CA LYON (6e ch. civ.), 17 septembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2442
CA LYON (6e ch. civ.), 17 septembre 2009 : RG n° 08/01817
Publication : Jurica
Extrait : « Que, l'article 18 du règlement du service des eaux annexé au contrat de concession conclu le 18 novembre 1996 avec Monsieur X. stipule en son alinéa 2 que pour la partie du branchement définie à l'article 18 bis comme étant du domaine privé de l'usager, « la garde et la surveillance sont à la charge de l'abonné avec toutes les conséquences que cette notion comporte en matière de responsabilité. Le SIEVA est seul habilité à intervenir pour réparer cette partie, prend à sa charge les frais propres à ses interventions, à l'exclusion des conséquences dommageables » ; que l'article 15 du règlement prévoit que « l'abonné ayant la possibilité de contrôler sa consommation à tout moment, aucune réclamation ne sera admise quant à l'importance de celle-ci, quelle qu'en soit la cause et notamment en cas de fuite sur son installation » ;
Que le caractère abusif d'une clause, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même, mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service ;
Que les clauses litigieuses susmentionnées ont pour effet d'exclure d'une manière générale et absolue toute responsabilité du service des eaux pour les conséquences dommageables d'accidents survenus sur cet ouvrage au-delà du domaine public et peuvent ainsi conduire à faire supporter à l'usager des conséquences de dommages qui ne lui sont pas imputables ; qu'elle s'insèrent, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d'adhésion ; qu'elles ne sont pas justifiées par les caractéristiques particulières de ce service public, le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues faisant seulement état de la facilité du contrôle par Monsieur X. alors qu'il est constant que le syndicat a lui-même accès directement au regard contenant le compteur sur lequel il s'est réservé l'intégralité des possibilités d'intervention ;
Que les clauses susdites présentent ainsi le caractère d'une clause abusive au sens des dispositions d'ordre public de l'art. L. 132-1 C. consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 et étaient, dès lors, illégales dès leur adoption ».
COUR D’APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/01817. Décision déférée : Décision du Tribunal d'Instance de LYON du 8 février 2008 - Au fond (R.G. : 2007/967). Nature du recours : APPEL. Affaire : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires.
APPELANTE :
SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DU VAL D'AZERGUES - SIEVA -,
représentée par son Président en exercice [adresse], représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour, assisté de Maître Pierre LAVIROTTE, avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône
INTIMÉ :
Monsieur X.
C/ ALPHA TECHNIQUE SERVICE
[adresse], représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour, assisté de Maître Federico COMIGNANI, avocat au Barreau de Lyon (Toque 834)
DÉBATS : Audience de plaidoiries du 11 juin 2009 [minute Jurica page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré de : Monsieur MATHIEU, Président, Madame DUMAS, Conseiller, qui a fait le rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries, Madame GUIGUE, Conseiller, assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame CARRON, Greffier
ARRÊT : Contradictoire, rendu le 17 septembre 2009, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, signé par Monsieur MATHIEU, Président, et par Madame CARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Instruction clôturée le 24 mars 2009.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ordonnance du 3 mai 2007, le juge de proximité du tribunal d'instance de LYON a enjoint Monsieur X. de payer au Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues la somme principale de 2.992,65 euros au titre d'une facture d'eau impayée. Cette ordonnance a été signifiée le 23 mai 2007. Monsieur X. a formé opposition à ladite ordonnance par lettre recommandée avec avis de réception du 14 juin 2007.
Par jugement du 8 février 2008, le juge de proximité du tribunal d'instance de LYON a déclaré abusives et comme telles non écrites les clauses 18 alinéa 2 et 15 du règlement du service des eaux, a débouté le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues de ses demandes et l'a condamné à payer à Monsieur X. la somme de 850 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La cour renvoie, pour plus ample exposé, aux faits relatés dans le jugement frappé d'appel par le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues.
Par dernières conclusions, le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur X. de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 2.992,65 euros, outre intérêts de droit à compter du 28 février 2007, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues soutient que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve du caractère abusif des clauses critiquées, faute de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au regard de la globalité des clauses du contrat et des caractéristiques particulières du service des eaux, que le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues est soumis à de nombreuses contraintes en termes de qualité des eaux et de pollution justifiant qu'en contrepartie, chaque abonné assume une obligation de garde et de surveillance de la partie du branchement situé en domaine privé conformément à l'article 19 bis du règlement, que l'article 18 fait ainsi légitimement la distinction entre la partie domaine public du branchement et la partie domaine privé dont l'usager assume les conséquences en matière de responsabilité en corollaire de son droit de propriété dès lors que cette partie du branchement est assise sur l'immeuble dont l'usager est propriétaire, que l'usager ayant seul la possibilité de contrôler sa consommation à tout moment sur cette partie de sa propriété, il est légitime qu'il en assume la responsabilité, que dès lors que l'emplacement du compteur permet à l'abonné d'exercer réellement son obligation de surveillance, le contrat ne traduit pas de déséquilibre significatif et doit recevoir application.
[minute Jurica page 3] Par dernières conclusions, Monsieur X. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues au paiement de la somme de 1.300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur X. rappelle que la consommation d'eau litigieuse correspond à une fuite décelée dans le purgeur après compteur, la pièce à l'origine du sinistre ayant été fournie et installée par le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues sans que la cause de la détérioration ne soit connue, étant précisé que le syndicat a procédé à un dégrèvement de la facture d'eau initiale de 13.105,76 euros.
Monsieur X. soutient que les clauses critiquées sont abusives en ce que le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues se reconnaît seule habilité à effectuer les réparations du branchement en domaine privé et prend en charge tous les frais afférents mais se décharge de responsabilité sans pour autant que l'usager ait la possibilité d'établir la faute de l'exploitant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que chacune des parties ne fait que reprendre les moyens et conclusions déjà présentés en première instance ;
Attendu qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ;
Qu'en effet, il résulte du débat et des pièces produites que la pièce clapet anti-pollution à l'origine de la fuite d'eau a été fournie et installée puis réparée après sinistre par le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues ;
Qu'invoquant l'article 18 alinéa 2 du règlement et l'article 18 bis définissant le branchement et énumérant les éléments qui le composent, le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues entend se dégager de toute responsabilité au motif que la pièce clapet anti-pollution se trouve après compteur et donc dans la partie domaine privé ;
Que, l'article 18 du règlement du service des eaux annexé au contrat de concession conclu le 18 novembre 1996 avec Monsieur X. stipule en son alinéa 2 que pour la partie du branchement définie à l'article 18 bis comme étant du domaine privé de l'usager, « la garde et la surveillance sont à la charge de l'abonné avec toutes les conséquences que cette notion comporte en matière de responsabilité. Le SIEVA est seul habilité à intervenir pour réparer cette partie, prend à sa charge les frais propres à ses interventions, à l'exclusion des conséquences dommageables » ; que l'article 15 du règlement prévoit que « l'abonné ayant la possibilité de contrôler sa consommation à tout moment, aucune réclamation ne sera admise quant à l'importance de celle-ci, quelle qu'en soit la cause et notamment en cas de fuite sur son installation » ;
Que le caractère abusif d'une clause, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même, mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service ;
Que les clauses litigieuses susmentionnées ont pour effet d'exclure d'une manière générale et absolue toute responsabilité du service des eaux pour les conséquences dommageables d'accidents survenus sur cet ouvrage au-delà du domaine public et peuvent ainsi conduire à faire supporter à l'usager des conséquences de dommages qui ne lui sont pas imputables ; qu'elle s'insèrent, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d'adhésion ; qu'elles ne sont pas justifiées par les caractéristiques [minute Jurica page 4] particulières de ce service public, le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues faisant seulement état de la facilité du contrôle par Monsieur X. alors qu'il est constant que le syndicat a lui-même accès directement au regard contenant le compteur sur lequel il s'est réservé l'intégralité des possibilités d'intervention ;
Que les clauses susdites présentent ainsi le caractère d'une clause abusive au sens des dispositions d'ordre public de l'art. L. 132-1 C. consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 et étaient, dès lors, illégales dès leur adoption ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Attendu que le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues qui succombe sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues à payer à Monsieur X. la somme de 1.300 euros pour les frais exposés devant la cour en sus de la somme allouée en première instance sur le même fondement ;
Condamne le Syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP AGUIRAUD & NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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