation une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, ne s'applique pas aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de celui qui l'invoque, et, qu'en l'espèce, l'ouverture du compte courant, ainsi que les deux prêts litigieux, ont été consentis pour les besoins de l'activité professionnelle de la société Les Délices de Javerzay, et de leurs gérants, s'agissant pour le premier prêt de l'acquisition du fonds de commerce de pâtisserie boulangerie, et pour le second, d'un prêt de destiné au rachat du premier, afin d'alléger les charges de remboursement de la société emprunteuse ;
* Sur l'abus de position dominante :
Attendu que l'article L. 420-2 du Code de commerce, qui prohibe, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur, vise notamment au titre des abus, les pratiques de ventes liées ; qu'il résulte des termes mêmes de ce texte que seules les ventes liées sont visées par cette prohibition ; que les prestations de service ne rentrent pas dans le champ d'application de ce texte ; que, surabondamment, la « vente liée » n'existant que lorsque la vente d'un produit donné (le produit liant) est subordonnée à l'achat d'un autre produit (le produit lié) à l'entreprise dominante, les opérations de prêt visées par les appelants ne correspondent en aucune façon au processus constitutif d'une vente liée, le premier prêt ayant été consenti quatre ans avant le second ; que l'abus de position dominante n'est dès lors pas constitué ;
* Sur le défaut de conseil et d'information :
Attendu que la banque qui maintient ou augmente son concours à une entreprise dont elle sait ou aurait dû savoir, en faisant preuve d'une diligence normale, que la situation est irrémédiablement compromise, ou octroie, en connaissance de cause, un crédit dont le coût est insupportable pour l'équilibre de la trésorerie de la société et incompatible pour elle avec toute rentabilité, engage sa responsabilité ; qu'il incombe à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de la faute ainsi commise ; que les appelants ne rapportent pas cette preuve en l'espèce, dès lors que le second prêt, consenti à la société Les Délices de J. le 1er août 2003 pour lui permettre de rembourser le premier prêt, et d'obtenir ainsi un rééchelonnement de sa dette, a été régulièrement honoré pendant plusieurs années, la première échéance impayée datant de juillet 2008, ce qui démontre que la situation de la société n'était pas, au moment du second concours, irrémédiablement compromise, et que le coût du deuxième prêt n'était pas insupportable pour l'équilibre de sa trésorerie ;
Attendu que, pour mettre en œuvre la responsabilité de la banque, le dirigeant d'une société cautionnée, qui est une caution avertie, doit démontrer qu'au moment même où la garantie a été souscrite, cet organisme avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération, des informations que lui-même aurait ignorées ;
Attendu en l'espèce que Monsieur X. et Madame Y., tous deux gérants de la société Les Délices de J., ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe en leur qualité de dirigeant se portant cautions de la société qu'ils dirigent, que la Banque Populaire Centre Atlantique aurait eu en sa possession au moment de la souscription des cautionnements litigieux, des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées ; qu'en effet, Monsieur X. et Madame Y. ne produisent aux débats aucune pièce sur leur situation financière personnelle, que ce soit au moment de la souscription des cautionnements litigieux ou au moment où ils ont été appelés par la banque, ni aucune autre pièce de nature à démontrer que la Banque Populaire Centre Atlantique aurait eu connaissance d'informations, différentes de celles fournies par les cautions et qu'elles-mêmes auraient ignorées ;
* Sur l'article L. 533-11 du Code monétaire et financier :
Attendu que l'article L. 533-11 du Code monétaire et financier, qui ne vise que les obligations du banquier prestataire de services d'investissement, est inapplicable en l'espèce ;
* Sur les sommes dues :
Attendu que les appelants soutiennent que les frais et agios comptabilisés au débit du compte bancaire de la société Les Délices de J. sont exorbitants, sans toutefois contester qu'ils ont été inscrits au compte en vertu des conditions générales et particulières applicables au fonctionnement du compte de la société ; que Monsieur X. et Madame Y. n'ont d'ailleurs pas contesté leur inscription en compte jusqu'à la présente instance, mais seulement sollicité des délais de paiement (cf. pièce n° 7 de Monsieur X. et Madame Y.) ; que les sommes dues étant justifiées par la production des contrats (prêts et ouverture de compte, pièces n° 1, 2 et 4), et des décomptes détaillés, il convient de fixer la créance de la société INTRUM JUSTITIA au passif du redressement judiciaire de la société Les Délices de J. à la somme de 14.796,37 euros augmentée des intérêts au taux légal sur 13.379,54 euros (solde débiteur du compte) entre le 9 décembre 2009 (conformément à la demande, la mise en demeure ayant été reçue antérieurement) et le 29 juillet 2011, date de l'ouverture du redressement judiciaire, et au taux de 5,50 % sur le surplus (échéance du prêt impayée) à compter du 9 décembre 2009, date de l'arrêté de compte ;
Attendu que Monsieur X. et Madame Y. seront condamnés solidairement à lui payer les mêmes sommes, en vertu des cautionnements qu'ils ont consentis, outre les intérêts au taux légal sur 13.379,54 euros (solde débiteur du compte) à compter du 9 décembre 2009 (conformément à la demande, la mise en demeure ayant été reçue antérieurement) et au taux de 5,50 % sur le surplus (échéance du prêt impayée) à compter de la même date ;
* Sur les délais de paiement :
Attendu que Monsieur X. et Madame Y. ne versent aux débats aucun élément justifiant de leur situation matérielle et financière ; qu'ils ne formulent aucune proposition concrète d'apurement de leur dette et seront en conséquence déboutés de leur demande fondée sur l'article 1244-1 du code civil ;
* Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens ; que les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées ;
Attendu que la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y., qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme les jugements en toutes leurs dispositions ;
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de la société INTRUM JUSTITIA au passif du redressement judiciaire de la société Les Délices de J. à la somme de 14.796,37 euros augmentée des intérêts au taux légal sur 13.379,54 euros entre le 9 décembre 2009 et le 29 juillet 2011 et au taux de 5,50 % sur le surplus à compter du 9 décembre 2009 ;
Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à la société INRUM JUSTITIA la somme de 14.796,37 euros augmentée des intérêts au taux légal sur 13.379,54 euros et au taux de 5,50 % sur le surplus à compter du 9 décembre 2009 ;
Déboute la société INRUM JUSTITIA de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et la société Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. de toutes leurs demandes ;
Condamne la SNC Les Délices de J., Monsieur X. et Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5912 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Démarrage d’une activité principale
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts