CA DIJON (1re ch. civ.), 27 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3760
CA DIJON (1re ch. civ.), 27 mars 2012 : RG n° 11/01278
Publication : Jurica
Extrait : « Un dépassement du découvert contractuel ne saurait s'analyser en une défaillance de l'emprunteur dans la mesure où il provient d'une demande de déblocage d'une nouvelle fraction du crédit, demande acceptée par l'organisme de crédit qui, prenant en compte le nouveau découvert, a réévalué le montant des échéances réclamées à son client, lequel en a assuré le paiement sans incident ni contestation. […]. L'octroi d'un crédit supérieur à 800 euros mais inférieur à 10.000 euros ne peut pas dans ces conditions être qualifié d'incident de paiement. […].
En revanche, les stipulations contractuelles prévoyaient (article II-3-C) que la fraction disponible du découvert pouvait « évoluer sur demande spécifique ». Or, la société CDGP ne justifie pas avoir reçu de Madame Y. une demande spécifique en ce sens.
Par ailleurs, une telle clause, qui dispense la société de crédit d'émettre une nouvelle offre préalable lorsqu'elle octroie un nouveau crédit sous forme d'augmentation de la fraction disponible du découvert, est réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il en résulte que, le 23 décembre 2005, la société CDGP a accordé à Madame Y. un crédit au mépris des dispositions de l'ancien article L. 311-8 du code de la consommation alors applicable, et encourt la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'ancien article L. 311-33 du même code. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01278. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 26 MAI 2011, rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MACON : R.G. 1ère instance n° 11-11-000194.
APPELANTE :
SA CDGP
ayant son siège social [adresse], agissant poursuites et diligences de son Directeur Général élisant domicile en son centre de gestion clientèle [adresse], représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE TRANCHAND ET SOULARD, avoués à la COUR, ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par Maître Géraldine GRAS-COMTET, avocat au barreau de MACON
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], non représenté,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 janvier 2012 en audience publique devant la Cour composée de : Madame JOURDIER, Président de chambre, Madame VAUTRAIN, Conseiller, Monsieur LECUYER, Conseiller, chargé du rapport sur désignation du président, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme AUBERTIN, Greffière placée
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame AUBERTIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties :
Suivant offre préalable acceptée le 20 septembre 2005, la société CDGP a consenti à Madame Y. une ouverture de crédit utilisable par fractions, dans la limite d'un découvert autorisé à l'ouverture du compte de 800 euros, remboursable moyennant un taux d'intérêt effectif global de 19,44 % l'an.
La déchéance du terme a été prononcée le 23 octobre 2010 suite à la défaillance du débiteur.
Par acte du 17 mars 2011, la société CDGP a assigné Madame Y. en paiement de 8.028,63 euros en principal outre les intérêts au taux de 17,62 % sur la somme de 7.386 euros à compter du 24 décembre 2010 et au taux légal pour le surplus ainsi que 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 mai 2011, le tribunal d'instance de MACON a déclaré la demande principale en paiement de la société CDGP irrecevable comme forclose.
La société CDGP a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 1er juillet 2011.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 septembre 2011, la société CDGP sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de condamner Madame Y. à lui verser 8.028,63 euros en principal outre intérêts au taux de 17,62 % sur la somme de 7.386 euros à compter du 24 décembre 2010 et au taux légal sur le solde outre 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle fait notamment valoir que le montant du découvert maximum autorisé n'a jamais été dépassé et que Madame Y. a utilisé volontairement et sciemment les clauses d'augmentation figurant au contrat en effectuant elle-même certains achats.
Elle soutient que le crédit a donc été effectué conformément aux prévisions contractuelles d'utilisation des fractions de découvert.
La société CDGP a signifié ses conclusions et l'assignation devant la Cour par acte du 3 octobre 2011, lequel a été signifié à la personne de l'intimée.
Madame Y. n'ayant pas constitué avoué dans les délais légalement impartis, il sera statué par décision contradictoire à signifier en application des dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 19 janvier 2012.
La cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu'aux écritures d'appel évoquées ci-dessus.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de l'arrêt :
Il ressort des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Est réputé défaillant l'emprunteur qui ne respecte pas ses obligations consistant à payer au terme prévu les échéances en principal et intérêts ainsi qu'elles ont été contractuellement fixées.
Un dépassement du découvert contractuel ne saurait s'analyser en une défaillance de l'emprunteur dans la mesure où il provient d'une demande de déblocage d'une nouvelle fraction du crédit, demande acceptée par l'organisme de crédit qui, prenant en compte le nouveau découvert, a réévalué le montant des échéances réclamées à son client, lequel en a assuré le paiement sans incident ni contestation.
En l'espèce, il ressort de l'historique du compte versé aux débats que, le 28 septembre 2005, Madame Y. a accepté une offre portant sur un découvert maximum autorisé de 10.000 euros, et sur une « réserve d'achat » de 800 euros, les mensualités étant fixées à 30 euros. Si, à compter du 23 décembre 2005, le solde dû a dépassé la somme de 800 euros, il n'a jamais dépassé celle de 10.000 euros en capital. Ce n'est qu'à partir de l'échéance du 15 janvier 2010 que les incidents de paiement se sont multipliés et n'ont pas été régularisés, justifiant la déchéance du terme prononcée le 23 octobre 2010. L'octroi d'un crédit supérieur à 800 euros mais inférieur à 10.000 euros ne peut pas dans ces conditions être qualifié d'incident de paiement.
Il ressort de l'historique du compte que la première échéance impayée non régularisée est du 15 janvier 2010. L'assignation ayant été délivrée le 17 mars 2011, c'est à tort que le premier juge a déclaré forclose l'action engagée par la société CDGP
En revanche, les stipulations contractuelles prévoyaient (article II-3-C) que la fraction disponible du découvert pouvait « évoluer sur demande spécifique ». Or, la société CDGP ne justifie pas avoir reçu de Madame Y. une demande spécifique en ce sens.
Par ailleurs, une telle clause, qui dispense la société de crédit d'émettre une nouvelle offre préalable lorsqu'elle octroie un nouveau crédit sous forme d'augmentation de la fraction disponible du découvert, est réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il en résulte que, le 23 décembre 2005, la société CDGP a accordé à Madame Y. un crédit au mépris des dispositions de l'ancien article L. 311-8 du code de la consommation alors applicable, et encourt la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'ancien article L. 311-33 du même code.
L'historique du compte fait apparaître au débit à compter du 23 décembre 2005, date du dépassement de « la fraction disponible du découvert », de multiples utilisations à hauteur d'un total de 20.608,69 euros et des remboursements pour un total de 15.840,90 euros, soit un solde restant dû de 4.767,79 euros.
Madame Y. est également tenue au paiement de l'indemnité contractuelle égale à 8 % du capital restant dû, soit 381,42 euros.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de mise en demeure de payer, soit du 27 octobre 2010.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de la société CDGP
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
Condamne Madame Y. à verser à la société CDGP la somme principale de 4.767,79 euros au titre du solde du crédit et celle de 381,42 euros au titre de l'indemnité contractuelle, outre intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2010.
Déboute la société CDGP de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,
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