JUR. PROXIM. LYON (sect. Tassin), 8 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3710
JUR. PROXIM. LYON (sect. Tassin), 8 février 2008 : RG n° 91-07-000967 ; jugt n° 249
(sur appel CA Lyon (6e ch. civ.), 17 septembre 2009 : RG n° 08/01817)
Extrait : « Tout d'abord, il échet d'observer que ces stipulations qui imposent le SIEVA comme unique fournisseur et installateur du branchement, lui confèrent une position de monopole et il appartient à la juridiction de contrôler toute clause contractuelle susceptible de créer un abus de puissance économique à l'encontre des usagers du service. En effet, l'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que […]. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service.
La disposition de l'article 18 en son deuxième alinéa qui conduit à faire supporter à l'usager toutes les conséquences des dommages et qui ne réserve pas la possibilité à ce dernier, d'établir une faute de l'exploitant, outre que cette clause est insérée dans un contrat d'adhésion, pour un service assuré en monopole et sans que cette clause soit justifiée par les caractéristiques particulières de ce service public, présente le caractère d'une clause abusive au sens de l'article précité, d'ordre public (Conseil d'État, Décision du 11 juillet 2001, n° 221458, Société des Eaux de Nord). Par suite, cette clause étant réputée non écrite, il y a lieu d'élargir la responsabilité du SIEVA aux parties « après compteur » soit à la pièce clapet anti-pollution que le SIEVA a fournie et installée et il appartient dès lors au SIEVA d'assumer les conséquences dommageables de la fuite qui s'est produite par la défectuosité de cette pièce.
Par ailleurs, le SIEVA ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 15 du règlement aux termes desquelles : « l'abonné, ayant la possibilité de contrôler sa consommation à tout moment, aucune réclamation ne sera admise quant à l'importance de celle-ci, quelle qu'en soit la cause et notamment en cas de fuite sur son installation ». Cette disposition par adoption de la motivation ci-dessus, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en excluant tout droit à contestation de la facturation par l'usager, quelle que soit la cause de la surconsommation d'eau. Il y a lieu de la déclarer abusive et comme telle non écrite. »
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE LYON
SECTION TASSIN
JUGEMENT DU 8 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 91-07-000967. Jugement n° 249. CODE N° : 56B
COMPOSITION DE LA JURIDICTION :
JUGE DE PROXIMITÉ : BOUVIER-PATE Béatrice
GREFFIER : LANGEVIN Jacqueline
DEMANDEUR(S) :
SIEVA Distribution d'Eau
[adresse], représenté(e) par Mr F., Directeur, muni(e) d'un mandat écrit, Convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 19 juin 2007
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
C/ ALPHA TECHNIQUE [adresse], représenté(e) par Maître COMIGNANI Frédérico (T.834), avocat au barreau de LYON. Convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 19 juin 2007
Date de la première audience : 12 octobre 2007
Date de la mise en délibéré : 14 décembre 2007.
[minute page 1 - N.B. première page non paginée]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par ordonnance d'injonction de payer du 3 mai 2007 du juge de proximité de Lyon, Monsieur X. a été condamné à payer au Syndicat Intercommunal des Eaux du Val d'Azergues (ci après dénommé le SIEVA), les sommes de :
* 2.992,65 € correspondant au solde d'une facture d'eau impayée,
* 111,07 € et de 19,14 € au titre des frais accessoires.
Cette ordonnance a été signifiée par acte d'huissier le 23 mai 2007.
Monsieur X. a régulièrement relevé opposition à cette ordonnance par courrier recommandé expédié le 14 juin 2007.
Monsieur X., représenté par son conseil, expose que le paiement de la facture d'eau à hauteur de la somme 2.992,65 €, ne peut lui être imputé car il s'agit d'une surconsommation anormale suite à une fuite d'eau au niveau du regard situé à proximité de sa maison et qui a pour origine une pièce fournie et mal installée par le SIEVA, en l'occurrence la valve du purgeur qui était desserrée. Il s'oppose à l'application de diverses clauses du contrat qu'il estime abusives.
Il sollicite la condamnation du SIEVA au paiement de la somme de 850,00 € en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le SIEVA, représenté valablement par son directeur technique Monsieur F. muni d'un pouvoir, sollicite la confirmation de l'ordonnance portant injonction de payer et la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC, outre les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il est constant que Monsieur X. s'est vu facturer par le SIEVA une consommation d'eau suite à une fuite décelée dans le « purgeur après compteur » d'après le bulletin d'intervention du 17 mars 2006 de l'agent ayant découvert la fuite et qui a « resserré » la pièce défectueuse.
Le SIEVA a opéré lui-même un dégrèvement 10.113,11 € du montant dû qui est passé de 13.105,76 € à 2.992,65 €.
L'article 18 du règlement du service des eaux du SIEVA annexé au contrat de concession conclu entre Monsieur X. Jean Pierre et ce syndicat de 18 novembre 1996 qui constitue la loi des parties, stipule que :
« Entretien des branchements particuliers :
Pour sa partie située en domaine public, le branchement est la propriété du SIEVA et fait partie intégrante du réseau. Le SIEVA prend à sa charge les réparations et les dommages pouvant résulter de l'existence de cette partie du branchement.
[minute page 2] Pour la partie du branchement situé en domaine privé, la garde et la surveillance sont à la charge de l'Abonné, avec toutes les conséquences que cette notion comporte en matière de responsabilité. Le SIEVA, seul habilité à intervenir pour réparer cette partie, prend à sa charge les frais propres à ses interventions, à l'exclusion des conséquences dommageables.
L'entretien à la charge du SIEVA ne comprend ni les frais de déplacement, ni de modification des branchements, ni les frais de réparation et les dommages résultant d'une faute prouvée de l'Abonné, ni les dommages causés par le gel du compteur, ces frais seront facturés à l’Abonné .»
Ainsi il est distingué deux pôles :
* le premier « avant compteur » qui est constitué du domaine public pour lequel le SIEVA reste seul propriétaire et responsable des réparations et dommages qui pourraient se produire à ce niveau.
* le second « après compteur » qui est situé en domaine privé, et où le SIEVA se reconnaît comme le seul habilité pour réparer cette partie et prend à sa charge tous les frais y afférents tandis que l'abonné conserve la garde, la surveillance et la responsabilité des conséquences dommageables des faits qui se produiraient dans cette partie du branchement.
L'article 18 bis définit le branchement et énumère les éléments qui le comprennent :
* la prise d'eau sur la conduite de distribution publique ;
* le robinet de prise sous bouche à clé dont le SIEVA a seul la clé ;
* la canalisation de branchement située tant sous le domaine privé que public le joint entre la canalisation et le robinet d'arrêt ;
* le robinet d'arrêt ;
* le joint entre le robinet d'arrêt et le compteur ;
* le compteur en location ;
* le regard ou la niche abritant le compteur.
Invoquant ces dispositions contractuelles, le SIEVA entend dégager toute responsabilité, du seul fait que la pièce clapet anti pollution, pourtant défectueuse et cause du sinistre, qu'il a lui-même fournie et installée, se trouve « après compteur » donc dans la partie privée.
Tout d'abord, il échet d'observer que ces stipulations qui imposent le SIEVA comme unique fournisseur et installateur du branchement, lui confèrent une position de monopole et il appartient à la juridiction de contrôler toute clause contractuelle susceptible de créer un abus de puissance économique à l'encontre des usagers du service.
En effet, l'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service.
[minute page 3] La disposition de l'article 18 en son deuxième alinéa qui conduit à faire supporter à l'usager toutes les conséquences des dommages et qui ne réserve pas la possibilité à ce dernier, d'établir une faute de l'exploitant, outre que cette clause est insérée dans un contrat d'adhésion, pour un service assuré en monopole et sans que cette clause soit justifiée par les caractéristiques particulières de ce service public, présente le caractère d'une clause abusive au sens de l'article précité, d'ordre public (Conseil d'État, Décision du 11 juillet 2001, n° 221458, Société des Eaux de Nord).
Par suite, cette clause étant réputée non écrite, il y a lieu d'élargir la responsabilité du SIEVA aux parties « après compteur » soit à la pièce clapet anti-pollution que le SIEVA a fournie et installée et il appartient dès lors au SIEVA d'assumer les conséquences dommageables de la fuite qui s'est produite par la défectuosité de cette pièce.
Par ailleurs, le SIEVA ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 15 du règlement aux termes desquelles : « l'abonné, ayant la possibilité de contrôler sa consommation à tout moment, aucune réclamation ne sera admise quant à l'importance de celle-ci, quelle qu'en soit la cause et notamment en cas de fuite sur son installation ».
Cette disposition par adoption de la motivation ci-dessus, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en excluant tout droit à contestation de la facturation par l'usager, quelle que soit la cause de la surconsommation d'eau. Il y a lieu de la déclarer abusive et comme telle non écrite.
En conséquence, il échet de mettre à néant l'ordonnance querellée, de débouter le SIEVA de toutes ses demandes, fins et prétentions et de le condamner aux dépens en ce compris ceux afférents à la procédure d'injonction de payer qui resteront à sa charge.
L'équité commande de ne pas laisser à la charge de Monsieur X. l'intégralité de ses frais de défense et il y a lieu de condamner le SIEVA à lui payer la somme de 850 € en application de l'article 700 du NCPC.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ
STATUANT PUBLIQUEMENT, CONTRADICTOIREMENT ET EN PREMIER RESSORT :
Vu l'ordonnance d'injonction de payer en date du 3 mai 2007,
Déclare recevable l'opposition de Monsieur X.,
Met à néant cette ordonnance,
Statuant à nouveau,
Vu les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
Déclare abusive et comme telle non écrite, la clause de l'article 18 alinéa 2 du règlement du service des Eaux du SIEVA, annexe du contrat des parties et, ayant pour effet de mettre à la seule charge du client abonné, s'agissant des parties du branchement après compteur, toutes [minute page 4], les conséquences dommageables pouvant résulter de l'existence et du fonctionnement de ces parties du branchement.
Déclare abusive et connue telle non écrite la clause de l'article 15 de ce même règlement visant à exclure toute réclamation de l'abonné sur facturation en cas de surconsommation d'eau, quelle qu'en soit la cause et notamment en cas de fuite sur son installation.
Rejette toutes les demandes, fins et prétentions du Syndicat Intercommunal des Eaux du Val d'Azergues.
Condamne le Syndicat Intercommunal des Eaux du Val d'Azergues à payer, à Monsieur X., la somme de 850 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Condamne Syndicat Intercommunal des Eaux du Val d'Azergues aux dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure d'injonction de payer qui resteront à sa charge.
LE GREFFIER LE JUGE DE PROXIMITÉ
- 5847 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Compétence administrative
- 6036 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Service public
- 6315 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Eau (fourniture) - Obligations du fournisseur