CA DIJON (1re ch. civ.), 13 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3758
CA DIJON (1re ch. civ.), 13 mars 2012 : RG n° 11/00352
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le dépassement du découvert contractuel, à le supposer établi, ne peut pas s'analyser comme une défaillance de l'emprunteur dès lors qu'il provient d'une demande de déblocage d'une nouvelle fraction du crédit, demande acceptée par l'organisme de crédit qui, prenant en compte le nouveau découvert, réévalue le montant des échéances réclamées à son client, lequel en assure le paiement sans incident ni contestation. En l'espèce, il ressort de l'historique produit que, le 8 avril 2003, Monsieur X. a accepté une offre portant sur un découvert maximum autorisé de 10.000 euros, et sur un « découvert utile » de 2.286,74 euros, les mensualités étant fixées à 114,33 euros ; […] le compte n'a plus fonctionné jusqu'au 28 janvier 2008, date à laquelle un financement de 7.500 euros a été accordé ; […] L'octroi d'un crédit de 7.500 euros ne peut pas dans ces conditions être qualifié d'incident de paiement. »
2/ « Par contre, les dispositions contractuelles prévoyaient (article II-3) que l'augmentation du découvert utile ne pouvait « résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et (devait) faire l'objet d'une demande spécifique ». Or, la société NATIXIS ne justifie aucunement d'une demande spécifique de Monsieur X. en ce sens. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, une telle clause, qui dispense la société de crédit d'émettre une nouvelle offre préalable lorsqu'elle octroie un nouveau crédit sous forme d'augmentation du découvert utile, est réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il en résulte que, le 28 janvier 2008, la société NATIXIS FINANCEMENT a accordé à Monsieur X. un crédit au mépris des dispositions de l'ancien article L. 311-8 du code de la consommation alors applicable, et encourt la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'ancien article L. 311-33 du même code. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 13 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00352. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 10 SEPTEMBRE 2010, rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DU CREUSOT : RG 1ère instance n° 11-10-295.
APPELANTE :
SA NATIXIS FINANCEMENT
ayant son siège [adresse], représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE TRANCHAND ET SOULARD, avoués à la COUR ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par Maître Isabelle MOULIN, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse], non comparant, non représenté
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame JOURDIER, Présidente et Monsieur LECUYER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Madame JOURDIER, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport, Madame VAUTRAIN, Conseiller, Monsieur LECUYER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DETANG,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le 8 avril 2003, la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT, aujourd'hui dénommée NATIXIS FINANCEMENT, accorde à Monsieur X. une ouverture de crédit en compte utilisable par fractions assortie d'une carte de crédit pour un montant de découvert autorisé maximum de 10.000 euros remboursable par mensualités et à un taux d'intérêts conventionnel variant selon le découvert utilisé.
Les mensualités cessant d'être honorées, la société NATIXIS FINANCEMENT prononce la déchéance du terme et met Monsieur X. en demeure de lui payer la somme de 9.547,58 euros par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2009.
Par acte d'huissier du 18 mai 2010, la société NATIXIS FINANCEMENT assigne Monsieur X. en condamnation au paiement de la somme principale de 9.539,42 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,88 % l'an à compter du 20 octobre 2009, outre celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Par jugement du 10 septembre 2010, le Tribunal d'Instance du CREUSOT constate que l'action engagée par la société NATIXIS FINANCEMENT est atteinte par la forclusion et déclare en conséquence irrecevables ses demandes.
La société NATIXIS FINANCEMENT fait appel par déclaration reçue au greffe le 21 février 2011.
Par conclusions déposées le 18 mai 2011, elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, et de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 9.539,42 euros outre intérêts au taux contractuel sur la somme de 8.894,14 euros et au taux légal sur la somme de 645,28 euros. Elle demande d'autre part que soit ordonnée la capitalisation des intérêts dans les conditions prescrites par l'article 1154 du code civil, et l'allocation de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré que, dès lors que le montant du dépassement du découvert convenu à l'ouverture (2.286,74 euros) était dépassé, cet événement constituait le point de départ du délai biennal de forclusion sans tenir compte des dispositions contractuelles autorisant l'emprunteur à tirer sur son compte dans la limite du montant du découvert autorisé de 10.000 euros qui n'a jamais été dépassé. Elle soutient que l'accord des parties concernant l'augmentation du découvert dans la limite de 10.000 euros s'est manifesté par la demande formulée par l'emprunteur et le financement assuré par le prêteur engendrant des mensualités dues à l'occasion de chaque nouveau financement.
Elle soutient qu'il convient de distinguer le découvert maximum autorisé du découvert utile qui ne constitue qu'une fraction initiale de l'autorisation de découvert.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, la sanction du manquement à l'obligation d'établir une offre préalable de crédit est la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation.
Elle rappelle que Monsieur X. a été destinataire chaque année de lettres de reconduction de son contrat, et soutient enfin que seule la première mensualité restée impayée constitue le point de départ du délai de forclusion.
Assigné à personne par acte du 26 mai 2011, Monsieur X. ne comparaît pas.
L'ordonnance de clôture est rendue le 20 juin 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Par application de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Est défaillant l'emprunteur qui ne respecte pas ses obligations, lesquelles consistent à payer au terme prévu les échéances en principal et intérêts telles que fixées au contrat.
Le dépassement du découvert contractuel, à le supposer établi, ne peut pas s'analyser comme une défaillance de l'emprunteur dès lors qu'il provient d'une demande de déblocage d'une nouvelle fraction du crédit, demande acceptée par l'organisme de crédit qui, prenant en compte le nouveau découvert, réévalue le montant des échéances réclamées à son client, lequel en assure le paiement sans incident ni contestation.
En l'espèce, il ressort de l'historique produit que, le 8 avril 2003, Monsieur X. a accepté une offre portant sur un découvert maximum autorisé de 10.000 euros, et sur un « découvert utile » de 2.286,74 euros, les mensualités étant fixées à 114,33 euros ; que si, à compter du 25 janvier 2005 le solde dû a dépassé la somme de 2.286,74 euros, cette situation a été régularisée le 19 mai 2006 au moyen d'un chèque excédant même le solde dû ; que le 20 juillet 2006, la société a restitué à Monsieur X. la somme de 271,62 euros, et que le compte n'a plus fonctionné jusqu'au 28 janvier 2008, date à laquelle un financement de 7.500 euros a été accordé ; que la société NATIXIS a alors prélevé sans difficulté ni opposition de Monsieur X. des mensualités de 302,33 euros les 15 mars, avril, mai et juin 2008. Ce n'est qu'à partir de l'échéance du 15 juillet 2008 que les incidents de paiement se sont multipliés et n'ont pas été régularisés, justifiant la déchéance du terme prononcée le 29 octobre 2009. L'octroi d'un crédit de 7.500 euros ne peut pas dans ces conditions être qualifié d'incident de paiement.
Il ressort de l'historique du compte que la première échéance impayée non régularisée est en date du 15 juillet 2008. L'assignation ayant été délivrée le 18 mai 2010, c'est à tort que le premier juge a déclaré forclose l'action engagée par la société NATIXIS FINANCEMENT.
Par contre, les dispositions contractuelles prévoyaient (article II-3) que l'augmentation du découvert utile ne pouvait « résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et (devait) faire l'objet d'une demande spécifique ». Or, la société NATIXIS ne justifie aucunement d'une demande spécifique de Monsieur X. en ce sens.
Par ailleurs, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, une telle clause, qui dispense la société de crédit d'émettre une nouvelle offre préalable lorsqu'elle octroie un nouveau crédit sous forme d'augmentation du découvert utile, est réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il en résulte que, le 28 janvier 2008, la société NATIXIS FINANCEMENT a accordé à Monsieur X. un crédit au mépris des dispositions de l'ancien article L. 311-8 du code de la consommation alors applicable, et encourt la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'ancien article L. 311-33 du même code.
L'historique du compte fait apparaître au débit deux utilisations à hauteur respectivement de 7.500 euros le 28 janvier 2008, et 600 euros le 24 juin 2008, soit au total 8.100 euros et des remboursements pour un total de 1.843,77 euros, soit un solde restant dû de 6.256,23 euros.
Monsieur X. est également tenu au paiement de l'indemnité contractuelle égale à 8 % du capital restant dû, soit 500,50 euros.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de mise en demeure de payer, soit du 24 octobre 2009.
Il ne peut enfin qu'être fait droit à la demande de capitalisation des intérêts formulée pour la première fois par la société NATIXIS dans ses écritures du 21 février 2011.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du Tribunal d'Instance du CREUSOT en date du 10 septembre 2010.
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de la société NATIXIS FINANCEMENT.
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Condamne Monsieur X. à payer à la société NATIXIS FINANCEMENT la somme principale de 6.256,23 euros au titre du solde du crédit et celle de 500,50 euros au titre de l'indemnité contractuelle, outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2009.
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société NATIXIS FINANCEMENT de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens.
Le greffier Le président
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